La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2013 | FRANCE | N°11/02306

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 mai 2013, 11/02306


SG/CD



Numéro 13/02025





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/05/2013









Dossier : 11/02306





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA AUTOROUTE DU SUD DE LA FRANCE



C/



[W] [G],



Syndicat CGT ASF [Localité 4],
>

COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT DES ASF DE [Localité 4]







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2013, les parties en ayant ...

SG/CD

Numéro 13/02025

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/05/2013

Dossier : 11/02306

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA AUTOROUTE DU SUD DE LA FRANCE

C/

[W] [G],

Syndicat CGT ASF [Localité 4],

COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT DES ASF DE [Localité 4]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 21 Mars 2013, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA AUTOROUTE DU SUD DE LA FRANCE - ASF

ayant son siège social,

[Adresse 2]

[Localité 3]

exploitant un établissement dénommé

DIRECTION RÉGIONALE D'EXPLOITATION SUD ATLANTIQUE PYRÉNÉES

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP AGUERA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

Madame [W] [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Comparante et assistée de Maître BLAZY, avocat au barreau de BAYONNE

Syndicat CGT ASF [Localité 4]

Bâtiment Social ASF

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Monsieur [N], délégué syndical, muni d'un pouvoir régulier

COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT DES ASF DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Madame [W] [G], salariée du Comité, munie d'un pouvoir régulier

sur appel de la décision

en date du 07 JUIN 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Madame [W] [G] a été engagée par la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, ci-après désignée la SA ASF, à compter du 21 avril 2000, en qualité d'employée administrative, qualifiée 1ère catégorie, échelon VII, indice 221.4, PAS 1, de la convention collective des sociétés d'économie mixte d'autoroutes, avec une ancienneté acquise au 21 juin 1999, à temps partiel à raison de 798 heures de travail effectif dans l'année.

À compter du 20 février 2007, elle a été mise à la disposition du Comité d'Établissement de [Localité 4] dans le cadre de la convention d'entreprise numéro 74 relative au budget de fonctionnement et à la contribution 'uvres sociales des comités d'établissement et du comité central d'entreprise, et du règlement intérieur du Comité d'Établissement arrêté lors de sa séance du 5 novembre 2009.

Au dernier état des relations contractuelles Madame [W] [G] exerçait les fonctions de « secrétaire polyvalente social ».

Parallèlement, Madame [W] [G] était engagée, à temps partiel, par le Comité d'Établissement de [Localité 4] par plusieurs contrats de travail à durée déterminée, puis à compter du 1er septembre 2009 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour exercer les fonctions de cadre, chargée d'études économiques et juridiques.

Convoquée par courrier du 03 novembre 2009 à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 16 novembre 2009, puis convoquée par courrier du 19 novembre 2009 devant le conseil de discipline pour le 27 novembre, Madame [W] [G] a été licenciée par la SA ASF par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 décembre 2009 pour faute grave aux motifs, en substance : avoir modifié, sans autorisation, son tour de service en effectuant des heures additionnelles au cours de la semaine 43, pendant ses jours de congés.

Contestant son licenciement Madame [W] [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bayonne, par requête en date du 8 novembre 2010 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que son licenciement soit dit nul, pris en violation de l'article L. 1132-1 du code du travail ; en conséquence : que sa réintégration soit ordonnée, sous astreinte de 150 € par jour de retard ; à défaut de réintégration que la SA ASF soit condamnée à lui verser : 150.000 € de dommages-intérêts pour le préjudice matériel ; 20.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral compte tenu des conditions vexatoires et attentatoires à la dignité de ce licenciement ; 30.000 € de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail eu égard au caractère discriminatoire de la sanction ; que soit ordonnée la publication de la décision aux frais de la SA ASF dans la revue « l'échangeur » ; 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de l'audience de conciliation du 30 novembre 2010, le bureau de conciliation a rejeté la demande de Madame [W] [G] pour que soit ordonné le gel du poste qu'elle occupait au sein du comité d'entreprise en qualité de secrétaire, et, à défaut de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par courrier du 20 décembre 2010, le Comité d'Établissement de [Localité 4] s'est porté partie intervenante dans la procédure opposant Madame [W] [G] à la DIRECTION RÉGIONALE D'EXPLOITATION ASF SUD ATLANTIQUE PYRÉNÉES, et par courrier du 24 mars 2011, reçu le 29 mars, le Syndicat CGT ASF [Localité 4] s'est également porté partie intervenante dans la même procédure.

Par jugement du 7 juin 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE (section commerce) :

- A dit que la société ASF était sans qualité et sans droit pour prononcer, quels qu'en soient les motifs, une mesure de licenciement contre Madame [W] [G] pendant la durée de sa mise à disposition du Comité d'Établissement de [Localité 4] de la société ASF,

En conséquence :

- a dit la mesure de licenciement de Madame [W] [G] sans effet,

- a ordonné, avec exécution provisoire, la réintégration de Madame [W] [G] aux fonctions qu'elle occupait dans le cadre de sa mise à disposition du Comité d'Établissement de [Localité 4] de la société ASF,

- a condamné, avec exécution provisoire, la société ASF à payer à Madame [W] [G], à titre de salaire la somme dont elle a été privée depuis le jour de son éviction jusqu'à celui de sa réintégration, accompagnée des bulletins de salaire correspondants, soit 906,82 € bruts par mois et 841,32 € bruts par an au titre du 13ème mois, ainsi que les primes d'intéressement et de participation, et ce à compter de décembre 2009 jusqu'au jour de sa réintégration,

- a condamné la SA ASF à payer à Madame [W] [G] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- A dit recevables les interventions volontaires du Syndicat CGT ASF [Localité 4] et du Comité d'Établissement ASF [Localité 4],

- a condamné, avec exécution provisoire, la société ASF à payer au Comité d'Établissement ASF [Localité 4] la somme de 3.000 € de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

- a condamné la société ASF à payer au syndicat CGT ASF [Localité 4] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société ASF à payer au Comité d'Établissement ASF [Localité 4] et la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties de toutes autres ou plus amples demandes,

- a condamné la SA ASF aux entiers dépens de l'instance.

Toutes les parties ont interjeté appel du jugement dans les conditions suivantes :

- Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 juin 2011 pour la SA ASF, représentée par son conseil. Le jugement lui a été notifié le 9 juin 2011. Cet appel a été enregistré sous le RG numéro 11/02306.

- Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juillet 2011 par le Syndicat CGT ASF [Localité 4], représenté par son délégué syndical régional, Monsieur [F] [S]. Le jugement lui a été notifié le 14 juin 2011. Cet appel a été enregistré sous le RG numéro 11/02534.

- Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juillet 2011 par le Comité d'Établissement des ASF de [Localité 4], représentés par son secrétaire, Monsieur [F] [S].. Le jugement lui a été notifié le 14 juin 2011. Cet appel a été enregistré sous le RG numéro 11/02536.

- Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 février 2012 par Madame [W] [G], représentée par son conseil, qui a interjeté appel incident. Cet appel a été enregistré sous le RG numéro 12/00782.

