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10/07/2014 | FRANCE | N°12/02373

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 10 juillet 2014, 12/02373


SG/CD



Numéro 14/02589





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 10/07/2014









Dossier : 12/02373





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[K] [L]



C/



SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 45...

SG/CD

Numéro 14/02589

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 10/07/2014

Dossier : 12/02373

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[K] [L]

C/

SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 Juillet 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Mai 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Monsieur SCOTET, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [K] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/04936 du 24/10/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représentée par Maître FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES

INTIMÉE :

SARL LES FLOCONS PYRENEENS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître DUCRUC NIOX de la SELARL DUCRUC NIOX, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 25 JUIN 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE TARBES

RG numéro : F 11/00039

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame [K] [L] a été engagée par la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS, qui exploite une chocolaterie-pâtisserie, à compter du 15 juillet 1998 par contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de vendeuse, coefficient 120 de la convention collective nationale de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (détaillants fabricants).

Le 25 novembre 2010, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie, prolongé le 26 janvier 2011.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 janvier 2011, Madame [K] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Par requête en date du 8 février 2011, Madame [K] [L] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Tarbes pour, au terme de ses dernières demandes de première instance, selon le jugement : qu'il soit dit que la rupture soit imputée à l'employeur et qu'il soit constaté qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'employeur soit condamné à lui payer : 3.555,44 € au titre de l'indemnité de préavis ; 355,54 € au titre de l'indemnité de congés payés sur le préavis ; 5.036,87 € au titre de l'indemnité de licenciement ; 1.777,72 € au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure ; 10.666,32 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; 10.276,98 € au titre des heures supplémentaires ; 442,06 € au titre du remboursement du coût des actes d'huissier de justice ; 10.666,32 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement ; 1.500 € au titre des frais irrépétibles.

À défaut de conciliation le 26 mai 2011, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par décision du 24 novembre 2011 s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 25 juin 2012, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le Conseil de Prud'hommes de Tarbes (section industrie), statuant en formation de départage a :

Vu les articles L. 3171-4, L. 1152-1 à 5, L. 1154-1 du code du travail,

- condamné la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS à payer à Madame [K] [L] la somme de 609,44 € au titre des heures supplémentaires,

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Madame [L] emporte les conséquences de la démission,

- débouté en conséquence Madame [K] [L] pour le surplus,

- débouté la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS de ses demandes,

- condamné Madame [K] [L] aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 5 juillet 2012 Madame [K] [L], représentée par son conseil, a relevé appel du jugement.

La contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts a été régulièrement acquittée par timbre fiscal de 35 € dématérialisé numéro 1265 3854 9021 8309.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Madame [K] [L], par conclusions écrites, déposées le 30 août 2012, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- dire que la prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle, ni sérieuse,

- condamner en conséquence la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS à payer à la concluante (3.555,44 € + 355,54 € + 5.036,87 € + 10.666,32 € + 609,44 €) = 20.223,61 €.

- dire que l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement moral envers la concluante,

- condamner en conséquence celui-ci à payer à la concluante 10.666,32 € de dommages intérêts,

- condamner l'employeur à rembourser à la concluante les 442,06 € d'actes d'huissier nécessaires et utiles à la cause, outre à payer 2.000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Madame [K] [L] fait valoir, en substance, que :

Sur la prise d'acte de la rupture :

- elle reproche à son employeur 3 manquements graves à ses obligations : avoir exigé des heures supplémentaires ni déclarées, ni payées ; ne pas avoir organisé la visite médicale de reprise ; avoir imposé des modifications substantielles au contrat de travail immédiatement ;

- la preuve de 52 heures supplémentaires résulte du courrier du 22 décembre 2010 que l'employeur lui a adressé ; en plus de ses heures elle effectuait tous les jours des dépassements d'horaire d'une demi-heure ;

- alors que son absence pour maladie a duré plus de 21 jours l'employeur n'a pas organisé dans les 8 jours la visite de reprise ;

- alors que depuis 12 ans, elle était engagée comme vendeuse pour travailler dans l'établissement de [Localité 2] où elle se rendait à bicyclette depuis son village, le 25 janvier 2011, l'employeur lui a commandé désormais d'aller travailler certains jours dans le magasin de [Localité 3], ce qui lui posait des problèmes insolubles de trajet.

