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24/05/2013 | FRANCE | N°11/03691

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 24 mai 2013, 11/03691


CB/AM



Numéro 13/ 2188





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 24/05/2013







Dossier : 11/03691





Nature affaire :



Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat













Affaire :



CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE BAYONNE



C/



[E] [Q]

SA SOLETANCHE BACHY SAS DELAIR CFD

SAS GINGER CEBTP

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Grosse délivrée le :

à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 mai 2013, les parties en ayant été préalablement avisé...

CB/AM

Numéro 13/ 2188

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 24/05/2013

Dossier : 11/03691

Nature affaire :

Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat

Affaire :

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE BAYONNE

C/

[E] [Q]

SA SOLETANCHE BACHY SAS DELAIR CFD

SAS GINGER CEBTP

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 24 mai 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 05 mars 2013, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

en présence de Mesdames GARLANT et ASTIER, greffiers stagiaires

assistés de Mademoiselle GARRAIN, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE BAYONNE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par la SCP LONGIN - MARIOL, avocats à la Cour

assistée de Maître Fabien DELHAES, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Monsieur [E] [Q]

de nationalité espagnole

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour

assisté de Maître François HOURCADE, avocat au barreau de BAYONNE

SA SOLETANCHE BACHY prise ès qualités de mandataire du GROUPEMENT SOLETANCHE/MENARD SOLTRAITEMENT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par son directeur général domicilié en cette qualité audit siège social

représentée par l'AARPI PIAULT - LACRAMPE-CARRAZE, avocats à la Cour

assistée de Maître FROGET, avocat au barreau de BAYONNE

SAS DELAIR CFD anciennement DELAIR NAVARRA

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour

assistée de Maître DECLETY, avocat au barreau de BAYONNE

SAS GINGER CEBTP venant aux droits du CEBTP

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne du directeur de la succursale de BAYONNE domicilié au siège de ladite succursale [Adresse 6]

représentée par la SCP RODON, avocats à la Cour

assistée de Maître Marie-Laure CARRIERE, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 29 AOUT 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

FAITS

La chambre de commerce et d'industrie de Bayonne (CCI) a décidé en 1994, la réhabilitation en zone d'activités économiques, d'une friche industrielle correspondant l'ancien site des Forges de l'Adour, dont elle est propriétaire à [Localité 6] et [Localité 5] depuis 1974. Elle répondait au souhait du groupe UCIN de s'implanter sur le Port de [Localité 1].

Elle a mandaté le bureau d'engineering Elissagaray pour la réalisation d'une étude géotechnique de faisabilité, qu'il a confié à la société CEBTP, laquelle a été retenue par la CCI suivant lettre de commande du 21 mars 1994 et qui a accepté son rapport le 24 mars 1994, préconisant une consolidation par compactage dynamique.

La même année et le 29 novembre 1994, le groupe UCIN qui envisageait la construction d'une aciérie sur le site, a confié à M. [E] [Q] la conception du projet et à la société CEBTP une autre étude géotechnique des sols. Un second rapport a donc été déposé le 13 janvier 1995 préconisant également une consolidation par compactage dynamique.

Les travaux de compactage ont été pris en charge par la CCI et ils ont été confiés à la SA Soletanche Bachy le 4 avril 1995.

Lors de la réalisation de ces travaux, il a été mis en évidence l'existence d'un volume très important d'ouvrages enterrés et de fondations qui ont conduit la chambre de commerce à faire réaliser des travaux complémentaires de démolition de 97 692 m² d'ouvrages enterrés pour un montant de 4 013 528 € HT.

M. [M], expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne suivant ordonnance du 19 juin 1995, a déposé un premier rapport le 25 mai 1996 puis un second rapport le 27 août 2005, suite à sa nouvelle désignation par ordonnance de référé du 3 juillet 2002.

PROCEDURE

Par acte du 28 mars 2008 la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne Pays Basque a assigné devant le tribunal de grande instance de Bayonne la SAS CEBTP Solen qui, suivant actes des 6 et 30 octobre 2008 a appelé en la cause M. [E] [Q], la SA Soletanche Menard Soltraitement en la personne de son mandataire la SA Soletanche, le groupement Navarra / Sobamat / Routière Setrac en la personne de son mandataire la SAS Delair Navarra.

