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26/07/2013 | FRANCE | N°12/02311

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 26 juillet 2013, 12/02311


FA/AM



Numéro 13/ 3138





COUR D'APPEL DE PAU



1ère Chambre







ARRET DU 26/07/2013







Dossier : 12/02311





Nature affaire :



Demande relative à un droit de passage















Affaire :



[E] [Y]



C/



[D] [F]

[A] [F] née [T]































Grosse délivrée le :

à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 juillet 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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FA/AM

Numéro 13/ 3138

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 26/07/2013

Dossier : 12/02311

Nature affaire :

Demande relative à un droit de passage

Affaire :

[E] [Y]

C/

[D] [F]

[A] [F] née [T]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 juillet 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 25 mars 2013, devant :

Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,

Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX, et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [E] [Y]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 2] (65)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté et assisté de Maître Alain FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES

INTIMES :

Monsieur [D] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [A] [F] née [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentés par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour

assistés de Maître SACREZ, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 26 AVRIL 2012

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

Suivant acte authentique du 26 septembre 1979, Mme [C] [Y] a fait donation à son fils [E] [Y] de deux parcelles de terre d'un seul tenant situées à [Localité 2] (Hautes-Pyrénées), cadastrées section A numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 5].

M. et Mme [F] sont propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section A numéro [Cadastre 1] acquise en 1970, sur laquelle ils ont fait édifier leur maison, et de la parcelle A numéro [Cadastre 6] acquise en 1983.

M. [E] [Y] soutient que le fonds voisin confronte la voie publique, mais que cependant M. et Mme [F] prétendent pouvoir bénéficier d'une servitude de passage sur son fonds concédée par un acte notarié du 8 septembre 1982, aux termes duquel la commune a déposé les pièces d'un lotissement communal, et qu'il résulte du cahier des charges du lotissement que les parcelles numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] seraient grevées d'une servitude de passage au profit du lot numéro 5, c'est-à-dire la parcelle numéro [Cadastre 6] des époux [F].

Par acte d'huissier du 2 juin 2009, M. [E] [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Tarbes d'une demande tendant à voir juger que le fonds des époux [F] n'est pas enclavé.

Par jugement avant dire droit du 16 juin 2010, le tribunal a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert a déposé son rapport le 1er octobre 2010 dont il résulte qu'il n'existe pas de servitude de passage conventionnelle, ni d'état d'enclave absolue ou relative.

Par jugement du 26 avril 2012, le tribunal de grande instance de Tarbes a déclaré que les parcelles des époux [F] cadastrées A numéros [Cadastre 1] et [Cadastre 6] sont en état d'enclave relative, et qu'ils pourront donc accéder à leur propriété par le passage existant sur la parcelle A numéro [Cadastre 2] appartenant à M. [E] [Y], et a fait injonction à celui-ci de ne pas stationner des véhicules dans ce passage, sous astreinte de 200 € par infraction constatée.

Par déclaration au greffe du 4 juillet 2012, M. [Y] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures déposées le 18 décembre 2012, il a conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation des intimés au paiement d'une somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts, et d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

Il soutient que le fonds des intimés n'est pas en état d'enclave relative ni absolue, dès lors qu'il jouxte la voie publique, et qu'il est accessible avec un véhicule automobile, et qu'en outre, ils ne bénéficient pas d'une servitude conventionnelle sur le fond du concluant.

Il fait valoir que sa parcelle ne dépend pas du lotissement communal, et qu'il n'a consenti à l'instauration d'aucune servitude de passage, et que la commune n'est pas en droit de grever son fonds d'une telle charge.

Il ajoute que les intimés ne peuvent pas plus se prévaloir d'une servitude administrative.

Il fait valoir en outre que leur fonds n'est pas en état d'enclave, puisqu'ils disposent d'un accès à la voie publique et que sur la partie confrontant à cette voie, ils ont fait édifier un garage, et qu'ils peuvent ainsi accéder à leur fonds qui ne se trouve pas plus en état d'enclave relative.

