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14/02/2014 | FRANCE | N°13/02306

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 14 février 2014, 13/02306


FP/AM



Numéro 14/636





COUR D'APPEL DE PAU



1ère Chambre







ARRET DU 14/02/2014







Dossier : 13/02306





Nature affaire :



Requête en remplacement et récusation d'expert













Affaire :



SA LS LOGISTIQUE





C/



[G] [U]

et autres




























r>Grosse délivrée le :

à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 février 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civil...

FP/AM

Numéro 14/636

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 14/02/2014

Dossier : 13/02306

Nature affaire :

Requête en remplacement et récusation d'expert

Affaire :

SA LS LOGISTIQUE

C/

[G] [U]

et autres

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 février 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 novembre 2013, devant :

Madame PONS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,

Madame PONS, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur CASTAGNE et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur AUGEY, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Le ministère public a eu connaissance de la procédure le 10 octobre 2013

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA LS LOGISTIQUE

[Adresse 15]

[Localité 6]

représentée par Maître Alexa LAURIOL, avocat au barreau de PAU

assistée de Maître Jacques TOURNAIRE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [G] [U]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 15]

de nationalité française

[Adresse 11]

[Localité 5]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 12]

[Localité 7]

représentés et assistés de la SCP VELLE-LIMONAIRE & DECIS, avocats au barreau de BAYONNE

Maître [V] [H]

[Adresse 9]

[Localité 1]

liquidateur judiciaire de la société HEAVEN CLIMBER FONDATIONS SPECIALES

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Maître Philippe MILLET, avocat au barreau de NICE

assistée de Maître Frédéric BELLEGARDE, avocat au barreau de PAU

SAS INTER COOP

[Adresse 1]

[Localité 8]

SA BPIFRANCE FINANCEMENT anciennement dénommée OSEO

[Adresse 7]

[Localité 12]

représentées et assistées de Maître Olivia MARIOL, avocat au barreau de PAU, loco Maître STILINOVIC, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE BET [S] [K]

[Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

SAS ALZATE

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentées par la SCP RODON, avocats au barreau de PAU

assistées de la SCP PERSONNAZ - HUERTA - BINET - JAMBON, avocats au barreau de BAYONNE

COMPAGNIE D'ASSURANCES SAGENA

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 11]

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP RODON, avocats au barreau de PAU

assistée de Maître DUPOUY, avocat au barreau de BAYONNE

SA BUREAU VERITAS

[Adresse 10]

[Localité 10]

SA COVEA RISKS

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentées par la la SELARL TORTIGUE - PETIT - SORNIQUE, avocats au barreau de BAYONNE

assistées de Maître Laure VALLET, avocat au barreau de PARIS

SA SACER PARIS NORD EST

[Adresse 16]

[Localité 14]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée et assistée de Maître Sophie CREPIN, avocat au barreau de PAU, loco Maître GARDACH, avocat au barreau de LA ROCHELLE

SA ETF EUROVIA TRAVAUX FERROVIAIRES anciennement dénommée COGIFER TF

[Adresse 6]

[Localité 13]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

SAS SOBAMAT

[Adresse 13]

[Localité 4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

SEPA

[Adresse 5]

[Localité 3]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

assignées

sur requête en remplacement et récusation d'expert de la décision

en date du 16 MAI 2013

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

*

* *

*

Par acte d'huissier de justice en date des 2 et 6 avril 2009, la SA LS Logistique, arguant de désordres affectant le quai de débarquement de marchandises par voie ferrée situé dans la zone du centre européen de frêt qu'elle exploite, quai réalisé dans le cadre d'un marché de maîtrise d''uvre conclu entre M. [G] [U], architecte (assuré MAF), et la SA Alzate, a fait assigner ces derniers ainsi que la SA Sagéna (assureur DO), devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne pour obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise.

Suivant ordonnance de référé en date du 6 mai 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne, après avoir constaté l'intervention volontaire de M. [S] [K] (BET chargé des études préalables) a, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, fait droit à la demande et désigné M. [J] en qualité d'expert.