Par jugement du 29 août 2011 le tribunal a':

- déclaré recevable les demandes de la chambre de commerce et d'industrie du Pays Basque considérant l'absence de cumul de fondement des actions en responsabilité au vu de l'existence de deux contrats, l'un passé entre la chambre de commerce et la SAS CEBTP Solen et l'autre, passé entre le groupe UCIN et la société CEBTP';

- débouté la chambre de commerce et d'industrie de sa demande de dommages-intérêts et de l'ensemble de ses demandes, en l'absence de faute contractuelle et de faute délictuelle de la société CEBTP';

- dit n'y avoir lieu à statuer en conséquence, sur les demandes de la société Ginger CEBTP venant aux droits de la société CEBTP de condamnation à la relever et garantir de toute condamnation dirigée contre M. [E] [Q], la SA Soletanche Bachy et la SAS Delair Navarra devenus Delair CFD';

- rejeté les demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile formées à l'encontre de la société Ginger CEBTP par M. [E] [Q], la SA Soletanche Bachy et la SAS Delair Navarra devenue Delair CFD';

- rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. [E] [Q]';

- rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Ginger CEBTP à l'encontre de la chambre de commerce et d'industrie du Pays Basque';

- condamné la chambre de commerce et d'industrie du Pays Basque à payer à la société Ginger CEBTP venant aux droits de la société CEBTP la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire';

- condamné la chambre de commerce et d'industrie du Pays Basque aux entiers dépens et a rejeté le surplus des demandes.

La Chambre de commerce et d'industrie du Pays Basque a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 14 octobre 2011.

La société Ginger CEBTP a assigné aux fins d'appel provoqué les 11, 12 et 13 avril 2012 la SAS Delair, la SA Soletanche Bachy et M. [E] [Q].

Suivant ordonnance du 3 juillet 2012, le magistrat de la mise en état a déclaré recevable des appels provoqués et ordonné la jonction des instances.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

La chambre de commerce et d'industrie de Bayonne dans ses dernières écritures en date du 18 janvier 2013 conclut à la réformation du jugement et considérant les fautes contractuelles dans sa mission de mars 1994 et délictuelle dans sa mission de janvier 1995, elle sollicite la condamnation de la SAS Ginger CEBTP à lui verser la somme de 4'013'528 € avec intérêts à compter du 22 mai 1995 au titre du coût de la démolition des ouvrages enterrés outre 15'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la société CEBTP, spécialiste de l'étude des sols qui était parfaitement informé de l'historique du site, a manqué à son obligation d'information sur les «'suggestions'» liées aux sites étudiés, prévue au contrat et de conseil sur la recherche des ouvrages enterrés ainsi qu'à son obligation de se renseigner, en ne se faisant pas communiquer tous éléments de nature à remplir sa mission au mieux, c'est-à-dire en ne sollicitant pas la remise des plans des anciennes usines pourtant détenus par son donneur d'ordre Elissagaray.

Il n'a pas non plus et en conséquence, répondu à sa mission relative à faisabilité du projet d'implantation d'une aciérie.

Il n'a donc pas informé le maître de l'ouvrage (la chambre de commerce ou l'UCIN) des difficultés rencontrées ni n'a donné le conseil avisé d'un spécialiste, en ne suggérant pas la réalisation d'investigations complémentaires, le conseil étant la mise en relation du renseignement brut avec l'objectif poursuivi par le créancier de l'information.

Le préjudice est de trois ordres': il s'agit du surcoût dû aux travaux de démolition complémentaires, du surcoût dû aux moyens en matériel et personnel destiné à pallier les retards d'exécution du projet et du surcoût de l'opération de compactage dynamique pour la remise en 'uvre d'énergie supplémentaire (en raison de la présence d'un crassier).

La SAS Ginger CEBTP dans ses dernières écritures en date du 6 mars 2012, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la chambre de commerce de l'ensemble de ses demandes mais à sa réformation concernant la disposition relative à l'indemnité pour procédure abusive. Elle conclut à la garantie in solidum sur le fondement de l'article 1382 du code civil de M. [E] [Q], de la SA Soletanche et de la SAS Delair CFD, de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, dommages-intérêts, frais et accessoires et à la condamnation de la chambre de commerce du Pays Basque à lui verser la somme de 10'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que le prestataire d'études et de conseil tel que le bureau d'études géologiques, n'est tenu que d'une obligation de moyens.