Par ordonnance du 8 novembre 2012 la jonction des procédures RG numéros 11/02306, 11/02534, 11/02536 et 12/00782 a été ordonnée sous le numéro RG 11/02306.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La SA ASF, par conclusions écrites, déposées le 20 mars 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

Concernant Madame [W] [G] :

- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne le 7 juin 2011 en toutes ses dispositions,

- débouter Madame [W] [G] de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant le Comité d'Établissement des Autoroutes du Sud de la France de [Localité 4] :

- dire irrecevables les demandes formulées par le Comité d'Établissement ASF [Localité 4],

- débouter le Comité d'Établissement ASF [Localité 4] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant le syndicat CGT ASF [Localité 4] :

- dire irrecevables les demandes formulées par le syndicat CGT ASF [Localité 4],

- débouter le syndicat CGT ASF [Localité 4] de l'intégralité de ses demandes,

- le condamner au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SA ASF soutient qu'elle est demeurée l'employeur de Madame [W] [G], et que le fait pour la salariée de contrevenir aux instructions claires et réitérées de sa hiérarchie caractérise une insubordination et justifie son licenciement pour faute grave. Elle fait valoir, en substance, que Madame [W] [G] avait connaissance des procédures spécifiques en vigueur et de son lien de subordination à la société ASF ; qu'en se dispensant de solliciter et d'obtenir une autorisation préalable avant de réaliser des heures additionnelles et en travaillant pendant ses jours de repos elle a unilatéralement modifié ses horaires de travail, violé la procédure applicable en la matière et fait courir un risque d'infraction à la législation relative à la durée du travail.

La SA ASF conteste la discrimination invoquée, considère que la salariée ne justifie d'aucun fait susceptible de laisser présumer l'existence d'une discrimination, et fait valoir qu'elle n'exerçait pas un mandat électif ou désignatif mais des missions contractuelles pour le compte de deux employeurs distincts qui n'impliquaient pas de démarche syndicale, ni de mission militante particulière.

Sur le Comité d'Établissement : la SA ASF soutient que l'intervention volontaire du Comité d'Établissement est irrecevable aux motifs : qu'aucun texte ne permet son action en justice dans le cadre d'un litige prud'homal opposant un salarié à son employeur ; que l'article L. 1411-6 du code du travail instaure seulement un droit de mise en cause à la seule initiative du salarié et à l'encontre de cet organisme ; le Comité n'établit pas la régularité de son intervention au regard de ses statuts. Sur le fond la SA ASF fait valoir, en substance, que l'action en responsabilité, contractuelle ou délictuelle, relève de la seule compétence du Tribunal de Grande Instance ; que le Comité n'a pas qualité pour agir au soutien des prétentions adverses ; aucune entrave au fonctionnement de l'instance n'est établie du fait du licenciement de Madame [W] [G].

Sur le Syndicat : la SA ASF conclut : au rejet de la demande du Syndicat de mise à l'écart de ses conclusions et de ses pièces au motif que, communiquées à l'identique en première instance, elles sont connues par le Syndicat depuis près de deux ans ; à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire du Syndicat qui ne produit aucune délibération conforme à ses statuts l'autorisant à ester en justice ; sur le fond, le rejet des faits de discrimination prétendument subis par la salariée entraîne de plein droit le rejet des demandes formulées par la partie intervenante.

Madame [W] [G], par conclusions écrites, déposées le 5 mars 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1232-1, L. 1235-1, L. 2141-5 à L. 2141-8, L. 2146-2, L. 3171-4 du code du travail ; 1147 et 1382 du code civil ; 9, 11, 515 et 700 du code de procédure civile ;

- dire le licenciement nul, pris en violation de l'article L. 1132-1 du code du travail dont les dispositions sont d'ordre public,

- confirmer la réintégration au poste de travail, même qualification, même lieu de travail, avec toutes conséquences de droit dont la perte de salaire et des avantages sociaux (intéressement, participation, ') depuis le licenciement intervenu le 4 décembre 2009 à la réintégration effective au poste de travail initial,

- condamner l'ASF au paiement de 30.000 € de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail eu égard au caractère discriminatoire de la sanction,

A titre subsidiaire :

- confirmer les dispositions du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne le 7 juin 2011 en ce qu'elles ont déclaré le licenciement sans effet, avec toutes les conséquences de droit attachées à l'exécution de la décision,

A titre infiniment subsidiaire :

- dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence l'ASF à verser la somme de 150.000 € de dommages-intérêts pour le préjudice matériel,

Dans tous les cas :

- condamner l'ASF au paiement de 20.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi compte-tenu des conditions vexatoires et attentatoires à la dignité de ce licenciement, en application de l'article L. 1121-1 du code du travail et 1147 et 1382 du code civil,

- condamner l'ASF à verser la somme de 3.627 € au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et 10.855 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- ordonner la publication de la décision de la Cour aux frais de l'ASF dans la revue « H24 », éditée dans les caractères courants de la revue,

- condamner l'ASF à payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'ASF aux entiers frais et dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la présente décision.

Madame [W] [G] soutient que son licenciement procède d'un détournement du pouvoir disciplinaire et d'un parti pris constitutif d'une discrimination syndicale qui emporte la nullité du licenciement et, en tout état de cause, que la société ASF est sans qualité et sans droit pour la licencier.

Elle fait valoir, en substance, que : elle ne bénéficiait d'aucune protection liée à son activité syndicale, mais son activité au sein de la CGT était notoire, ayant représenté ce syndicat auprès de la direction de la société à diverses occasions ; l'assignation du Comité devant le Tribunal de Grande Instance de Bayonne pour voir rompre son contrat de travail, ainsi que la condamnation du Président de l'ASF pour diffamation, montrent que l'objectif de la société ASF était de l'écarter de son environnement ; la modification du tour de service annuel 2010, immuable depuis 10 ans, dénote la volonté de la société de nuire à l'exercice de son cumul d'emplois ; la demande de récupération pour les heures additionnelles qui lui sont reprochées a été validée par sa responsable hiérarchique et lesdites heures lui ont été payées à la rupture du contrat ; elle a été sanctionnée pour avoir pris l'initiative de travailler plus pour rendre un travail dans les temps impartis ; jamais un salarié n'avait été sanctionné pour avoir dépassé les durées légales de travail et être venu travailler sur ses jours de repos, de sorte que la sanction prononcée, relevant de l'exception, est discriminatoire et le motif invoqué n'est pas celui qui motive la sanction, et alors que les 9 heures de travail additionnelles cumulées aux 37 heures 50 contractuelles ne dérogent pas à la durée maximale hebdomadaire de travail des 48 heures.

Le Comité d'Établissement des Autoroutes du Sud de la France (CE ASF), par conclusions écrites, déposées le 12 mars 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

Vu les articles L. 1411-1, L. 1411-6, L. 2328-1 du code du travail ; 1382 du code civil ; 12, 15, 16, 31, 700 et 783 du code de procédure civile,

- condamner l'ASF au paiement de 29.100 € de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel subi,

- condamner l'ASF au paiement de 10.000 € au titre du préjudice moral, en application de l'article 1382 du code civil,

- confirmer la réintégration de Madame [W] [G] à son poste de travail,

- condamner l'ASF à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Comité d'Établissement soutient que la juridiction prud'homale est compétente pour se prononcer sur le préjudice personnel et direct qu'il a subi à l'occasion du licenciement de Madame [W] [G] qui était mise à sa disposition par la société ASF et que cette dernière était sans qualité et sans droit pour prononcer une mesure de licenciement à l'encontre de Madame [W] [G]. Le Comité fait valoir, en substance, que : il y a un partage de responsabilités entre le Comité d'Établissement et l'ASF, chacun exerçant une partie des prérogatives de l'employeur, l'obligation de rémunérer la salariée mise à disposition du Comité revenant à l'ASF, et celle relative à la production d'un travail et à la définition des moyens mis en 'uvre pour l'exécuter revenant, en vertu des dispositions conventionnelles, au secrétaire élu du Comité ; le pouvoir disciplinaire ne peut qu'incomber au secrétaire élu du Comité, seul habilité à administrer le travail de la salariée mise à disposition et, en conséquence, d'en sanctionner tout éventuel manquement, et alors que c'est à la demande du secrétaire que la salariée a effectué un dépassement de la durée du travail et est venue travailler pendant ses jours de repos et de congés.

