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29/11/2013 | FRANCE | N°12/01370

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 29 novembre 2013, 12/01370


CB/AM



Numéro 13/4503





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre





ARRET DU 29/11/2013





Dossier : 12/01370





Nature affaire :



Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction











Affaire :



[D] [E]



C/



[P] [M] [M] [V] [R] [U] épouse [V] SARL ESCUDE CONS

TRUCTIONS

COMPAGNIE SAGENA

[H] [L] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL ROBALHINO













Grosse délivrée le :

à :



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononc...

CB/AM

Numéro 13/4503

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 29/11/2013

Dossier : 12/01370

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

[D] [E]

C/

[P] [M] [M] [V] [R] [U] épouse [V] SARL ESCUDE CONSTRUCTIONS

COMPAGNIE SAGENA

[H] [L] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL ROBALHINO

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 novembre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 septembre 2013, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [D] [E]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par l'AARPI PIAULT - LACRAMPE-CARRAZE, avocats à la Cour

assisté de la SCP ETCHEGARAY, avocats au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [P] [M] [M] [V]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7] (Portugal)

de nationalité portugaise

[Adresse 4]

[Localité 4]

Madame [R] [U] épouse [V]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 5] (64)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentés et assistés de Maître Régine PLACE, avocat au barreau de PAU

SARL ESCUDE CONSTRUCTIONS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée de Maître Guy MADAR, avocat au barreau de PAU

COMPAGNIE SAGENA

[Adresse 5]

[Localité 3]

prise ès qualité d'assureur de la société ESCUDE et en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

assistée de la SCP RODON, avocats à la Cour

assistée de Maître Jean-Pierre CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU

Maître [H] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL ROBALHINO

[Adresse 6]

[Localité 1]

représenté et assisté de Maître Thierry DE TASSIGNY, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 14 MARS 2012

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS

Le 7 juillet 2003, M. et Mme [V] ont conclu avec la SARL Escudé Constructions un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, pour l'édification d'une maison d'habitation située à [Localité 4] au prix de 73'072 € TTC, les maîtres de l'ouvrage se réservant une partie des travaux.

Le permis de construire a été délivré le 20 octobre 2003.

Les travaux ont été réceptionnés le 9 juin 2004 et la déclaration d'achèvement des travaux a été établie le 27 novembre 2004.

Toutefois suivant courrier du 27 novembre 2005, la mairie de [Localité 4] a notifié à M. et Mme [V] une décision de refus de délivrance du certificat de conformité au motif suivant': «'côte NGF plancher non respectée », le niveau de la construction étant inférieur à la norme acceptable fixée au plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) approuvé par arrêté préfectoral, étant précisé que le terrain est situé en zone inondable.

Suivant ordonnances en date des 22 juillet et 8 août 2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau a désigné M. [G] en qualité d'expert. Il déposait son rapport le 28 décembre 2009.

Considérant qu'il est démontré que la maison a été édifiée à une hauteur de 15,70 cm trop bas par rapport à la cote NGF du PPRI approuvé par arrêté préfectoral du 4 février 2000, M. et Mme [V] ont recherché la responsabilité du constructeur.

PROCEDURE

Par acte en date du 4 mars 2010, M. et Mme [V] ont assigné la SARL Escudé Constructions et son assureur la compagnie Sagena, devant le tribunal de grande instance de Pau en responsabilité et réparation de leur préjudice sur le fondement de l'article 1792 et subsidiairement 1147 du code civil.

Par acte en date du 6 avril 2010 la SARL Escudé Constructions a fait assigner la SARL Robalhino, entreprise de gros oeuvre,'et son assureur, également, la compagnie Sagena sur le fondement de l'article 1147 du code civil, en responsabilité et garantie des condamnations pouvant être prononcées contre elle.

Puis, par acte du 20 mai 2010, la SARL Escudé Constructions a également appelé en cause sur le même fondement contractuel, M. [E] en sa qualité de géomètre, pour voir engager sa responsabilité en ce qui concerne le problème de l'implantation altimétrique du bâtiment.

Suivant jugement en date du 14 mars 2012 le tribunal a':

- rejeté l'exception de question préjudicielle soulevée par la SARL Escudé Constructions,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Escudé Constructions tirée du défaut d'intérêt de M. et Mme [V],

- dit n'y avoir lieu à poser d'office une question préjudicielle au tribunal administratif de Pau,

- rejeté les exceptions de nullité du rapport d'expertise soulevées par la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino et de la SARL Escudé Constructions,

- déclaré opposable à M. [E] le rapport d'expertise de M. [G],

- déclaré responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la SARL Escudé Constructions et M. [E], des désordres affectant l'édification de la maison d'habitation de M. et Mme [V] à une altitude trop basse,

- déclaré responsables sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil, la SARL Robalhino'des désordres affectant l'édification de la maison d'habitation de M. et Mme [V] à une altitude trop basse,

- fixé comme suit le préjudice subi par M. et Mme [V]':

- 140'000 € TTC valeur de décembre 2009 avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction à compter de décembre 2009, au titre des travaux de reconstruction de la maison se décomposant comme suit':

- dépose de la couverture': 4 000 €,

- démolition, tri, évacuation': 18'000 €,

- reconstruction de la maison y compris la confection de soubassement': 115'000 €,