Sur le harcèlement :

- elle considère qu'est constitutif d'un harcèlement moral le fait que l'employeur : l'oblige à effectuer des heures supplémentaires sans la déclarer et sans les payer ; lui demande en arrêt de travail pour cause de maladie de venir malgré tout à l'entreprise ; se permettre d'avancer que pendant les fêtes de fin d'année elle va « se saouler la gueule » ; la mette en congés sitôt la reprise sans visite de reprise médicale ; l'oblige à changer son horaire, son activité et son lieu de travail malgré ses problèmes de locomotion ; retienne indûment des indemnités journalières versées par la CPAM ; refuse de verser le solde de tout compte.

La SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS, par conclusions écrites, déposées le 9 mai 2014, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu le 25 juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes de Tarbes,

- confirmer que la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée en date du 27 janvier 2011, en l'absence de toute faute de la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS , doit s'analyser en une démission,

- par voie de conséquence, débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que si, par extraordinaire, la Cour devait faire droit à la demande de Madame [L] sur sa demande de règlement d'heures supplémentaires sur la base de quatre heures par semaine sur trois mois, il lui sera alloué un montant de 562,56 € (4 h x 4 = 16 h x 3 = 48 h x 11,72),

- condamner reconventionnellement Madame [L] à la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 1382 et suivants du Code civil au titre des différents chefs de préjudice subi par la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS,

- condamner Madame [K] [L] à la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS fait valoir, en substance, que :

Sur le harcèlement :

- Madame [K] [L] ne démontre pas des faits de harcèlement ; en considération de son état de santé dû à ses relations familiales, la salariée bénéficiait de la part de l'employeur, petite entreprise familiale, d'aménagement extrêmement favorable dans l'exécution de son travail ;

- alors qu'elle était rémunérée sur la base d'un temps complet, elle n'accomplissait en réalité un travail effectif que sur la base d'un temps partiel.

Sur la rupture du contrat :

- la salariée ne verse aucune pièce aux débats démontrant qu'elle a effectué des heures supplémentaires non payées, ni déclarées ; la somme de 609,44 € prononcée par le Conseil de Prud'hommes pour les quatre heures supplémentaires par semaine a été réglée par courrier du 30 juillet 2012, alors qu'il s'agissait non de trois mois, mais de trois semaines et que la somme due était de 140,64 € ; la salariée était rémunérée sur la base d'un temps complet alors qu'elle n'effectuait en réalité qu'un temps partiel, variable selon les mois ;

- la salariée pouvait reprendre son activité professionnelle le 17 janvier 2011, et a pris ses congés payés d'hiver jusqu'au 24 janvier comme elle le faisait depuis de nombreuses années ; ayant été placée en arrêt de travail du 25 janvier au 6 février, la visite organisée le 25 janvier a été annulée et une deuxième visite n'a pu être organisée ;

- la salariée n'a jamais notifié à l'employeur le fait qu'elle souhaitait mettre en place la subrogation en matière d'indemnités journalières et ce n'est qu'au mois de mars 2011 que les parties ont eu connaissance du fait que la société avait été créditée des indemnités journalières pour la somme de 847,85 € ;

- les parties n'en étaient qu'au stade des pourparlers pour un aménagement du lieu et des heures de travail et rien n'a été imposé à la salariée ; s'agissant des horaires de travail, il était précisé que le temps de trajet était décompté comme du temps de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués, suffisamment graves, la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Madame [K] [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception du 27 janvier 2011 ainsi rédigée :

« J'ai été embauchée par votre Société depuis 12 ans en qualité de vendeuse dans votre magasin de [Localité 2].

Je n'ai suscité aucun avertissement ou reproche pendant ce temps, preuve que j'accomplissais correctement mon travail.

Cela dit, depuis quelques mois, je suis victime de pressions et harcèlement de votre part afin de m'obliger à quitter mon emploi ou à accepter des modifications substantielles de celui-ci.

Ce comportement se double d'irrespect grossier à vos obligations.