Le Syndicat CGT ASF [Localité 4], par conclusions écrites, déposées le 12 mars 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

Vu les articles L. 1132-1, L. 1134-2, L. 2132-3, L. 2141-7, L. 2141-8 du code du travail ; 1382 du code civil ; 31 et 700 du code de procédure civile,

- condamner l'ASF au paiement de 3.000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice subi, en application de l'article 1382 du code civil,

- condamner l'ASF au paiement de 8.000 € de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du code du travail, en violation des dispositions de l'article L. 2141-7 du même code,

- ordonner la réintégration de Madame [W] [G] à son poste de travail,

- ordonner la publication de la décision aux frais de l'ASF dans la revue « H24 », éditée dans les caractères courants de la revue,

- condamner l'ASF à payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat CGT demande que soient rejetées des débats les conclusions et les pièces produites par la société ASF au motif qu'aucune pièce n'a été communiquée à la date de la clôture fixée au 4 janvier 2013.

Le syndicat CGT soutient qu'il est fondé à intervenir au motif que la discrimination syndicale est à l'origine du fait matériel du licenciement de Madame [W] [G], qui s'analyse comme un moyen de pression à l'encontre de l'organisation syndicale CGT et constitue pour celle-ci un préjudice personnel et direct.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les appels, interjetés dans les formes et délais prescrits par la loi, seront déclarés recevables en la forme.

Concernant la demande de rejet des conclusions et des pièces de la société ASF :

Le syndicat CGT sollicite, dans le corps de ses conclusions écrites, le rejet des conclusions et des pièces de la société ASF au motif qu'elles ne lui ont pas été communiquées avant la date fixée au 4 janvier 2013.

Il convient cependant de rappeler que la procédure est orale et de relever que, outre que cette demande n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions du Syndicat, les pièces produites en cause d'appel sont celles qui ont été produites en première instance, hormis par exemple l'assignation en référé devant le Premier Président de la Cour d'Appel de Pau et l'ordonnance de celui-ci rejetant la demande de la société ASF tendant à voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du Conseil de Prud'hommes du 7 juin 2011 et trois autres pièces (10, 11 et 12) sur lesquelles, en tout état de cause, les parties ont pu contradictoirement débattre à l'audience, de sorte que cette demande sera rejetée.

Concernant le licenciement :

La faute grave, dont la charge de la preuve pèse sur l'employeur, est la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

La lettre de licenciement pour faute grave du 2 décembre 2009 est ainsi rédigée :

« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave, ce dont nous vous avons fait part lors de notre entretien préalable du 16 novembre 2009.

Le 14 octobre 2009, vous nous avez écrit que vous étiez venue travailler sur vos jours de repos et que vous aviez accepté de revenir travailler alors que vous étiez en congés.

Le 27 octobre 2009, vous nous avez sollicité afin que nous vous précisions les modalités de récupération de 9 heures de travail soit 2 jours au motif que vous auriez effectué des heures additionnelles au cours de la semaine 43 du fait unique de votre emploi ASF.

Nous ne vous avons nullement demandé de venir ou revenir travailler sur vos jours de congés et alors que vous étiez en congés.

Vous n'êtes nullement venue nous solliciter au préalable d'une quelconque modification de votre tour de service.

Vous n'avez pas plus obtenu notre autorisation avant toute chose ainsi que cela ce doit.

Enfin, nous ne vous avons jamais demandé ou autorisé à effectuer quelque heure additionnelle que ce soit.

Nous avons tout au contraire pris soin de vous rappeler les obligations qui sont, comme celles de tous vos collègues, les vôtres en la matière, ainsi qu'en atteste notamment le dernier courrier qui vous a été adressé le 25 septembre 2009 soulignant entre autres interdictions celle d'effectuer une activité salariée durant les périodes de congés payés.

Si nous entendons l'essentiel de vos arguments tels que vous les avez synthétisés dans votre courrier du 19 novembre 2009 et les avez repris lors du conseil de discipline du 27 novembre 2009, nous ne pouvons que constater que vous persistez à affirmer que vous n'auriez jamais eu à solliciter l'accord de votre encadrement pour modifier votre tour de service. Or, vous venez paradoxalement à reconnaître que revenir sur des jours non travaillés entraîne une modification de votre tour de service qui doit impérativement être validée en amont par le service RH.

Au regard de votre ancienneté, de votre maîtrise et de votre parfaite connaissance de la procédure de modification de votre tour de service, nous estimons que vous ne pouviez ignorer de telles règles impératives et prétendre qu'elles ne s'appliquaient pas à vous.

Les faits sont là, tels que tirés de votre dossier personnel, qui s'opposent à vos affirmations. En tant que de besoin, il est toujours apparu nécessaire de formaliser les modifications à votre tour de service suivant la procédure de demande d'autorisation préalable.

À ce titre, vous avez été interpellée par votre supérieur hiérarchique lors de votre entretien professionnel 2009. À cette occasion en effet, il vous a été demandé d'améliorer la lisibilité de la répartition de votre travail, dès lors qu'à la différence de vos collègues du service RH attachés à la Direction Régionale, [Adresse 1], le lieu d'exécution de votre contrat de travail étant situé au Bâtiment Social, vous n'aviez pas à pointer pour vos heures d'embauche et de débauche.

Votre persistance à remettre en cause, de manière unilatérale, les procédures impératives de dérogation aux tours de service et à vous substituer systématiquement à nous dans l'exercice de notre pouvoir de direction en la matière, hors tout respect de votre ligne hiérarchique, pour décider seule des horaires qui devraient être les vôtres met en cause la bonne marche du service.

Les explications recueillies auprès de vous tant au cours de notre entretien préalable du 16 novembre 2009 que lors du Conseil de Discipline qui s'en est suivi ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. (') ».

Sur la qualité d'employeur :

Madame [W] [G] considère que le premier juge a exactement estimé qu'aux termes des dispositions conventionnelles régissant sa mise à disposition du Comité d'Établissement la société ASF n'avait qu'une obligation limitative de moyens, celle de mettre à disposition du personnel, mais qu'elle ne pouvait pas prétendre administrer le travail de la salariée mise à disposition, de sorte que le pouvoir disciplinaire lui échappait.

Ainsi, alors que Madame [W] [G] a en premier lieu soutenu comme moyen que la société ASF avait procédé à un détournement du pouvoir disciplinaire en la licenciant en réalité sur un fait discriminatoire illicite, emportant la nullité de son licenciement, ce qui suppose que pour détourner son pouvoir disciplinaire la société ASF était censée en disposer, elle soutient, en deuxième lieu que la société ASF était sans qualité et sans droit pour la licencier.

