AB/AM
Numéro 14/1192
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 28/03/2014
Dossier : 13/00254
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
SCI [Adresse 2]
C/
SELARL [W] [W] & ASSOCIES MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 janvier 2014, devant :
Madame PONS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Monsieur CASTILLON, greffier, présent à l'appel des causes,
Madame PONS, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur BILLAUD, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SCI [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Maître Thierry DE TASSIGNY, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître Corinne LAPORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEES :
SELARL [W] [W] & ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 1]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée et assistée de Maître Philippe VELLE-LIMONAIRE, avocat au barreau de BAYONNE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SELARL TORTIGUE - PETIT - SORNIQUE, avocats au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 05 DECEMBRE 2012
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DAX
Faits et procédure :
La SCI [Adresse 2] est propriétaire d'un immeuble à Dax dont elle a entrepris la rénovation afin d'y aménager deux appartements en faisant appel à la société d'architectes [W] [W] & Associés.
L'architecte [W] [W] a choisi l'entreprise SARL SMAR (Sud Maçonnerie Aménagement Rénovation) pour exécuter ce chantier.
Le permis de construire a été accordé le 6 décembre 2005.
Un marché de travaux a été conclu le 20 mai 2006 entre la SCI [Adresse 2] et la société SMAR pour un montant s'élevant à 194 794,15 €.
Certains travaux ont été réglés directement par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur de maçonnerie, d'autres ont été réglés par l'architecte à cette société SMAR qui abandonnait le chantier en juillet 2006 et se trouvait placée en liquidation judiciaire le 20 avril 2007.
La SCI [Adresse 2] recherche la responsabilité de l'architecte [W] [W], maître d''uvre, afin d'obtenir réparation du préjudice résultant de différents désordres, du retard de livraison et de la nécessité de reprendre les travaux.
Par acte d'huissier en date des 26 et 30 septembre 2008, la SCI [Adresse 2] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dax la société [W] [W] & Associés, architectes associés et son assureur la Mutuelle des Architectes Français (MAF) afin d'obtenir leur condamnation à réparer son préjudice selon évaluation faite par expert.
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 13 novembre 2009, M. [Y] a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 23 novembre 2010.
Par jugement en date du 5 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Dax a débouté la SCI [Adresse 2] de l'ensemble de ses demandes et a condamné cette société à payer à la société [W] [W] & Associés la somme de 10 894,93 € au titre du solde de ses honoraires avec intérêts dans les conditions prévues par l'article 1153-1 du code civil.
Suivant déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 22 janvier 2013, la SCI [Adresse 2] a relevé appel de cette décision.
Moyens et prétentions des parties :
Dans ses dernières conclusions du 24 décembre 2013 réitérées le 27 décembre 2013, la SCI [Adresse 2] demande à la Cour de rabattre l'ordonnance de clôture en date du 20 décembre 2013.
Dans ses dernières conclusions en date du 3 janvier 2014, la société [W] [W] & Associés s'y oppose.
La SCI [Adresse 2] justifie sa demande en considérant qu'il serait nécessaire de produire aux débats un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dax le 4 décembre 2013 concernant la société [W] [W] & Associés.
Toutefois ce jugement qui n'a aucun caractère définitif, ne concerne pas la même cause ni les mêmes parties d'une part et d'autre part, les dernières écritures de l'appelante comportent principalement réponse aux conclusions de la Mutuelle des Architectes Français signifiés le 16 juin 2013.
Par conséquent la SCI appelante ne justifie pas d'une cause grave justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture en date du 20 décembre 2013.
Les prétentions des parties sont donc les suivantes :
Dans ses dernières conclusions en date du 19 avril 2013 la SCI [Adresse 2] demande à la Cour, sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du code civil et au vu du rapport d'expertise, de déclarer recevables et bien fondés son appel et son action en responsabilité à l'égard de la société [W] [W] & Associés et de son assureur, de réformer le jugement déféré et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 254 210,53 € au titre de son préjudice. Elle réclame 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 juin 2013, la société [W] [W] & Associés demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2012 par le tribunal de grande instance de Dax, de débouter la société appelante de l'intégralité de ses demandes et de son appel et de la condamner à lui payer 4 000 € pour ses frais irrépétibles.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 juin 2013, la Mutuelle des Architectes Français demande à la Cour de rejeter les demandes de la SCI [Adresse 2], à titre subsidiaire, le fondement juridique de l'action n'étant pas l'article 1792 du code civil, de limiter la condamnation à intervenir aux termes du contrat d'assurance notamment en ce qui concerne la franchise ; elle réclame 5 000 € pour ses frais irrépétibles.