Alors que mon contrat de travail stipule clairement et précisément les horaires et jours de travail, et qu'aucun avenant n'est intervenu depuis pour les modifier, vous avez exigé que je débute ma journée à 8 heures 30 au lieu des 9 heures prévus, sans que cela soit le moins du monde déclaré.

J'ai accepté, bien que non rémunérée pour ce surcroît de travail.

Dans le même temps, vous n'avez eu de cesse de me harceler en me rendant la vie impossible. Le summum a été atteint lorsque vous m'avez adressé le courrier du 22 décembre 2010, où vous me faites passer pour une femme déséquilibrée, alcoolique, et ayant des difficultés relationnelles avec tout le monde...

J'ai pris acte de cette nouvelle anomalie par lettre recommandée avec avis de réception du 20 janvier 2011.

A l'issue de celle-ci soit le 24 janvier 2011, je me suis présentée à l'Entreprise et j'ai assuré mon travail dans la matinée.

A midi, Madame [S] [T] m'a remis un document manuscrit changeant et mes horaires, et mon lieu de travail, et ma fonction, et ce sans mon assentiment.

Dès l'après-midi, Madame [T] reconnaissait être l'auteur de cette note devant l'huissier que j'avais requis.

Ce comportement anormal me conduit à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et griefs exclusifs, dès lors que vous ne respectez pas les obligations vous incombant. ».

La salariée invoque donc, à l'appui de sa prise d'acte : le fait de subir des pressions et un harcèlement de la part de l'employeur d'une part, pour l'obliger à modifier son emploi ou le quitter, et d'autre part, en portant atteinte à son honneur (la faire passer pour une femme déséquilibrée et alcoolique) ; le non-respect par l'employeur de ses obligations d'une part, en ne lui payant pas les heures supplémentaires (le surcroît de travail non rémunéré) et d'autre part, en changeant ses horaires, son lieu de travail et sa fonction sans son consentement.

A ces griefs, la salariée ajoute, par conclusions écrites, l'absence d'organisation par l'employeur dans les huit jours d'une visite médicale de reprise, ainsi que : le fait qu'elle a travaillé pendant son arrêt maladie ; la retenue, par l'employeur, de ses indemnités journalières ; et enfin, le refus de lui verser le solde de tout compte.

Sur le contrat de travail :

Madame [K] [L] a été engagée par la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 15 juillet 1998, en qualité de vendeuse, coefficient 120, en contrepartie d'une rémunération de 6.797,18 francs pour un horaire mensuel de 169 heures (article 5).

L'article 6 du contrat « obligations » stipule que la salariée s'engage expressément « à respecter l'horaire de travail affiché dans l'entreprise, toutefois votre horaire de travail pourra être modifié en fonction des besoins de l'entreprise en période de haute et basse saison, tout en conservant un temps complet mensuel » et précise, dans un tableau, les horaires de travail suivants : repos le dimanche et lundi ; puis pour chacun des jours, les mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : de 9 heures à 12 heures et de 15 heures à 19 heures.

Il convient de constater que le contrat stipule (article 5) que la salariée est rémunérée sur la base d'un horaire mensuel de 169 heures, mais précise également (article 6) les horaires de travail dont le total hebdomadaire est de 35 heures, soit un horaire mensuel de 151,67 heures, et que, de fait, les différents bulletins de salaire produits portent mention d'un horaire de base 151,67 heures, et ce, en tout cas, depuis le mois de novembre 2007, bulletin de salaire le plus ancien produit, horaire mensuel contractuel de 151,67 heures non contesté par les parties.

Sur les heures supplémentaires :

Il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, que le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Madame [K] [L] prétend qu'il lui est dû, au titre des heures supplémentaires : 52 heures effectuées en remplacement de Madame [T], hospitalisée ; une demi-heure par jour pour chaque jour de la semaine sur 5 ans soit 649,50 heures.

