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13/03/2014 | FRANCE | N°13/01301

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 13 mars 2014, 13/01301


RC/CD



Numéro 14/00935





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 13/03/2014









Dossier : 13/01301





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires















Affaire :



Société CARREFOUR HYPERMARCHÉ



C/



[I] [T]






























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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APRES DÉBAT...

RC/CD

Numéro 14/00935

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 13/03/2014

Dossier : 13/01301

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires

Affaire :

Société CARREFOUR HYPERMARCHÉ

C/

[I] [T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Janvier 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Monsieur SCOTET, Conseiller

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Société CARREFOUR HYPERMARCHÉ anciennement Société SAS SOGARA FRANCE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître VOLLOT-BRUNEAU loco Maître BREGOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [I] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 29 JANVIER 2013

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F 11/00279

FAITS ET PROCÉDURE

Par requête reçue le 17 juin 2011, Mme [T], au titre de son emploi salarié auprès de la société SOGARA, société par actions simplifiée qui gère un magasin à l'enseigne CARREFOUR à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), société devenue depuis CARREFOUR HYPERMARCHÉ, a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bayonne, aux fins d'obtenir une indemnité au titre de l'entretien de sa tenue de travail, la condamnation de l'employeur à lui rembourser avant le 10 de chaque mois les dépenses relatives à cet entretien sous astreinte de 50 € par jour de retard, des dommages-intérêts pour résistance abusive, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 29 janvier 2013, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de Prud'hommes de Bayonne a ainsi statué :

· condamne la SAS SOGARA à payer à Mme [T] la somme de 6.550,60 € à titre d'indemnité représentative des frais d'entretien de sa tenue de travail,

· enjoint la SAS SOGARA France à assurer l'entretien des tenues de travail des demandeurs conformément à l'évolution des textes législatifs et réglementaires, des dotations vestimentaires, leurs coûts et de l'aboutissement de négociations en cours entre partenaires sociaux et employeur par rapport à leur prise en charge,

· déboute Mme [T] de sa demande d'astreinte,

· déboute Mme [T] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de l'employeur,

· condamne la SAS SOGARA France à payer à Mme [T] la somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

· condamne la SAS SOGARA France aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception de son conseil expédiée le 8 mars 2013 et reçue au greffe de la Cour le 11 mars suivant, la société SOGARA devenue depuis la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ a interjeté appel de la décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 20 janvier 2014 pour laquelle les parties ont été convoquées avec proposition d'un calendrier de procédure.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites déposées le 19 septembre 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ demande à la Cour de :

· dire et juger qu'il appartient à l'employeur de fixer les modalités de prise en charge de la tenue de travail fournie ;

· dire et juger que l'entretien des tenues fournies ne nécessite pas un lavage en pressing, mais au contraire un lavage machine ;

· dire et juger que l'indemnisation des salariés doit se faire conformément à l'accord d'entreprise intervenu le 21 décembre 2012, lequel fixe une indemnisation à hauteur de 5 € par mois ;

· dire et juger que les intimés ne démontrent pas avoir engagé un montant supérieur à 5 € par mois pour l'entretien de leur tenue de travail ; qu'ils ne justifient pas des montants qu'ils sollicitent au titre de l'entretien de leur tenue de travail.

En conséquence,

· infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bayonne en date du 29 janvier 2013 en ce qu'il a prononcé des condamnations dont les montants ne sont nullement justifiés ;

· rapporter à 300 € pour 5 ans les sommes allouées au titre de l'entretien de la tenue de travail ;

· confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bayonne en date du 29 janvier 2013 en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société CARREFOUR HYPERMARCHÉ soutient qu'il n'existe aucune obligation légale imposant à l'employeur de prendre en charge l'entretien de la tenue de travail ' hormis l'hypothèse de l'article L. 4122-2 du code du travail ; que la Cour de cassation a « légiféré » en ce sens que l'employeur se devait de prendre en charge l'entretien de la tenue de travail dès lors qu'il la fournissait et que son port était obligatoire ; que la liberté d'entreprendre a rang de principe constitutionnel ; que depuis le 1er janvier 2013, la société appelante, après discussion avec les partenaires sociaux, a mis en place un système d'allocation forfaitaire de prise en charge de l'entretien de la tenue de travail.

Après avoir rappelé les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, 1147 et 1149 du code civil, la société fait valoir que, dans l'exercice de son pouvoir de direction, elle a organisé la prise en charge de l'entretien de la tenue de travail fournie au salarié, laquelle est devenue effective au 1er janvier 2013 ; qu'il s'agit d'une allocation forfaitaire de 5 € par mois versée mensuellement ; qu'aucune organisation syndicale n'a exercé son droit d'opposition à l'encontre dudit accord ; que concernant la période pour laquelle les salariés ont saisi le Conseil de Prud'hommes de Bayonne, à savoir juin 2006-juin 2011, il n'existait aucune obligation générale de prise en charge de l'entretien de la tenue de travail, que ce soit sur le plan légal ou sur le plan conventionnel ; qu'en première instance, les salariés ont justifié les montants - conséquents - sollicités pour l'entretien de leur tenue de travail par la prétendue nécessité d'un nettoyage en pressing ; or, que l'ensemble des vêtements fournis par l'employeur ne nécessite qu'un lavage en machine ; que de même, les salariés ne justifient nullement et conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, des montants sollicités par eux en première instance ; que, quoi qu'il en soit, l'employeur ayant fixé après discussion avec les partenaires sociaux l'indemnisation de l'entretien de la tenue de travail à 5 €/mois, soit 60 €/an ; qu'en réalité l'intégralité des vêtements fournis nécessite un lavage en machine et non en pressing ; que le coût de l'entretien n'excède pas 30,36 €/an.