Par ailleurs, par actes d'huissier de justice en date des 14 et 15 décembre 2009, la SA Sagéna a fait assigner au fond devant le tribunal de grande instance de Bayonne :

- la SA Société d'Equipement des Pays de l'Adour (SEPA),

- la SAS Inter Coop,

- la SA Oséo Financement,

- M. [U],

- la Mutuelle des Architectes Français (assureur Hoareau),

- la SA Alzate,

- la SAS Société Basque de Matériel et de Travaux (Sobamat),

- la SA Sacer Paris Nord Est (enseigne LATEXFALT),

- la SAS Forages et Fondations,

- la SA ETF Eurovia,

- la SA Bureau Véritas,

- la SA Covéa Risks,

- la SA LS Logistique,

- M. [K],

en garantie des condamnations qui pourraient être mises à sa charge sur les demandes de la société LS Logistique suite à l'expertise ordonnée le 6 mai 2009.

L'expertise a été déclarée commune aux différents intervenants à l'acte de construire et la procédure au fond fait l'objet d'un sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Suivant requête en date du 15 février 2013, la société LS Logistique a saisi le président du tribunal de grande instance de Bayonne d'une demande de changement d'expert arguant de la durée anormalement longue de l'expertise au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du manquement de l'expert à ses devoirs en application de l'article 235 du code de procédure civile et subsidiairement, sa récusation sur le fondement de l'article 234 du code de procédure civile invoquant son défaut d'impartialité et l'existence d'un conflit d'intérêt.

Par ordonnance en date du 16 mai 2013, le président du tribunal de grande instance, magistrat chargé du contrôle des expertises, a :

- déclaré irrecevable la société LS Logistique en sa demande de récusation de l'expert [J],

- rejeté la demande de remplacement de l'expert,

- invité ce dernier à saisir dans les meilleurs délais, un sapiteur, bureau d'études techniques ayant des compétences en géotechnique, afin d'établir un cahier des clauses

techniques, un descriptif technique des ouvrages à réaliser en vue de saisir deux entreprises au moins de BTP en capacité de reprendre le quai qui déverse,

- enjoint à la SA LS Logistique de consigner une somme de 2 500 € à valoir sur la provision du sapiteur et ce dans le mois de la notification de l'ordonnance.

Suivant déclaration reçue au greffe de la Cour par voie électronique le 17 juin 2013, la SA LS Logistique a relevé appel de cette même décision (RG n° 13/02306).

Au regard de l'urgence, l'audience a été fixée conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile et l'instruction de l'affaire déclarée close avant les débats.

Dans ses dernières écritures déposées le 12 août 2013, l'appelante demande à la Cour, au visa des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 234, 341-5 et 235 du code de procédure civile :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

- de l'accueillir en sa demande de récusation de l'expert [J] et subsidiairement en sa demande de remplacement de l'expert pour manquement à ses devoirs,

- de le décharger de sa mission,

- de désigner un nouvel expert.

Elle estime que s'agissant d'une décision juridictionnelle lui faisant grief et non d'une simple mesure d'administration judiciaire, son appel est recevable.

Sur la demande de récusation, elle invoque le conflit d'intérêt, incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de missions judiciaires d'expertise, entre l'expert et certaines parties dont il est le conseil institutionnel compte tenu de son activité professionnelle d'expert privé pour le compte de plusieurs sociétés d'assurance, la Mutuelle des Architectes Français, assureur de M. [U], la SMABTP, dont la Sagéna est la filiale et qui assure la SA Alzate, entreprise générale, la Sobamat, entreprise de voirie, le BET [S] [K], Forages et Fondations, la société AXA, assureur de la Sacer.

Subsidiairement, sur la demande de changement d'expert, elle invoque la durée anormale de la procédure et le défaut d'impartialité de l'expert, qui, d'après elle, cherche à minimiser les trois désordres constatés à savoir le défaut de planéité du sol, le déversement du quai ferroviaire et les fissures des murs.

Dans leurs dernières écritures remises et déposées le 18 septembre 2013, la société Inter Coop et la société BPIFRANCE Financement anciennement dénommée Oséo Financement, sociétés qui ont conclu un contrat de crédit bail immobilier avec la société appelante, demandent à la Cour au visa des articles 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 234 et suivants du code de procédure civile d'infirmer la décision entreprise et d'ordonner le remplacement de l'expert.