Sur les 52 heures, la salariée se borne à produire le courrier que lui a adressé le 22 décembre 2010 l'employeur et qu'elle considère constituer la preuve de la réalisation des heures revendiquées. Le passage de ce courrier sur lequel elle appuie sa demande, est ainsi rédigé : « cet été, lorsqu'elle (la s'ur de l'employeur, Madame [S] [T]) a subi une opération qui nécessitait un mois de repos total, elle est revenue travailler au bout de 10 jours, en passant voir si tout allait bien, elle sentait bien que tu n'étais pas contente de travailler quelques heures de plus (tu étais débordée car il fallait faire 4 heures de plus par semaine). Ne voulant pas te savoir « mal lunée » au magasin elle est donc revenue ».

L'employeur fait valoir qu'il ressort de ce courrier que ce remplacement et ces quatre heures supplémentaires par semaine n'ont donc duré que trois semaines puisque Madame [T], qui faisait l'objet d'un arrêt pour un mois, a repris son travail au bout de 10 jours.

Le fait que Madame [T] devait faire l'objet d'un repos pour un mois et qu'elle a repris son travail après 10 jours d'absence n'est pas contesté par Madame [K] [L] qui ne produit aucun élément de nature à étayer sa demande de paiement de quatre heures supplémentaires pendant trois mois, de sorte qu'il y a lieu de dire que lui était due la somme de 175,81 € (12 h x 11,7210 x 25 %).

Sur la demi-heure supplémentaire réalisée chaque jour, non rémunérée, la salariée ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation, qui n'est donc pas étayée, alors que l'employeur produit un procès-verbal de constat d'huissier qui fait état de ce qu'il a eu communication des calendriers, par l'employeur, de l'année 2010 sur lesquels il a pu constater que la salariée avait rajouté elle-même les demi-heures, mais que le décompte faisait apparaître que les horaires mensuels étaient toujours inférieurs au seuil de 151,67 heures.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire établie la seule réalité de 12 heures supplémentaires pendant l'été 2010 pour la somme totale de 175,81 €.

Sur la visite médicale de reprise :

Il ressort des pièces versées aux débats que Madame [K] [L] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 21 novembre 2010 qui a pris fin au 16 janvier 2011, qu'elle a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail à compter du 25 janvier 2011 jusqu'au 6 février 2011, et selon l'attestation du médecin du travail en date du 31 janvier 2011, la visite médicale de reprise du travail après maladie était fixée au mardi 25 janvier 2011 mais a été annulée en raison de la prolongation de l'arrêt de travail de la salariée.

Il est établi que la salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail pendant plus de 21 jours, de sorte que sa reprise était subordonnée à une visite médicale de reprise par le médecin du travail.

L'employeur fait valoir que la salariée n'a pas repris son travail car à la suite d'une conversation téléphonique avec Madame [T] (conclusions écrites pages 16/22) elle a pris ses congés payés d'hiver jusqu'au 24 janvier.

Il ressort également du procès-verbal d'huissier de justice dressé le 25 janvier 2011, à la requête de Madame [K] [L], que celle-ci s'est présentée sur son lieu de travail le 25 janvier, que l'huissier a rencontré Madame [T] à qui il a indiqué que Madame [L] se présentait à son poste de travail conformément à son contrat de travail, ce à quoi Madame [T] lui a répondu que « Madame [L] est en repos, et peut donc se retirer ».

Il y a donc lieu de constater que la salariée a été placée en congés payés, alors que son contrat de travail était toujours suspendu du fait de l'absence de visite médicale de reprise, que lorsqu'elle s'est présentée le 25 janvier 2011 sur son lieu de travail, pour reprendre son travail dans les conditions prévues au contrat, il n'a pas été fait état de cette convocation de la médecine du travail ce même jour et que le représentant de l'employeur l'a, de sa propre initiative, placée en repos en violation d'une part du contrat de travail, qui ne prévoyait pas de repos hebdomadaire ce jour-là, et d'autre part, de l'obligation qui pèse sur l'employeur de faire bénéficier le salarié d'une visite médicale de reprise lorsqu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail de plus de 21 jours en application de son obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité de ses salariés.

Sur les modifications du contrat de travail :

Il ressort des pièces versées aux débats, et notamment du procès-verbal de constat dressé à la requête de Madame [K] [L] par huissier de justice le 25 janvier 2011, que ce jour-là Madame [T] a remis à la salariée, en fin de matinée (procès-verbal page 5), 2 fiches manuscrites, rédigées par elle-même portant mentions de nouveaux horaires de travail.

