NR/SH
Numéro 13/02519
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 13/06/2013
Dossier : 11/02745
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[O] [E]
C/
S.E. [S] -
AIRE SUR ADOUR S.A.R.L.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Avril 2013, devant :
Monsieur CHELLE, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame PAGE, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [E]
[Adresse 2]
'[Adresse 2]'
[Localité 1]
assistée de Maître OLALLO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMÉE :
S.E. [S] - AIRE SUR ADOUR SARL
[Adresse 1]
[Localité 2]
en la personne de Monsieur [P] [S] muni d'un pouvoir régulier
sur appel de la décision
en date du 06 JUILLET 2011
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN
Madame [O] [E] est engagée par la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour» à compter du 28 juillet 2005, en qualité de fleuriste sur la base d'un temps complet dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
La relation de travail est régie par la convention collective des Pompes Funèbres numéro 3269.
Par lettre recommandée datée du 7 mai 2008, la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» notifie à Madame [O] [E] une proposition de modification de son contrat de travail, réduisant la durée hebdomadaire de travail de 35 heures à 19 heures 30 par semaine soit 84 heures 30 par mois ainsi que sa qualification de fleuriste en employée de commerce.
Madame [O] [E] est en arrêt de travail à compter du 10 juin 2008.
Par lettre en date du 20 juin 2008, Madame [O] [E] refuse la modification de son contrat de travail, acceptant la procédure de licenciement économique.
Par lettre du 23 juin 2008, l'employeur rappelle à la salariée qu'elle avait jusqu'au 10 juin pour lui faire part de ses observations sur les modifications proposées et ayant dépassé la date butoir, les modifications seront effectives au 1er juillet 2008.
Par lettre en date du 19 juillet 2008, l'employeur notifie à Madame [O] [E] un avertissement en raison du non-respect du délai de production du certificat d'arrêt de travail.
Par lettre en date du 19 août 2008, l'employeur notifie à Madame [O] [E] un deuxième avertissement pour le même motif.
Le 22 septembre 2008, la médecine du travail rédige l'avis suivant :
Inapte à tout poste dans l'entreprise en raison d'un danger grave et immédiat. Il n'y aura pas de deuxième visite (article R4624-31).
Par lettre du 25 novembre 2008, Madame [O] [E] sollicite le paiement de son salaire depuis le 22 octobre 2008 à défaut d'avoir été licenciée dans le délai d'un mois.
Par lettre du 3 décembre 2008, l'employeur conteste la demande au motif que la visite médicale du 22 septembre 2008 a été initiée par la salariée seule et ne constitue donc pas une visite médicale de reprise d'autant qu'elle continue de transmettre à l'employeur des certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail.
Par lettre en date du 8 décembre 2008, l'employeur convoque Madame [O] [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 décembre 2008.
Par lettre en date du 30 décembre 2008, l'employeur constate que Madame [O] [E] ne s'est pas présentée à la convocation et a produit un certificat médical établi cependant, le 19 décembre 2008.
Par ce même courrier, l'employeur lui notifie une mise à pied de 7 jours prenant effet au premier jour de travail suivant le dernier arrêt de travail à savoir du 22 janvier au 29 janvier 2009 inclus.
Le 30 novembre 2009, Madame [O] [E] dépose une requête auprès du conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan aux fins de :
- prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur,
- condamner la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement des salaires depuis le 22 octobre 2008 jusqu'au jour de la résolution judiciaire du contrat,
- condamner la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement d'une indemnité de licenciement qui sera calculée au regard de la date à laquelle la résolution du contrat sera prononcée,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» à remettre sans délai à Madame [O] [E] le certificat de travail ainsi que l'attestation employeur.
Par lettre du 29 janvier 2010, la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» met en demeure Madame [O] [E] de justifier de son absence depuis le 21 juillet 2009.
Par lettre en date du 10 février 2010, la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» convoque Madame [O] [E] à un entretien préalable fixé au 18 février 2010.
Par lettre recommandée en date du 23 février 2010, la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » notifie à Madame [O] [E] son licenciement.