Dans leurs dernières écritures du 14 février 2013, M. et Mme [F] ont conclu à la réformation du jugement, en ce qu'il a déclaré qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'existence d'une servitude d'utilité publique, et à sa confirmation en ce qu'il a été jugé que leurs parcelles sont en état d'enclave relative et qu'ils peuvent donc y accéder en passant par le passage existant sur la parcelle A numéro [Cadastre 2] de M. [Y], et ils ont demandé d'autre part à la Cour d'ordonner à M. [Y] d'enlever de ce passage tous les éléments, boîtiers, haie en buis, ainsi qu'un pilier installé sur l'assiette du passage de cette servitude.

Ils se prévalent de la servitude d'utilité publique résultant de la création d'un lotissement communal et du cahier des charges de ce lotissement dont il résulte que les parcelles de l'appelant son grevées d'une servitude de passage et d'entretien, et qu'en raison de son caractère, M. [Y] n'avait pas à consentir à l'instauration d'une telle servitude.

Ils ajoutent que ce règlement et ce cahier des charges ont été mis en place le 27 juin 1979 c'est-à-dire plusieurs mois avant l'établissement des actes notariés bénéficiant à la famille [Y].

A titre subsidiaire, ils ont soutenu que leur fonds est en état d'enclave relative puisqu'ils ne bénéficient que d'une issue insuffisante à la voie publique en raison de la configuration très accidenté des lieux ne permettant pas le passage de véhicules dans des conditions de sécurité optimales.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 février 2013.

Motifs de l'arrêt

A) sur l'existence d'une servitude d'utilité publique :

Les époux [F] soutiennent que leur fonds bénéficie sur celui de M. [Y] d'une servitude d'utilité publique résultant d'un acte notarié du 8 septembre 1982 passé en l'étude de Me [X], notaire à [Localité 1].

Il résulte de cet acte notarié que la commune d'[Localité 2] a déposé les pièces relatives à un lotissement communal et que, selon l'article 5 du cahier des charges du lotissement, les parcelles numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] sont grevées d'une servitude de passage au profit du lot numéro 5, c'est-à-dire de la parcelle numéro [Cadastre 6] appartenant aux époux [F].

La parcelle A numéro [Cadastre 2] qui serait grevée d'une servitude au profit des époux [F] était antérieurement la propriété de la commune [Localité 2], qui l'a vendue à M. [R] [Y] par acte des 13, 21 et 25 septembre 1979, puis cette parcelle a été échangée par M. [R] [Y] avec sa mère contre la parcelle cadastrée A numéro [Cadastre 4], suivant acte authentique des 9 et 25 septembre 1979.

Finalement, la parcelle cadastrée A numéro [Cadastre 2] a été donnée par acte authentique du 25 septembre 1979 par Mme [C] [Y] à son fils [E].

Aucun de ces actes authentiques ne comporte la mention expresse d'une servitude administrative établie au profit de la parcelle des époux [F], puisqu'il est mentionné sans autre précision que « l'acquéreur devra souffrir les servitudes d'urbanisme ».

En outre, la commune, qui était la propriétaire originale de la parcelle cadastrée A numéro [Cadastre 2] n'a créé le lotissement communal que lors du dépôt des documents relatifs à ce lotissement, c'est-à-dire le 8 septembre 1982 par l'acte passé à l'étude de Me [X], notaire à [Localité 1], après établissement d'un cahier des charges le 31 juillet 1980.

Ce lotissement fera finalement l'objet d'un arrêté préfectoral du 7 juin 1982.

Il en résulte donc que la prétendue servitude dont se prévalent les époux [F] a été établie après la donation de la parcelle A numéro [Cadastre 2] à M. [E] [Y] en 1979.

