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25/10/2013 | FRANCE | N°12/03396

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 25 octobre 2013, 12/03396


FA/AM



Numéro 13/4002





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 25/10/2013







Dossier : 12/03396





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice















Affaire :



[C] [X]



C/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE














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Grosse délivrée le :

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 octobre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les condition...

FA/AM

Numéro 13/4002

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 25/10/2013

Dossier : 12/03396

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité des auxiliaires de justice

Affaire :

[C] [X]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 octobre 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 02 juillet 2013, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller, magistrat chargé du rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Mademoiselle GARRAIN, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

Le ministère public a eu connaissance de la procédure le 16 janvier 2013.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Maître [C] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par l'AARPI PIAULT - LACRAMPE-CARRAZE, avocats à la Cour

assisté de Maître LACABE-PLASTEIG, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE dont le siège social est [Adresse 1]

[Localité 2] et dont la direction générale est [Localité 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal

représentée et assistée de Maître Paul CHEVALLIER, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 13 SEPTEMBRE 2012

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Par jugement du 6 novembre 1991, le tribunal de grande instance de Tarbes a prononcé la liquidation judiciaire des époux [J], et désigné Me [Q] en qualité de liquidateur.

Le Crédit Agricole avait consenti aux époux [J] trois prêts hypothécaires les 20 mars 1981, 29 mars 1985, et 24 octobre 1986, suivant trois actes authentiques passés à l'étude de Me [X], notaire.

Le Crédit Agricole a déclaré ses créances entre les mains du liquidateur.

Ces trois prêts étaient garantis par trois hypothèques conventionnelles prises sur une propriété agricole située à [Localité 4] appartenant à M. [E] [J], qu'il avait reçu en donation-partage de ses parents, mais ces actes de propriété comportaient une réserve de droit d'usage et d'habitation, une réserve de droit de retour, et une interdiction d'aliéner établie par les donateurs.

Les donateurs sont intervenus aux trois actes de prêt notariés pour renoncer aux réserves énoncées ci-dessus.

Par la suite, les époux [J], donateurs, ont contesté avoir signé cette renonciation, et ils ont fait assigner Me [Q] ainsi que le Crédit Agricole afin de faire annuler ces actes frauduleux. Le Crédit Agricole a fait appeler dans la cause Me [X].

Suivant un arrêt du 12 octobre 2009, la cour d'appel de Pau a annulé pour faux les trois actes authentiques en ce qui concerne la renonciation par les époux [J] au profit du Crédit Agricole, et a déclaré nulles les inscriptions d'hypothèque inscrites sur les immeubles des époux [J] en vertu de ces actes annulés.

Par acte d'huissier du 9 mars 2010, le Crédit Agricole a fait assigner Me [X] devant le tribunal de grande instance de Tarbes, afin de le voir condamné au paiement de la somme de 477 529,50 € représentant le montant des trois prêts en cause, en fondant son action sur les règles de la responsabilité contractuelle.

Par jugement du 13 septembre 2012, cette juridiction a dit que Me [X] a commis une faute, et l'a déclaré responsable du préjudice subi par la banque, et avant dire droit sur la réparation du préjudice, a ordonné une expertise ayant pour objet de déterminer la valeur du bien qui aurait pu être vendu et des fonds qu'il aurait perçus en sa qualité de créancier hypothécaire et en fonction de son rang, c'est-à-dire des biens objets des trois hypothèques annulées par l'arrêt de la cour d'appel du 12 octobre 2009.

Par déclaration au greffe du 11 octobre 2012, Me [X] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 21 mars 2013, il a conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation du Crédit Agricole au paiement d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

Il soutient :

- que l'ouverture de crédit du 29 mars 1985 et le prêt du 24 octobre 1986 n'ont pas été admis par le juge-commissaire et qu'ils ne lui sont donc pas opposables ;

- que le liquidateur dispose depuis 1991 de trois hypothèques conventionnelles ainsi que d'une inscription d'hypothèque judiciaire définitive du 7 janvier 1991 sur l'ensemble de la propriété agricole pour un montant total de 184 389,94 € ;

- que le prêt du 27 avril 1977 prévoyait la renonciation par les époux [J] à l'interdiction d'hypothéquer et au droit d'usage d'habitation, et que l'inscription de l'hypothèque conventionnelle du 24 juin 1977 a été renouvelée le 30 avril 2009, et que ces trois hypothèques conventionnelles renouvelées devaient donc permettre à la banque de recouvrer ses créances à concurrence de la valeur de la propriété.