Le 24 février 2010, l'employeur sollicite de la médecine du travail une convocation de Madame [O] [E] à une visite médicale de reprise.
Madame [O] [E] convoquée à une visite de reprise le 26 février 2010 ne s'y présentera pas.
Par lettre recommandée en date du 1er mars 2010, l'employeur constate son absence à la convocation de la médecine du travail ainsi que la non-exécution du préavis et lui notifie la rupture du préavis pour faute grave.
Par jugement avant dire au droit en date du 26 janvier 2011, le conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN ordonne la comparution de Madame [O] [E].
Par jugement en date du 6 juillet 2011, le Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN :
- déboute Madame [O] [E] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » de sa demande d'amende civile,
- condamne Madame [O] [E] à payer à la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » la somme de 1.497,34 € correspondant à deux mois de préavis,
- condamne Madame [O] [E] à payer 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens et frais d'exécution.
Madame [O] [E] interjette appel par lettre recommandée en date du 18 juillet 2011 du jugement qui lui est notifié le 15 juillet 2011.
Madame [O] [E] demande à la Cour de :
- déclarer Madame [O] [E] recevable et bien fondée en son recours,
- infirmer la décision entreprise,
- débouter la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » de l'ensemble de ses demandes,
- constater l'absence de novation du contrat de travail de Madame [O] [E].
A titre principal :
- prononcer la résolution du contrat de travail intervenu entre les parties aux torts de l'employeur,
- condamner la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement des salaires dus depuis le 22 octobre 2008 jusqu'au jour de la résolution judiciaire du contrat,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» au paiement d'une indemnité de licenciement indiqué ici pour mémoire qui sera calculée au regard de la date à laquelle la résolution du contrat sera prononcée,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.
A titre subsidiaire :
- dire que le licenciement pour motif disciplinaire est abusif ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence allouer à Madame [O] [E] les sommes suivantes :
- 605,36 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 2.617,82 € au titre de l'indemnité de préavis
- 261,78 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- 23'560,38 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 1383 du Code civil,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » à remettre sans délai à Madame [O] [E] le certificat de travail ainsi que l'attestation employeur et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que l'ensemble des sommes allouées à Madame [O] [E] porteront intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2008,
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » aux dépens.
Dans des conclusions écrites, déposées le 13 mars 2013 et reprises oralement, Madame [O] [E] conteste la modification de son contrat de travail, l'employeur ne pouvant se prévaloir du non-respect du délai imparti alors que son contrat de travail était suspendu et que l'employeur n'a pas mentionné dans sa proposition l'ensemble des nouvelles conditions notamment la répartition des horaires s'agissant d'un temps partiel.
Elle a refusé cette modification et aucun nouveau contrat n'a été établi entre les parties.
En arrêt de travail à compter du 10 juin 2008, elle a régulièrement communiqué à l'employeur ses diverses prolongations.
Ainsi qu'elle en avait la faculté, elle a pris l'initiative d'une visite de reprise le 22 septembre 2008 pour envisager sa reprise d'emploi et en a informé son employeur qui le reconnaît dans ses écritures.
L'avis d'inaptitude, en l'absence de recours, s'impose aux parties.
Malgré l'avis médical d'inaptitude, l'employeur n'a eu de cesse de la solliciter pour qu'elle reprenne son poste lui notifiant même une sanction disciplinaire.
L'employeur a méconnu les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail et ne l'a jamais licenciée malgré sa demande alors qu'il avait été informé de l'avis d'inaptitude.
La Cour prononcera, en conséquence, la résolution du contrat de travail aux torts de l'employeur qui aurait dû la licencier et qui n'a jamais effectué ces démarches.
La S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour» sera également déboutée de sa demande au paiement du préavis.
Du fait de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, il lui sera alloué le paiement des salaires depuis le 22 octobre 2008 jusqu'au prononcé du jugement.