Elles sollicitent en outre l'allocation de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles invoquent les mêmes moyens que la société appelante et plus particulièrement la lenteur des opérations d'expertise.

M. [U], et son assureur la Mutuelle des Architectes Français, dans leurs dernières conclusions remises et déposées le 2 septembre 2013, demandent principalement à la Cour au visa de l'article 170 du code de procédure civile de déclarer l'appel irrecevable et subsidiairement de débouter l'appelante de sa demande de récusation et de la condamner au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils estiment principalement que s'agissant d'une mesure relative à l'exécution d'une mesure d'instruction, l'appel est irrecevable.

Ils prétendent que l'impartialité de l'expert n'est pas démontrée et que la longueur de l'expertise s'explique par la complexité des opérations et par l'attitude de l'appelante qui n'a pas fourni à l'expert un dossier de consultation des entreprises.

La société Sagéna dans ses dernières écritures remises et notifiées le 1er octobre 2013, demande à la Cour au visa des articles 150, 170, 234 et 341 du code de procédure civile de déclarer l'appel irrecevable et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BET [K] et la société Alzate dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 23 octobre 2013 demandent à la Cour au visa de l'article 170 du code de procédure civile, de déclarer l'appel irrecevable et subsidiairement considérant que la demande de récusation et de remplacement de l'expert ne sont pas fondées de confirmer l'ordonnance entreprise.

Ils estiment qu'en réalité sous couvert d'une demande en récusation, l'appelante cherche à obtenir une contre-expertise.

Ils soutiennent que la circonstance que M. [J] a eu l'occasion de travailler avec de nombreuses compagnies d'assurances ne constitue pas en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des missions judiciaires d'expertise.

S'agissant de la lenteur des opérations d'expertise, elle s'explique par la complexité des investigations à mener et par l'attitude de l'appelante qui, depuis le dépôt du pré-rapport, multiplie les incidents et ne fournit pas à l'expert les documents sollicités.

Elles estiment que le défaut d'impartialité n'est pas démontré.

La SA Sacer Est dans ses dernières écritures remises et déposées le 13 septembre 2013, demande à la Cour de déclarer l'appel irrecevable et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la demande de récusation est irrecevable comme tardive et aurait dû être présentée avant le dépôt du pré-rapport d'expertise. Elle tend en réalité à faire désigner un nouvel expert.

La société Bureau Véritas et Covéa Risks dans leurs dernières écritures remises et déposées le 21 août 2013, s'en rapportent à justice sur la demande et sollicitent la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [H], ès qualités de liquidateur de la société Heaven Climber venant aux droits de la société Foratech dans ses dernières conclusions remises et déposées le 15 octobre 2013 demande à la Cour de lui donner acte de son rapport à justice et sollicite l'allocation de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA ETF Eurovia (assignée le 20 août 2013), la SEPA (assignée le 19 août 2013) et la SAS Sobamat (assignée le 26 août 2013) et à qui les conclusions de l'appelante ont été signifiées par le même acte n'ont pas constitué avocat.

L'affaire a été communiquée le 10 octobre 2013 au ministère public qui n'a formulé aucune observation.

SUR CE :

Attendu que l'expert, M. [J], a été désigné sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, par le président du tribunal de grande instance de Bayonne, statuant comme juge des référés ;

Attendu que l'ordonnance dont appel a été rendue par le président du tribunal de grande instance, statuant comme juge chargé du contrôle des expertises saisi à la fois d'une demande de remplacement de l'expert présentée devant lui à titre principal et d'une demande de récusation présentée à titre subsidiaire ;

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que la décision d'irrecevabilité rendue par le premier juge sur la demande de récusation fondée sur l'article 234 du code de procédure civile et de rejet de la demande de remplacement de l'expert motivée par le manquement de ce dernier à ses obligations d'impartialité et de diligence telles qu'elles résultent des articles 237 et 239, n'est pas une décision ordonnant ou modifiant la mesure d'instruction initialement ordonnée au sens de l'article 150 de ce même code ;

