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04/04/2013 | FRANCE | N°11/01591

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 04 avril 2013, 11/01591


SG/SB



Numéro 13/01434





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 04/04/2013









Dossier : 11/01591





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[R] [F]



C/



SOCIETE PAPREC SUD OUEST ATLANTIQUE etablissement [Localité 3]





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Avril 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues ...

SG/SB

Numéro 13/01434

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 04/04/2013

Dossier : 11/01591

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[R] [F]

C/

SOCIETE PAPREC SUD OUEST ATLANTIQUE etablissement [Localité 3]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Avril 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Février 2013, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Maître BELLEGARDE, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

SOCIETE PAPREC SUD OUEST ATLANTIQUE établissement [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Maître PEBRIER de la SCPA GRANRUT, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 04 AVRIL 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Monsieur [R] [F] a été le fondateur et le principal actionnaire de la société [F] RECYCLAGE, et a cédé l'intégralité de ses titres à la SA EDIFI en octobre 2006, date à laquelle il a été engagé par le cessionnaire en qualité de directeur commercial et du développement, coefficient 333 de la convention collective des activités du déchet.

Par avenant du 16 mai 2008, son contrat de travail a été transféré au profit de la société EDIFI SUD, avec effet au 1er juin 2008.

À compter du 12 février 2009, il a été désigné en qualité de directeur de la plate-forme de [Localité 3].

Le 3 avril 2009, son contrat de travail a fait l'objet d'un nouveau transfert en application de l'article L1224-1 du code du travail, cette fois au profit de la société [F] RECYCLAGE, alors en redressement judiciaire.

La société [F] RECYCLAGE a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pau du 17 mars 2009 et par jugement du 7 juillet 2009 la cession des actifs de cette société a été ordonnée au profit de la société PAPREC FRANCE, à laquelle s'est substituée la SAS PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE, ci-après désignée la SAS PAPREC.

Le 23 juillet 2009, Monsieur [R] [F] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 24 août 2009, reporté le 10 août 2009 au 11 septembre.

Monsieur [R] [F] a été licencié pour faute lourde par lettre du 16 septembre 2009 qui énonce huit griefs.

Par requête en date du 16 octobre 2009, Monsieur [R] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que son licenciement soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse et vexatoire ; que la SAS PAPREC soit condamnée à lui payer : 205.140 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement ; 25.642,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ; 2.564,25 € à titre de congés payés sur le préavis ; 102.570 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, abusif et vexatoire ; 10.685 € à titre de dommages-intérêts pour application d'une clause de non-concurrence illicite ; 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 14 décembre 2009, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par jugement du 27 septembre 2010, avant dire droit, à ordonné une mesure d'instruction et a désigné pour y procéder deux conseiller «afin de réunir sur cette affaire les éléments d'informations nécessaires sur les questions liées à l'existence et la validité d'un contrat de travail écrit conclu entre Monsieur [R] [F], contrat qui est dit par ce dernier être annexé au protocole d'accord ou à l'acte de cession des actions, et à la convention des garanties d'actif ou passif qu'il détenait dans les sociétés SA [F] ENVIRONNEMENT et SA [F] RECYCLAGE au profit de la société EDIFI, afin de vérifier le contenu de ces documents, enregistrés ».

Les conseillers rapporteurs ont dressé le rapport de leur mission le 22 novembre 2010.

Par jugement du 4 avril 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Pau (section encadrement) :

- a dit que le contrat de travail de Monsieur [R] [F] est un contrat oral,

- a dit que le licenciement de Monsieur [R] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- a requalifié les faits en faute grave,

- a débouté Monsieur [R] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- a condamné Monsieur [R] [F] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel en date du 28 avril 2011 Monsieur [R] [F], représenté par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 7 avril 2011.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur [R] [F], par conclusions écrites, déposées le 7 février 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Pau,

- dire son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la SAS PAPREC au paiement des sommes de :

* 15.100,43 € au titre de la mise à pied conservatoire, outre celle de 1.510,04 € à titre de congés payés y afférents,

* 5.128,50 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 205.140 € au titre des dommages-intérêts conventionnels au titre de la rupture,

* 102.570 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

* 59. 832,50 € au titre de la clause de non-concurrence,

* 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [R] [F] soulève la prescription de 4 des griefs qui lui sont faits et l'irrégularité de la procédure aux motifs que deux des autres griefs n'ont pas été abordés par l'employeur lors de l'entretien préalable.