- remblai autour de la maison, reconstruction des abords': 3 000 €,

- 14'000 € au titre du coût de la maîtrise d'oeuvre,

- 2 500 € au titre des deux déménagements,

- 8 400 € au titre de la location d'une maison identique,

- 1 500 € au titre des frais des démarches administratives,

- 5 000 € au titre du préjudice moral,

- déclaré mobilisables les garanties de la compagnie Sagena au profit de la SARL Escudé Constructions et de la SARL Robalhino,

- condamné in solidum la SARL Escudé Constructions, la compagnie Sagena prise en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino'et de la SARL Escudé Constructions et M. [E], à payer à M. et Mme [V], en réparation du préjudice subi les sommes de':

- 140'000 € TTC valeur de décembre 2009 avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction à compter de décembre 2009, au titre des travaux de reconstruction de la maison se décomposant comme suit':

- dépose de la couverture': 4 000 €,

- démolition, tri, évacuation': 18'000 €,

- reconstruction de la maison y compris la confection de soubassement': 115'000 €,

- remblai autour de la maison, reconstruction des abords': 3 000 €,

- 14'000 € au titre du coût de la maîtrise d'oeuvre,

- 2 500 € au titre des deux déménagements,

- 8 400 € au titre de la location d'une maison identique,

- 1 500 € au titre des frais des démarches administratives,

- 5 000 € au titre du préjudice moral,

- dit que la somme de 140'000 € sera indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction à compter de décembre 2009,

- réservé le droit de M. et Mme [V] de demander le règlement de prestations complémentaires qui pourraient être exigées par l'évolution des réglementations,

- condamné in solidum la SARL Escudé Constructions et M. [E] à payer à M. et Mme [V] la somme de 5 000 € au titre du préjudice moral,

- débouté M. et Mme [V] et la SARL Escudé Constructions de leur demande de condamnation de la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Escudé Constructions et de la SARL Robalhino, à prendre en charge le préjudice moral subi,

- dit que dans leurs rapports entre eux les condamnations prononcées au titre des préjudices matériels seront réparties entre les parties de la façon suivante':

- la SARL Escudé Constructions et la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Escudé Constructions': 35 %,

- M. [E]': 35 %,

- la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino': 30 %,

- dit que dans leurs rapports entre elles, la condamnation prononcée au titre du préjudice moral sera répartie de la façon suivante entre les parties':

- la SARL Escudé Constructions': 50 %

- M. [E]': 50 %,

- rappelé qu'il sera fait application des plafonds de garantie et des franchises prévues au contrat souscrit par la SARL Escudé Constructions auprès de la compagnie Sagena,

- condamné in solidum la SARL Escudé Constructions, la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino'et de la SARL Escudé Constructions et M. [E], à verser à M. et Mme [V] une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL Escudé Constructions et la compagnie Sagena en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino'et de la SARL Escudé Constructions et M. [E] de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné in solidum la SARL Escudé Constructions, la compagnie Sagena prise en sa qualité d'assureur de la SARL Robalhino'et de la SARL Escudé Constructions et M. [E] aux dépens qui comprendront les frais de l'instance en référé et les frais d'expertise.

M. [E] a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 17 avril 2012.

Suivant acte du 22 octobre 2012, il a fait assigner Me [L], désigné en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Robalhino suivant ordonnance du 19 septembre 2012 de M. le premier président de la cour d'appel de Pau.

Les deux affaires ont été jointes suivant ordonnance en date du 11 décembre 2012.

Suivant ordonnance en date du 26 mars 2013, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré recevables les conclusions déposées le 30 octobre 2012 par la compagnie Sagena.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juillet 2013.

Le 25 juillet 2013, la SARL Escudé Constructions a déposé de nouvelles conclusions et sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture, en invoquant des faits nouveaux.

M. et Mme [V] se sont opposés à cette demande suivant message électronique du 2 août 2013.

MOTIVATION

Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture

Il résulte de la combinaison des articles 783 et 784 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité et que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce la SARL Escudé Constructions soutient que la crue exceptionnelle connue dans la région le 18 juin 2013, constitue un fait nouveau devant entrer dans le débat en raison de son incidence sur la solution du litige.

Or, d'une part, s'agissant d'un fait connu antérieurement à l'ordonnance de clôture du 22 juillet 2013, dont les parties ont été informées de la date suivant bulletin de fixation du 22 avril 2013, la SARL Escudé Constructions a disposé d'un temps suffisant qu'elle n'a pas mis à profit pour le porter à la connaissance de ses contradicteurs et en tirer les conséquences qu'elle jugeait utile à la défense de ses intérêts.

D'autre part, l'événement dénoncé n'a pas pour effet de modifier les termes du litige s'agissant d'un argument de fait destiné à confirmer ou conforter sa démonstration sur l'existence d'un risque d'inondation.

Il convient dès lors de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et de statuer en considération des seules conclusions déposées et des seules pièces produites antérieurement au 22 juillet 2013. Les conclusions de la SARL Escudé Constructions déposées le 25 juillet 2013 seront donc déclarées irrecevables et il sera statué sur la base de ses précédents conclusions déposées le 10 juin 2013.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] dans ses dernières écritures en date du 13 juillet 2012 demande à la Cour, sur le fondement des articles 1134 et suivants du code civil, de':

- réformer le jugement,

- dire qu'il n'est pas responsable de l'erreur d'implantation altimétrique de l'ouvrage appartenant à M. et Mme [V],

- en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes formées à son encontre,

- se voir octroyer une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- n'avoir été missionné que pour la réalisation de l'implantation planimétrique et non altimétrique,

- la cause de la mauvaise implantation altimétrique résulte de l'erreur commise dans le dossier de permis de construire par la SARL Escudé Constructions et de son inobservation de la prescription imposée par le permis de construire quant à l'altitude de la maison,

- l'erreur sur le dessin de coupe s'est retrouvée sur la construction, M. [O] ayant suivi les plans.