Attendu que faisant grief au requérant, il ne s'agit pas d'une mesure d'administration judiciaire mais bien d'une décision juridictionnelle mettant fin à une instance incidente indépendante de la procédure principale sur le fond, de sorte que les dispositions de l'article 170 du code de procédure civile ne lui sont pas applicables ;

Attendu qu'en conséquence, l'appel doit être déclaré recevable ;

Sur la demande de récusation

Attendu qu'en application de l'article 234 alinéa 2 du code de procédure civile, la partie qui entend récuser le technicien doit le faire devant le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de récusation ;

Attendu que dès lors, et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, celui-ci avait le pouvoir de statuer sur la demande de récusation qui lui était soumise ;

Attendu qu'il est acquis que l'expert a déposé un pré-rapport le 31 juillet 2012 ;

Attendu que néanmoins l'expert n'ayant pas achevé sa mission, ce dépôt ne peut pas justifier l'irrecevabilité de la demande postérieure de récusation à condition que celle-ci soit formée dès la révélation à celui qui l'invoque de la cause de récusation ;

Attendu que la société appelante fait valoir qu'elle a eu la révélation de cette cause de récusation, c'est-à-dire le conflit d'intérêt entre l'expert et certaines parties dont il est le conseil institutionnel compte tenu de son activité professionnelle d'expert privé pour le compte de plusieurs sociétés d'assurance, parties à l'instance, ou assureurs de parties à l'instance, le matin de l'audience devant le premier juge lors du dépôt par l'expert de son mémoire sur la demande en récusation dans lequel il révèle lui-même par écrit la liste de la trentaine d'assureurs avec lesquels il travaille de manière non exclusive et indifféremment ;

Qu'elle avait également invoqué cette cause de récusation dans sa requête en remplacement d'expert du 15 février 2013, en s'appuyant sur divers documents datés du 13 septembre 2012, 24 et 30 janvier 2013, pour l'essentiel des captures d'écran informatique résultant de ses recherches sur Internet pour établir les liens de l'expert avec ces compagnies d'assurances ;

Attendu qu'il apparaît dès lors, que la société appelante a formé sa demande en récusation dès qu'elle a eu la connaissance de la cause de récusation qu'elle invoque et dès lors cette demande est recevable ;

Attendu que dans les explications fournies au premier juge sur la demande en récusation dont il fait l'objet (pièce 8 de l'appelante), l'expert indique la trentaine d'assureurs pour lesquels il travaille à titre amiable en intervenant pour les maîtres de l'ouvrage dans le cadre de la protection juridique ou pour les constructeurs dans le cadre de leur responsabilité décennale, mais qu'il souligne l'inexistence de liens de subordination entre lui et ces assureurs et, qu'au regard du nombre de ses clients, il n'existe aucune dépendance économique envers telle ou telle compagnie ;

Qu'il conteste également tout manquement à son devoir d'impartialité ;

Attendu qu'hormis l'affirmation non contestée par l'expert judiciaire que celui-ci intervient pour des missions d'expertise amiable ou de conseil pour le compte de compagnies d'assurances qui sont parties à l'instance ou qui sont assureurs de parties à l'instance, la société appelante ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'existence d'un quelconque lien de subordination, de proximité ou de lien commercial entre l'expert et ses sociétés d'assurance de nature à créer dans son esprit un doute légitime sur son impartialité ;

Attendu que cette affirmation n'est pas de nature, à elle seule, à établir l'existence d'un parti pris de l'expert à l'encontre de l'appelante ou d'un conflit d'intérêt et n'est pas constitutive d'un manquement à l'exigence d'impartialité de l'expert judiciaire en l'absence de lien suffisamment direct entre les missions non contentieuses qui lui sont confiées par les sociétés d'assurance et la mission qu'il a reçue dans le cadre de la présente instance ;

Attendu qu'il convient en conséquence, de rejeter la requête en récusation ;

Sur la demande en remplacement de l'expert

Attendu qu'en premier lieu l'appelante fonde sa demande sur la durée anormale de l'expertise en faisant valoir qu'en dépit des 24 dires déposés par elle, le rythme des opérations est ralenti depuis le 3 août 2010 alors que la complexité du litige est très relative au regard de la compétence reconnue de l'expert ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites par l'appelante (ces dires à l'expert : pièces 12 à 37) que :