Sur le fond, il soutient, en substance, qu'il ne peut lui être imputé des faits qui ont été le fruit de décisions et autorisations des organes sociaux de la société ou de leur délégataire et qui de plus ne sont pas démontrés.

La SAS PAPREC, par conclusions écrites, déposées le 1er février 2013, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

A titre principal :

- dire que le licenciement pour faute lourde de Monsieur [R] [F] est bien fondé,

- en conséquence : débouter Monsieur [R] [F] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a déclaré le licenciement de Monsieur [R] [F] comme reposant sur une faute grave,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [F] de ses demandes, fins et conclusions,

à titre encore plus subsidiaire :

- réduire la clause d'indemnisation contractuelle à de justes voire symboliques proportions,

- condamner Monsieur [R] [F] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS PAPREC soutient que Monsieur [R] [F] est resté maître de la société [F] RECYCLAGE après l'avoir cédée et, quelques jours après être entré en possession de l'entreprise en juillet 2009, elle a constaté qu'il avait pris une part active dans un certain nombre d'opérations critiquables au préjudice de la société [F] RECYCLAGE.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant le licenciement :

La faute lourde, privative des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés, dont la charge de la preuve pèse sur l'employeur qui l'invoque, est celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à son employeur, ou à l'entreprise.

La lettre de licenciement pour faute lourde du 16 septembre 2009 énonce huit griefs et conclut en ces termes : « la nature des faits qui vous sont reprochés, leur diversité, leur multiplicité, le transfert anormal de marge au bénéfice d'une société constituée avec vos amis personnels, la démarche tendant à évincer Paprec Sud Pouest d'un projet en cours, caractérisent non seulement la conscience mais également la volonté de nuire à l'entreprise qui vous emploie. Dans ces conditions, non seulement la poursuite de votre contrat de travail s'avère immédiatement impossible, mais les faits qui vous sont reprochés sont caractéristiques d'une faute lourde emportant la privation de toute indemnité quelle qu'en soit la nature ».

Monsieur [R] [F] soulève la prescription des premier, deuxième, troisième, quatrième et huitième griefs.

En application des dispositions de l'article L.1332-4 du Code du travail, aucun agissement fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l'employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, en a eu connaissance, sauf s'il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai.

Dès lors qu'il est établi que les faits ont été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, c'est à l'employeur de prouver qu'il n'en a eu connaissance que postérieurement au point de départ du délai de prescription de 2 mois, en justifiant, au besoin de la nécessité de procéder à une enquête et à des vérifications pour avoir une connaissance complète et précise des faits, de leur degré de gravité et de leur imputabilité.

1) - sur le premier grief :

Le premier grief est ainsi rédigé :

« Vous avez laissé sans contrepartie apparente à votre père, Monsieur [Y] [F], et à ses fins personnelles, la libre disposition d'une dépanneuse appartenant à l'entreprise et assurée par elle ; étant observé qu'il bénéficiait, là encore sans contrepartie, d'un abonnement téléphonique auprès d'Orange pris en charge par l'entreprise, de même que les communications qu'il effectuait ».

Monsieur [R] [F] soulève la prescription du grief relatif à la dépanneuse et en outre fait valoir qu'il s'agissait d'une décision de gestion émanant des dirigeants de la société.

Aucun élément n'est produit à l'appui de ce grief, ni par conséquent aucun élément de nature à démontrer que l'employeur n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, de sorte qu'il y a lieu de dire ce grief prescrit.

2) - sur le deuxième grief :

Le deuxième grief est ainsi rédigé :

« Par ailleurs, sous la dénomination fantaisiste de « pélican », il apparaît que Monsieur votre père se voyait confier en toute discrétion, et notamment des administrations sociales, un autre véhicule, immatriculé [Immatriculation 1], lui permettant cette fois d'effectuer différents transports pour [F] Recyclage, auprès de fournisseurs et clients de l'entreprise, omettant à cette occasion de renseigner les bons de livraison qu'il vous remettait à son retour' ».

Monsieur [R] [F] soulève la prescription du grief relatif à la dépanneuse et en outre fait valoir qu'il s'agissait d'une décision de gestion émanant des dirigeants de la société.

La seule pièce produite par la SAS PAPREC à l'appui de ce grief (pièce numéro 9a), est un bon de livraison numéro 45 188 du 10 octobre 2008 établi pour un camion immatriculé [Immatriculation 1], comportant comme nom de chauffeur « PÉLICAN ».