La SARL Escudé Constructions dans ses dernières écritures en date du 10 juin 2013, demande à la Cour'de :

- confirmer le jugement concernant le caractère décennal de l'erreur d'implantation, le principe de la responsabilité de la SARL Robalhino'et la garantie de son assureur, le rejet des exceptions de non-garantie soulevées par cet assureur au titre de la garantie décennale et le rejet de la qualification de relations de sous-traitance entre elle et M. [E],

- réformer le jugement pour le surplus et':

- à titre principal, rejeter la demande de M. et Mme [V] pour défaut d'intérêt à agir par application de l'article 122 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire':

- dire, qu'il s'agisse de la réparation ou de la démolition/reconstruction, qu'elle ne pourra que constituer une provision qui ne sera définitivement acquise aux demandeurs que pour autant qu'ils justifient dans un délai de 12 mois qui suivra le prononcé de l'arrêt d'appel, de l'utilisation de l'indemnité versée, à la démolition et à la reconstruction de l'immeuble,

- dire et juger que dans l'hypothèse d'une non justification de cette utilisation, dans le délai ci-dessus, M. et Mme [V] seront condamnés solidairement à restituer l'indemnité perçue,

- dire et juger alors, qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de ressaisir la Cour qui devra statuer sur l'indemnisation définitive du préjudice, qui sera faite en tenant compte de l'absence d'utilisation de l'indemnité à la réparation de l'ouvrage, ou à sa reconstruction,

- condamner la compagnie Sagena et M. [E] au paiement d'une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la compagnie Sagena au paiement d'une indemnité spéciale de 12'500 € sur le même fondement, sachant qu'elle devait sa protection juridique à son assurée, qui n'aurait pas dû dans cette hypothèse exposer ses propres frais de défense,

- condamner solidairement la compagnie Sagena et M. [E] aux entiers dépens comprenant ceux du référé, les frais d'expertise judiciaire et les dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que seule la responsabilité du géomètre et de l'entrepreneur de gros 'uvre peut être retenue et que la compagnie Sagena doit la garantir s'agissant d'un désordre de nature décennale puisqu'il rend l'immeuble impropre à sa destination.

Subsidiairement, il s'agit pour le moins, d'une erreur d'implantation couverte par une clause spéciale du contrat d'assurance. En outre, la garantie couvre tous les dommages dont le préjudice moral.

Elle rappelle qu'elle dispose d'une action directe contre la compagnie Sagena, ès qualités d'assureur de la SARL Robalhino, qui n'a pas à être mise en cause d'autant qu'elle bénéficie aujourd'hui d'une procédure collective.

Les demandes de M. et Mme [V] sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir dès lors qu'il n'est plus exigé depuis le 1er janvier 2008 la délivrance d'un certificat de conformité, que la commune est prescrite pour invoquer cette infraction et que le risque d'inondation est inexistant, de sorte que le préjudice est hypothétique.

Elle conteste les modalités de réparation des préjudices invoqués dès lors que la maison est habitable et habitée et que la solution de la démolition-recontruction apparaît disproportionnée et constitutive d'un enrichissement sans cause. C'est pourquoi toute indemnisation ne pourra être accordée qu'à titre provisoire et sur justificatif des travaux engagés faute de quoi M. et Mme [V] devraient être condamnés à rembourser les sommes perçues.

La compagnie Sagena dans ses dernières écritures en date du 30 octobre 2012, sur le fondement des articles 275 et 276 du code de procédure civile et 1792 du code civil, demande à la Cour, la recevant en son appel incident, de':

- in limine litis': prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [G] et du rapport du sapiteur M. [I], en ce que le premier n'a pas pris en compte son dire du 17 novembre 2009, que l'expert n'a donc pas rempli sa mission et que son sapiteur a modifié ses conclusions sans respect du principe du contradictoire,

- sur le fond, à titre principal, prononcer sa mise hors de cause en sa qualité d'assureur décennal tant de la SARL Escudé Constructions que de la SARL Robalhino,

- à titre subsidiaire, si le caractère décennal du dommage devait être retenu,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie pour erreur d'implantation ne pouvait être mobilisée et que la garantie n'a pas vocation à couvrir un quelconque préjudice moral,

- pour le surplus, constater que M. et Mme [V] sont défaillants dans l'administration de la preuve d'un désordre et d'un préjudice,

- les débouter de l'ensemble de leurs prétentions indemnitaires,

- dire et juger que la solution consistant à démolir et reconstruire la maison doit être écartée,

- réduire les prétentions de M. et Mme [V] aux sommes nécessaires pour permettre la réalisation de travaux réparatoires,

- dire et juger qu'il sera fait application des plafonds de garantie et des franchises prévues au contrat souscrit par la SARL Escudé Constructions,

- dans tous les cas, condamner toute partie succombante à lui verser une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux du référé et les frais d'expertise judiciaire.