- entre le début des opérations d'expertise et le mois d'août 2010, elle a déposé six dires à l'expert judiciaire lui adressant divers pièces,

- par un dire du 8 septembre 2010, elle lui a demandé de déposer une note d'étape relative à ces constatations des désordres avec son avis sur leurs causes,

- ce n'est que dans un dire du 30 mai 2011, qu'elle s'est plainte pour la première fois auprès de l'expert de 'l'enlisement' de l'expertise sans pour autant saisir le juge chargé du contrôle des expertises de cette difficulté celui-ci ne l'ayant été que par la requête du 15 février 2013 soit presque deux ans après sa première plainte,

- le juge chargé du contrôle des expertises qui doit notamment veiller dans le souci d'une bonne administration de la justice, à l'avancement des opérations d'expertise et au respect par l'expert de ses obligations de diligence, a fait droit aux demandes de prorogation du délai imparti à l'expert judiciaire pour déposer son rapport tant avant qu'après ce dire et ce alors que l'appelante a continué à se plaindre de la longueur des opérations,

- en effet et malgré ses récriminations quant à la lenteur de l'expertise, l'appelante n'a pas cessé postérieurement au dire du 30 mai 2011, d'adresser à l'expert des dires pour lui adresser de nouveaux documents à examiner et notamment des documents comptables pour l'évaluation de son préjudice immatériel (pièces 26, 27, 27bis, 34), techniques (pièces 32), des devis pour l'évaluation de son préjudice matériel (pièce 33), des constats d'huissier datés du 17 janvier 2013 (pièce 37) ;

Attendu que par ailleurs, dans les observations remises au premier juge, l'expert relève à juste titre que le nombre d'intervenants explique notamment la durée de l'expertise et qu'en outre, il a dû faire appel à un sapiteur financier, pour l'évaluation du préjudice immatériel de l'appelante qui a formulé le 27 décembre 2011 une réclamation à ce titre de la somme de 1 508 000 €, le sapiteur n'ayant récupéré les dernières pièces auprès de la société LS Logistique que le 22 janvier 2013 ;

Attendu qu'en conséquence, au regard du nombre de parties au litige et de la complexité des opérations d'expertise qui a pour objet des désordres affectant un quai de débarquement de marchandises par voie ferrée (ornières, soulèvement de bitume, fissures, affaissement du mur le long du quai de débarquement empêchant l'accès de certains wagons au quai, fissures affectant un bâtiment), la société LS Logistique qui n'a pas saisi le juge chargé du contrôle des expertises d'une difficulté tendant à la longueur des opérations d'expertise avant le 13 février 2013 et qui a multiplié depuis le début des opérations d'expertise les dires à expert, 24 au total dont certains particulièrement longs (pièce 28 : dire de 10 pages du 24 octobre 2012), dires nécessitant une réponse technique ou le recours à une étude géotechnique (pièce 16) et à un sapiteur s'agissant de l'analyse des documents comptables pour l'évaluation du préjudice immatériel par elle allégué, produits seulement à compter du 25 avril 2012, ne peut valablement se plaindre de la longueur des opérations à laquelle elle a largement contribué de par son attitude ;

Attendu qu'en second lieu l'appelante fonde sa demande de remplacement sur un défaut d'impartialité de l'expert estimant qu'il cherche à minimiser l'importance des trois dommages constatés ;

Attendu que dans le pré-rapport déposé en juillet 2012, l'expert relève trois désordres :

- un désordre relatif à la surface de la zone entrepôts résultant principalement d'un vice des matériaux (scories non inertes) mis en 'uvre par couches lors de la réalisation de la plate-forme, imputable d'après lui à l'entreprise Alzate et au sous-traitant Sobamat, et dans une moindre mesure, d'une faute de conception du fait d'un choix inapproprié de ces scories, imputable à l'architecte [U] et au contrôleur technique CEP,