Cette pièce est donc antérieure de 9 mois à l'engagement de la procédure de licenciement et la SAS PAPREC ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle n'aurait eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant l'engagement de cette procédure.

Par conséquent, il y a lieu de dire ce grief prescrit.

3) - sur le troisième grief :

Le troisième grief est ainsi rédigé :

« Vous avez reconnu utiliser à des fins personnelles et sans contrepartie l'une des deux pelleteuses à chenilles appartenant à l'entreprise qui sont entreposées sur votre splendide propriété, avec pour seule justification que l'entreprise n'en aurait pas l'usage' ».

Monsieur [R] [F] soulève la prescription de ce grief et en outre fait valoir qu'il s'agissait d'une décision de gestion émanant des dirigeants de la société.

Aucun élément n'est produit à l'appui de ce grief, ni par conséquent aucun élément de nature à démontrer que l'employeur n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, de sorte qu'il y a lieu de dire ce grief prescrit.

4) - sur le quatrième grief :

Le quatrième grief est ainsi rédigé :

« Vous employez à temps quasi-complet Monsieur [A] [B], tandis que celui-ci est rémunéré par la société Trans DI pour un trois quarts de temps et que nous ne disposons d'aucune trace de son activité chez Trans DI, à la différence de celle des autres chauffeurs.

D'ailleurs, nous constatons que lorsque celui-ci vous accompagne durant vos loisirs sportifs et motorisés, il continue d'être rémunéré par l'entreprise, sans décompte de jours d'absence ou de congés payés.

À cet égard, l'acquittement par la société [F] Recyclage d'un loyer mensuel de 2741 € HT pour un véhicule 6x6 et des factures de réparation d'entretien et d'équipement dudit véhicule, à seule fin de satisfaire votre goût pour l'aventure mécanisée, ne nous semble pas ressortir de l'intérêt d'une société en difficulté. »

Monsieur [R] [F] soulève la prescription de ces griefs et en outre fait valoir qu'il s'agissait d'une décision de gestion émanant des dirigeants de la société.

La SAS PAPREC produit une attestation du 9 septembre 2009 de Monsieur [V] [I], directeur administratif et financier de la SAS TRANS DI qui « certifie que Monsieur [A] [B] était payé par TRANS DI à hauteur de 70 % d'un temps complet, et ce, jusqu'au 7 juillet 2009 alors qu'il n'était présent qu'environ 10 % d'un temps complet. Les 90 % restants, il les passait sous les directives exclusives de Monsieur [R] [F] hors activités d'entreprise. D'autre part, celui-ci a participé au Dakar 2009 avec [R] [F], trois semaines de fin décembre 2008 à mi-janvier 2009. Or, celui-ci n'a déposé aucune autorisation d'absence quelconque et aucun jour de congé ne lui a été décompté (cf bulletins de paie de décembre 2008 et janvier 2009) ces trois semaines ont été à la charge de Trans DI ».

Il ressort donc de cette attestation que la situation de Monsieur [B] par rapport à Monsieur [R] [F], et la nature de leurs relations, étaient connues au moins dès janvier 2009 par le directeur administratif et financier de l'employeur, soit plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

Le fait que la SAS PAPREC n'était pas à cette date l'employeur et ne l'est devenue qu'en juillet 2009 ne lui permet pas de pouvoir échapper au délai de prescription car du fait du transfert du contrat de travail en application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail il y a eu continuité des obligations de l'employeur.

Par conséquent, il y a lieu de dire ce grief prescrit.

5) - sur le cinquième grief :

Le cinquième grief est ainsi rédigé :

« L'examen de la gestion de l'achat et de la vente des ferrailles et métaux, sur laquelle vous aviez notamment la haute main, révèle d'une part un traitement administratif assez étrange tant des factures que des règlements et des bons d'enlèvement, et d'autre part une surfacturation des achats et une sous facturation des ventes sur vos instructions précises, au préjudice de l'entreprise, pour un montant identifié ce jour au cours des derniers mois à la somme de 41.208 € HT.

Personne dans l'entreprise n'a su, à ce jour, nous éclairer sur les avantages pour celle-ci de telles pratiques ».