Elle conclut à sa mise hors de cause en sa qualité d'assureur décennal du constructeur et de l'entreprise de gros 'uvre'dès lors que le désordre n'est pas de nature décennale à défaut de preuve d'une erreur d'altimétrie, de caractère inhabitable de la construction et en l'absence de risque certain d'inondation.

La garantie de la SARL Escudé Constructions au titre d' « erreur d'implantation » n'est pas mobilisable dès lors qu'elle ne porte pas sur l'emprise au sol, ce qui n'est pas le cas d'une erreur d'altimétrie.

La garantie de la SARL Robalhino'n'est pas due en l'absence de preuve d'une faute dans l'exécution des travaux, sa mission ne comprenant pas le contrôle de l'altimétrie qui est étranger à ses compétences techniques.

Elle soutient également que la démolition-reconstruction n'apparaît pas comme la solution réparatoire utile compte tenu du faible risque de crue et d'inondation'; la surélévation du plancher du rez-de-chaussée et l'adaptation des différents ouvrages au-dessus peut être valablement envisagées sans démolition pour un coût de 25'000 € TTC.

Elle s'oppose à la demande de la compagnie Sagena en paiement d'une indemnité de 12 500 € sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile. En effet, dès lors qu'elle sollicitait l'application de la garantie pour erreur d'implantation, alors que les conditions n'étaient pas réunies, la SARL Escudé Constructions ne pouvait obtenir la protection juridique de son assureur.

M. et Mme [V] dans leurs dernières écritures en date du 12 juillet 2013, concluent à la confirmation de la décision et au débouté de toutes les demandes contraires formées à leur encontre. Ils sollicitent la condamnation in solidum de la SARL Escudé Constructions, de M. [E], la compagnie Sagena et Me [L], ès qualités, au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils concluent à la responsabilité de la SARL Escudé Constructions en sa qualité de constructeur maître d'oeuvre en application des obligations légales des articles L 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation et au regard des dispositions conventionnelles.

Elle est à l'origine du déficit d'altimétrie. Le terrain est situé en zone inondable par le PPRI approuvé par arrêté préfectoral du 4 février 2000 qui n'a jamais été revu'; il prévoit que la cote du plancher du premier niveau habitable doit être égale à la cote du terrain naturel + 0,30 m'; la cote de 131 m NGF pour le seul terrain naturel a été donnée par le constructeur sous sa seule responsabilité, lors du dépôt de la demande de permis de construire qui a été délivré au vu de cette mention erronée figurant sur le document «'coupe sur terrain »'; le constructeur, professionnel du bâtiment s'est chargé de l'intégralité des démarches en exécution de sa mission contractuelle.'

Ils rappellent que les maîtres de l'ouvrage disposent d'une action directe contre l'assureur du constructeur et de l'entrepreneur de gros 'uvre, qui n'est pas subordonnée à l'appel en cause de l'assuré en application de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Quant au préjudice subi, ils soutiennent avec l'expert que le défaut d'implantation n'est pas réparable et qu'il n'existe aucune solution alternative.

Ils s'opposent au versement d'une provision à titre de réparation de leur préjudice en rappelant que l'indemnisation ne peut être assortie d'aucune condition'et qu'il ne peut être mis à la charge du créancier une obligation de faire.

Me [L], ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL Robalhino, dans ses dernières écritures en date du 24 avril 2013 conclut sur le fondement des articles 1844-8, 1382 et 1383 du code civil et 700 du code de procédure civile, demande à la Cour de':

- avant toute défense au fond, déclarer irrecevable la demande d'intervention forcée formée par M. [E] contre lui, ès qualités, en application de l'article 1844-8 du code civil,

- à titre principal, réformer le jugement, dire et juger que la SARL Robalhino'n'a commis aucune faute délictuelle susceptible d'engager sa responsabilité, en conséquence débouter M. et Mme [V], la SARL Escudé Constructions et M. [E] de toutes leurs demandes formées contre lui et confirmer le jugement pour le surplus,

- à titre subsidiaire, condamner la SARL Escudé Constructions à le garantir, ès qualités, de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre,

- en toute hypothèse, condamner M. et Mme [V] ou tout succombant à lui verser, ès qualités, la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. et Mme [V] ou tout succombant aux dépens.

Il soutient que la SARL Robalhino n'a plus de personnalité morale depuis le 9 juillet 2009, date de la clôture des opérations de liquidation qui ont suivi sa dissolution amiable du 31 décembre 2008, soit il y a plus de trois ans. Sa radiation du registre du commerce et des sociétés a été prononcée le 9 juillet 2009, c'est ce qui explique son absence en première instance.

Il conclut au fond, à l'absence de responsabilité de la SARL Robalhino à défaut de preuve d'une faute, considérant qu'elle n'avait pour mission que de vérifier l'altimétrie non pas du terrain mais du plancher de la maison qui devait se trouver à plus de 0,30 m du terrain naturel.

