RC/SB
Numéro 13/04823
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/12/2013
Dossier : 11/04705
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[U] [B] épouse [O]
C/
ADAPEI DES PYRENEES ATLANTIQUES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Décembre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 28 Octobre 2013, devant :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [U] [B] épouse [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparante assistée de Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
ADAPEI DES PYRENEES ATLANTIQUES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 12 DÉCEMBRE 2011
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F11/00074
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [U] [B] épouse [O] a été engagée par l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés des Pyrénées-Atlantiques (l'ADAPEI) pour un premier contrat à durée déterminée le 13 septembre 1999 en qualité d'ouvrière qualifiée, pour une durée de 14 jours, et pour un dernier contrat à durée déterminée le 22 septembre 2009 pour un remplacement. Ce dernier contrat a pris fin le 30 novembre 2010. Elle a, entre ces deux contrats, c'est-à-dire sur un peu plus de onze années, cumulé 225 contrats à durée déterminée avec cet employeur.
Par requête en date du 10 février 2011, Mme [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pau aux fins d'obtenir la condamnation de l'ADAPEI à lui payer divers dommages et intérêts et indemnités sur plusieurs chefs de demandes.
Par jugement en date du 12 décembre 2011, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de prud'hommes de Pau a débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes, débouté l'ADAPEI de sa demande reconventionnelle, dit que chaque partie supportera la charge de ses éventuels dépens.
Par lettre recommandée avec avis de réception de son Conseil mentionnant la date d'expédition du 22 décembre 2011, Mme [O] a interjeté appel de la décision.
L'affaire a été fixée à l'audience du 28 octobre 2013 pour laquelle les parties ont été convoquées avec proposition d'un calendrier de procédure.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites déposées le 22 juin 2012 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, Mme [O] demande à la Cour de :
A titre principal
Dire que le contrat à durée déterminée du 28 septembre 2009 a été rompu avant terme de manière illégale, et condamner l'ADAPEI à payer à Mme [O] 75'000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive
A titre subsidiaire,
Dire et juger que le CDD du 28 septembre 2009 établi en violation de l'article L. 1242-12 du code du travail est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée,
Dire et juger que les 225 CDD conclus entre Mme [O] et l'ADAPEI doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée';
Condamner l'ADAPEI à payer': 5.000 € d'indemnité de requalification'; 3.472 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 347 € à titre de congés payés sur préavis'; 9.549,48 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement'; 26.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
En tout état de cause,
Dire que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi,
Condamner l'ADAPEI à verser': 5.000 € au titre du préjudice nécessairement subi en l'absence de visite médicale, 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour traitement discriminatoire, 7.500 € en réparation du préjudice subi en raison du défaut de mise en 'uvre de l'obligation de formation continue,
Dire que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes du 9 février 2011,
faire application de l'art. 1154 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,
condamner l'ADAPEI à 3.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi qu'aux dépens et aux frais d'exécution.
L'appelant rappelle qu'elle a cumulé 225 contrats à durée déterminée du 13 septembre 1999 au 30 novembre 2010, soit 11 ans'; elle fait valoir qu'elle a toujours occupé les mêmes fonctions d'agent technique au service ménage lingerie et s'occupait de l'entretien des locaux'; qu'en l'espèce un CDD sans terme précis a été conclu pour pallier l'absence pour maladie d'un salarié'; qu'elle a été affectée sur un poste d'entretien des locaux pour remplacer une autre salariée affectée au poste de travail en cuisine du salarié absent'; Elle détaille sur quels textes elle s'appuie pour demander réparation de son préjudice'; Elle soutient qu'en première instance l'employeur n'a produit aucune pièce prouvant la reprise de ses fonctions par M. [D]'; que les dommages-intérêts doivent être calculés en fonction de la durée prévisible de son absence';
Sur le subsidiaire, elle soutient qu'il doit y avoir requalification en CDI pour absence des mentions obligatoires, en l'espèce défaut de motif clair et précis et défaut de mention du poste occupé'; qu'il doit y avoir requalification pour non-conformité de la disposition fixant le terme du contrat de travail'; elle fait valoir qu'elle a toujours exécuté les mêmes fonctions à savoir l'entretien des locaux et également en 1999-2000 et 2001-2002 des postes de nuits de surveillance des résidents des foyers et des locaux (veilleuse de nuit)'; que concomitamment à la rupture du dernier CDD, l'ADAPEI a procédé au recrutement en CDI sur un poste identique à celui qu'elle occupait'; qu'il s'agit d'une utilisation illégale et abusive du CDD'; elle expose ses demandes chiffrées';
Sur les préjudices distincts, elle fait valoir l'absence de visite médicale, obligatoire pour tous les salariés'; qu'elle n'a jamais passé de visite médicale sauf en février 2001'; que son médecin lui a diagnostiqué des tendinites, que ces maladies auraient pu être diagnostiquées plus tôt'; soutient une discrimination dans le recrutement, qu'elle a postulé sur des postes en CDI correspondant à des fonctions qu'elle occupait lors de ses différents CDD'; soutient que les autres candidatures étaient «'objectivement'» moins intéressantes que la sienne (Mme [Z])'; elle soutient enfin qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation.