Ayant trois ans d'ancienneté dans l'entreprise lors de la résolution du contrat, elle est en droit de percevoir l'indemnité de licenciement ainsi que des dommages et intérêts compte tenu du préjudice qu'il lui a causé en lui infligeant de nombreuses lettres recommandées.
À titre subsidiaire, il appartenait à l'employeur d'engager une procédure de licenciement pour inaptitude.
Alors que la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » a été inactive pendant plus de deux ans après son inaptitude, elle a tenté de mettre fin au contrat de travail par des motifs fallacieux alors même qu'elle-même avait d'ores et déjà saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail.
Il y a manifestement prescription des faits allégués, à savoir un abandon de poste depuis le 20 juillet 2009.
Elle est en droit de percevoir les indemnités de rupture ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera fixée à la somme de 23.760,38 € puisqu'elle n'a perçu aucun revenu depuis le 22 juillet 2009, date de la fin de son dernier arrêt maladie jusqu'à ce jour.
De plus, elle sollicite des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1383 du Code civil compte tenu du refus de l'employeur de la licencier à la suite de la déclaration d'inaptitude, ce dernier la harcelant en lui demandant de justifier de son absence alors qu'elle n'avait plus de comptes à lui rendre.
La S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » demande à la Cour de :
- ordonner la production, en application de l'article 144 du code de procédure civile, par le service de santé au travail des Landes, de la copie de la demande de convocation par la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » de Madame [O] [E] pour la visite dite de reprise du 22 septembre 2008,
- prononcer la comparution personnelle de Madame [O] [E] devant la Cour pour qu'elle l'éclaire, comme cela a été ordonné par le juge du Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN,
et par suite :
- débouter Madame [O] [E] de ses demandes,
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN rendu le 6 juillet 2011 en ce qu'il a condamné, à titre reconventionnel, Madame [O] [E] au paiement de la somme de 1.497,34 € pour n'avoir pas exécuté le préavis,
- condamner Madame [O] [E] au paiement de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [O] [E] au paiement des intérêts capitalisés mensuellement sur les sommes mises à sa charge à compter du jour du prononcé du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN, à savoir à compter du 6 juillet 2011,
- condamner Madame [O] [E] aux dépens des frais de procédure.
Dans des conclusions écrites, déposées le 15 avril 2013 et reprises oralement, la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » soutient avoir notifié à Madame [O] [E] une modification de son contrat de travail, dûment motivée quant aux raisons économiques et quant à la répartition exacte des nouveaux horaires de travail.
Madame [O] [E] n'a notifié son refus que le 23 juin alors que le délai d'un mois était dépassé, il n'avait donc pas à procéder à son licenciement.
À compter du 1er juillet 2008, les bulletins de salaire mis à sa disposition prenaient en compte la modification de son contrat et Madame [O] [E] continuera à présenter des certificats de prolongation de son arrêt de travail jusqu'au 20 juillet 2009.
Madame [O] [E] étant en arrêt de travail pour maladie, la période de référence pour calculer les indemnités journalières s'effectuaient sur la période de travail à temps complet, elle n'avait donc aucun intérêt à reprendre le travail.
Madame [O] [E] ne respectant pas ses obligations contractuelles, ne manifestant pas son intention de reprendre le travail, ne répondant pas aux interrogations relatives à ses absences et refusant de passer la visite médicale prévue pour elle, l'employeur lui a notifié son licenciement par lettre du 23 février 2010, après deux avertissements, pour ne pas avoir tenu informé l'employeur de sa situation au regard des arrêts de travail et des demandes réitérées de justifier de son absence.
La demande de résolution du contrat de travail sollicitée auprès de la cour d'appel est donc irrecevable, le contrat de travail ayant été d'ores et déjà rompu.
L'employeur soutient que la visite médicale du 22 septembre, initiée par la salariée ne peut être qualifiée de visite de reprise alors, de plus, que la salariée a continué de lui envoyer des arrêts de travail et ce jusqu'au 20 juillet 2009, ne manifestant à aucun moment la volonté claire et non équivoque de reprendre son travail.
