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21/03/2013 | FRANCE | N°12/02499

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 21 mars 2013, 12/02499


RC/CD



Numéro 13/1201





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 21/03/2013









Dossier : 12/02499





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique















Affaire :



[MN] [E]

épouse [P],

et autres



C/



SELARL [CI],



SAS BUSINESS SUPPORT SERVICES-B2S,
r>

C.G.E.A [Localité 1] - AGS







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dan...

RC/CD

Numéro 13/1201

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 21/03/2013

Dossier : 12/02499

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Affaire :

[MN] [E]

épouse [P],

et autres

C/

SELARL [CI],

SAS BUSINESS SUPPORT SERVICES-B2S,

C.G.E.A [Localité 1] - AGS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 28 Janvier 2013, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [MN] [E] épouse [P]

Chez Monsieur [E]

[Adresse 16]

[Localité 21]

Madame [FH] [A]

[Adresse 11]

[Localité 11]

Madame [EU] [D]

[Adresse 19]

[Localité 16]

Madame [UO] [L] épouse [NI]

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 21]

Madame [OI] [YE]

[Adresse 4]

[Localité 12]

Monsieur [R] [T]

[Adresse 2]

[Localité 21]

Madame [Z] [JS]

[Adresse 17]

[Localité 7]

Madame [IX] [EH]

Chez Monsieur [BX] [PD]

[Adresse 26]

[Localité 15]

Madame [H] [Q] épouse [HX]

[Adresse 28]

[Adresse 28]

[Localité 21]

Madame [GC] [QY]

[Adresse 20]

[Localité 6]

Madame [ZE] [LN]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 5]

Monsieur [ZZ] [YZ]

[Adresse 27]

[Adresse 27]

[Localité 21]

Madame [G] [AE]

[Adresse 7]

[Localité 14]

Madame [J] [BR]

[Adresse 12]

[Localité 14]

Madame [AK] [FP]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Madame [O] [KN]

[Adresse 25]

[Adresse 25]

[Localité 8]

Madame [W] [KS]

[Adresse 15]

[Localité 21]

Monsieur [K] [X]

[Adresse 14]

[Localité 17]

Monsieur [M] [U]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Madame [Z] [VO] épouse [ST]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Madame [V] [HC]

[Adresse 21]

[Localité 21]

Madame [I] [TT] épouse [C]

[Adresse 29]

[Localité 4]

Madame [XJ] [B] épouse [F]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Monsieur [WJ] [N]

[Adresse 18]

[Localité 21]

Madame [S] [Y] épouse [CZ]

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représentés par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocats au barreau de PAU

INTIMÉS :

SELARL [CI]

ès qualités de Mandataire Ad'hoc de la SARL CAPLINE PAU

[Adresse 13]

[Adresse 24]

[Localité 21]

C.G.E.A [Localité 1] - AGS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 22]

Les Bureaux du Parc

[Localité 1]

Représentés par Maître CAMESCASSE de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocats au barreau de PAU

SAS BUSINESS SUPPORT SERVICES - B2S

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 18]

Représentée par Maître DE GRAAF, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 02 JUILLET 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE

Les vingt-cinq appelants ont été salariés, sous réserve de vérification ci-après de la situation de l'un d'entre-eux, de la société BUSINESS SUPPORT SERVICES (B2S), société par actions simplifiée dont le siège est dans le département des Hauts-de-Seine, qui expose qu'elle a été créée en 1996 et que son activité est la prise en charge de l'accueil téléphonique des entreprises dans différents domaines d'activité.

Cette société a créé en octobre 1998 un établissement de centre d'appels à [Localité 21].

La cession du fonds de commerce de cet établissement a été concrétisée en septembre 2005 à la société CAPLINE, société par actions simplifiée dont le siège est à [Localité 20].

C'est toutefois une société CAPLINE PAU, société à responsabilité limitée, qui a en définitive exploité le site de PAU, et à laquelle les contrats de travail ont été transférés.

Par jugement du 30 janvier 2006, le Tribunal de Commerce de PAU a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société CAPLINE PAU, puis, par jugement du 20 février 2006, a prononcé la liquidation judiciaire de la société, la SELARL [CI], précédemment mandataire judiciaire au redressement judiciaire, étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Le liquidateur a alors notifié aux salariés leur licenciement pour motif économique.

L'assurance des salaires leur a consenti les avances de créances prévues par les textes.

La clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif a été prononcée le 12 février 2010.

Par requêtes déposées en date du 18 février 2011, les anciens salariés ont saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU pour demander à la société B2S la réparation de préjudices qu'ils estiment avoir subis, et la procédure s'est déroulée en présence de Maître [CI], désigné comme mandataire ad hoc de la société CAPLINE PAU par ordonnance en date du 7 mars 2011 du Président du Tribunal de Commerce de PAU, et du CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA) de BORDEAUX.