Il importe donc d'examiner, en premier lieu, la qualité de la société ASF pour prononcer ce licenciement.

Madame [W] [G] exerçait son activité auprès du Comité d'Établissement en vertu de deux contrats de travail à temps partiel.

Elle a été engagée par la société ASF à compter du 21 avril 2000, en qualité d'employée administrative, à temps partiel, et à compter du 20 février 2007 elle a été mise à la disposition du Comité d'Établissement dans le cadre de la convention d'entreprise numéro 74 du 20 février 2007, relative au budget de fonctionnement et à la contribution des 'uvres sociales des comités d'établissement et du comité central d'entreprise.

Parallèlement, elle a été engagée, à temps partiel, par le Comité d'Établissement de [Localité 4], pour exercer les fonctions de cadre, chargée d'études économiques et juridiques.

La mise à disposition s'inscrit donc dans le cadre de l'obligation de l'employeur de verser une subvention de fonctionnement.

L'article 2 du règlement intérieur du Comité d'Établissement, adopté le 5 novembre 2009, relatif au rôle du secrétaire du Comité d'Établissement, stipule notamment que pour accomplir ses tâches le secrétaire « dispose des moyens matériels du Comité et du personnel administratif mis à sa disposition par la Direction, comme stipulé au chapitre V du présent règlement ».

L'article 13 du chapitre V, relatif aux moyens du C.E., stipule :

« la Direction met à la disposition du C.E. les moyens que la loi, les conventions ou les usages mettent à sa charge, notamment le personnel administratif auquel sont confiées les tâches afférentes aux activités sociales et celles relevant des attributions économiques et professionnelles du Comité. Ce personnel restant toutefois sous la responsabilité hiérarchique du service RH de la DRE.

En cas d'absence du personnel administratif du C.E., la Direction assurera son remplacement en fonction des possibilités du ou des salariés prévus à cet effet ».

De même que la mise à disposition du matériel n'emporte pas transfert de la propriété de ce matériel, de même la mise à disposition d'un personnel administratif n'a pas pour conséquence de transférer au Comité, ou à son secrétaire, la qualité d'employeur de ce personnel administratif. C'est ce que rappelle le règlement intérieur en écrivant que ce personnel reste sous la responsabilité hiérarchique du service des Relations Humaines de la Direction Régionale.

Il ressort des pièces versées aux débats que Madame [W] [G] a toujours eu connaissance, et a toujours reconnu, qu'elle avait deux employeurs.

C'est, par exemple, en ce sens, que Madame [W] [G] adressait à la Direction Régionale ses demandes de congés.

C'est encore ce qu'elle reconnaissait expressément dans son courriel du 10 septembre 2009 à Madame [A] [R], Responsable des Ressources Humaines, en écrivant : « je tiens, à ce propos, à revenir sur les liens de subordination avec l'ASF par rapport à l'ensemble de mon activité. Vous êtes mon chef de service concernant mon temps de travail ASF en ma qualité de « secrétaire polyvalente social ». À ce titre, vous avez un droit de regard sur l'organisation de mon temps de travail ASF, et vous êtes à même de vous prononcer sur toute demande de modification de planning qui vous serait présentée ». Ce courriel constitue la reconnaissance par la salariée de son lien de subordination à l'ASF.

Par exemple encore, son courrier du 14 octobre 2009 adressé à la Direction Régionale d'ASF débute ainsi : « par courrier du 24 septembre dernier, vous vous adressez à moi afin que je vous confirme que j'exerce une activité complémentaire auprès d'un second employeur, le Comité d'Établissement ASF de [Localité 4], à compter du 1er septembre 2009, et me rappelez les règles applicables en cas de cumul d'emplois. Vous effectuez également un rappel des obligations qui résultent de l'exécution de mon contrat de travail ASF ». Plus loin, elle écrit encore : « le 9 octobre dernier, mon responsable hiérarchique, Responsable des Ressources Humaines, Madame [R] ('). Ou encore : « si le personnel administratif du C.E. est rattaché hiérarchiquement au service RH, son administration est du ressort du secrétaire du C.E. aux termes des articles 2, alinéa 8 et 13 du règlement intérieur de l'instance ».

S'il est exact, ainsi que l'écrit également Madame [W] [G] dans ce même courrier, que l'activité du personnel administratif du C.E. doit « satisfaire aux besoins de fonctionnement de l'instance définis par son secrétaire », et que pour ce faire le secrétaire doit pouvoir participer à l'organisation du travail de ce personnel, cela n'implique pas pour autant le partage du pouvoir disciplinaire ni, à plus forte raison, la dépossession par l'employeur de son pouvoir disciplinaire à l'égard du personnel mis à disposition.

C'est pourquoi il y a lieu de dire que, indépendamment de l'appréciation du bien-fondé du licenciement, la société ASF était, en sa qualité d'employeur de Madame [W] [G], habilitée à exercer son pouvoir disciplinaire et par conséquent, avait qualité pour engager une procédure de licenciement et prononcer une telle sanction.

Sur le motif du licenciement :

Il ressort de la lettre de licenciement que le motif du licenciement est un agissement de la salariée que la SA ASF considère constitutif d'une faute grave.

Cet agissement est caractérisé comme étant la modification du tour de service de Madame [W] [G], par elle-même, de manière unilatérale, sans autorisation de sa hiérarchie. C'est cette modification du tour de service qui apparaît donc comme le motif essentiel, et finalement unique, du licenciement, et qui est répété pas moins de six fois dans la lettre.

En effet, ce qui est reproché à la salariée n'est pas d'être venue travailler pendant ses jours de repos, ou pendant ses jours de congés, ni d'avoir effectué des heures additionnelles sans autorisation, car il s'agit-là de plusieurs agissements distincts dans le temps et par leur nature. Ce ne sont donc pas là les faits qui lui sont reprochés car, le fait d'être venue travailler pendant ses jours de repos, ou alors qu'elle était en congés, concerne une période antérieure au 14 octobre 2009 puisque c'est à cette date qu'elle a porté à la connaissance de la SA ASF cet état de fait. Ces faits antérieurs au 14 octobre 2009 sont également distincts dans le temps de ceux qui se sont déroulés pendant la semaine 43, qui couvre la période du 19 au 25 octobre, et distincts par leur nature, concernant des heures additionnelles pendant cette période.

La preuve que le motif du licenciement ne réside pas, par exemple, dans les heures additionnelles effectuées sans autorisation, est apportée par l'accord donné par la Responsable des Ressources Humaines, Madame [A] [R], à la récupération de ces heures, ainsi que cela ressort de son courriel du 9 novembre 2009 adressé à Madame [W] [G] en réponse à sa demande formulée par courriel du 27 octobre dans lequel elle précisait qu'il s'agissait d'une surcharge ponctuelle liée à la rédaction de trois procès-verbaux au lieu d'un seul prévu en moyenne chaque mois.

Ainsi, en acceptant que la salariée récupère les heures additionnelles l'employeur reconnaissait, antérieurement à l'entretien préalable, et donc antérieurement au licenciement, le bien-fondé de cette récupération et donc que la réalisation de ces heures était justifiée.

Bien qu'il ait été question d'une récupération, en réalité ces heures additionnelles lui ont été payées, ainsi que cela ressort de son bulletin de salaire du mois de décembre 2009.