Me [X] conteste l'existence d'un lien de causalité entre la faute qu'il aurait commise et un éventuel préjudice qui n'est nullement caractérisé, puisque les sûretés n'ont pas été perdues du fait de sa faute, qu'elles ont été efficaces, et qu'elles ne peuvent permettre à la banque que d'obtenir une indemnisation à hauteur de ce que les garanties auraient permis de recouvrer.

Il ajoute que la banque a commis une faute en octroyant des prêts à des emprunteurs insolvables, et qu'ainsi le dommage résulte non pas de la perte de sûretés, mais de sa propre négligence.

Dans ses dernières écritures du 16 février 2013, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne a conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de Me [X] au paiement d'une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles.

Elle fait valoir d'une part que la faute de Me [X] est parfaitement caractérisée, puisqu'il a laissé apposer de fausses signatures sur des actes authentiques dont il n'a pas assuré l'authenticité, et qu'ainsi il a engagé sa responsabilité contractuelle, ce qui a été justement relevé par la cour d'appel dans son arrêt du 12 octobre 2009.

Elle ajoute qu'elle a déclaré l'ensemble des créances résultant des trois prêts consentis aux époux [J], que ses créances ont été admises par le liquidateur, et que son préjudice résulte de la perte de l'ensemble de ces sûretés, puisque du fait de la faute du notaire et de l'annulation des actes authentiques, ces créances sont devenues irrécouvrables.

Elle soutient que son préjudice est égal à la valeur des biens immobiliers objet des hypothèques qui ont été annulées par la cour d'appel, et que d'autre part, l'expert aura également pour mission de déterminer si les hypothèques qu'elles détenaient viennent en rang utile.

Ce dossier a été transmis à M. le procureur général qui a déclaré s'en rapporter à la Cour pour apprécier les mérites de la demande.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2013.

Motifs de l'arrêt

Par jugement du 2 juin 2005, le tribunal de grande instance de Tarbes a :

- déclaré recevable l'action des époux [J] à l'encontre de Me [X] ;

- déclaré irrecevable le recours de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne à l'encontre de Me [X] ;

- donné acte au Crédit Agricole de ce qu'il entend faire usage des actes authentiques dressés par Me [X] les 21 mars 1981, 29 mars 1985 et 24 octobre 1986 ;

- annulé pour faux ces actes authentiques en ce qui concerne la renonciation par les époux [J] au profit du Crédit Agricole des droits qu'ils s'étaient réservés dans l'acte de partage du 20 août 1976 ;

- déclaré nulles toutes les inscriptions d'hypothèques prises sur les immeubles des époux [J] en vertu de ces actes annulés ;

- condamné Me [X] à payer aux époux [J] une indemnité de 3 000 €.

Suivant un arrêt du 12 octobre 2009, la cour d'appel de Pau a infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par le Crédit Agricole à l'encontre de Me [X], a déclaré son action non prescrite mais l'a par contre débouté de sa demande en dommages-intérêts au motif qu'il s'agissait d'une demande nouvelle formulée en cause d'appel.

Le jugement a été confirmé en toutes ses autres dispositions, et en particulier celles relatives à l'annulation pour faux des actes authentiques et à la nullité des inscriptions d'hypothèques prises par le Crédit Agricole sur les immeubles des époux [J] en vertu de ces actes annulés.

Cet arrêt est définitif et il est motivé notamment par la faute commise par Me [X], et libellé de la manière suivante « elle est constitué par le fait d'avoir laissé apposer de fausses signatures sur un acte authentique ; qu'en effet, la fausseté établie des actes litigieux démontre en elle-même que Me [X] n'a pas assurée l'authenticité des actes passés sous son ministère ».

Me [X] n'a pas formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, et dans la présente procédure, il n'a pas discuté sa faute.

Il conteste par contre le préjudice subi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne en faisant valoir que les créances correspondant à l'ouverture du crédit du 29 mars 1985 et au prêt du 24 octobre 1986 n'ont pas été admises par le juge-commissaire à la liquidation de M. [J] et ne lui sont donc pas opposables, et qu'en ce qui concerne le prêt du 29 mars 1985, les hypothèques prises sur de nouvelles parcelles n'ont pas été contestées par les époux [J].