Il ressort des pièces versées aux débats que la société [F] RECYCLAGE a livré à la société EUROMETAUX au cours du mois d'avril 2009 plus de 186 tonnes de ferrailles et métaux et au cours du mois de mai plus de 300 tonnes, selon les relevés effectués par cette dernière société qui a elle-même évalué le montant de ces livraisons à la somme de 19. 312,08 € pour la première et 31. 317,76 € pour la seconde.

Le 10 juin 2009, Monsieur [R] [F] a remis à Monsieur [V] [I], directeur administratif et financier de la société [F] RECYCLAGE puis de la SAS PAPREC, une note manuscrite pour que soient facturées à la société EUROMÉTAUX la somme de 8.636,32 € pour 112 tonnes pour le mois d'avril et 8065,20 € pour 62 tonnes au mois de mai, soit un total de 16.701,52 €.

C'est ce montant qui a été effectivement facturé.

Dans une attestation en date du 11 septembre 2009, Monsieur [V] [I] écrit : « les relevés d'expédition de fer et métaux envoyés par la société EUROMÉTAUX pour les mois d'avril 09 et de mai 2009 font état d'un montant total de : 31.317,76 € + 19.312,08 € = 50.629,84 € (voir documents joints datés du 10/06/09).

Or, [R] [F] m'a demandé de ne facturer, pour la même période d'avril 2009 et mai 2009 la somme de 8.636,32 € + 8.065,20 € soit un total de 16.701,52 €.

La différence, soit 33.928,32 € n'a jamais été facturée par la SA [F] RECYCLAGE ».

Les faits reprochés à Monsieur [R] [F] datent donc du 10 juin 2009, alors que la procédure de licenciement a été engagée le 23 juillet 2009, soit dans le délai de deux mois, de sorte que ces faits ne sont pas prescrits.

Monsieur [R] [F] soutient que ces faits ne peuvent lui être reprochés aux motifs d'une part que le dirigeant d'EUROMÉTAUX a réglé entre les mains de Maître [Q] la différence entre ce qui lui a été facturé dans un premier temps et ce qu'il devait régler en considération des cours des matériaux, et d'autre part car les instructions qu'il a pu donner dans l'intérêt de la société [F] RECYCLAGE ne présentaient aucun caractère frauduleux du fait que le marché des métaux ferreux est un marché fluctuant dont le prix de vente est en réalité déterminé, non pas lors de la vente de ces matériaux, mais au moment de la fonte des déchets dans les aciéries, de sorte que cette pratique explique qu'il a été facturé une provision qui a ensuite fait l'objet d'une régularisation sous l'administration de Maître [Q].

A l'appui de ces moyens, Monsieur [R] [F] produit les attestations de Monsieur [R] [N] et de Monsieur [H] [K].

Dans son attestation du 26 janvier 2010, Monsieur [R] [N], directeur de la société EUROMÉTAUX écrit : « suite au départ inattendu de Monsieur [F] début juillet 2009, j'ai fait le point avec Monsieur [L] [O] sur les transactions de fer et métaux, une fois passée la période estivale. Nous avons soldé les comptes et un règlement de 56 178,74 euros a été envoyé à Maître [Q] mandataire de la société [F] RECYCLAGE ».

Dans son attestation du 14 juin 2010, Monsieur [H] [K], vice président de la fédération des entreprises du recyclage ( FEDEREC) certifie que : « les cours des fers et métaux peuvent fluctuer de manière importante selon les mois. Exemple : mai 2010, + 50 €/tonne ; juin 2010, -65 €/tonne. Les prix ne sont définitifs que lors de la réception des marchandises en aciérie ou en fonderie ».

Mais, ainsi que le relève la SAS PAPREC, ni la société [F] RECYCLAGE , ni la société EUROMÉTAUX, ne sont des aciéries ou des fonderies, mais des entreprises de recyclage, placées dans une même situation, qui achètent des fers et métaux pour les revendre et dont la pratique consiste à convenir pour chaque opération d'un prix d'achat déterminé.

Le fait que ces fluctuations des cours des fers et métaux et la pratique invoquée par Monsieur [R] [F] ne concernaient ni la société [F] RECYCLAGE, ni la société EUROMÉTAUX, résulte notamment de l'attestation de Monsieur [R] [N] et du paiement par sa société de la somme à laquelle elle avait elle-même évalué le montant des livraisons d'avril et mai 2009, ledit paiement établissant la reconnaissance de cette évaluation, donc de sa dette, et par conséquent démontre que la facturation d'un montant de 16 701,52 € était injustifiée.