Ainsi, sur la première fiche sont indiquées les mentions suivantes :

« lundi (9 h - 12 h 30) (15 h - 19 h 30) vente et conditionnement [Localité 4].

Mardi 9 h - 12 h - [Localité 2] conditionnement.

Mercredi, jeudi - Repos.

Vendredi 9 h 12 h - Conditionnement [Localité 2]

(14 h 30 - 19 h 30) [Localité 4] - Vente et conditionnement.

Samedi, dimanche (9 h - 12 h 30) - Vente et conditionnement [Localité 4].

Pour les horaires de [Localité 4], 1 h est comptée par jour pour le trajet.

Horaires de [Localité 4] : matin (9 h 30 - 12 h 30) (15 h - 19 h) hors congés scolaires ».

Sur la deuxième fiche sont indiquées les mentions suivantes :

« congés scolaires.

Lundi (9 h - 12 h 30) (14 h 45 - 20 h) vente et conditionnement [Localité 4].

Mardi, mercredi, jeudi - Repos.

Vendredi, samedi, dimanche

(9 h - 12 h 30) (14 h 45 - 20 h) vente et conditionnement [Localité 4].

En saison le magasin de [Localité 4] est ouvert tous les jours de (9 h 30 - 12 h 30) (14 h 45 - 19 h 30).

1 h par jour est comptée pour faire les trajets ».

Le fait de remettre à la salariée le 25 janvier 2011, au matin, ces nouveaux horaires, sous cette forme là, caractérise d'une part, la reprise du travail par la salariée malgré l'absence de la visite médicale de reprise par le médecin du travail, car, à supposer que la salariée ait été avisée de cette visite, ce qui n'est pas démontré, cette visite n'avait pas encore eu lieu de sorte que l'employeur ne pouvait préjuger de l'avis qui serait rendu par le médecin du travail quant à la reprise par la salariée de son travail, ou non, et d'autre part, de la modification des horaires et lieux de travail de Madame [K] [L] avec effet immédiat.

En effet, l'employeur prétend qu'il ne s'agissait que de pourparlers pour un aménagement du lieu et des heures de travail et que rien n'avait été imposé à la salariée.

Mais, aucune mention dans ces deux fiches ne permet de considérer qu'il s'agissait d'une proposition, et son auteur, Madame [T], n'a rien déclaré de tel à l'huissier de justice.

Or, la modification du lieu de travail, mais surtout des horaires et des jours de travail, constitue une véritable modification du contrat de travail dans la mesure où le fait de placer la salariée en repos les mercredi et jeudi hors périodes de congés scolaires, ou les mardi, mercredi et jeudi pendant les périodes scolaires, et de la faire travailler tous les lundi et dimanche, alors que le contrat de travail prévoyait que les jours de repos hebdomadaire étaient les lundi et dimanche, constitue un bouleversement de l'économie du contrat et donc une modification du contrat soumise à l'accord préalable de la salariée.

L'employeur peut d'autant moins prétendre qu'il s'agissait-là d'une proposition faite à la salariée que ce qu'il lui avait présenté comme trois solutions possibles dans son courrier du 22 décembre 2010 ne recouvraient pas ce qui a finalement été retenu et qui vient d'être décrit.

En tout état de cause, une telle modification du contrat de travail, impliquait que l'employeur soumette à la salariée cette proposition de modification par écrit en lui impartissant un délai de réflexion raisonnable, ce qui n'a manifestement pas été le cas de sorte qu'il y a lieu de dire que l'employeur a unilatéralement modifié le contrat de travail.

Concernant le harcèlement moral :

Il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1154-1 du code du travail, qu'il incombe au salarié qui se prétend victime d'un harcèlement moral d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence de ce harcèlement caractérisé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits de salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses actes et décisions sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

S'agissant des faits invoqués comme faits constitutifs de harcèlement moral, les faits relatifs aux heures supplémentaires pendant l'été 2010, à la reprise du travail sans visite préalable par le médecin du travail et à la modification du contrat de travail sont, ainsi qu'il a été dit précédemment, établis.