Elle soulève l'absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'éventuelle faute en ce qu'il est sollicité le remboursement d'un surcoût de travaux liés à la présence de vestiges qui incombe au vendeur (la CCI) à l'égard de l'acquéreur lors de la vente des terrains le 16 février 1996.

Elle soutient l'absence de faute en ce que'le passé industriel était connu de tous les intervenants et particulièrement de la chambre de commerce qui était propriétaire des terrains depuis 1974 ; il n'entrait pas dans sa mission d'établir un relevé des vestiges existants'; ses études répondent à la commande de la CCI du 21 mars 1994 et à la mission qui lui a été confiée par l'UCIN'en novembre 1994 ; elle a émis des réserves sur l'état du sol mais elles n'ont pas été suivies de missions complémentaires'; la chambre de commerce ne lui a pas fourni le plan des anciennes installations ni même les plans de démolition du site réalisés par les sociétés Navarro en 1965 et 1968'; la solution préconisée consistant dans le colmatage dynamique était selon l'expert, appropriée au vu de l'hétérogénéité des remblais, elle a donné satisfaction et n'est à l'origine d'aucun sinistre'; la chambre de commerce était assistée techniquement, son maître d'oeuvre, M. [E] [Q] qui a reconnu avoir été chargé des études de sol et avoir prévu la démolition des obstacles enterrés avant même d'en avoir connaissance.

Subsidiairement, elle sollicite la garantie des autres intervenants en raison de la défaillance du concepteur M. [E] [Q], parfaitement informé des circonstances environnant le projet envisagé mais également le groupement d'entreprises Navarra et la SA Soletanche qui ont eu connaissance de l'étude géotechnique et alors que le marché visait la démolition des obstacles enterrés, qui n'ont émis aucune réserve et ce d'autant que l'entreprise Navarra avait été chargée de la démolition du site dans les années 60. Il est donc justifié de fautes dans leur obligation d'information susceptible d'engager la responsabilité de tous in solidum considérant qu'elles ont concouru ensemble à la réalisation du dommage.

La SAS Delair CFD, anciennement dénommée Delair Navarra, dans ses dernières écritures en date du 11 juin 2012, conclut à la confirmation du jugement et au débouté de la société Ginger CEBTP de toutes ses demandes formées contre elle.

Et vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 22 juillet 1998, elle conclut à sa mise hors de cause en ce que d'une part, la créance de la société Ginger CEBTP est éteinte pour ne pas avoir été déclarée au passif du redressement judiciaire des sociétés Navarra Frères et Navarra Fernand et d'autre part, en ce qu'elle n'a pas la qualité de mandataire du groupement d'entreprises Navarra / Sobamat / Routière Setrac en raison de la seule cession des actifs des sociétés Navarra Frères et Navarra Fernand au profit de la société Navarra Services aux droits de laquelle elle intervient aujourd'hui.

Subsidiairement, en application de l'article 1382 du code civil, elle conclut à l'irrecevabilité de l'action en responsabilité délictuelle pour cause de prescription et subsidiairement à son rejet pour défaut de preuve et à l'allocation de la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle précise qu'elle est intervenue de mai à août 1995 à la demande de la CCI pour exécuter des travaux de démolition rendus nécessaires par la découverte de fondations et vestiges dans le sol du terrain par la SA Soletanche. Son intervention est donc postérieure à la découverte des vestiges sur le site, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité avec les préjudices invoqués. Elle relève que le groupement d'entreprises n'avait aucune obligation d'information particulière à l'égard de la société CEBTP.

La SA Soletanche Bachy dans ses dernières écritures en date du 2 juillet 2012, constatant l'absence de demande formée par la chambre de commerce et d'industrie à son encontre, sollicite sa mise hors de cause et conclut au débouté de la société Ginger CEBTP de toutes ses demandes et à sa condamnation à lui verser la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts et 15'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses motivations, elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel provoqué à l'initiative de la société CEBTP suivant assignation du 11 avril 2012 sans respect du délai de l'article 909 du code de procédure civile qui courait à compter du 13 janvier 2012, date de la signification des conclusions de l'appelant.