A l'audience, son Conseil réplique en sus sur l'irrecevabilité de l'appel soulevée par l'employeur, et fait valoir que sa déclaration d'appel est conforme aux textes, et qu'il convient de ne pas confondre irrecevabilité de l'appel et nullité d'un acte.
Par conclusions écrites déposées le 23 octobre 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, l'ADAPEI demande à la Cour de :
Déclarer l'appel irrecevable,
Subsidiairement, confirmer le jugement dont appel et débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes
La condamner au versement d'une somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'intimée fait valoir':
Sur l'irrecevabilité': que l'appel ne respecte pas les exigences des articles 58 du code de procédure civile et R. 1461-1 du code du travail, en ce qu'il ne précise pas l'objet de la demande, et qu'il ne mentionne pas les chefs de demandes concernés par l'appel, et qu'il n'indique pas plus le nom et adresse du représentant de l'appelant devant la cour.
Sur le fond':
Sur la demande en raison d'une prétendue rupture illégale et anticipée du contrat à durée déterminée du 22 septembre 2009': que le contrat de travail a été conclu pour remplacer Mme [E], laquelle pourvoyait au remplacement de M. [D], agent technique cuisinier en arrêt maladie'; qu'elle a donc travaillé sur le poste de Mme [E] à savoir l'entretien des locaux communs et de certaines chambres'; que Mme [E] a été déclarée inapte au poste de cuisinier et a réintégré son poste d'agent d'entretien des locaux'; que la rupture du CDD sans terme précis n'est donc pas anticipée'; que l'évènement constitutif du terme de ce CDD est le retour de Mme [E] au 30 novembre 2010';
Sur la demande à raison de l'exécution déloyale soutenue, que le poste de lingerie a été attribué à une autre personne sur la base de critères objectifs et après le déroulement d'une procédure de recrutement claire'; que Mme [O] a participé à la procédure et n'a fait l'objet d'aucun traitement discriminatoire'; que ses demandes d'indemnisation se cumulent artificiellement alors que l'éventuel abus du recours au contrat à durée déterminée est sanctionné par la requalification et l'indemnité correspondante'; qu'elle a bien été examinée par le médecin du travail contrairement à ce qu'elle prétend'; que l'observation est la même s'agissant de la formation.
La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'ADAPEI soulève l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il ne respecterait pas les exigences des articles 58 du code de procédure civile et R. 1461-1 du code du travail': qu'il ne précise pas l'objet de la demande, qu'il ne mentionne pas les chefs de demandes concernés par l'appel, et qu'il n'indique pas plus le nom et adresse du représentant de l'appelant devant la cour.
L'article 58 du code de procédure civile invoqué traite des formes prescrites à peine de nullité pour la requête ou la déclaration par laquelle le demandeur saisit la juridiction, et prévoit notamment qu'elle contient l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur personne physique, et de la dénomination et du siège social de la personne contre laquelle la demande est formée.
L'article R. 1461-1 du code du travail traite des délais et forme de la déclaration d'appel en matière prud'homale, et prévoit en son alinéa 3 que, outre les mentions de l'article 58 du code de procédure civile ci-dessus, la déclaration mentionne les chefs du jugement dont il est fait appel, et comporte le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Toutefois, ces dernières mentions ne sont pas prescrites à peine de nullité de l'appel.