Il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la retenue des indemnités journalières :

Madame [K] [L] ne s'explique pas véritablement sur le grief fait à l'employeur d'avoir indûment retenu des indemnités journalières qui lui avaient été versées par la CPAM.

En effet, si elle produit l'attestation de la CPAM qui fait état de ce que des indemnités journalières ont été versées à l'employeur pour un montant de 847,85 € au titre du mois de février 2011, le bulletin de salaire, de ce même mois, qu'elle produit, porte mention de cette perception de la somme de 847,85 €, mais également mention au crédit de la salariée du maintien de son salaire pendant cette période, de sorte qu'il y a lieu de dire ce grief non établi.

Sur le versement du solde de tout compte :

La salariée se borne à affirmer (conclusions écrites page 9) que l'employeur refuse de lui verser le solde de tout compte et produit la sommation interpellative qu'elle a fait délivrer le 1er avril 2011à l'employeur pour que le chèque de son salaire du mois de février 2011 ainsi que les documents sociaux de rupture soient remis à l'huissier instrumentaire, au motif qu'elle ne pouvait se rendre au siège de la société du fait de son arrêt maladie jusqu'au 1er avril 2011, à quoi l'employeur a notamment répondu qu'il remettait l'ensemble des documents sociaux à l'exception du chèque de salaire du mois de février 2011 qui ne sera remis à la salariée que contre signature du solde de tout compte.

Le reçu pour solde de tout compte est un document obligatoire et l'employeur ne peut valablement subordonner le versement de certaines sommes ou la délivrance de documents liés à la rupture à la signature du reçu. Cependant, il convient de rappeler que le paiement du salaire comme le reçu pour solde de tout compte sont quérables et non portables, de sorte qu'en l'espèce, il ne peut être raisonnablement reproché à l'employeur d'avoir tardé à remettre à la salariée les documents de rupture ou le paiement de son salaire, alors qu'il n'est pas établi qu'elle s'est présentée à l'employeur pour obtenir ces éléments avant de requérir un huissier de justice le 1er avril 2011, et outre le fait qu'il s'agit d'un grief postérieur à la rupture du contrat de travail.

Mais, il demeure que sont établis les faits relatifs aux heures supplémentaires pendant l'été 2010, à la reprise du travail sans visite préalable par le médecin du travail et à la modification du contrat de travail, de tels faits laissant présumer l'existence du harcèlement moral invoqué ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée, susceptible de porter atteinte à ses droits de salariée et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, altération constatée médicalement le 29 janvier 2011 par le Docteur [R] [Y] qui fait état d'une souffrance par des accumulations de contrariétés subies depuis plusieurs années à son travail, dont l'état de santé a nécessité une hospitalisation et par la suite un suivi spécialisé, justifiant un arrêt de travail pour les mêmes raisons, et alors que l'employeur ne prouve pas que ces agissements ont été justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, les diverses attestations produites n'étant pas de nature à rapporter cette preuve, de sorte qu'il y a lieu de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail.

La SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS sera donc condamnée à payer à Madame [K] [L] :

- 3.555,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 355,54 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis ;

- 5.036,87 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 8.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

- 5.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de harcèlement.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame [K] [L] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé le 5 juillet 2012 par Madame [K] [L] à l'encontre du jugement rendu le 25 juin 2012 par le Conseil de Prud'hommes de Tarbes (section industrie), statuant en formation de départage, et l'appel incident formé par la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS,

INFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produit les effets d'un licenciement nul,

CONDAMNE la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS à payer à Madame [K] [L] :

- 175,81 € (cent soixante-quinze euros quatre-vingt-un cents) au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 17,58 € (dix-sept euros cinquante-huit cents) au titre des congés payés y afférents,

- 3.555,44 € (trois mille cinq cent cinquante-cinq euros quarante-quatre cents) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 355,54 € (trois cent cinquante-cinq euros cinquante-quatre cents) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 5.036,87 € (cinq mille trente-six euros quatre-vingt-sept cents) au titre de l'indemnité de licenciement,

- 8.000 € (huit mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail,

- 5.000 € (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de harcèlement,

- 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL LES FLOCONS PYRÉNÉENS aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02373
Date de la décision : 10/07/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°12/02373 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-07-10;12.02373 ?
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