Elle relève que ni le maître de l'ouvrage, la CCI et la société Martial Ucin auxquelles elle est engagée suivant contrat du 4 avril 1995 ne lui reprochent un manquement à ses obligations contractuelles'; la CCI ne fait valoir aucun préjudice indemnisable alors qu'en sa qualité de venderesse auprès de la société Marcial UCIN, elle était tenue de livrer un terrain exempt de vices'; la société CEBTP ne justifie d'aucune faute contre elle'; elle ignorait tout du site et de son histoire'; il ne peut engager sa responsabilité civile délictuelle en se fondant sur un manquement à une obligation de conseil qui relèverait de la responsabilité contractuelle de droit commun qui n'est ouverte qu'aux maîtres de l'ouvrage'; or, la chambre de commerce ne soutient pas qu'elle a manqué à son devoir de conseil'; elle a réalisé la solution qu'il préconisait c'est-à-dire le compactage dynamique et elle l'a avisée des difficultés rencontrées dès le 3 mai 1995.

L'action engagée contre elle étant particulièrement hasardeuse et manifestement irrecevable, elle constitue un abus de droit d'agir en justice à l'origine d'un préjudice qui doit être réparé.

M. [E] [Q]'dans ses dernières écritures en date du 11 juin 2012, conclut à la confirmation du jugement, au défaut de qualité à agir de la société CEBTP à son encontre, au débouté de ses demandes et subsidiairement, en application de l'article 1382 du code civil, il conclut au débouté de la société CEBTP de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui verser les sommes de 50'000 € à titre de dommages-intérêts et 15'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il rappelle qu'il a été mandaté par la SA Aciérie de l'Atlantique, filiale du groupe Martial Ucin suivant contrat du 1er mars 1995 pour la conception du projet et la direction du chantier d'implantation d'une aciérie sur les terrains que la chambre de commerce et d'industrie lui a vendu suivant acte des 15 et 16 février 1996.

Il soulève l'irrecevabilité des conclusions et sa mise en cause en l'absence de signification par la société CEBTP des conclusions de la chambre de commerce et d'industrie signifiées le 12 janvier 2012.

Subsidiairement il relève qu'il est étranger aux débats relatifs aux comportements fautifs que la chambre de commerce et d'industrie reproche à la société CEBTP pour ne pas l'avoir informée de la présence dans le sous-sol, de fondations et d'ouvrages enterrés.

Au demeurant l'acte de cession des 15 et 16 février 1996 prévoit une exclusion de garantie à quelque titre que ce soit.

Plus subsidiairement, il conclut au rejet de l'appel en garantie fondé sur l'article 1382 du code civil malgré les affirmations de l'expert qui dans son rapport vise effectivement une carence du maître d'oeuvre.

Il rappelle que les constructeurs sont des tiers dans leurs rapports entre eux'; qu'en l'espèce c'est la chambre de commerce qui a engagé l'action principale et non pas le groupe UCIN avec lequel il était contractuellement lié, ce qui exclut le principe d'une action récursoire (absence de lien contractuel entre la chambre de commerce et lui).

Mais si l'action récursoire entre constructeurs était retenue en application de l'article 1382, il constate que la preuve d'une faute contractuelle n'est pas rapportée ce qui exclut que sa responsabilité délictuelle soit recherchée par les tiers sur ce fondement et ce d'autant que, d'une part, l'enlèvement des existants ne peut constituer un préjudice s'agissant du respect d'une obligation liée à la vente d'un terrain qui doit être exempte de vices et que d'autre part, la preuve d'un lien de causalité entre la faute supposée et le dommage n'est pas rapportée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2013.

MOTIVATION

La CCI recherche la responsabilité de la société CEBTP sur le terrain contractuel pour manquement à ses obligations issues du contrat du 21 mars 1994 et sur le terrain délictuel en raison d'une faute dans l'exécution du contrat du 30 novembre 1994 le liant au groupe Ucin, lui ayant causé un dommage.

Sur la responsabilité contractuelle de la société CEBTP

Suivant offre du 16 mars 1994, la société CEBTP a proposé':

- «'la réalisation de six essais de pénétration statique répartis sur le site. Ces essais seront descendus à 10 mètres ou au refus,

- la réalisation, dans la zone des ponts roulants et celles fortement chargées (50 L/m²) de sondages pressiométriques descendus à 10 m, dans lesquels seront effectués des essais et selon une maille de principe de 1,50 m,

- le rapport précisera la nature des sols rencontrés et leurs caractéristiques mécaniques, le type de fondation le mieux adapté aux sites et aux projets (type, niveau d'ancrage, taux de travail du sol, tassements prévisibles sous charge') et les éventuelles sujétions d'exécution liées au projet ».