Par conséquent, en visant un agissement fautif, la société ASF a entendu viser, non pas le fait pour la salariée d'avoir travaillé pendant ses jours de repos, pendant ses jours de congés, ou d'avoir effectué des heures additionnelles, mais le fait de n'avoir pas sollicité au préalable la modification de son tour de service, seul élément commun à ces différents événements.

C'est donc la réalité et le sérieux de cet agissement considéré comme fautif et comme motif du licenciement qu'il convient d'examiner, peu important les motifs invoqués ultérieurement par l'employeur, le juge étant tenu par la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et sert de cadre strict à son contrôle.

L'employeur fait du tour de service (TSA) un élément essentiel de l'organisation de ses services.

L'importance du tour de service doit cependant être examinée au regard des fonctions exercées par Madame [W] [G].

Celle-ci produit ses tours de service de l'année 2001 à l'année 2009. Il en ressort que pendant toute cette période son temps de travail a présenté une grande constance. Ainsi ont été constants : le nombre de jours de ses interventions au Comité d'Établissement (4 j) ; le nombre de demi-journées de travail ramenées en jour (2 j). Les définitions des périodes de travail ont connu peu de modifications et étaient sur quatre jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi). Le total des heures effectuées a également peu varié puisqu'il était de : 890,07 en 2001 ; 890,59 en 2002 ; 892,14 en 2003 ; 904,30 en 2004 ; 910 en 2005 ; 901 en 2006 ; 900 en 2007 ; 850 en 2008 ; 898 en 2009.

L'organisation des services et la tenue d'un emploi du temps strict revêtent une importance particulière en raison de la nature des fonctions des salariés, et particulièrement s'agissant des personnels intervenants sur les autoroutes ou aux péages des autoroutes.

Cependant, cette organisation et cet emploi du temps paraissent ne pas revêtir la même importance pour une salariée mise à disposition du Comité d'Établissement, non pas parce que le rôle de ce comité serait négligeable, mais parce que son fonctionnement ne paraît pas pouvoir être strictement comparé aux conditions de circulation sur une autoroute, et surtout parce qu'en l'occurrence la salariée mise à disposition complétait son temps partiel par un autre temps partiel au service du même Comité, de sorte que celui-ci pouvait ainsi plus aisément organiser son fonctionnement.

C'est la situation particulière de cette salariée qui explique la constance et la stabilité de son tour de service.

En l'espèce, alors que la société ASF reproche à la salariée d'avoir mis « en cause la bonne marche du service » par la modification unilatérale de son tour de service, aucun élément n'est produit de nature à démontrer la réalité de cette perturbation du service, alors que le service dans lequel Madame [W] [G] était employée, à savoir le Comité d'Établissement, n'a connu aucune perturbation et que, bien au contraire, le secrétaire du Comité, responsable du fonctionnement de celui-ci, s'est dit pleinement satisfait du travail de la salariée, a affirmé que les travaux supplémentaires effectués qui avaient donné lieu à des heures additionnelles avaient été faits à sa demande, et a fait connaître son opposition au licenciement de cette salariée, dénonçant dans cette procédure la volonté de l'employeur d'entraver le fonctionnement du Comité.

De surcroît, s'il peut être reproché à Madame [W] [G] d'avoir modifié son emploi du temps sans y avoir été autorisée, en revanche il ne peut lui être reproché de n'avoir pas sollicité cette modification.

En effet, par courriel du 10 septembre 2009 adressé à Madame [A] [R], Responsable des Ressources Humaines, et dont il a été précédemment fait état, Madame [W] [G] a sollicité un rendez-vous pour discuter de l'organisation de son temps de travail, précisant que sa demande consistait à voir transférer sur l'après-midi ses heures de travail prévues sur son TSA le matin pour la journée du 11 septembre 2009. Une demande de même nature a également été faite par courriel du 21 septembre 2009, toujours adressé à la Responsable des Ressources Humaines, portant pour objet « modification TSA 25 septembre 2009 », sollicitant de nouveau un rendez-vous pour envisager cette modification.

La réalité de ces deux courriels n'est pas contestée, et il n'est pas prétendu, ni a fortiori démontré, qu'une réponse, consistant en une acceptation ou un refus, a été donnée à la salariée.

Dans chacun de ces courriels, la salariée précise que la demande de modification « n'altère en rien le fonctionnement du service dans le cadre de (son) contrat ASF », qu'au contraire, il serait bien plus préjudiciable qu'elle soit obligée de prendre un jour de congé, et par conséquent, qu'elle soit absente du bureau toute la journée, et elle ajoute que l'acceptation ou le refus doit être motivé par le besoin de fonctionnement du service.

Or, la seule réponse donnée, ou en tout cas la seule réponse dont il est justifié dans la présente procédure, est le courriel en réponse de Madame [A] [R] du 22 septembre 2009 qui écrit « je ne souhaite pas vous voir modifier votre tour de service annuel cette semaine », sans aucune explication ou élément produit de nature à expliquer et justifier que l'acceptation de la modification du planning aurait causé une perturbation au fonctionnement du service.

Par conséquent, si le motif de l'absence d'autorisation de modifier le tour de service est réel, en revanche, du fait de l'absence de justification des perturbations au service que cette modification aurait causé, il ne constitue pas un motif sérieux de licenciement.

Madame [W] [G] soutient que le véritable motif de son licenciement réside en réalité dans son activité syndicale que l'employeur a voulu sanctionner, de sorte que le licenciement, fondé sur une discrimination syndicale, serait nul.

Concernant la discrimination :

En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur l'action syndicale :

La société ASF conteste la discrimination syndicale invoquée au motif, notamment et en premier lieu, que Madame [W] [G] n'exerçait pas un mandat électif ou désignatif.

Mais, il doit être rappelé que le principe de non-discrimination énoncé dans l'article L. 1132-1 du code du travail, ou encore dans l'article L. 2141-5, porte sur l'exercice d'une activité syndicale, sans être limité à la représentation syndicale.

Plusieurs des pièces produites par Madame [W] [G] concernent des actions postérieures à son licenciement, et ne sont donc pas pertinentes pour participer à la démonstration que la société ASF avait connaissance de son activité syndicale au moment du litige objet de la présente procédure (ses pièces 20-1 à 20-11 qui concernent des actions judiciaires dans lesquelles Madame [W] [G] assistait ou représentait un salarié de la société ASF contre cette société, qui ont toutes été engagées à compter de l'année 2011).

Mais, Madame [W] [G] produit aussi d'autres pièces antérieures à l'engagement de sa procédure de licenciement.

Ainsi, elle produit le procès-verbal de la réunion extraordinaire du Comité d'Établissement du 8 novembre 2006 au cours de laquelle il a été procédé à l'élection et à la désignation des membres des diverses commissions et dans lequel il apparaît que Madame [W] [G] a été désignée par le Syndicat CGT pour siéger à la commission emploi/formation, désignation renouvelée lors de la réunion du Comité d'Établissement du 5 novembre 2009.

Madame [W] [G] produit également sa convocation par la Direction Régionale de la société ASF à la réunion préparatoire sur la gestion prévisionnelle des emplois pour le mercredi 28 mars 2007.

Il résulte de ces éléments que l'employeur avait nécessairement connaissance de l'action syndicale de Madame [W] [G], puisqu'il préside le Comité d'Établissement.