En tout état de cause, la preuve du lien de causalité n'est pas non plus rapportée, en ce que l'absence éventuelle de vérification par l'entreprise de gros 'uvre n'est pas à l'origine de l'édification d'une maison ne répondant pas aux prescriptions du plan de prévention des risques d'inondations et donc une maison non conforme, mais seulement l'erreur initiale sur le plan de coupe.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'action de M. et Mme [V]

La SARL Escudé Constructions soulève la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. et Mme [V], en raison d'un risque inexistant et d'un préjudice inexistant en ce que :

- depuis le 1er janvier 2008 il n'est plus exigé de certificat de conformité,

- le risque d'infraction pénale n'est plus encouru en raison de la prescription triennale de l'action de la commune,

- le risque d'inondations en raison d'une crue supérieure à la cote actuelle de la maison ou d'une crue supérieure aux crues historiques voire le risque de non assurance sont inexistants et non démontrés, l'expert procédant sur ce point, par de simples hypothèses et les photographies produites de la dernière importante crue en 2008 démontrent que la construction n'a pas été affectée,

- les cotes de référence sont actuellement en cours de renégociation et la maison n'est pas située sur le gave de [Localité 6] mais sur son affluent (l'Aulouze),

- le PPRI de la commune de Denguin a été établi avant la construction d'un barrage écrêteur de crues en 1999, de sorte que l'isocote de référence 131 NGF à partir de laquelle l'expertise démarre son calcul, est aujourd'hui invalidée.

Or, l'intérêt à agir qui est une condition de la recevabilité de l'action, ne se confond pas avec la preuve du préjudice subi par la partie demanderesse qui n'est qu'une condition de son succès.

Ainsi en l'espèce, au jour de l'introduction de l'instance, date à laquelle le juge doit se placer pour vérifier la recevabilité de l'action, M. et Mme [V] disposaient du rapport d'expertise visant les conditions d'une action en responsabilité contre le constructeur et son assureur': un défaut d'implantation altimétrique susceptible de constituer un désordre de nature décennale voire d'une faute contractuelle du constructeur et des préjudices divers en découlant.

Sur la validité du rapport d'expertise

La compagnie Sagena soulève la nullité du rapport d'expertise de M. [G] et du rapport du sapiteur M. [I], en ce que':

- l'expert n'a pas répondu à son dire en date du 17 novembre 2009 concernant la question de l'impropriété de l'immeuble à sa destination, ce qui constitue une absence totale de prise en compte d'un dire et un défaut de réponse à sa mission, constitutifs de vices de forme qui lui cause grief,

- son sapiteur a pris en compte des observations du maire et de son adjoint obtenues clandestinement c'est-à-dire hors la présence des parties, à l'exception des maîtres de l'ouvrage, ce qui a eu pour effet de modifier les résultats qu'il avait trouvés quant à l'altitude'; il s'agit d'une violation du principe du contradictoire.

Or, d'une part, dans son courrier circulaire du 28 octobre 2009, l'expert invitait les parties à déposer leurs dires éventuels avant le 17 novembre. Dès lors, en application de l'article 276 du code de procédure civile, il n'avait pas à répondre à celui de la compagnie Sagena déposé le jour même de l'expiration du délai, «'en fin de journée'» ainsi que l'indique l'expert. Toutefois, il y a malgré tout répondu dans sa lettre circulaire du 18 novembre 2009.

Par ailleurs, en vertu de l'article 238 du code de procédure civile, il n'appartient pas à l'expert de porter une appréciation juridique sur les points pour l'examen desquels il a été commis, mais de donner au juge tous les éléments techniques lui permettant de trancher un litige. Or, en l'espèce, en s'interrogeant sur l'éventualité d'une crue supérieure à la cote actuelle de la maison et sur l'éventualité d'un défaut d'assurance, l'expert a exactement rempli sa mission, laissant au juge le pouvoir d'apprécier, au vu de ses seules constatations et analyses techniques recueillies par les deux sapiteurs qu'il s'était adjoints, MM. [Z] et [I], si la construction, en zone inondable à une cote inférieure à celle du permis de construire et des préconisations du PPRI, est ou non conforme à sa destination au sens de l'article1792 du code civil.

Enfin, il est exact que M. [I] a modifié ses calculs entre son premier compte-rendu du 20 août 2009 où il indiquait un déficit d'altimétrie de 9 cm et son rapport définitif du 26 octobre 2009 où il indique un déficit plus important de 15,7 cm. Il explique clairement que des erreurs d'échelle ont été commises en raison de la mauvaise qualité des photocopies des premiers documents cartographiques sur lesquels il avait travaillé, l'obligeant à reprendre son étude au vu de l'original du cadastre où figurait la construction de M. et Mme [V]. L'expert [G] admet que ces erreurs ont été relevées par la Mairie de [Localité 4] dans son fax du 14 octobre 2009. Mais, dès lors que suivant courrier circulaire du même jour, il a transmis ce fax aux parties, qu'elles ont disposé d'un délai suffisant pour en contester les données chiffrées, avant la reddition du rapport de M. [I] du 26 octobre 2009 et du rapport définitif de l'expert [G] le 28 décembre 2009 et qu'elles n'ont pas usé de cette faculté, il apparaît que le principe du contradictoire a été respecté par l'expert.