Suivant lettre de commande du 21 mars 1994, la CCI a accepté cette proposition en ces termes': «'nous vous confions la réalisation de l'étude géotechnique, telle que définie dans votre devis pour un montant total HT de 38 450 F'».

La société CEBTP a rendu son rapport le 24 mars 1994.

La CCI reproche à la société CEBTP':

- d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil en ne tirant pas les conséquences de sa connaissance de l'historique du site, ni de ses propres constatations (casse de matériel et de difficultés de sondages en raison de la présence de fondation affleurant le sol), en ne l'informant pas des sujétions du sol et en ne suggérant pas la réalisation d'investigations complémentaires,

- de n'avoir pas répondu à sa mission relative à la faisabilité du projet d'implantation d'une aciérie, en ne proposant pas l'enlèvement préalable de l'existant.

Or, dans son rapport du 24 mars 1994 dénommé « étude géotechnique de faisabilité » la société CEBTP mentionne :

- qu'il existe un réseau de galeries souterraines et depuis partiellement comblé et non repéré aux dires de divers témoins et au vu des quelques traces sur le site,

- que les sondages ont révélé la présence de remblais hétérogènes d'environ 4 m d'épaisseur, composé de mâchefers, de matériaux de démolition (béton, briques, ferrailles), de sables très lâches sur des épaisseurs de 1 à 2,5 m et de sables argileux noirs et compacts ayant occasionné des refus de pénétration statique,

- qu'au vu de ces constats, la société CEBTP a préconisé le compactage dynamique des remblais,

- que les galeries et puits présents sur le site devront être remplis avant les opérations de compactage dynamique.

Et dans son rapport d'expertise en date du 25 mai 1996, l'expert M. [M] souligne que':

- il ne subsistait aucune superstructure visible sur le terrain à l'exception de quelques massifs de maçonnerie et de béton, l'ancien propriétaire (la société Creusot Loire) ayant nivelé le terrain après démolition des superstructures existantes (dans les années 60), ledit terrain se trouvant en état de friches industrielles,

- il n'a pas été remis à la société CEBTP les plans de masse des anciennes installations que la CCI a retrouvés le 5 décembre 1994.

Il conclut donc que le rapport de la société CEBTP apporte des réponses suffisantes et nécessaires en ce qui concerne la question des possibilités de charges sur les différentes zones du projet à venir, que les conclusions de l'étude de la société CEBTP sont claires et de nature à permettre la prise de décision concernant la faisabilité du projet. La solution du compactage dynamique des remblais n'est pas critiquée.

Dès lors, il apparaît que la société CEBTP a répondu en tous points à la mission fixée au devis du 16 mars 1994 et à la commande du 21 mars 1994, qu'il s'agissait d'une étude géotechnique concernant les qualités mécaniques du sol et non pas une recherche de présence physique d'anciennes fondations ou d'obstacles des usines précédentes, que la CCI avait une parfaite connaissance de l'historique industriel du site pour l'avoir acquis en 1974 et pour en détenir les plans de masse et que la société CEBTP l'a parfaitement informée de la nature hétérogène du sol, de l'existence de remblais à des profondeurs et dans des proportions qu'elle n'a pas été en mesure de vérifier faute de détenir les plans de masse et que dès lors, elle a rempli son obligation d'information sur les sujétions rencontrées, les contraintes générées pour la nécessaire préparation du terrain n'entrant pas dans le cadre des sujétions dont elle avait l'obligation d'informer le maître de l'ouvrage. La CCI était donc parfaitement informée de la nature du sous-sol seul le volume des remblais était inconnu.

La preuve d'un défaut d'information sur la nature du sol et ses sujétions n'est pas rapportée alors que la société CEBTP fait la démonstration de la bonne exécution de son obligation de conseil dès lors qu'elle a indiqué que les galeries et puits présents sur le site devaient être préalablement remplis à l'opération de compactage.

A défaut de preuve d'un manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles, sa responsabilité ne peut être engagée.

Sur la responsabilité délictuelle de la société CEBTP

Aux termes d'un appel d'offre en date du 15 novembre 1994, la société Martial Ucin a sollicité « une étude géotechnique complète d'un terrain industriel » pour la construction d'une aciérie sur les terrains litigieux.