Par jugement en date du 2 juillet 2012, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de Prud'hommes de PAU, après avoir joint les 25 requêtes, a ainsi statué :

· déclare irrecevable l'action engagée par Monsieur [R] [T] à l'encontre de la société B2S,

· dit que les demandes des salariés ne sont pas étayées par des éléments suffisamment probants et de ce fait,

· dit que les salariés seront déboutés de toutes leurs demandes et prétentions,

· déboute l'employeur de ses demandes reconventionnelles,

· laisse les dépens à la charge des demandeurs.

Par lettre recommandée avec avis de réception de leur Conseil mentionnant la date d'expédition du 12 juillet 2012, les vingt-cinq demandeurs ont interjeté appel de la décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 28 janvier 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites intitulées « conclusions d'appel général » déposées le 4 octobre 2012, outre des « conclusions additionnelles » déposées le 22 janvier 2013 mais qui ne comportent pas de demandes supplémentaires, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, les appelants demandent à la Cour de :

- joindre au fond tout moyen de procédure et le rejeter,

- condamner la société B2S à payer :

7.500 € par appelant pour irrégularité de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise,

15.000 € par appelant pour violation de l'obligation de formation professionnelle continue et manquement au devoir d'adaptation,

35.000 € par appelant au titre de la perte d'une chance de bénéficier des dispositions d'un plan de sauvegarde de l'emploi,

70.000 € par appelant à titre de dommages et intérêts pour la perte de leur emploi,

- dire que l'ensemble des condamnations portera intérêt au taux légal depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes,

- faire application des dispositions de l'article 1154 du code de procédure civile autorisant la capitalisation desdits intérêts,

- allouer à chaque appelant 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner B2S aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appelants rappellent les faits et la procédure, et soutiennent que la société B2S a décidé de mettre en 'uvre une stratégie visant à se séparer de son site palois devenu déficitaire et donc des 43 salariés restant sans avoir à mettre en 'uvre un coûteux plan social.

Ils évoquent une instruction pénale en cours, également évoquée par la société B2S, relative au sort d'une somme versée par cette société à titre de subvention lors de la cession du fonds de commerce, pour estimer que cette affaire pénale est sans incidence sur la présente procédure.

Sur leur demande indemnitaire de 7.500 € pour chacun pour irrégularité de la procédure d'information-consultation du Comité d'Entreprise, ils soutiennent que la consultation était intervenue tardivement le 6 septembre 2005 alors que l'acte de cession du fonds de commerce avait été régularisé dès le 27 juillet 2005 avec transfert de la propriété du fonds au 1er septembre 2005. La décision de céder le site palois et même sa réalisation n'ont donc pas été précédées de la consultation du Comité d'Entreprise en violation des dispositions de l'article L. 2323-2 du code du travail.

Sur leur demande indemnitaire de 15.000 € par demandeur pour violation des dispositions relatives à la formation professionnelle continue et manquement au devoir d'adaptation, ils font valoir que la formation professionnelle continue doit être effectuée à l'initiative de l'employeur ; que B2S supporte donc la charge de la preuve d'avoir mis en 'uvre un plan de formation permettant l'adaptation de chacun des salariés appelant à leur emploi ; que B2S n'a pas respecté son obligation de formation de chaque salarié.

Sur leurs demandes formulées contre la société B2S sur le fondement de sa responsabilité délictuelle pour perte d'une chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi et pour la perte de leur emploi, les appelants soutiennent que les fautes, négligences et légèreté blâmable de B2S ont entraîné d'une part, la perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi si l'établissement palois était resté dans le périmètre de B2S et d'autre part, la perte de leur emploi leur causant un dommage matériel et moral distinct de celui de la rupture du contrat de travail, préjudices distincts dont ils demandent réparation ; que la recevabilité de leur action n'est pas contestable ; qu'en droit, les textes d'ordre public font obligation à l'employeur dans les entreprises de 50 salariés et plus, de mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ; que la société a reconnu dans ses conclusions devant le Conseil de Prud'hommes que la cession du site palois constituait une réorganisation pour motif économique ; que la totalité des licenciements aurait pu être évitée dans la mesure où il était possible de reclasser les salariés du site palois dans les autres établissements français de B2S ;