La visite médicale et les certificats d'aptitude sont donc nuls et de nul effet et inopposables à la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour », Madame [O] [E] ayant entrepris malignement de se positionner sur le terrain de l'inaptitude pour mettre à la charge de l'employeur la rupture de son contrat de travail.
En sollicitant le paiement de ses salaires à compter du 22 juillet 2009, Madame [O] [E] admet explicitement avoir été en arrêt de travail pour maladie jusqu'à cette date, admettant de ce fait, que son contrat de travail était suspendu.
Par télécopie du 24 février, il a sollicité le service médical aux fins d'organisation de la visite médicale de reprise, dès lors que Madame [O] [E] n'était plus en arrêt de travail.
Cependant, la salariée ne s'est présentée ni à la visite médicale de reprise, ni à l'embauche pour y effectuer son préavis ce qui a amené l'employeur à lui notifier la rupture anticipée du contrat de travail.
La S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » conteste la demande de résiliation du contrat de travail à défaut pour Madame [O] [E] d'établir des manquements graves de son employeur.
Elle sera également déboutée de sa demande de paiement des salaires sur la base antérieure à la modification de son contrat de travail acceptée le 10 juin 2008 alors de plus qu'il n'y a eu aucune prestation de travail.
À titre infiniment subsidiaire, Madame [O] [E] ne démontre pas son préjudice, ni le lien de causalité avec le litige en cause.
À titre reconventionnel, l'employeur rappelle que depuis le 21 juillet 2009, la salariée n'a plus produit de certificat d'arrêt de travail, ne s'est pas manifestée à son travail et a mis l'employeur dans l'impossibilité d'organiser la visite médicale de reprise.
Il sollicite une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'inexécution du préavis constitue un manquement grave pouvant justifier son interruption immédiate ; tel a été le cas.
La S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » est donc fondée à solliciter le paiement d'une somme égale à l'indemnité de préavis non exécuté.
SUR QUOI :
Sur la demande de résiliation du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
En l'espèce, le 30 novembre 2009, Madame [O] [E] dépose une requête auprès du Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN aux fins de résiliation de son contrat de travail.
L'employeur pour sa part convoque Madame [O] [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 10 février 2010 et lui notifie son licenciement par lettre recommandée en date du 23 février 2010.
La saisine du Conseil de prud'hommes par Madame [O] [E] aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de travail est donc antérieure à la procédure de licenciement, il y a lieu en conséquence d'examiner en priorité la demande de résiliation.
Madame [O] [E] fonde sa demande de résiliation du contrat de travail à la fois sur la modification unilatérale de son contrat par l'employeur et sur le refus par ce dernier de la licencier alors qu'elle a été déclarée inapte par le médecin du travail.
' Sur la modification du contrat de travail :
Le 7 mai 2008, l'employeur adresse à Madame [O] [E] un courrier recommandé, réceptionné par la salariée le 13 mai 2008 et libellé ainsi que suit :
« Nous nous sommes entretenus à diverses reprises sur la situation de la vente de fleurs et de plantes naturelles. Outre la perte importante de chiffre d'affaires, le très faible niveau d'activité conduit à une destruction importante des achats périssables. Il est patent et constant que cette activité ne produit plus le chiffre d'affaires escompté et donc a fortiori, la rentabilité est négative. Nous sommes donc amenés à réorganiser nos activités, et notamment par la cessation d'activité de la vente de fleurs et de plantes naturelles. C'est pourquoi, nous vous notifions notre intention de modifier des éléments substantiels de votre contrat de travail du 28 juillet 2005 d'une part en réduisant la durée hebdomadaire de 35 heures à 19 h 30 par semaine, soit 84h 30 par mois et d'autre part votre fonction de fleuriste en employée de commerce.
Vos horaires seront donc comme suit :
- les mardis, mercredis, jeudis et vendredis : 15h00 à 18h30
- les samedis : 10h à 12h et 15h à 18h 30.
Bien sûr, durant un mois à compter de la réception de la présente, nous nous tenons à votre disposition pour nous faire part de vos observations.