Cet appel d'offres rappelait'que la société CEBTP avait réalisé en mars 1994 une première étude géotechnique simple pour la chambre de commerce de Bayonne précisant que le terrain était constitué d'une première couche d'environ 4 m d'épaisseur de remblais hétérogènes suivis de sables mous au prolongement de sables noirs compacts'; il spécifiait qu'une «'consolidation du terrain est nécessaire puisque dans les conditions actuelles le terrain ne supporte pas les charges nécessaires au fonctionnement de l'installation prévue'». La mission comprenait':

- une étude géotechnique comprenant des sondages et des essais «'autant qu'il en faut'»,

- un programme d'analyse et de reconnaissance,

- une présentation des moyens à utiliser pour l'étude,

- une estimation des surcharges des assises,

- le système conseillé en consolidation,

- le coût unitaire et total de l'étude géotechnique.

La société CEBTP a établi une offre d'études répondant à ces objectifs le 29 novembre 1994, que la société Martial Ucin a acceptée par lettre de commande du 30 novembre 1994.

La société CEBTP a rendu son rapport le 13 janvier 1995.

La CCI de Bayonne reproche à la société CEBTP de ne pas avoir informé le maître de l'ouvrage (soit cette fois, l'UCIN) en sa qualité de commanditaire d'un nouveau rapport d'étude géotechnique, des difficultés rencontrées et de ne pas avoir donné le conseil avisé d'un spécialiste, en ne suggérant pas la réalisation d'investigations complémentaires, ces manquements lui ayant causé un préjudice direct en ce qu'elle a été contrainte de financer la préparation du terrain qu'elle a vendu à la société Martial Ucin le 16 février 1996, après avoir fait réaliser une étude portant sur la recherche d'ouvrages enterrés par la société IDE Environnement en juin 1995.

Or, ainsi que le relève l'expert dans son second rapport du 27 août 2005 (page 31)':

- la SA Martial Ucin ou ses mandataires ou représentants n'ont émis «'aucune réserve concernant l'absence de recherches pour ouvrages enterrés au stade de l'étude'», alors qu'ils disposaient du premier rapport de mars 1994, faisant état du sous-sol hétérogène,

- la société CEBTP a correctement rempli sa mission en répondant aux questions sollicitées par UCIN (page 42) et en proposant «'une solution de consolidation des sols appropriée'» (page 31),

- il lui a été confié une étude des qualités mécaniques des sols et non pas une étude physique permettant de connaître l'étendue de l'encombrement du sous-sol,

- M. [E] [Q] a déclaré que les études de sol entraient dans l'objet de sa propre mission,

- la casse de matériel est courante lors de telles investigations et ne signifie pas qu'elle ait été due à des ouvrages enterrés mais plutôt à la nature du sol hétérogène de sorte qu'il ne peut en être tiré argument.

La découverte des plans des anciennes aciéries des Forges de l'Adour, fort opportunément retrouvés et datés du 5 décembre 1994, alors que les seconds travaux de la société CEBTP ont débuté le 7 décembre, n'est d'aucune utilité pour la solution du litige, en ce que d'une part, il n'est pas justifié de la réalité de leur remise à la société CEBTP, que d'autre part, il ne lui avait pas été donné mission de rechercher les ouvrages enterrés et qu'enfin, le maître de l'ouvrage avait une connaissance suffisante de la fragilité du sous-sol à la lecture du premier rapport de mars 1994 puisqu'il préconisait dans son appel d'offre la nécessité de la consolidation des sols.

Dans ces conditions, la CCI de Bayonne ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société CEBTP dans l'exécution du contrat le liant à la société Martial Ucin, sans qu'il soit besoin d'analyser le préjudice qu'elle soutient avoir subi, dont le lien de causalité n'est au demeurant pas démontré dès lors que les frais de nettoyage du terrain sont sans rapport avec l'exécution d'une étude du sol.

Elle doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions y compris en ses dispositions rejetant les demandes de dommages-intérêts formées par les sociétés appelées en garantie par la société CEBTP.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 29 août 2011 en toutes ses dispositions';

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne à payer à la société Ginger CEBTP venant aux droits de la société CEBTP la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) ;

- Déboute la SAS Delair, la SA Soletanche Bachy et M. [E] [Q] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne aux dépens d'appel';

- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Melle Garrain, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sabrina GARRAIN Patrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11/03691
Date de la décision : 24/05/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°11/03691 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-24;11.03691 ?
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