De sorte que les rapports d'expertise n'encourent pas la nullité et que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le désordre

Il ressort du rapport d'expertise que':

- le terrain est situé en zone inondable (zone verte faible risque),

- la demande de permis de construire déposée le 31 juillet 2003 comprend un plan de coupe de la construction envisagée, sur lequel il a été indiqué la hauteur du terrain à 131 m NG, avec un premier plancher situé à 0,30 m au dessus,

- le permis de construire délivré le 23 octobre 2003 reprend ces mesures'et fixe ainsi le niveau du premier plancher de la construction, à une hauteur de 131,3 m NGF suivant le PPRI approuvé par arrêté préfectoral du 4 février 2000,

- or, le sapiteur M. [Z] a mesuré à 130,687 m NGF l'altitude du rez-de-chaussée de la maison,

- aux termes du PPRI la cote du plancher du premier niveau habité doit être égale à la cote du terrain naturel + 0,30 m, de sorte qu'en l'espèce, le sapiteur M. [I], a relevé que l'altitude minimum du plancher du rez-de-chaussée de la maison aurait dû être fixée à 130,844 m,

- le PPRI approuvé en 2000, n'a jamais été revu,

- en conséquence, il existe un déficit altimétrique de 0,157 cm (130,844 m - 130,687 m),

- l'expert conclut que «'la cause du problème est l'inobservation par le constructeur de la prescription imposée par le permis de construire quant à l'altitude de la maison'» en ce que le plan de coupe mentionne la hauteur erronée du terrain naturel à 131 m à laquelle est ajoutée 0,30 m pour respecter la prescription d'altitude imposée ; alors même que selon les mesures de M. [Z] et selon le plan annexé au procès-verbal de recollement de la direction de l'Equipement, l'altitude des terrains environnants est située à une hauteur n'excédant pas 130,55 m et la route est située à 130, 102 au droit de la propriété de M. et Mme [V].

La compagnie Sagena soutient donc à tort que l'erreur d'implantation altimétrique n'a pas été formellement démontrée par l'expert alors qu'il'a fait appel à deux sapiteurs, M. [Z], géomètre expert, et M. [I], hydrologue au CNRS, dont les conclusions et calculs sont techniquement étayés et la méthodologie justifiée et contre lesquelles elle n'oppose aucune critique scientifiquement étayée.

Sur la nature du désordre'

Selon la compagnie Sagena l'erreur d'implantation ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination en ce que':

- elle ne soumet pas l'immeuble au risque d'une éventuelle crue : cette maison est occupée sans problème depuis le 9 juin 2004 date de la réception'; elle n'a connu aucune inondation depuis'malgré des périodes de très fortes pluies ;

- l'expert ne s'est jamais prononcé clairement sur ce point procédant à des suppositions';

- un aménagement hydraulique fiable a été installé en 1999 ayant pour effet de réduire considérablement l'aléa de l'inondation';

- dès lors, l'existence d'un désordre décennal futur et certain n'est donc pas établi par l'expert'; il s'agit d'un désordre hypothétique';

- la nature décennale d'un désordre n'est pas conditionnée à la nécessité alléguée par l'expert de procéder à la démolition puis à la reconstruction du bâtiment mais par la réalité du risque'; c'est l'intensité du risque qui fait office de critère décisif'; ici le risque n'est pas réel mais hypothétique.

Toutefois, s'il est exact que la construction est située, selon le zonage du PPRI, en zone vert foncé c'est-à-dire dans une zone inondable à faible aléa, il n'en demeure pas moins que le risque d'inondation existe, que les photographies de la crue exceptionnelle de 2008 montrent que l'eau a envahi la route mais aussi l'entrée du terrain de M. et Mme [V] ; que malgré la construction du barrage écrêteur en 1999, le PPRI n'a pas été modifié, qu'aucun relevé scientifique ne peut assurer que le niveau des crues exceptionnelles sera toujours stable, à l'heure où il est question de dérèglement climatique et de records toujours dépassés en cette matière.

Ainsi, le terrain étant situé en zone inondable, le manquement aux minima altimétriques exigés a pour effet d'accroître le risque d'inondation acceptable et accepté. Le risque d'inondation constitue donc un désordre futur certain et non hypothétique, de nature à rendre l'immeuble inhabitable dans le délai décennal. Les crues de 2008 et 2009 en sont la démonstration.

Il s'agit donc d'un désordre de nature décennale engageant la responsabilité décennale des constructeurs désignés par les articles 1792 et 1792-1 du code civil.

Sur la responsabilité de la SARL Escudé Constructions

Le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans est soumis aux dispositions des articles L 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

Aux termes de l'article L 231-2 de ce code, le contrat doit comporter l'affirmation de la conformité du projet aux règles de construction prescrites en application du code de la construction et de l'habitation et du code de l'urbanisme.

Le contrat du 7 juillet 2003 prévoit':

- en son article 2, que le constructeur se chargera des formalités administratives à effectuer en vue de l'obtention des autorisations nécessaires à la construction et le maître de l'ouvrage fournira tous les éléments concernant son terrain, nécessaires à la constitution du dossier de permis de construire';

- en son article 3, que le constructeur est constitué mandataire des maîtres de l'ouvrage pour l'accomplissement des démarches et formalités nécessaires à l'obtention du permis de construire et s'il y a lieu des autres autorisations administratives.

La SARL Escudé Constructions était donc tenue pour l'élaboration des plans et du dossier de permis de construire, de s'informer des contraintes d'urbanisme applicables et donc de s'assurer des normes exigées en cette matière par le PPRI, de vérifier les cotes altimétriques réelles du terrain, et de les comparer aux exigences administratives.

Or, en mentionnant sur le plan de coupe annexé à la demande de permis de construire, la cote erronée de 131 m du terrain naturel, la SARL Escudé Constructions a manqué à ses obligations conventionnelles et légales, d'autant plus renforcées en l'espèce, que le terrain est situé en zone inondable. Cette cote erronée a été donnée par le constructeur sous sa seule responsabilité et le permis de construire a été délivré au vu des mentions erronées du plan de coupe.