Nous vous prions...... »
Madame [O] [E] notifiera à son employeur par lettre du 20 juin 2008 son refus de modification de son contrat de travail précisant :
« Je réponds à votre lettre du 10 mai 2008 avec un peu de retard certes, mais j'ignorais que je devais vous répondre par courrier avec accusé de réception dans un délai d'un mois.
Les circonstances actuelles font qu'entre mon déménagement et les ennuis de santé que je rencontre, je n'ai pas réalisé que la date-butoir était déjà là ........... »
Conformément aux dispositions de l'article L 1222-6 du code du travail, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus.
À défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.
En l'espèce, l'employeur ne conteste pas avoir fait une proposition de modification du contrat de travail tant sur sa durée que sur les fonctions.
Cependant, si la lettre de notification de la proposition de modification du contrat de travail mentionne le délai de un mois à compter de réception de la présente, il n'informe nullement la salariée qu'elle ne dispose que d' un délai de un mois pour faire connaître son refus, se contentant de mentionner qu'il se tient à sa disposition durant un délai de un mois pour qu'elle lui fasse part de ses observations.
Madame [O] [E], dans son courrier du 20 juin 2008, confirme qu'elle ignorait l'obligation de répondre dans le délai de un mois si elle entendait refuser les modifications proposées et a de ce fait dépassé le délai alloué.
En conséquence, au regard du libellé de la lettre de proposition de modification du contrat de travail, l'employeur n'a pas respecté ses obligations légales en n'attirant pas l'attention de la salariée sur l'obligation de répondre dans le délai de un mois si elle entendait refuser la proposition.
En conséquence, la modification opérée par l'employeur du contrat de travail à compter du 1er juillet 2008 est illégale.
'Sur la déclaration d'inaptitude :
Madame [O] [E] soutient que l'employeur a manqué à son obligation en ne procédant ni à la reprise du paiement des salaires, ni à son reclassement alors qu'elle a été déclarée inapte le 22 septembre 2009, visite à laquelle l'employeur conteste la nature de la visite de reprise.
Conformément aux dispositions des articles R.4624-21 et R. 4624-22 applicables en l'espèce le salarié bénéficie d'un examen de reprise de travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 21 jours pour cause de maladie ou d'accidents non professionnels tels qu'en l'espèce, l'examen de reprise a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours.
Il est également constant que seule la visite de reprise met fin à la période de suspension du contrat de travail.
L'initiative de la visite de reprise appartient normalement à l'employeur dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé.
Si la visite de reprise peut être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail, ce dernier doit avertir l'employeur de cette demande.
En l'espèce, Madame [O] [E] ne démontre pas avoir sollicité l'employeur pour que ce dernier organise la visite de reprise, n'y avoir informé l'employeur de l'initiative qu'elle prenait de saisir la médecine du travail.
Mais de plus, la visite de reprise du 22 septembre 2009 est intervenue alors que Madame [O] [E] est un arrêt de travail depuis le 10 juin 2008 lequel a fait l'objet de plusieurs prolongations dont l'un est daté du 22 septembre 2008 jusqu'au 22 juillet 2009.
De plus à la date du 22 septembre 2008, Madame [O] [E] ne démontre pas s'être mise à la disposition de son employeur pour une reprise du travail, lequel ne pouvait dans ces conditions présager une reprise imminente du travail par la salariée alors de plus, que par courrier du 20 août 2008 réitéré le 2 septembre 2008, l'employeur sollicitait de Madame [O] [E] un duplicata de son arrêt de travail, les dates d'arrêt de travail étant illisibles et en conséquence inexploitables.
En conséquence, la visite médicale du 22 septembre 2008 ne peut être qualifiée de visite de reprise ; Madame [O] [E] ne peut, dans ces conditions, faire grief à l'employeur de ne pas avoir repris les salaires au terme du délai d'un mois, ni de ne pas avoir procédé à des tentatives de reclassement.
Cependant le non-respect des dispositions de l'article L.1222-6 du code du travail rend illégale la modification opérée par l'employeur du contrat de travail, ce qui constitue un manquement suffisamment grave de l'employeur pour fonder la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la date de prise d'effet de la résiliation :
En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de l'employeur et donc que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.