En l'espèce, la déclaration d'appel datée du 22 décembre 2011 précitée, est établie pour le compte de Mme [O], dont le nom complet, la date de naissance, la profession, la nationalité et l'adresse sont précisées, par Maîtres [K] et [G], avocats à [Localité 2] et [Localité 3], sur leur papier à en-tête comportant leurs adresses, et se trouve signée par eux. Il n'est pas contesté que ces avocats avaient pouvoir de Mme [O] pour interjeter cet appel. Le jugement attaqué y est mentionné par sa date et même son numéro du répertoire général et l'indication des parties. La dénomination et l'adresse de l'intimée sont précisées.
La déclaration mentionne expressément que Mme [O] «'interjette appel du jugement'», de sorte que son objet est bien précisé contrairement à ce que soutient l'ADAPEI. Dans la mesure où la déclaration ne limite pas l'appel à certains chefs du jugement, il s'en déduit que cet appel ne peut être que général.
Ainsi, l'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, et qui ne souffre pas des critiques portées à son encontre, est recevable en la forme.
Sur le fond, Mme [O] présente plusieurs demandes, principale, subsidiaire, et en tout état de cause, qu'il convient d'examiner successivement':
Sur la demande pour rupture anticipée abusive du contrat à durée déterminée
Mme [O] fait valoir à titre principal qu'un contrat à durée déterminée sans terme précis a été conclu pour pallier l'absence pour maladie d'un salarié'; qu'elle a été affectée sur un poste d'entretien des locaux pour remplacer une autre salariée affectée au poste de travail en cuisine du salarié absent'; qu'en première instance l'employeur n'a produit aucune pièce prouvant la reprise de ses fonctions par M. [D], le salarié absent pour maladie.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1242-7 du code du travail que le contrat à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu, notamment, pour remplacement d'un salarié absent.
En l'espèce, le contrat de travail signé par Mme [O] à compter du 28 septembre 2009 (sa pièce n° 1) s'intitule «'contrat à durée déterminée sans terme précis pour remplacement'», et précise «'contrat établi en remplacement partiel et provisoire de M. [D] [P], employé comme agent technique, absent, pour remplacement partiel et provisoire de M. [D] en maladie par glissement de poste de Mme [E], agent de service intérieur, sur le poste de M. [D]'».
Ainsi, il résulte clairement de ce contrat que le recours à un contrat à durée déterminée est causé par l'absence pour maladie de M. [D], mais aussi que Mme [O] est recrutée pour remplacer non pas directement le salarié en arrêt maladie, mais Mme [E], agent de service intérieur, elle-même affectée sur le poste de M. [D].
Il doit être observé que, contrairement à ce que soutient la salariée, le contrat comporte bien l'indication de la qualification non seulement du salarié absent, en l'espèce agent technique, mais aussi de la salariée appelée à remplacer le salarié absent et sur le poste duquel Mme [O] a été affectée, en l'espèce, agent de service intérieur.
Au demeurant, Mme [O] n'apparaît pas revendiquer la qualification de cuisinier, qu'elle ne possède pas, et indique elle-même qu'elle a toujours été recrutée pour assurer l'entretien des locaux, ou, aussi pendant deux années pour des remplacements en qualité de veilleur de nuit.
Elle ne saurait donc sérieusement soutenir qu'elle aurait été recrutée pour remplacer M. [D], l'agent technique cuisinier absent.
En effet, en cas de conclusion d'un contrat à durée déterminée en vue du remplacement d'un salarié absent, l'employeur n'est pas tenu d'affecter le salarié recruté au poste même occupé par la personne absente.
Mme [O] soutient que l'ADAPEI a rompu le contrat de manière anticipée et abusive, puisque M. [D] n'avait pas repris son travail.
Pour autant, l'ADAPEI fait valoir sans être démentie que Mme [E], affectée sur le poste du salarié absent pour maladie, a été déclarée inapte au poste de cuisinier, et qu'elle a réintégré le 30 novembre 2010 son poste d'agent de service intérieur affectée à l'entretien des locaux.
Dès lors, c'est à bon droit que l'employeur soutient que l'événement constitutif du terme du contrat à durée déterminée sans terme précis est le retour de Mme [E] sur son poste, et non pas celui de M. [D] sur le sien.