SUR QUOI
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL [W] [W] & Associés tirée de l'absence de saisine préalable de l'ordre des architectes par le maître de l'ouvrage :
Attendu que si le contrat de maîtrise d''uvre passé avec la SCI [Adresse 2] comporte les signatures des deux parties, en date du 14 juin 2007 en ce qui concerne les articles 1 à 6 dudit contrat, en revanche, le cahier des clauses générales qui y est annexé avec la clause litigieuse, portant la date du 25 mai 2005, n'est pas signé par elles ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge qui a écarté cette fin de non-recevoir ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer la décision déférée sur ce point ;
Au fond,
Attendu que pour justifier le préjudice dont elle demande le paiement au maître d''uvre pour le montant de 254 210,53 €, la SCI [Adresse 2] soutient, sur le seul fondement des dispositions de l'article 1134 du code civil, que cet architecte a, de manière incontestable, été défaillant dans le suivi du chantier comme cela aurait été démontré dans le cadre des opérations d'expertise, que le retard de livraison du chantier de 18 mois lui serait totalement imputable et que ces carences lui ont causé un préjudice à hauteur de :
* 11 029,64 € correspondant à des surfacturations ou des travaux facturés mais non réalisés,
* 8 712,89 € au titre de travaux oubliés dans le marché de base et inclus dans le décompte général,
* 17 946,67 € au titre de travaux indispensables oubliés,
* 10 378,40 € au titre du lot façade surfacturé,
* 56 922,62 € au titre de l'abandon du chantier imputable à la société SMAR placé en liquidation judiciaire,
* 39 607 € au titre de frais de location de logements pour les dirigeants de la SCI,
* 8 913,67 € au titre de frais de garde-meubles,
* 80 000 € pour la baisse de la valeur vénale de l'immeuble,
* et 20 700 € au titre du retard du délai de livraison,
ce qui représente la somme totale de 254 210,53 € réclamée ;
Attendu que les conclusions du rapport d'expertise de M. [Y] du 22 / 23 novembre 2010 ont été prises après établissement d'un pré-rapport et réponses aux 6 dires de la SCI [Adresse 2] ; qu'il en résulte que :
- le marché de travaux initial a été signé le 20 mai 2006 entre la SCI [Adresse 2] et la SARL SMAR, les travaux comprenaient deux phases, la rénovation du commerce du rez-de-chaussée d'une part et la rénovation des étages d'autre part ; le
début des travaux était fixé au 29 mai 2006 avec un achèvement de la première phase le 13 juillet 2006 et de la seconde phase le 31 octobre 2006 ; le chantier a été arrêté suite à la carence de l'entreprise SMAR en juillet 2006 et à son placement en liquidation judiciaire le 20 avril 2007,
- ainsi que cela a déjà été rappelé, le contrat d'architecte a été passé le 14 juin 2007, M. [W] s'est alors chargé de contacter de nouvelles entreprises et a procédé à une deuxième ouverture du chantier le 5 juillet 2007, les travaux qui devaient se terminer le 5 décembre 2007 ont été réceptionnés le 19 mai 2008,
- lors de la réunion d'expertise du 21 janvier 2010, l'expert et les parties ont constaté qu'il n'y avait aucun désordre sur les deux appartements,
- l'expert a considéré que, dans ce contexte, le retard de 5 mois ne paraissait ni anormal ni exorbitant ; que si des retards devaient être pris en compte, le préjudice global serait de 5 750 € pour cinq mois eu égard à la valeur locative des appartements dont le coût a très peu évolué ; le préjudice relatif à la baisse de valeur vénale chiffré à 23 500 € ne peut pas se cumuler avec le préjudice locatif subi au titre du retard de chantier ; il y a eu des frais supplémentaires de location estimés à 4 000 €, des frais supplémentaires de garde-meubles à 800 €, le préjudice au titre de l'augmentation du coût global de l'opération porte sur la somme de 33 818 € générée par des travaux supplémentaires, le changement d'entreprise de gros 'uvre, la lourdeur de certains travaux de rénovation, le raccordement au réseau se chiffre à 8 355 € et le coût des travaux supplémentaires serait de 18 300 € ; ils sont considérés comme normaux par l'expert eu égard à l'ancienneté de l'immeuble et à la nature des travaux réalisés ;
Attendu qu'il convient de rappeler compte tenu de sa mission initiale qui était de vérifier les désordres, malfaçons, inachèvement de travaux allégués par la SCI [Adresse 2] que l'expert a formellement conclu après une analyse détaillée de chaque poste que tous les travaux avaient été faits et qu'il n'y avait plus aucun désordre, que toutes les réserves avaient été levées et que, de ce fait, de nombreux points de sa mission devenaient sans objet ;