Dès lors, la discussion qu'elle oppose sur l'étendue exacte de sa mission qui n'aurait pas, selon elle, concerné l'implantation altimétrique de la construction, celle-ci relevant de la mission de M. [E] suivant bon de commande du 18 février 2004, est totalement indifférente.

Il lui est reproché en effet, de ne pas avoir respecté son obligation de résultat quant aux renseignements qu'elle mentionnait pour l'obtention du permis de construire. Or, c'est bien parce qu'elle a indiqué une cote de 131 m pour le terrain naturel, soit une cote supérieure aux minima du PPRI, que le permis de construire a pu être obtenu.

Et ce d'autant, qu'il résulte d'un courrier de M. [C], géomètre expert, en date du 11 août 2003, qu'elle a reçu le 19 août 2003 (au vu de son tampon), qu'elle disposait de son plan topographique visant les cotes altimétriques du terrain situées entre 130,10 m et 130,55 m suivant les points de mesure et 130,23 m en son centre. Il en résulte que la SARL Escudé Constructions n'a pas tenu compte de ce document ni n'a tenté de le vérifier voire de modifier sa demande de permis de construire déposée seulement quelques jours plus tôt le 31 juillet 2003.

En outre, en sa qualité de professionnelle de la construction, elle ne peut valablement affirmer que le plan de coupe qu'elle a annexé à la demande de permis de construire visant la cote erronée de 131 m, constituait un «'simple plan'» établi dans le cadre de l'avant-projet sommaire, alors qu'elle savait que ce plan servirait à la délivrance du permis de construire, sauf à reconnaître implicitement sa défaillance dans l'exécution d'une obligation contractuelle et légale, consistant dans la fourniture de plan en conformité avec les règles du code de la construction et du code de l'urbanisme.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la SARL Escudé Constructions responsable du désordre subi.

Sur la responsabilité de M. [E]

Suivant bon de commande du 18 février 2004, soit quatre mois environ après l'obtention du permis de construire sur la base erronée de la cote altimétrique du terrain naturel fixée à 131 m, M. et Mme [V] ont confié à M. [E] une mission relative à « l'implantation de la construction d'après le permis de construire'».

Cette mission ne mentionne aucune restriction relative à l'implantation, de sorte que son obligation portait sur l'implantation tant planimétrique qu'altimétrique du bâtiment.

Ainsi, il lui incombait d'établir un plan d'implantation conforme à la prescription du permis de construire ainsi libellée': «'le niveau du premier plancher de la construction devra se situer au minimum à la côte 131,30 m NGF (côte de référence 131,0 m NGF + 0,30 m)'».

M. [E] n'a effectué aucun contrôle de l'altimétrie du terrain et il reconnaît n'avoir réalisé que l'implantation planimétrique malgré les termes généraux du bon de commande. Il apparaît dès lors qu'il a manqué à son obligation contractuelle.

Il tente de s'exonérer de sa responsabilité en invoquant d'une part, l'imprécision du bon de commande et d'autre part, la remise du seul plan de masse et de situation qui ne permettait que de situer la construction par rapport aux limites de propriété du terrain, ce qui démontre la limitation de sa mission à la seule implantation planimétrique.

Toutefois, à défaut de restriction de l'objet de la commande qui vise « l'implantation de la construction'» mais aussi, la référence au permis de construire qui vise les contraintes altimétriques, il apparaît que M. [E] a manqué de sérieux dans l'examen du périmètre de sa mission et son exécution.

Sa défaillance a participé à la réalisation du dommage.

Sur la responsabilité de la SARL Robalhino'

L'entrepreneur de gros 'uvre est un constructeur au sens des articles 1792 et suivants du code civil.

La SARL Robalhino a été missionnée par la SARL Escudé Constructions suivant ordre de service du 27 février 2004 pour les travaux de terrassement, maçonnerie et gros 'uvre «'suivant plans et descriptifs ci-joints'».

Aux termes de la convention générale «'Régissant les clauses particulières applicables à toute commande de travaux'» consentie le 11 octobre 2000 par la SARL Escudé Constructions à la SARL Robalhino, celle-ci s'est engagée «'avant toute intervention à vérifier l'ensemble des cotes et des renseignements qui lui sont fournis et à aviser par lettre recommandée avec avis de réception le constructeur des erreurs ou omissions qu'il aurait pu relever. Il ne pourra en conséquence en aucun cas faire valoir une erreur de cotes, une omission ou une inexactitude concernant les plans pour dégager sa responsabilité ou ne pas se conformer aux règles de l'art'».

Aux termes du «'Descriptif gros oeuvre'» consenti le 11 octobre 2000, il s'est en outre engagé à, d'une part, effectuer l'implantation «'conformément aux prescriptions et plans du permis de construire'» et d'autre part, à vérifier «'notamment l'implantation du piquetage de base effectué éventuellement par le géomètre du client'».

Il est incontestable que le niveau de compétence relative au contrôle de l'altimétrie et de la planimétrie de l'entrepreneur est bien moindre que celui du maître d'oeuvre ou du géomètre.

Toutefois, par ces deux actes du 11 octobre 2000, la SARL Robalhino a accepté de renforcer ses obligations en la matière.

Dès lors, la conformité aux prescriptions altimétriques du permis de construire, la vérification de l'ensemble des cotes, qu'elles soient planimétriques ou altimétriques et le contrôle du piquetage de base sont inclus dans le périmètre de sa mission.