Il en résulte que la rupture du contrat à durée déterminée conclu avec Mme [O] n'est ni anticipée ni abusive, et que c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes, dont le jugement sera confirmé sur ce point, a rejeté la demande en ce sens de la salariée.
Les demandes réparatoires de la salariée à ce titre ne sont donc pas davantage fondées.
Sur la demande subsidiaire de requalification en contrat à durée indéterminée
A titre subsidiaire, Mme [O] demande alors la requalification en contrat à durée indéterminée.
Elle fait d'abord valoir un défaut de motif clair et précis ainsi qu'un défaut de mention du poste occupé.
Pour autant, comme déjà analysé ci-dessus, non seulement le motif du recours à un contrat à durée déterminée est clair et précis, en l'espèce le remplacement d'un salarié en congé maladie, mais encore la mention du poste occupé par la salariée ainsi recrutée en contrat à durée déterminée est bien présente, puisque le contrat de travail stipule qu'elle va remplacer Mme [E], agent de service intérieur.
Ainsi, le moyen doit être rejeté.
Mme [O] fait alors valoir la non-conformité de la disposition fixant le terme du contrat.
Pour autant, et également comme déjà détaillé ci-dessus, il résulte des dispositions de l'article L. 1242-7 du code du travail que le contrat à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu, notamment, pour remplacement d'un salarié absent, ce qui est le cas en l'espèce.
Ce moyen doit être également rejeté.
Mme [O] soutient alors la requalification en contrat à durée indéterminée, au visa de l'article L. 1242-1 du code du travail qui prévoit qu'un contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise'; qu'elle a toujours exécuté les mêmes fonctions pendant 11 ans dans le cadre de 225 contrats à durée déterminée, avec soit le statut d'ouvrier qualifié, d'agent de service intérieur, ou de manière limitée, de veilleuse de nuit.
Pour autant, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes, analysant les contrats versés aux débats (ici, par années, pièces n° 2 à n° 12 de la salariée), a constaté «'le respect absolu de la législation en vigueur en termes de contrat à durée déterminée'» par l'ADAPEI.
Il s'avère en effet de leur examen qu'un très grand nombre de ces contrats sont conclus pour seulement quelques jours, ce qui permet d'en expliquer le nombre important en onze années, presque toujours avec terme précis, le plus souvent pour remplacement, ou plus rarement (par ex. en juillet 2003) pour surcroît exceptionnel d'activité, c'est-à-dire des cas expressément prévus par la loi et autorisant le recours à un contrat à durée déterminée.
Il s'avère aussi que ces contrats se sont succédé de manière discontinue, avec entre chacun d'eux, des périodes d'inactivité dont la durée pouvait atteindre jusqu'à cinq mois (par ex. de décembre 2004 à mai 2005).
Ainsi, il n'est pas établi que ces contrats avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale de l'ADAPEI.
Mme [O] fait aussi valoir que concomitamment à la rupture du dernier CDD, l'ADAPEI a procédé au recrutement en contrat à durée indéterminée sur un poste identique à celui qu'elle occupait.
Pour autant, elle n'établit pas que cet emploi permanent, pour lequel un recrutement semble avoir été nécessaire postérieurement à novembre 2010, en l'espèce en janvier 2011, soit trois mois plus tard, existait aussi pendant les onze années au cours desquelles elle a effectué des contrats à durée déterminée, au demeurant pas toujours sur les mêmes postes.
L'argument n'est donc pas susceptible d'entraîner la requalification, d'autant que Mme [O] fait surtout valoir ce recrutement pour se plaindre de n'avoir pas été elle-même recrutée (cf. infra).
Ainsi, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a rejeté la demande de requalification en contrat à durée indéterminée et les demandes indemnitaires subséquentes, et son jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
Mme [O] demande réparation de préjudices distincts, en soutenant l'exécution déloyale de la relation contractuelle.
Défaut de visite médicale
Elle fait d'abord valoir l'absence de visite médicale, en violation des dispositions de l'article R. 4624-10 du code du travail, qui sont relatives à l'examen médical d'embauche.
Au demeurant, les articles R. 4624-16 et suivants imposent aussi des examens périodiques, au moins tous les vingt-quatre mois par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de l'aptitude du salarié.