- un déversement du mur du quai résultant du sous-dimensionnement des pieux tarière, relevant d'une faute de conception des fondations profondes, imputable pour l'expert à GFC, à l'architecte, à l'entreprise Alzate et à son sous-traitant Forage et Fondations, au contrôleur technique, la solidité de l'ouvrage étant compromise,

- les fissures des murs extérieurs Ouest et Est du bâtiment et de l'étage bureaux, objet d'une déclaration de sinistre à la Sagéna en date du 9 novembre 2009, pour lesquelles M. [J] estime nécessaire d'attendre les conclusions de l'assureur dommages-ouvrage et de son expert ;

Attendu que s'agissant du désordre n° 1, l'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur l'impropriété à destination en résultant pour l'ouvrage, ignorant les tolérances en matière de planéité fixées pour l'emploi des racks de stockage des marchandises et demandant à ce que la société appelante les lui fournisse ;

Qu'il souhaite également que celle-ci lui fournisse le type exact du wagon qui ne permet pas l'ouverture des portes ;

Attendu que la lecture de ce pré-rapport dans lequel l'expert relève d'ores et déjà l'existence de désordres et des éléments d'imputabilité à certaines des parties en cause ainsi que les pièces produites par l'appelante ne permettent pas d'affirmer que l'expert a cherché à les minimiser ;

Que les demandes qu'il a formulées auprès de l'appelante doivent au contraire lui permettre d'évaluer avec précision les différents préjudices en résultant pour elle ;

Que si elle ne les lui fournit pas, il appartiendra à l'expert de déposer son rapport et à la juridiction saisie du fond du litige d'en tirer toutes les conséquences de droit quant aux demandes de la société LS Logistique ;

Attendu que s'agissant du premier désordre, il résulte des écritures de l'appelante qu'elle n'a fourni des explications à l'expert que postérieurement au dépôt du pré-rapport ;

Qu'en revanche, elle ne démontre pas comme elle le soutient que ces éléments ont été réfutés par l'expert ;

Attendu que pas davantage s'agissant du second désordre, elle ne produit de pièce permettant d'établir que l'expert a cherché à le minimiser ;

Attendu que s'agissant du troisième désordre, l'expert n'a pas refusé de l'examiner dans son pré-rapport mais a estimé préférable d'attendre les conclusions de l'expert dommages-ouvrage ;

Que ce n'est que dans le cadre de la présente instance tendant à sa récusation et à son remplacement que, dans son mémoire du 23 avril 2013 au juge chargé du contrôle des expertises, il a émis le souhait, au regard 'du climat actuel peu propice à la sérénité nécessaire' à l'accomplissement de sa mission de ne pas engager son instruction compte tenu du temps supplémentaire pour parvenir au dépôt du rapport ;

Que ce voeu qui résulte de la défiance manifestée par l'appelante à son égard, ne peut caractériser la volonté de l'expert de minimiser les désordres ;

Attendu que le juge chargé du contrôle des expertises ne l'a pas déchargé de ce chef de mission ;

Attendu que les griefs de la société LS Logistique contre l'expert n'apparaissent donc pas être constitutifs de partialité à son encontre ;

Attendu qu'en conséquence il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la société LS Logistique de sa demande en remplacement de l'expert judiciaire.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Déclare la SA LS Logistique recevable en son appel dirigé contre l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 16 mai 2013.

Infirme cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande en récusation présentée par la SA LS Logistique.

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Déclare recevable la demande en récusation présentée par la SA LS Logistique à l'encontre de M. [J].

Au fond, la rejette.

Confirme pour le surplus la décision déférée.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société LS Logistique à payer à M. [U] et la Mutuelle des Architectes Français, pris comme une seule et même partie, à la SA Sagéna, à la SA Sacer Paris Nord Est, au Bureau Véritas et à Covéa Risks pris comme une seule et même partie, à Me [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Heaven Climber Fondations Spéciales, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à chacune de ces parties, rejette la demande de la société LS Logistique, de la SAS Inter Coop et de la SA BPIFRANCE Financement.

Condamne la société LS Logistique aux dépens de première instance et d'appel.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par M. Castillon, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Marc CASTILLONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/02306
Date de la décision : 14/02/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°13/02306 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-14;13.02306 ?
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