AB/AM
Numéro 14/2230
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 18/06/2014
Dossier : 13/01834
Nature affaire :
Autres demandes relatives à la propriété ou à la possession d'un immeuble ou relevant de la compétence du juge de l'expropriation
Affaire :
[K] [N] [B] [E] [L] épouse [B]
C/
[J] [Y]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 juin 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 31 mars 2014, devant :
Monsieur BILLAUD, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame VICENTE, greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur BILLAUD, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur BILLAUD, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [K] [N] [B]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Madame [E] [L] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3] (28)
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentés et assistés de Maître Jean-Benoît SAINT-CRICQ, avocat au barreau de BAYONNE
INTIME :
Monsieur [J] [Y]
né le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté et assisté de la SCP VIOLANTE - RAYNAL, avocats au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 15 AVRIL 2013
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
Faits et procédure :
Le 3 février 2004, M. et Mme [B] ont acquis une maison d'habitation et trois parcelles de terre cadastrées AM [Cadastre 1] et [Cadastre 5] et AN [Cadastre 2] commune d'[Localité 1] (64).
Ils sont voisins de M. [Y] propriétaire des parcelles cadastrées AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4].
Le 22 juillet 2006 M. [Y] a coupé un platane centenaire de 15 mètres de haut qui semblait implanté sur la propriété de M. et Mme [B] avec l'intention de procéder à l'abattage d'un second platane situé sur leur parcelle AM [Cadastre 1].
Le 22 juillet 2006, dans le cadre d'une sommation interpellative, M. [Y] a reconnu avoir coupé le platane litigieux en invoquant un bornage datant de 1969 qui lui aurait conféré la propriété du terrain sur lequel l'arbre était implanté.
M. et Mme [B] considèrent au contraire, sur le fondement d'un rapport d'expertise de Mme [P], géomètre-expert homologué par jugement du tribunal d'instance de Bayonne en date du 15 juin 2011 que le platane litigieux était sur leur propriété.
Par acte d'huissier en date du 24 août 2011, M. et Mme [B] ont fait assigner M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Bayonne afin d'obtenir sa condamnation à leur payer la somme de 20 000 € en réparation de leur préjudice.
M. et Mme [B] demandaient également que soit constatée l'extinction de la servitude de passage grevant leur parcelle au profit du fonds [Y].
Par jugement en date du 15 avril 2013, le tribunal de grande instance de Bayonne a fait droit à cette demande et a condamné M. [Y] à payer à M. et Mme la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts, a rejeté l'ensemble des autres demandes présentées par les époux [B] tendant à l'annulation ou à la constatation de l'extinction de la servitude de passage grevant leur parcelle AM [Cadastre 1] en faveur des parcelles AM [Cadastre 3] et AM [Cadastre 4], a débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes.
Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 13 mai 2013, M. et Mme [B] ont relevé appel de cette décision.
Moyens et prétentions des parties :
Dans leurs dernières conclusions en date du 4 juillet 2013, M. et Mme [B] demandent à la Cour de réformer la décision déférée et de prononcer l'annulation de la servitude consentie par Mme [H] à M. [Y] par acte authentique du 5 septembre 2003, pour défaut de cause sur le fondement des dispositions de l'article 1131 du code civil et à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article 682 du même code de dire qu'il s'évince de l'acte de propriété du 5 septembre 2003 que la servitude dont bénéficiaient les parcelles AM [Cadastre 3] et AM [Cadastre 4] est désormais éteinte compte tenu de la cessation de l'état d'enclave de la parcelle AM [Cadastre 3] et, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, la condamnation de M. [Y] à leur payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour l'abattage de l'arbre et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 20 août 2013, M. [Y] demande à la Cour de rejeter les demandes présentées par les appelants, sur l'abattage du platane de rejeter leur demande principale et de confirmer en son principe les dispositions du jugement déféré en ramenant à de plus justes proportions c'est-à-dire à l'euro symbolique l'indemnisation réclamée compte tenu de sa bonne foi, sur la demande reconventionnelle relative à la servitude, de débouter les appelants de leur demande et reconventionnellement, de les condamner à supprimer sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de l'arrêt à intervenir, toute plantation ou obstacle empêchant le passage dont il bénéficie sur la parcelle AM [Cadastre 1], tout stationnement sur la
zone grevée de servitude et de condamner les époux [B] à lui payer la somme de 1 € pour préjudice moral, 10 000 € pour procédure et appel abusif, 5 000 € au titre de ses frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2014.