De fait, l'employeur, qui est tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l'effectivité, et son manquement cause nécessairement un préjudice au salarié.
En l'espèce, l'ADAPEI se limite à soutenir que Mme [O] a bien été examinée par le médecin du travail et qu'elle a fait l'objet d'avis d'aptitude.
Pour autant, il apparaît que l'employeur ne peut produire que 4 de ces avis, alors que Mme [O] a été employée sur une période totale de 11 ans.
Dès lors, il est suffisamment établi que l'employeur n'a pas respecté son obligation en la matière envers Mme [O].
En revanche, celle-ci n'établit pas son affirmation de ce qu'elle aurait souffert de tendinites qui auraient pu être diagnostiquées plus précocement si l'employeur avait respecté son obligation.
Le préjudice de Mme [O] sera compensé par l'allocation d'une somme de 4.000 € que l'ADAPEI sera condamnée à lui payer.
Discrimination dans le recrutement
Mme [O] soutient qu'elle a subi un traitement discriminatoire, l'employeur ayant de manière fautive et répétée rejeté ses candidatures aux postes à pourvoir en contrat à durée indéterminée, au profit de personnes pourtant moins expérimentées, tout en l'employant corrélativement de manière précaire en CDD.
Elle fait état de candidatures en 2001 et 2009, sans toutefois en justifier.
En réalité, c'est sa candidature en janvier 2011 non retenue qu'elle fait valoir, critiquant le choix par l'employeur d'une autre candidate, Mme [Z].
Pour autant, force est de constater que Mme [O] omet d'articuler en quoi elle aurait subi une discrimination à l'embauche parmi les critères fixés par l'article L.1132-1 du code du travail, origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, caractéristiques génétiques, appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, appartenance physique, nom de famille, état de santé ou du handicap. Il incombe en outre au salarié de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Or, Mme [O] est également défaillante sur ce point.
Elle se limite à soutenir que la candidate retenue n'aurait pas eu autant de qualités qu'elle-même.
L'employeur, qui relève qu'elle a pu participer à la procédure de recrutement dans les mêmes conditions que les autres candidats, peut pourtant sans être démenti faire valoir que la personne engagée présentait de meilleures aptitudes, et alors même qu'il n'appartient pas à la présente juridiction d'apprécier ces aptitudes à la place de l'employeur ou en appel de la décision de celui-ci, dès lors qu'aucune discrimination n'est établie. Le seul fait qu'elle ait occupé des emplois similaires en contrat à durée déterminée ne confère à Mme [O] aucune priorité juridique particulière.
Dès lors, aucune discrimination ne peut être établie au sens de ce texte.
C'est donc à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a rejeté cette demande de Mme [O].
Impossibilité de bénéficier de la formation continue
Mme [O] demande enfin une indemnisation en raison de l'impossibilité de bénéficier d'une formation continue, au visa des articles L. 6321-1 et L .6111-1 du code du travail.
L'ADAPEI ne peut justifier l'avoir fait bénéficier de formation.
Le fait que la salariée n'a bénéficié d'aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de son emploi dans l'entreprise constitue un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, ce qui entraîne pour elle un préjudice.
A ce titre, il convient de lui allouer la somme de 3.000 €, que l'ADAPEI sera condamnée à lui payer.
Autres demandes
Chacune des parties succombe partiellement en ses demandes. Il n'y a donc pas lieu de faire ici application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et pour les mêmes motifs, chaque partie gardera la charge de ses propres dépens éventuels.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Au fond,
Confirme le jugement en date du 12 décembre 2011 rendu entre les parties par le Conseil de Prud'hommes de Pau, en ce qu'il a :
Débouté Mme [O] de ses demandes principale et subsidiaire relatives à la rupture du contrat à durée déterminée et à la requalification en contrat à durée indéterminée, et rejeté ses demandes indemnitaires subséquentes, relative à une discrimination dans le recrutement, statué sur les demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens,
L'infirmant pour le surplus,
et, statuant à nouveau sur les autres points,
condamne l'ADAPEI à payer à Mme [O] la somme de 4.000 € de dommages-intérêts au titre de l'absence des visites médicales obligatoires,
condamne l'ADAPEI à payer à Mme [O] la somme de 3.000 € de dommages-intérêts au titre du défaut de formation professionnelle,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura exposés.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,