Par conclusions écrites déposées le 9 janvier 2014 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, Mme [I] [T] demande à la Cour de :

· confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne ;

· condamner la SAS SOGARA France à lui régler une indemnité de 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel et aux dépens de première instance et d'appel.

Mme [T] fait valoir que les salariés affectés à des services vente, caisse, et fabrication, doivent porter des tenues de travail qui leur sont délivrées par leur employeur, en application du règlement intérieur (articles 18 et 16), qui précise que ces vêtements sont sous leur responsabilité et doivent être tenus propres ; que l'employeur refuse toutefois de prendre en charge les frais d'entretien ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que « les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier » ; que chacun des salariés a présenté une demande de paiement d'une indemnité représentant ses frais de nettoyage et d'entretien de ses tenues de travail pour la période non couverte par la prescription quinquennale ; que cette indemnité a été calculée sur la base du nettoyage une fois par semaine de leur tenue de travail pendant une période de cinq ans précédant leur demande devant la juridiction prud'homale.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, est recevable en la forme.

Il est établi, et d'ailleurs non contesté, que Mme [T], comme d'autres salariés de la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ travaillant dans le magasin d'[Localité 3] (Pyrénées-Atlantiques), a obligation de porter une tenue de travail inhérente à son emploi et fournie par l'employeur.

Cette obligation découle notamment de son contrat de travail et de l'article 18 du règlement intérieur, qui prévoit :

« Le contact avec la clientèle et la manipulation de marchandises proposées à la vente implique que :

- le personnel porte les vêtements de travail (y compris les vêtements de sécurité et d'hygiène) qui lui sont fournis ; ces vêtements doivent être tenus propres et fermés en permanence ; ils sont sous la responsabilité du personnel à qui ils sont confiés.

Les vêtements de travail fournis par l'établissement ne doivent pas être portés en dehors des heures de service. Néanmoins, le port de ces vêtements est autorisé pendant les temps de pause ainsi que pendant les temps de trajet domicile-travail' ».

Cette obligation n'est pas contestée par Mme [T], qui demande seulement la prise en charge des frais d'entretien de ses tenues de travail, ce que l'employeur refusait.

Indépendamment des dispositions de l'article L. 4122-2 du code du travail selon lesquelles les mesures concernant la sécurité, l'hygiène et la santé au travail ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les travailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 1135 du code civil et L. 1221-1 du code du travail que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.

C'est donc à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a énoncé le principe de la prise en charge par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ du coût d'entretien des tenues de travail imposées par cette société à Mme [T].

S'agissant du montant de l'indemnisation demandée, Mme [T] demande la confirmation du jugement du Conseil de Prud'hommes.

Or, sur ce point, c'est à juste titre que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ objecte que Mme [T] ne justifie pas avoir dépensé le montant de 6.550,60 € qui lui a été alloué par le Conseil de Prud'hommes.

Il résulte en effet des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, et de celles de l'article 1149 du code civil que les dommages-intérêts sont de la perte faite par le créancier.

En matière de demande de remboursement de frais professionnels, la charge de la preuve de sa perte incombe donc au salarié demandeur, créancier de l'obligation.

Dans ces conditions, il ne peut être fait droit à la demande de Mme [T] en son montant, étayée seulement par la présentation de quelques factures ou tickets de pressing d'un montant modique, mais qui reprend en réalité la somme allouée par le Conseil de Prud'hommes, alors que le premier juge s'est fondé sur un calcul forfaitaire basé sur un coût moyen obtenu à partir de tickets de pressing produits par plusieurs salariés.

Il doit être observé que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ offre la somme de 300 €. Faute pour Mme [T] de rapporter la preuve de l'engagement de frais supérieurs, la Cour ne saurait statuer infra petita, et c'est donc ce montant offert par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ qui sera alloué à Mme [T] à titre d'indemnité représentative des frais d'entretien de sa tenue de travail.

Pour l'avenir, à compter du 1er janvier 2013, le litige apparaît résolu par l'accord passé entre la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ et les partenaires sociaux sur la prise en charge indemnitaire de l'entretien des tenues de travail.

Mme [T] ne renouvelle d'ailleurs pas devant la Cour sa demande de condamnation pour l'avenir sous astreinte, ni sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentées devant le Conseil de Prud'hommes.

Les différentes demandes de « dire et juger » présentées par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ dans le dispositif de ses conclusions ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile, mais sont en réalité des motifs à l'appui des véritables prétentions, et il n'y a pas lieu de statuer davantage.

Chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions. Il n'y a donc pas lieu à faire ici application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et, pour les mêmes motifs, chacune des parties gardera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura engagés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne en date du 29 janvier 2013, en ce qu'il a :

Dit que le coût de l'entretien des vêtements de travail de Mme [I] [T] incombait à la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ,

Débouté Mme [I] [T] de sa demande de condamnation pour l'avenir sous astreinte et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamné la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ à payer à Mme [I] [T] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens de première instance,

L'infirme pour le surplus, et particulièrement sur le montant de l'indemnité allouée,

Et, statuant à nouveau,

Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ à payer à Mme [I] [T] la somme de 300 € à titre d'indemnité représentative des frais d'entretien de sa tenue de travail,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura engagés.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01301
Date de la décision : 13/03/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-13;13.01301 ?
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