Le fait que Monsieur [R] [N] précise dans son attestation que « le point » a été fait sur les transactions des fers et métaux « suite au départ inattendu de Monsieur [F] » constitue également la reconnaissance d'une part d'un traitement pour le moins singulier de la facturation par ce dernier et d'autre part que c'est en raison de ce « départ inattendu » que cette régularisation a été faite.

Il ressort également des pièces versées aux débats que la SA DECONS a adressé à la société [F] RECYCLAGE un « relevé des bons d'achat pour l'établissement de [votre] facture du 01/04/2009 au 30/04/2009 » pour un montant total de 6.803,40 € ; la société [F] RECYCLAGE a établi une facture (numéro FB 090887) adressée à la SA DECONS pour un montant de 4.492,68 € pour des livraisons du mois d'avril 2009 dont les quantités des différents matériaux sont très exactement les mêmes que celles figurant sur le relevé établi par la société DECONS (mêmes quantités pour le « platin », l'alu ferreux, le fer à béton, le fer à chalumer, les ferrailles).

Dans son attestation du 11 septembre 2009 dont il a été précédemment fait état, Monsieur [V] [I] écrit également : « de même, le relevé des bons d'achats d'avril 2009 de la société DECONS présente un total de 6.803,40 € (1er relevé). Or, [R] [F] m'a demandé de ne facturer que 4.492,68 € (2ème relevé). La différence, soit 2.310,72 €, n'a également jamais été facturée ».

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire établi ce cinquième grief.

6) - sur le sixième grief :

Le sixième grief est ainsi rédigé :

« Vous avez consenti à la société Ovalie Recyclage, au sein de laquelle [F] Recyclage a pris une participation minoritaire aux côtés de vos amis, un soutient par la mise à disposition de moyens (bennes, camions, compacteurs, benne à compaction, véhicule du directeur de Ovalie, abonnement et consommations téléphoniques de Monsieur [E]) dans des conditions tout à fait anormales au préjudice de [F] Recyclage, au surplus négligeant volontairement de recouvrer auprès d'Ovalie des factures impayées, alors même que ces factures établies sur vos instructions ne représentaient pas la contrepartie équitable des marchandises vendues ou des services rendus ».

Il ressort des pièces versées aux débats par la SAS PAPREC (pièces numéros 48, 48bis et 48ter) que Monsieur [R] [F] a été personnellement destinataire de devis destinés à la société Ovalie Recyclage, de sorte qu'il ne peut prétendre avoir été totalement étranger à cette société.

Cependant, ces devis ont été établis et transmis au cours du mois de juin 2008, soit plus d'un an avant l'engagement de la procédure de licenciement, alors que la SAS PAPREC ne produit aucun élément de nature à démontrer que l'employeur de Monsieur [R] [F], et donc qu'elle-même du fait de la continuité des relations contractuelles, n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant la convocation à l'entretien préalable.

Par conséquent, il y a lieu de dire ces faits prescrits.

7) - sur le septième grief :

Le septième grief est ainsi rédigé :

« Vous avez cru devoir mettre à profit la mise à pied dont vous faisiez l'objet pour contacter Monsieur le maire de la commune d'[Localité 2], afin de l'inciter à poursuivre avec Ovalie Recyclage et non avec Paprec Sud Ouest, le projet de décharge actuellement en cours ».

La SAS PAPREC ne produit aucun élément à l'appui de ce grief, ni a fortiori aucun élément de nature à démontrer sa réalité et son imputabilité à Monsieur [R] [F].

Par conséquent, il y a lieu de dire ce grief non établi.

8) - sur le huitième grief :

Le huitième grief est ainsi rédigé :

« Enfin, depuis notre entretien du 11 septembre dernier, nous avons découvert que vous aviez poussé l'art du pillage jusqu'à commander et faire acquitter par l'entreprise divers biens de consommation courante allant de 200 filtres à café pour machines « Intenso », à différents matériels, outillage et fournitures, notamment auprès de la société Sobedi ».

Monsieur [R] [F] soutient que, à les supposer fautives, les pièces versées aux débats par la SAS PAPREC sont frappées de prescription compte tenu de la date de commission des faits.