SUR QUOI
Sur l'abattage d'un platane :
Attendu qu'il est définitivement établi par constat d'huissier de Me [S] en date du 22 juillet 2006 et par les propres conclusions de M. [Y] que celui-ci a abattu le platane litigieux mais en considérant qu'au terme d'un bornage de 1969, cet arbre était sur sa propriété ;
Attendu que toute la procédure postérieure, notamment l'expertise du géomètre Mme [P] en date du 24 juin 2010 dont les conclusions ont été admises par les parties et le jugement du tribunal d'instance de Bayonne du 15 juin 2011 qui a définitivement fixé les limites entre leurs propriétés respectives, avec l'accord des deux parties, a démontré qu'effectivement M. [Y] pouvait considérer, avec un bornage irrégulier de 1969, que l'arbre litigieux était sur sa propriété, ce qu'il avait immédiatement dit à l'huissier constatant le 22 juillet 2006 ;
Attendu en effet qu'il a fallu que Mme [P], géomètre-expert, procède, postérieurement à l'abattage de l'arbre, à un calcul à partir de la contenance des parcelles litigieuses telle qu'elle résultait des actes pour parvenir au bornage des propriétés accepté par les parties, ce qui n'avait pas été fait auparavant de manière sérieuse ;
Attendu par conséquent que l'abattage reproché à M. [Y] - qui aurait pu prendre l'avis de ses voisins compte tenu de la valeur de cet arbre implanté en limite des propriétés - ne résulte pas d'un acte impliquant de sa part une intention de nuire à ses voisins ;
Attendu que le préjudice existe puisqu'il a été démontré que cet arbre appartenait à M. et Mme [B], qu'ainsi le premier juge qui en a fixé le montant à la somme de 2 000 € a fait une juste appréciation de celui-ci ; en effet, il s'agit essentiellement d'un préjudice pour privation de jouissance, les époux [B] ne justifiant pas par ailleurs de la valeur de l'arbre ;
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;
Sur la suppression de servitude :
Attendu que M. et Mme [B] demandent à la Cour l'annulation d'une servitude de passage consentie sur leur parcelle AM [Cadastre 1] au profit du fonds de M. [Y] (AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4]) pour défaut de cause de l'obligation d'une part et subsidiairement extinction de la servitude par cessation de l'état d'enclave des parcelles [Y] ;
Attendu qu'en réalité ces deux moyens tendant à la suppression de la servitude repose sur une analyse unique des appelants qui considèrent que les parcelles AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4] de M. [Y] ne sont pas et n'ont jamais été enclavées ;
Attendu qu'il y a donc lieu de rappeler l'origine de la difficulté d'un point de vue juridique :
en effet, il résulte des écritures des parties, des actes authentiques versés aux débats et des conclusions de l'expertise [P] que le titre de propriété des appelants M. et Mme [B], en date du 3 février 2004, ne comporte aucune mention de la servitude litigieuse dont leur fonds (AM [Cadastre 1]) serait débiteur au profit de la propriété [Y] (AM [Cadastre 3], AM [Cadastre 4]) ;
Le titre de propriété de M. [Y] en date du 5 septembre 2003 comporte la mention de constitution d'une servitude de passage sur le fonds servant AM [Cadastre 1] au profit du fonds dominant AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4] dans les termes suivants : "au présent et à l'instant est intervenu M. [W] [B] agissant au nom et pour le compte de Mme [G] [H] (tante des appelants) à l'effet de constituer une servitude réelle et perpétuelle de passage sur la parcelle dont Mme [G] [H] est propriétaire section AM [Cadastre 1] au profit des parcelles vendues au présent cadastrées AM [Cadastre 3] et AM [Cadastre 4] ; cette servitude est constituée afin de permettre à M. [J] [Y] d'accéder à son terrain depuis le chemin [Adresse 2] (') ; ce droit de passage pourra être exercé en tout temps et à toute heure par les propriétaires, les membres de leur famille, employés, tous ayants droit et puis ultérieurement par les propriétaires successifs et avec tout véhicule, le passage devra être libre à toute heure du jour et de la nuit, ne devra jamais être encombré et aucun véhicule ne devra y stationner. Tous les frais d'entretien et de l'assiette de la servitude seront partagés par égale part entre chaque utilisateur' ;
Attendu que les appelants qui contestent donc la cause de cette obligation de servitude à savoir l'état d'enclave des parcelles AM [Cadastre 3] et AM [Cadastre 4] ne contestent cependant pas la réalité de l'intervention à l'acte authentique du 5 septembre 2003 de leur tante Mme [G] [H] représentée par leur parent [W] [B] ;
Attendu par ailleurs qu'il résulte de tous les documents cadastraux, des plans, des travaux de l'expert mais aussi des conclusions des parties que les parcelles AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4] de M. [Y] ne sont pas enclavées puisqu'elles ont manifestement accès au chemin [Adresse 2] ; qu'il en résulte également que les parcelles AM [Cadastre 3] et AM [Cadastre 4] ne sont pas contigues puisqu'elles sont séparées entre elles par la parcelle AM [Cadastre 1] propriété de M. et Mme [B] ;
Attendu en droit que la servitude consentie par Mme [H] sur sa parcelle AM [Cadastre 1] au profit des parcelles AM [Cadastre 3] et [Cadastre 4] vendues à M. [Y] et Melle [U] s'analyse en une servitude conventionnelle librement consentie par le vendeur ;
Attendu par conséquent qu'il résulte de la simple lecture de cette convention que la servitude consentie ne repose pas sur un état d'enclave des parcelles vendues, que par conséquent l'annulation de cette convention pour défaut de cause n'est pas encourue, et que, d'autre part, il est constant en droit que les dispositions de l'article 685-1 du code civil, qui ne vise que l'extinction du titre légal fondant la servitude de passage pour cause d'enclave, laisse en dehors de son champ d'application les servitudes conventionnelles ;
Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter les demandes des appelants tant sur le fondement des dispositions de l'article 1131 du code civil que sur celui des dispositions de l'article 685-1 du même code ;
Attendu que M. [Y] ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif de M. et Mme [B] à son égard qui serait constitué de plantations abusives ou obstacles divers empêchant l'exercice de son droit de passage sur la parcelle AM [Cadastre 1], que de même il ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice moral particulier, qu'il ne rapporte pas plus la preuve d'une procédure abusive de la part de M. et Mme [B] qui ont agi pour la défense de leurs droits dans le contexte qui vient d'être rappelé, que M. [Y] doit donc être débouté de ses demandes reconventionnelles ;
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu toutefois que M. et Mme [B] qui succombent essentiellement devant la Cour doivent être condamnés aux dépens d'appel et à payer à M. [Y] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 avril de 2013 par le tribunal de grande instance de Bayonne,
Rejette les demandes reconventionnelles formées par M. [Y],
Condamne solidairement M. et Mme [B] à payer à M. [Y] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne solidairement aux dépens de la procédure d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Sandra VICENTEFrançoise PONS