Sur la discrimination :

Madame [W] [G] invoque, comme faits de discrimination syndicale à son encontre, l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le Comité d'Établissement, la modification de son tour de service 2010 et les conditions de son licenciement.

Sur l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le Comité d'Établissement :

Madame [W] [G] soutient que la procédure engagée par la société ASF devant le Tribunal de Grande Instance de Bayonne visant à rompre son contrat de travail avec le Comité d'Établissement est la preuve de l'amalgame fait par la société entre son activité salariée pour le compte du Comité et son appartenance à la section Syndicale CGT. Elle fait valoir que le 25 août 2009, le Comité d'Établissement a décidé de l'embaucher à mi-temps sur le poste et pour le travail qu'elle effectuait auparavant sous contrats CDD ; le Directeur Régional a manifesté une ferme opposition à cette embauche ; le 16 octobre le secrétaire du C.E. a été assigné devant le Tribunal de Grande Instance par la Direction Régionale ASF de [Localité 4] et la SA ASF en contestation du caractère majoritaire de la délibération adoptée qui entérinait cette embauche et demandant au juge de faire injonction au Comité de mettre fin à toute éventuelle relation contractuelle fondée sur cette délibération ; le 5 novembre 2009 l'ASF et le Directeur Régional se sont désistés de leur requête sans renoncer à la convoquer, dès le 4 novembre, à un entretien préalable. Elle ajoute que Monsieur [U], Président de l'ASF, qui représentait la SA ASF, a été condamné par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de Pau pour diffamation à son encontre.

Elle considère que le fait de reconnaître ouvertement que l'ASF a arrêté sa décision en fonction des majorités syndicales constitue un aveu manifeste de discrimination et qu'il y a un lien évident entre cette procédure et son licenciement, dont l'objectif est identique, l'écarter de l'environnement ASF.

Il ressort des pièces de la procédure, que le 31 août 2009, le Comité d'Établissement ASF de [Localité 4], représenté par son secrétaire, Monsieur [F] [S], en qualité d'employeur et Madame [W] [G], en qualité de salariée, ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée pour son engagement, dans le cadre des prérogatives économiques du Comité d'Établissement, en qualité de cadre, chargée d'études économiques et juridiques, à temps partiel à raison de 20 heures hebdomadaires, à compter du 1er septembre 2009. Ce contrat faisait suite à plusieurs CDD.

Par acte huissier de justice en date du 20 octobre 2009, la société des Autoroutes du Sud de la France et Monsieur [O] [I], pris en sa qualité de Président du Comité d'Établissement de la Direction Régionale Sud Atlantique Pyrénées de la société ASF ont fait assigner le Comité d'Établissement de la Direction Régionale à jour fixe, pour le 9 novembre 2009, devant le Tribunal de Grande Instance de Bayonne, pour que : soit déclarée nulle la délibération correspondant au point 17 de l'ordre du jour de la réunion du 25 août 2009 du Comité d'Établissement de [Localité 4] relative au recrutement d'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée par le C.E. pour la gestion des affaires juridiques et l'analyse et l'exploitation des données économiques et sociales, à défaut de majorité atteinte ; qu'il soit fait injonction au Comité d'Établissement de mettre fin à toute éventuelle relation contractuelle fondée sur cette délibération.

Il n'est pas contesté que les requérants se sont désistés de leur requête le 5 novembre 2009, et que par courrier du 3 novembre 2009, Madame [W] [G] a été convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

S'agissant de la procédure en diffamation, Madame [W] [G] produit l'arrêt rendu par la Chambre Correctionnelle de la Cour d'Appel de Pau le 9 juin 2011 qui a notamment confirmé le jugement du Tribunal Correctionnel de Bayonne du 1er juillet 2010, saisi en vertu d'une citation directe, en ce qu'il a déclaré Monsieur [M] [U] coupable d'avoir, le 7 décembre 2009, commis le délit de diffamation publique, l'a condamné à une peine d'amende de 3.000 €, a reçu Madame [W] [G] en sa constitution de partie civile et lui a alloué la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

La salariée indique, dans ses conclusions écrites (page 13), que l'arrêt de la Cour d'Appel de Pau a été cassé et renvoyé devant la Cour d'Appel de Bordeaux qui a mis sa décision en délibéré au 21 mars 2013.

Dans le cadre de son délibéré, la Cour a été destinataire de l'arrêt rendu le 28 mars 2013 par la Cour d'Appel de Bordeaux, troisième chambre correctionnelle, qui a confirmé le jugement déféré sur la culpabilité, sur la peine d'amende prononcée, sur le rejet de la demande de non inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire du prévenu, et qui a confirmé le jugement déféré en ses dispositions civiles, y ajoutant la somme de 2.000 € à payer par Monsieur [M] [U] à Madame [W] [G] sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Mais, indépendamment de cette procédure et de cette condamnation pénale, ce qu'il importe de relever en l'espèce et pour la procédure prud'homale, c'est que Monsieur [M] [U] a déclaré devant la presse radiophonique, que Madame [W] [G] avait été licenciée parce que « ses absences désorganisent le travail », alors qu'en sa qualité de président de la société ASF il ne pouvait ignorer que la lettre de licenciement ne comportait aucun motif relatif à des absences et à une désorganisation du travail engendrée par des absences.

Indépendamment de la qualification pénale donnée à ces propos, et de la condamnation qui s'en est suivie, leur teneur, émanant du représentant légal de l'employeur, confère aux conditions du licenciement un sens qui vient accréditer la thèse de la salariée. Car, la substitution au motif énoncé dans la lettre du licenciement, d'un autre motif totalement absent de cette lettre, tant littéralement que dans l'esprit, constitue un indice grave laissant présumer que le véritable motif n'a donc pas été celui énoncé dans la lettre de licenciement.

Sur la modification de son tour de service 2010 :

Madame [W] [G] prétend que la société ASF a fait preuve d'une hostilité manifeste et a tenté par tous moyens d'entraver l'exercice de son activité salariée pour le compte du Comité d'Établissement en modifiant son tour de service 2010, 9 jours après la confirmation de son cumul d'activité, après qu'elle eut informé l'employeur qu'elle avait planifié ses horaires de travail pour le comité en fonction de la répartition de ses heures de travail à l'ASF qui présentaient une constance depuis 10 ans, en planifiant ses heures sur des moments où elle était indisponible du fait de son second emploi, sans consultation préalable du secrétaire du Comité, et alors qu'elle a reçu communication de son tour de service le 9 octobre alors que les autres salariés en avaient reçu communication le 10 août, caractérisant sa volonté de nuire à l'exercice de ce cumul d'emplois.

Il ressort des pièces versées aux débats, et ainsi qu'il a été dit précédemment, que pendant toute la période pendant laquelle elle a été employée par la société ASF, son temps de travail a présenté une grande constance.

Ainsi, de 2007, date de sa mise à disposition auprès du Comité d'Établissement, à 2009 inclus, son temps de travail était réparti de la manière suivante : 4 demi-journées, les matinées, pour les lundi, mardi, jeudi et vendredi, à l'exception du dernier mardi de chaque mois où cette mi-journée était effectuée l'après-midi.

Le tour de service 2010 prévoyait : 4 demi-journées, en matinée, les lundi, mardi, jeudi et vendredi, à l'exception de la dernière semaine de chaque mois qui se répartissait de la manière suivante : journée entière du mardi, matinées le jeudi et le vendredi.