Dès lors, en 1982, la commune ne pouvait plus grever cette parcelle d'une quelconque charge, d'autant qu'une servitude administrative ne peut résulter que de la loi et ne peut en aucun cas bénéficier à un fonds particulier et encore moins à un particulier, ainsi qu'il résulte expressément de la lecture des articles 649 et 650 du code civil qui édictent que les servitudes établies par la loi ont pour objet l'utilité publique ou communale.

Ces servitudes ont donc un but d'intérêt général, et ne peuvent avoir pour objet de créer un droit au bénéfice d'un fonds particulier.

C'est dès lors à bon droit que le tribunal de grande instance a jugé que les époux [F] ne peuvent se prévaloir d'une servitude d'utilité publique.

B) sur l'existence d'une servitude conventionnelle de passage :

L'acte de donation du 26 septembre 1979 par lequel Mme [C] [Y] a fait donation à son fils [E] [Y] des parcelles cadastrées A numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 5] ne contient aucune mention quant à l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds [F].

D'autre part, le plan annexé à l'acte notarié qui ne vaut pas titre de propriété ne comporte aucune indication quant à l'existence d'une éventuelle servitude.

Il y a donc lieu également de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que les époux [F] ne bénéficient pas d'une servitude conventionnelle sur le fonds de M. [Y].

C) sur l'existence d'une servitude légale de passage :

Les époux [F] soutiennent que leur fonds se trouve en situation d'enclave relative, et qu'ainsi il bénéficie d'une servitude de passage sur le fonds de M. [E] [Y].

Il résulte de l'article 682 du code civil que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'ont sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge d'une indemnité proportionnée aux dommages qu'il peut occasionner.

Les époux [F] soutiennent qu'ils ne disposent que d'une issue insuffisante pour accéder à la voie publique en raison de la configuration des lieux caractérisée par une pente très forte de l'ordre de 35 %, ce qui est beaucoup trop important pour un véhicule automobile, et qu'ainsi il est impossible de relier en pleine pente sud nord par un accès utilisable par un véhicule automobile, l'angle sud est de la maison où se trouve le garage à la maison située au nord.

Or il résulte du rapport d'expertise que d'une part le fonds des époux [F] jouxte une voie publique, à savoir le [Adresse 3], situé devant l'angle sud est de la parcelle numéro [Cadastre 1], et l'expert a constaté d'autre part que cette parcelle comporte un garage pour véhicules automobiles directement accessible et sans difficulté depuis ce chemin.

Pour accéder à la maison il y a lieu de monter un escalier, cette maison se trouvant en haut de la parcelle.

Les époux [F] ne contestent pas le fait qu'ils peuvent donc accéder à leur fonds avec un véhicule automobile sans difficulté particulière.

En outre, l'état d'enclave relative s'apprécie par rapport à la difficulté d'accès au fonds et non à la maison qui se trouve sur la parcelle, et en l'espèce il n'existe aucune difficulté particulière.

L'état d'enclave suppose une issue insuffisante sur la voie publique et non un accès plus commode.

En conséquence, la Cour juge que les époux [F] disposent d'une issue suffisante pour accéder à leur fonds qui ne se trouve donc pas en état d'enclave relative.

Il y a dès lors lieu de réformer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes.

M. [Y] ne justifie pas d'un préjudice indemnisable et sera donc débouté de sa demande en dommages-intérêts.

Il serait par contre inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] les frais irrépétibles qu'il a dû engager à l'occasion de cette procédure ; M. et Mme [F] seront solidairement condamnés à lui payer une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 26 avril 2012 et statuant à nouveau :

Dit que le fonds des époux [F] ne bénéficie d'aucune servitude de passage sur le fonds de M. [E] [Y].

Déboute les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes.

Les condamne solidairement à payer à M. [E] [Y] une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [Y] de sa demande en dommages-intérêts.

Condamne solidairement M. et Mme [F] aux dépens.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Melle Garrain, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Sabrina GARRAINFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/02311
Date de la décision : 26/07/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°12/02311 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-07-26;12.02311 ?
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