Attendu que l'expert a rappelé à juste titre que les contrats passés avec les entreprises de travaux, sous le contrôle du maître d''uvre, ne prévoyaient aucune durée d'exécution, qu'en ce qui concerne les conventions passées pour la reprise des désordres, elles ne prévoyaient aucun délai ;
Attendu que l'expert qui a constaté un retard de livraison de 5 mois a conclu au caractère normal d'un tel retard, qu'en outre, la Cour peut constater qu'aucune disposition contractuelle ne permet d'imputer ce retard à faute à l'architecte [W] [W] ; qu'il est important de rappeler à cet égard que, dans le contexte de la reprise d'un chantier de rénovation lourde, insuffisamment évalué par la société SMAR, les entreprises choisies par le maître d''uvre [W] [W] ont finalement délivré des travaux totalement exempts de désordres ou malfaçons, ce qui a entraîné la levée de toutes les réserves par le maître de l'ouvrage ;
Attendu qu'il en résulte que le maître de l'ouvrage ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice occasionné par un retard de livraison du chantier imputable au maître d''uvre [W] [W] ;
Attendu que le maître de l'ouvrage ne saurait reprocher au maître d''uvre le retard consécutif au dépôt de bilan de l'entreprise de maçonnerie SMAR avec laquelle la SCI [Adresse 2] avait initialement contracté ;
Attendu que la SCI [Adresse 2] ne rapporte pas la preuve d'une faute quelconque de l'architecte dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles ;
Attendu que c'est à juste titre que l'architecte a rappelé qu'après la défaillance de cette entreprise et à sa liquidation judiciaire, il a fallu refaire tout le travail d'état des lieux et lancer de nouveaux appels d'offres, ce qui a nécessairement un coût ;
Attendu qu'en ce qui concerne les différences alléguées par le maître de l'ouvrage dans les comptes généraux qui correspondraient soit à des surfacturations soit à des travaux facturés mais non réalisés, l'expert a relevé que la SCI maître de l'ouvrage ne précisait en aucune façon la nature des travaux dont il s'agit, qu'il n'est pas démontré que des travaux supplémentaires aient été indûment mis à la charge de cette société civile ; qu'en outre, les conclusions de l'expert concernant la qualité de l'achèvement des travaux et l'absence de réserves démontrent que tous les travaux prévus ont été réalisés de sorte que la réclamation de la SCI de ce chef ne saurait prospérer ;
Attendu qu'il y a donc lieu de débouter la SCI [Adresse 2] de l'ensemble de ses demandes ;
Sur la demande de paiement d'honoraires présentée par l'architecte :
Attendu qu'il est constant que le montant des honoraires de la société d'architectes [W] s'élève à la somme de 14 223,60 € TTC soit 9 % du montant final des travaux réellement effectués, que la SCI [Adresse 2] qui conteste devoir quelque somme que ce soit n'a cependant réglé qu'une somme de 4 884,06 € HT à titre d'acompte ce qui fait 5 152,68 TTC, qu'il s'ensuit qu'elle reste redevable de la somme de 9 070,92 € dont il convenait de déduire un trop-perçu de TVA sur acompte précédent de 688,65 € ; que par conséquent la note d'honoraires n° 2 pour solde du montant de 8 382,27 € est due ; le paiement de cette somme sera ordonné en deniers ou quittances pour éviter toute difficulté d'exécution à cet égard ;
Attendu que la nouvelle consultation effectuée par la société d'architectes à la suite de la carence de la société SMAR a engendré un coût supplémentaire de 2 467,56 € qui sont dus par le maître de l'ouvrage à l'architecte ;
Attendu par conséquent que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que la SCI [Adresse 2] qui succombe à titre principal doit les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 € à chacun des intimés, la société [W] [W] & Associés et son assureur la Mutuelle des Architectes Français.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la demande de rabat de l'ordonnance de clôture,
Rejette l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 2],
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dax le 5 décembre 2012,
Condamne la SCI [Adresse 2] à payer à la société [W] [W] & Associés et à la Mutuelle des Architectes Français, chacun la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux entiers dépens avec autorisation de recouvrement au profit de la SELARL Tortigue - Petit - Sornique et de la SCP Velle-Limonaire & Décis, avocats, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par M. Castillon, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Marc CASTILLONFrançoise PONS