Il ressort des pièces versées aux débats par la SAS PAPREC que plusieurs des commandes de différents matériels, outillages et fournitures imputées à Monsieur [R] [F] ont été réalisées au cours de l'année 2008 (juin, juillet, septembre, octobre et novembre -pièces numéros 32, 33, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 41 et 42), adressées à la SA [F] RECYCLAGE et payées par celle-ci, alors que la SAS PAPREC ne produit aucun élément de nature à démontrer que l'employeur, et donc elle-même, n'a eu connaissance de ces faits que dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, et ce alors même que la SAS PAPREC produit l'attestation du 9 septembre 2009 de Monsieur [V] [I] qui, en sa qualité de directeur administratif et financier de la SA [F] RECYCLAGE, s'agissant de la facture de juillet 2008 (P 41), s'est interrogé sur le bénéficiaire de cette commande et a appris que le bénéficiaire en avait été Monsieur [R] [F] à titre personnel pour le Paris-Dakar, de sorte qu'il y a lieu de dire ces faits prescrits.

Reste la facture numéro 337938 du 11 juin 2009 de la SAS STAHLWILLE d'un montant de 3959,36 € TTC adressée à la SA [F] RECYCLAGE, payée par celle-ci, mais dont aucun élément produit ne permet d'imputer la commande à Monsieur [R] [F], et à titre personnel, de sorte qu'il y a lieu de dire ce grief non établi.

Ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments seul subsiste comme établi, non prescrit et imputable à Monsieur [R] [F] le cinquième grief, qui en lui-même suffit à justifier le licenciement de Monsieur [R] [F], suffisamment grave pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, mais cependant sans que la gravité de ces faits caractérise à elle seule l'intention de nuire à l'employeur, de sorte que la faute lourde sera écartée.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave.

Monsieur [R] [F] sera donc débouté de ses demandes au titre de la mise à pied conservatoire, des congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Concernant la régularité de la procédure de licenciement :

Il résulte des dispositions des articles L1232-2 et L1232-3 du code du travail que lorsque l'employeur envisage de licencier un salarié avant toute décision il le convoque à un entretien préalable au cours duquel il indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

Il ressort de la lettre de licenciement que deux griefs reprochés (septième et huitième) à Monsieur [R] [F] portent sur des faits commis postérieurement à l'entretien préalable, sans avoir fait l'objet d'un nouvel entretien, constituant ainsi une irrégularité de procédure qui cause nécessairement au salarié un préjudice qui sera réparé en l'espèce par l'octroi de la somme de 750 € à titre de dommages-intérêts.

Concernant la demande au titre de la clause de non-concurrence :

Monsieur [R] [F] sollicite la condamnation de la SAS PAPREC à lui payer la somme de 59 832,55 euros au titre de la clause de non-concurrence et fonde sa demande sur l'article 12 du contrat de travail qu'il produit aux débats.

La SAS PAPREC conteste la réalité du contrat de travail produit au motif qu'il n'a été signé par aucune des parties et ajoute, en outre, qu'en tout état de cause Monsieur [R] [F] a poursuivi une activité concurrente après la rupture de son contrat, de sorte que s'étant considéré délié de son obligation de non-concurrence il ne peut se prévaloir de cette clause, contestée, pour obtenir le paiement d'une contrepartie financière.

Monsieur [R] [F] produit un contrat de travail (sa pièce numéro 2) établi entre la SA EDIFI et lui-même, qui comporte en son article 12 une clause de non-concurrence.

Cependant, le contrat de travail produit n'est signé par aucune des parties, de sorte qu'il ne saurait être opposable à la SAS PAPREC.

Monsieur [R] [F] sera donc débouté de sa demande ce titre.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

Monsieur [R] [F], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens.

Aucun élément de l'espèce ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé le 28 avril 2011 par Monsieur [R] [F] à l'encontre du jugement rendu le 4 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Pau (section encadrement), notifié le 7 avril 2011, et l'appel incident formé par la SAS PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE,

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il

- a dit que le contrat de travail de Monsieur [R] [F] est un contrat oral,

- a dit que le licenciement de Monsieur [R] [F] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- a requalifié les faits en faute grave,

- a débouté Monsieur [R] [F] de l'ensemble de ses demandes au titre de la mise à pied conservatoire, des congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande au titre de la clause de non-concurrence,

- a condamné Monsieur [R] [F] aux entiers dépens.

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS PAPREC SUD-OUEST ATLANTIQUE à payer à Monsieur [R] [F] la somme de 750 € (sept cent cinquante euros) à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [R] [F] aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01591
Date de la décision : 04/04/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/01591 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-04;11.01591 ?
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