En ne vérifiant pas la conformité de l'altimétrie de la construction, ce qui comprend l'altimétrie du terrain et du premier niveau (131 m + 0,30 m) telle que visée au permis de construire, la SARL Robalhino'a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la SARL Escudé Constructions, sans qu'elle puisse se retrancher derrière l'erreur initiale du

constructeur quant à la cote du terrain naturel. En effet, sa propre faute a concouru à la

réalisation de l'entier dommage subi par M. et Mme [V], elle engage en conséquence sa responsabilité contractuelle à l'égard du constructeur mais également sa responsabilité délictuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que la SARL Escudé Constructions, la SARL Robalhino'et M. [E] était responsables in solidum de l'entier préjudice subi.

Sur les préjudices

Les constructeurs et leur assureur ne produisent aucune critique technique sérieuse des conclusions de l'expert, qui préconise la démolition suivie de la reconstruction, dès lors que le déficit de hauteur, 15,7 cm, n'est pas rattrapable en raison de la hauteur maximum des linteaux des fenêtres (2,15 m), de la hauteur sous plafond (2,45 m) en rez-de-chaussée et de la nécessité de relever d'autant tout l'étage et le second 'uvre.

Le principe de la réparation intégrale du préjudice exige donc l'application de cette solution radicale certes, mais qui ne constitue pas un enrichissement sans cause dès lors qu'il n'existe aucune autre solution réparatoire alternative.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de prévoir une indemnisation à titre provisoire et sur justificatifs des travaux de démolition-reconstruction, qui serait contraire au principe de la réparation du préjudice que les victimes du dommage ont déjà subi et qui fait peser sur elles une présomption de mauvaise foi incompatible avec les développements ci-dessus.

Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives au montant des préjudices subis qui comprennent, outre le coût de la démolition et de la reconstruction indexé mais encore le coût de la réparation des préjudices complémentaires et frais annexes en lien avec le désordre.

Il doit également être confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 5 000 € le montant du préjudice moral subi du fait de la démolition de la maison et les tracas qui en résulteront, à la charge de M. [E] et de la SARL Escudé Constructions.

Sur la contribution à la dette

En raison de la part de responsabilité incombant à chaque intervenant dans la réalisation des dommages matériel et moral, au regard de leurs obligations respectives et au vu de la mobilisation de la garantie de la compagnie Sagena, il convient de confirmer également le jugement en ce qu'il a dit que la SARL Escudé Constructions et M. [E] seront tenus à hauteur de 35 % chacun et SARL Robalhino à hauteur de 30 %, des préjudices matériels et que la SARL Escudé Constructions et M. [E] seront tenus à hauteur de 50 % chacun du préjudice moral. '

Sur la garantie de la SA Sagena

M. et Mme [V] et la SARL Escudé Constructions disposent d'une action directe contre l'assureur du constructeur impliqué dans les désordres.

La compagnie Sagena ne conteste pas sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la SARL Escudé Constructions et de la SARL Robalhino.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la compagnie Sagena à les garantir dès lors que les conditions de la garantie sont réunies au regard de':

- la date du contrat le 7 juillet 2003 et du commencement du chantier début 2004,

- la réception des travaux le 9 juin 2004 sans réserves,

- la date d'apparition du désordre, soit la date du refus de délivrance du certificat de conformité le 27 novembre 2005, dans les dix ans de la réception,

- la nature décennale du désordre rendant l'immeuble impropre à sa destination.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a exonéré la compagnie Sagena de toute garantie du préjudice moral qui n'entre pas dans les prévisions des conditions générales des contrats d'assurance en ce qu'il s'agit d'un dommage immatériel exclu.

Sur l'appel en cause de Me [L], ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL Robalhino

L'action directe ouverte aux maîtres de l'ouvrage contre l'assureur d'un des constructeurs à l'origine des désordres de nature décennale et celle en garantie ouverte aux constructeurs contre l'assureur de l'un d'eux, n'exclut pas la mise en cause de constructeur défaillant afin qu'il puisse se défendre dans l'action en responsabilité engagée contre lui.

Toutefois, en l'espèce, l'appel en la cause de la SARL Robalhino'suivant assignation du 22 octobre 2012 en la personne d'un mandataire ad hoc désigné à cet effet, était inutile au regard de la disparition de la personnalité morale de la société depuis plus de trois ans après sa dissolution et clôture des opérations de liquidation le 9 juillet 2009 (voir l'extrait Kbis) en vertu de l'article 1844-8 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Déboute la SARL Escudé Constructions de sa demande de report de l'ordonnance de clôture du 22 juillet 2013 et déclare irrecevables ses conclusions notifiées le 25 juillet 2013';

- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 14 mars 2012 en toutes ses dispositions';

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [E], la SARL Escudé Constructions, la compagnie Sagena, ès qualités d'assureur de la SARL Escudé Constructions et de la SARL Robalhino, à payer à M. et Mme [V] la somme de 300 € (trois cents euros) ;

- Condamne la compagnie Sagena à payer à la SARL Escudé Constructions la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le même fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- Condamne in solidum M. [E], la SARL Escudé Constructions, la compagnie Sagena, ès qualités d'assureur de la SARL Escudé Constructions et de la SARL Robalhino, aux dépens d'appel';

- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONPatrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/01370
Date de la décision : 29/11/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°12/01370 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-29;12.01370 ?
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