Par courriel du 30 septembre 2009, Madame [W] [G] indiquait au Directeur Régional, Monsieur [O] [I] (avec copie à Monsieur [L] [V] et Madame [A] [R]), que la répartition de ses heures de travail pour le compte du Comité d'Établissement avait été « réalisée en fonction des principes appliqués depuis de nombreuses années au tour de service de l'ASF », et rappelait qu'elle était dans l'attente depuis un mois environ de son TSA 2010, afin de pouvoir le compléter.

Elle a renouvelé sa demande de communication de la trame de son tour de service 2010 par courriel du 6 octobre 2009 adressé à Monsieur [L] [V] et Madame [A] [R], précisant que les autres salariés de la Direction Régionale avaient eu communication de ce document le 10 août.

La réalité de la communication le 10 août 2009 aux autres salariés du TSA 2010 est établie par le courriel que leur a adressé, à cette date, Madame [H] [Z], assistante RH A64, avec en pièces jointes les TSA.

Sur les conditions de son licenciement :

Madame [W] [G] prétend également que son licenciement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, constitue en réalité une mesure discriminatoire.

Elle produit notamment la copie du procès-verbal de la réunion du Comité d'Établissement du 24 novembre 2009 duquel il ressort que figurait à l'ordre du jour une question sur l'information/consultation sur une demande de régularisation d'une prolongation de la durée quotidienne maximale de travail, pour des salariés ayant tenu des bureaux de vote lors des élections professionnelles des 15 et 16 octobre 2009. La Direction de l'entreprise a indiqué que quatre personnes étaient concernées par cette demande de dérogation. Un représentant du personnel a interrogé la Direction pour savoir si les salariés qui ont dépassé les quotas légaux pour les besoins du service feraient l'objet d'une sanction disciplinaire. Il a été répondu par Madame [R] que ces salariés avaient fait du supplément pour rédiger les procès-verbaux des élections et qu'ils l'avaient fait sur demande de l'entreprise, à quoi le représentant du personnel a répliqué que Madame [W] [G] avait également fait du supplément pour rédiger le procès-verbal du C.E. mais que par contre elle était sous le coup d'une procédure disciplinaire, et soulignait la différence de traitement entre des salariés sur la base de faits pourtant similaires. Le secrétaire du Comité a ajouté que c'était à sa demande que le nécessaire avait été fait pour que le procès-verbal soit établi à temps.

Il résulte de tout cela que ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence de la discrimination invoquée, de sorte qu'il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur les explications et justification de la société ASF :

Sur l'action judiciaire de la société tendant à voir rompre son contrat de travail avec le Comité d'Établissement :

Dans le corps de son assignation à jour fixe devant le Tribunal de Grande Instance de Bayonne du Comité d'Établissement, la société ASF et le Président du Comité d'Établissement exposent que la voix de ce dernier ne pouvant être exclue des voix délibératives et le point 17 de l'ordre du jour qui portait sur le recrutement d'un salarié en CDI par le C.E. n'ayant obtenu que 4 voix pour alors qu'il y a eu 3 voix contre et 1 abstention, aucune majorité n'est ressortie conformément aux dispositions de l'article L. 2325-18 alinéa 1 du code du travail, de sorte que la majorité n'ayant pas été atteinte, aucune délibération valable ne fondait l'acte litigieux qui devait donc être annulé.

Il n'est pas précisé si le désistement des requérants a fait l'objet d'un écrit transmis au juge saisi.

La société ASF justifie son désistement de la manière suivante dans ses conclusions écrites (page 20) : « l'évolution ultérieure des données factuelles tenant au décompte des voix délibératives ensuite des dernières élections a conduit la société ASF à prendre loyalement acte de la majorité obtenue par le syndicat CGT en se désistant d'une procédure désormais dépourvue d'objet puisque la délibération était désormais susceptible d'être régularisée par une majorité des membres du Comité d'Établissement ».

La société ASF ne fournit aucune explication et ne produit aucun élément justifiant en quoi l'évolution des données factuelles tenant au décompte des voix délibératives était, en l'espèce, de nature à permettre une régularisation de la délibération du Comité d'Établissement.

Mais surtout, en tout état de cause, si les conditions tenant au décompte des voix délibératives n'ont été modifiées que postérieurement à la délibération contestée, c'est donc qu'au moment de ladite délibération que les modalités de décompte en cours ne permettaient pas de la considérer comme valable, de sorte que cette modification postérieure n'y changeait rien. Dès lors, la décision de désistement de cette procédure devient difficilement compréhensible, sauf, ainsi que le fait Madame [W] [G], à la mettre en parallèle à la procédure de licenciement engagée concomitamment, les deux procédures apparaissant comme ayant manifestement un objet identique, écarter la salariée, au moins en partie, de son action auprès et/ou au sein du Comité d'Établissement.

De plus, dans ses explications la société ASF établit un lien direct entre sa contestation de la délibération, ainsi que de son désistement de son action judiciaire, et le syndicat CGT.

Sur la modification de son tour de service 2010 :

Sur cette question la société ASF écrit (conclusions écrites page 20) : « la modification de son TSA 2010 n'est rien d'autre que la conséquence inévitable du cumul d'activités, donnée objective dont la hiérarchie de Madame [G] a légitimement tenu compte, sans jamais s'y opposer en adaptant son TSA à la réalité de ses horaires. Il ne saurait dès lors être fait grief à la société ASF d'avoir adapté l'organisation de son temps de travail aux exigences de ses missions, notamment en prévoyant qu'elle travaillerait désormais les derniers mardis de chaque mois, jour au cours duquel, de son propre aveu, sa présence est requise pour la sténographie de la réunion mensuelle du Comité d'Établissement ».

Mais, la salariée n'est pas démentie lorsqu'elle fait valoir que la date de la réunion mensuelle du Comité d'Établissement n'a pas changé, que son cumul d'emplois est antérieur à la modification de son TSA et que c'est cette modification qui fait obstacle à l'exécution de ce cumul.

Il convient en effet de relever que, curieusement, la société ASF reproche à la salariée de ne l'avoir informée de son engagement par contrat à durée indéterminée par le Comité d'Établissement que seulement un mois après la régularisation de ce contrat.

L'employeur ne pouvait cependant ignorer la conclusion de ce contrat puisque précisément il s'agissait d'une décision du Comité du 25 août 2009, sous la présidence de l'employeur, qui a contesté cette décision devant le Tribunal de Grande Instance, puis qui s'est désisté de son action le 5 novembre 2009 au motif invoqué de la régularisation inévitable de ce contrat.

La Responsable des Ressources Humaines indiquait également, à Madame [W] [G], dans un courriel du 22 septembre 2009 qu'elle était dans l'attente de la notification du cumul d'emplois, puis concluait qu'elle attendait la répartition de son temps de travail avec son nouvel employeur afin de pouvoir établir son tour de service 2010 dans les meilleures conditions.

Or, il est établi, et non contesté, que Madame [W] [G] était employée par le Comité d'Établissement depuis plusieurs années avant sa mise à disposition, et que par conséquent, lorsqu'elle a été mise à disposition par l'ASF en 2007 auprès de ce Comité, l'employeur avait connaissance de ce cumul d'emplois.

Aucun élément n'est produit de nature à démontrer une modification de la répartition du travail de la salariée pour le compte du C.E., susceptible de justifier la modification de son tour de service.