En l'espèce, le contrat de travail de Madame [O] [E] a été rompu par la notification de son licenciement par lettre du 23 février 2010 ; en conséquence, la date de la rupture sera fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
Sur les conséquences de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur :
La présente décision fait droit à la demande principale de Madame [O] [E] qui dans ses écritures sollicite :
A titre principal
- prononcer la résolution du contrat de travail intervenue entre les parties aux torts de l'employeur,
- condamner la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement des salaires dus depuis le 22 octobre 2008 jusqu'au jour de la résolution judiciaire du contrat
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement d'une indemnité de licenciement indiquée ici pour mémoire qui sera calculée au regard de la date à laquelle la résolution du contrat sera prononcée
- condamner la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts,
Ce n'est qu'à titre subsidiaire sur la demande relative au licenciement qu'elle sollicite le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 23.560,38 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le juge est tenu par les demandes des parties, en conséquence, il n'y a pas lieu à statuer sur la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.
Il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnité de licenciement qui sera fixée à 605,36 € ainsi que le sollicite Madame [O] [E] dans son subsidiaire, la date d'effet de la résiliation étant fixée à la notification du licenciement.
Compte tenu de l'ancienneté de Madame [O] [E] qui ne justifie cependant pas de sa situation actuelle, il sera fait droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 €.
Sur la demande de rappel de salaire :
Madame [O] [E] sollicitait le paiement des salaires du 22 septembre 2008 à la date d'effet de la résiliation judiciaire.
Cependant ainsi que dit précédemment, la visite médicale du 22 septembre 2008 n'a pas la nature de visite de reprise, en conséquence, à cette date et jusqu'au 22 juillet 2009 Madame [O] [E] qui a continué à produire des arrêts de travail, a été indemnisée par la caisse primaire d'assurance-maladie et n'est pas recevable à solliciter le paiement des salaires.
À compter du 22 juillet 2009, Madame [O] [E] n'a plus produit d'arrêt de travail et était en conséquence en situation de reprise de son emploi.
Il résulte cependant des lettres recommandées adressées par l'employeur les 3 septembre 2009 et 29 janvier 2010 que Madame [O] [E] est restée totalement taisante aux demandes réitérées de l'employeur de se présenter à son poste de travail et ne s'est donc pas mise à sa disposition pour reprendre son travail, ni de ce fait, pour que ce dernier organise la visite médicale de reprise.
Or, le salaire étant la contrepartie de la prestation de travail, qui en est la cause juridique et la mesure, Madame [O] [E] qui s'est exemptée de toute prestation de travail à compter du 22 juillet 2009 sera déboutée de ce chef de demande.
Sur la demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [O] [E] l'intégralité des frais engagés, il convient de lui allouer une indemnité de 900 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Madame [O] [E] le 18 juillet 2011 ;
Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de MONT-DE-MARSAN en date du 6 juillet 2011 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties aux torts de la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour ».
Fixe au 23 février 2010, la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Condamne la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » à payer à Madame [O] [E] la somme de 605,36 € au titre de l'indemnité de licenciement assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2010, date de réinscription au rôle du conseil de prud'hommes.
Condamne la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » à payer à Madame [O] [E] la somme de 10.000 € au titre de dommages et intérêts assortie des intérêts à compter de la présente décision.
Constate que, dans le cadre de ses demandes afférentes à la résiliation judiciaire du contrat Madame [O] [E] ne sollicite pas le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.
Dit que la visite médicale du 22 septembre 2008 ne constitue pas une visite de reprise telle que prévue par les articles R 4624-21 et R 4624-22 du code du travail.
Déboute Madame [O] [E] de sa demande en paiement des salaires.
Ordonne la remise par la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.
Condamne la S.A.R.L. «SE TOCANIER-Aire sur Adour » à payer à Madame [O] [E] la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la S.A.R.L. « SE TOCANIER-Aire sur Adour » aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,