Il soutient par ailleurs que depuis la liquidation judiciaire de M. [J] prononcée en 1991, le liquidateur dispose de garanties hypothécaires suffisantes pour vendre la propriété agricole sans avoir besoin des trois hypothèques conventionnelles qui ont été annulées par la suite.

Il ajoute que le liquidateur dispose toujours de trois hypothèques conventionnelles, et qu'il appartenait donc au Crédit Agricole de prendre ses dispositions pour faire vendre les parcelles sur la base de ces trois hypothèques.

Il fait observer enfin que le préjudice de la banque n'est ni actuel, ni direct, ni certain, dans la mesure où en tant que créancier, il n'a pas mis en 'uvre toutes les sûretés dont il bénéficie.

Or, il ressort de l'état des créances régulièrement versé aux débats (pièces numéros 8 et 16 du Crédit Agricole) que les sommes dues au titre des prêts et ouvertures de crédits des 20 mars 1981, 29 mars 1985 et 24 octobre 1986 sont expressément mentionnées dans cet état dressé par Me [Q], mandataire à la liquidation judiciaire de M. [J] (lignes 6 à 11, 14 et 15).

D'autre part, le principe du préjudice subi par le Crédit Agricole est certain, dans la mesure où les garanties hypothécaires dont il bénéficiait ont été annulées et que la clause aux termes de laquelle les époux [J] ont renoncé à se prévaloir de leur droit d'usage et d'habitation, de leur action révocatoire et de leur droit de retour, a été déclaré nulle par la cour d'appel de Pau.

Cela signifie donc que l'immeuble en cause ne peut plus faire l'objet d'une vente, et qu'en ce qui concerne les terres agricoles, leur vente aurait pour effet de transférer sur le tiers acquéreur la charge d'entretien de Mme [J] mère.

Il en résulte que la créance du Crédit Agricole est devenue irrecouvrable.

En outre, le lien de causalité entre la faute commise par l'officier ministériel et le préjudice subi par la banque est parfaitement caractérisé, dès lors qu'en l'absence de faute, les actes de prêts auraient été validés et les immeubles grevés d'hypothèques auraient été vendus par le liquidateur, puisqu'il ressort de l'état des créances admises et de l'état hypothécaire que les hypothèques dont bénéficiait le Crédit Agricole se trouvaient en rang utile par rapport aux autres créances hypothécaires qui ont été admises au passif.

Au surplus, le Crédit Agricole n'a été en mesure d'agir en responsabilité à l'encontre de Me [X] qu'à partir du moment où il a été informé de la première inscription en faux déposée par les époux [J], c'est-à-dire au mois de septembre 2001, et que cette inscription de faux initiale est consécutive à l'initiative prise par Me [Q] en qualité de liquidateur de M. [E] [J] de vendre les biens sur lesquels les époux [J] s'étaient réservés des droits.

En outre, il ne peut pas être reproché à la banque d'avoir apporté un soutien abusif à M. [E] [J] puisque l'établissement croyait légitimement détenir trois inscriptions d'hypothèques sur la propriété agricole, lesquelles étaient censées garantir le paiement des sommes prêtées.

Enfin, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir procédé à la vente forcée des biens pour lesquels elle disposait d'autres hypothèques non contestées au titre de prêts consentis en 1976 et en 1977, dans la mesure où seul le liquidateur pouvait engager une telle vente.

Le préjudice subi par le Crédit Agricole est donc en définitive constitué par la perte de garantie sur les trois prêts, et il résulte exclusivement de la faute commise par le notaire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que Me [X] a commis une faute, et qu'il doit être déclaré entièrement responsable du préjudice subi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole.

Cette décision sera également confirmée en ce qu'elle a jugé que le préjudice n'est pas constitué par le montant de la créance mais uniquement par la valeur du bien qui aurait pu être vendu et des fonds que la banque aurait perçus en sa qualité de créancier hypothécaire et en fonction de son rang.

En définitive, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a ordonné une expertise ayant pour objet d'évaluer la valeur des immeubles bâtis et non bâtis.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne les frais irrépétibles qu'elle a dû engager en cause d'appel ; Me [X] sera condamné à lui payer à ce titre une indemnité de 1 500 €.

Me [X] qui succombe dans cette procédure sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tarbes le 13 septembre 2012, et y ajoutant :

Condamne Me [C] [X] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyrénées Gascogne une indemnité de 1 500 € (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Me [X] aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/03396
Date de la décision : 25/10/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°12/03396 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-25;12.03396 ?
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