De même, aucun élément n'est produit de nature à démontrer que le défaut de cette modification aurait entraîné une perturbation des services d'ASF.

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement ne contient certes pas de référence explicite à l'activité syndicale de Madame [W] [G].

Cependant, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société ASF échoue à démontrer le sérieux du motif invoqué dans la lettre de licenciement.

Il a également été relevé le fait que, pour le Président d'ASF, d'invoquer comme motif du licenciement les absences de la salariée comme désorganisation de son travail constitue la substitution d'un motif au motif effectivement énoncé dans la lettre de licenciement, ce qui constitue la reconnaissance que le motif énoncé n'est pas le motif véritable du licenciement, de sorte que ce motif est non seulement pas sérieux mais également par réel.

Le fait d'invoquer dans la lettre de licenciement un motif qui a les apparences d'un motif objectif, à savoir la modification du tour de service sans autorisation, ne suffit pas à exclure définitivement la discrimination comme véritable motif, dès lors que le motif invoqué n'est ni réel, ni sérieux.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que la salariée a présenté des éléments de fait laissant présumer l'existence d'une discrimination, et que l'employeur ne démontre pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que la discrimination est établie.

Le licenciement sera donc déclaré nul, en application des dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la réintégration de Madame [W] [G], et a condamné la société ASF à lui payer, à titre de salaire la somme dont elle a été privée depuis le jour de son éviction jusqu'à celui de sa réintégration, accompagnée des bulletins de salaire correspondants, soit 906,82 € bruts par mois et 841,32 € bruts par an au titre du 13ème mois, ainsi que les primes d'intéressement et de participation, et ce à compter de décembre 2009 jusqu'au jour de sa réintégration.

La société ASF sera également condamnée à payer à Madame [W] [G] la somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère discriminatoire du licenciement, étant précisé que les éléments produits ne justifient pas l'octroi de la somme sollicitée à ce titre.

Il est rappelé que lorsque la réintégration est ordonnée, la salariée ne peut prétendre aux indemnités de rupture, de sorte qu'elle sera déboutée de ses demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Enfin, aucun élément ne commande d'ordonner la publication de la décision de la Cour aux frais d'ASF dans la revue « H24 », de sorte que la salariée sera déboutée de sa demande ce titre.

Concernant l'intervention du Syndicat CGT :

Le non-respect par l'employeur des droits individuels des salariés, en violation de la législation, de la réglementation ou des engagements pris, est de nature à causer, outre le préjudice direct subi par le salarié victime de ce comportement, un préjudice indirect aux intérêts collectifs de la profession.

En l'espèce, Madame [W] [G] ayant été reconnue victime d'un licenciement discriminatoire, le Syndicat CGT, dont les statuts sont produits, est recevable à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, et en application de décision de la commission exécutive du 17 mars 2011.

La société ASF sera condamnée à payer au Syndicat CGT ASF [Localité 4] la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt de la profession, distinct du préjudice personnellement subi par la salariée.

Concernant l'intervention du Comité d'Établissement :

Le Comité d'Établissement des ASF de [Localité 4] fonde son intervention volontaire sur le partage de responsabilités qu'il soutient exister entre la société ASF et lui-même au motif que chacun exerce une partie des prérogatives de l'employeur à l'égard de Madame [W] [G].

Mais, le fait que Madame [W] [G] était titulaire d'une part, d'un contrat de travail la liant à la société ASF, qui l'a mise à disposition du Comité d'Établissement dans le cadre de ses obligations à l'égard de ce Comité, et d'autre part, d'un contrat de travail la liant au Comité, ne conduit pas pour autant à un « partage de responsabilités » entre les deux employeurs à l'égard de la salariée.

Chaque employeur est personnellement, et totalement, détenteur de ses prérogatives d'employeur à l'égard de la salariée qu'il tient du contrat de travail qu'il a conclu personnellement avec celle-ci.

L'action prud'homale engagée par Madame [W] [G] ne peut donc être dirigée qu'à l'encontre de l'employeur auquel elle est liée par un contrat de travail et à l'occasion duquel s'est élevé un différend.

En l'espèce, Madame [W] [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'une contestation de son licenciement, prononcé par la société ASF en soutenant que celle-ci avait commis à son encontre une discrimination syndicale.

Le litige oppose donc Madame [W] [G] à la société ASF dans le cadre d'un contrat dans lequel le Comité d'Établissement n'est pas partie.

Le litige qui est susceptible d'intervenir entre la société ASF et le Comité d'Établissement ne peut ressortir de la compétence prud'homale, ni l'un, ni l'autre n'étant employeur ou salarié de l'un ou de l'autre.

Le Comité d'Établissement n'a pas davantage compétence pour intervenir et agir au soutien des prétentions de Madame [W] [G].

De même, le Comité d'Établissement ne peut pas être considéré comme étant un organisme qui se substitue habituellement aux obligations légales de l'employeur, de sorte qu'il ne peut intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 1411-6 du code du travail, étant en outre souligné, que si ce texte permet la mise en cause de l'organisme qui se substitue aux obligations légales de l'employeur, il ne lui permet pas pour autant d'intervenir volontairement.

Par conséquent, l'intervention du Comité d'Établissement sera déclarée irrecevable.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

La société ASF, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame [W] [G] la somme de 1.500 €, et la somme de 500 € au syndicat CGT, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT les appels formés le 16 juin 2011 par la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE, le 6 juillet 2011 par le Syndicat CGT ASF de [Localité 4], et l'appel incident formé par Madame [W] [G],

VU l'ordonnance du 8 novembre 2012 ordonnant la jonction des procédures RG numéros 11/02306, 11/02534, 11/02536 et 12/00782 sous le numéro RG 11/02306,

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il :

- a dit nul le licenciement,

- a ordonné la réintégration de Madame [W] [G] aux fonctions qu'elle occupait dans le cadre de sa mise à disposition du Comité d'Établissement de [Localité 4] de la société ASF,

- a condamné la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Madame [W] [G], à titre de salaire la somme dont elle a été privée depuis le jour de son éviction jusqu'à celui de sa réintégration, accompagnée des bulletins de salaire correspondants, soit 906,82 € bruts par mois et 841,32 € bruts par an au titre du 13ème mois, ainsi que les primes d'intéressement et de participation, et ce à compter de décembre 2009 jusqu'au jour de sa réintégration,

- a condamné la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Madame [W] [G] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit recevable l'intervention volontaire du Syndicat CGT ASF [Localité 4],

- a condamné la société AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer au Syndicat CGT ASF [Localité 4] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE aux entiers dépens de l'instance.

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable l'intervention volontaire du Comité d'Établissement des Autoroutes du Sud de la France de [Localité 4],

REJETTE la demande de rejet des pièces et conclusions de la société ASF,

CONDAMNE la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer à Madame [W] [G] :

- 6.000 € (six mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le caractère discriminatoire du licenciement,

- 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Madame [W] [G]  de ses demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

DÉBOUTE Madame [W] [G] de sa demande de publication de la décision de la Cour aux frais de la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE dans la revue « H24 »,

CONDAMNE la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE à payer au Syndicat CGT ASF de [Localité 4] :

- 3.000 € (trois mille euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à l'intérêt de la profession,

- 500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02306
Date de la décision : 16/05/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/02306 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-16;11.02306 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award