Sur leur demande indemnitaire de 70.000 € par appelant à titre de dommages et intérêts pour la perte de leur emploi, que cette demande est fondée comme la précédente sur les articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'il ne s'agit donc pas d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle n'est donc pas prescrite ; que non seulement B2S a agit avec légèreté blâmable et imprudence lors de la cession de l'établissement palais à la petite société CAPLINE mettant ainsi en danger la pérennité des emplois des appelants, mais au surplus, elle s'est totalement désintéressée du sort de ces anciens salariés lorsque le liquidateur l'a interrogé, cinq mois seulement après la cession, pour d'éventuels reclassements ; qu'il ne peut être nié que B2S savait que la petite entreprise CAPLINE PAU ne survivrait pas bien longtemps et ne pourrait pas absorber des pertes abyssales du site palois ; que le moyen de défense selon lequel B2S aurait été victime d'une escroquerie par le repreneur lequel aurait détourné tout ou partie de la « subvention » de 500.000 € est totalement inopérant ; qu'en effet, c'est la prise de décision de céder l'établissement palois à une petite société comme CAPLINE ' avant même que le Comité d'Entreprise n'ai formulé un avis qui est à l'origine de la perte des emplois des appelants, dommages dont B2S doit répondre au titre de sa responsabilité civile délictuelle ; qu'en réalité, B2S a dépouillé quelques mois avant la cession à CAPLINE son site palois de ses principaux clients.

Dans les conclusions additionnelles qu'ils ont fait déposer, les appelants ajoutent que la promesse de vente du fonds de commerce du 27 juillet 2005 vaut vente en présence d'un accord des parties sur la chose et sur le prix ; que l'offre de reprise a été faite dès le 29 juillet 2005 ; que leurs demandes ne constituent pas une immixtion dans les décisions de gestion de l'entreprise puisqu'ils reprochent à leur ancien employeur d'avoir commis des fautes, négligences et imprudences dans l'exercice du choix de céder l'établissement palois ; qu'aucune prescription n'est encourue s'agissant de l'action en responsabilité délictuelle ; que le lien de causalité entre les fautes de gestion et les préjudices réside d'une part, dans la proximité entre la date de cession et la date de liquidation judiciaire, et d'autre part, des conclusions du liquidateur judiciaire relevant que l'intimée s'est opportunément délestée de son site palois afin de faire supporter à la collectivité la charge financière des licenciements.

Par conclusions écrites déposées le 21 janvier 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, la société B2S demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'homme e [Localité 21] le 2 juillet 2012 en totalité ;

En conséquence, il conviendra :

Au préalable,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile, dire et juger l'action de Monsieur [R] [T] irrecevable ;

Sur le fond du dossier,

A titre principal,

- dire et juger dépourvues de tout fondement les demandes présentées par les demandeurs et en conséquence :

· débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

· condamner les demandeurs à verser à la société B2S la somme de 1 € symbolique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

· condamner les demandeurs aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour estimait devoir réformer le jugement entrepris, il conviendrait :

- de les limiter dans leur montant à des montants plus raisonnables,

- de débouter les demandeurs de la demande d'intérêt légal à compter de la saisine et la demande d'anatocisme,

- de rejeter la demande de remboursement des allocations Pôle-Emploi,

- de limiter la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à un montant raisonnable.

La société B2S, qui expose faire partie d'un groupe du même nom, évoque les conditions et le contexte dans lesquels elle est intervenue à [Localité 21], où elle a implanté un centre d'appel en 1998, dans le cadre de la reconversion industrielle du bassin de [Localité 19], alors qu'elle était encore une petite structure aux effectifs limités à une quarantaine de salariés, avec l'aide de subventions publiques et de concours d'une filiale de la société ELF et bancaires ; qu'elle a tenu ses engagements en termes de création d'emplois, puisqu'en décembre 2001, l'Inspection du Travail attestait de la création de 102 emplois à durée indéterminée ; qu'elle est restée 7 ans sur le site de [Localité 21] permettant ainsi de nourrir le tissu économique et social et de servir de précurseur au développement de cette activité sur le bassin et même de référence ;

Elle fait valoir que dans les années 2000, le marché des centres d'appels a connu une mutation, du fait des choix des donneurs d'ordre de se tourner vers des centres de grande envergure et de limiter le volume des prestations commandées à chaque Centre ; qu'est née une difficulté structurelle liée au positionnement du Centre de [Localité 21] ; qu'elle n'a pas pu, dans ces nouvelles conditions, exploiter la totalité de ses capacités de production, et qu'elle conteste avoir transféré ou cédé les principaux clients suivis par le site de [Localité 21] ; que la cession de ce fonds de commerce a été envisagée à partir de janvier 2005 ; que la société CAPLINE, société créée en 2003 et dont l'objet était le télé-service a ainsi présenté à la société B2S un projet séduisant de reprise du site palois annonçant des souhaits de développement compatibles en termes de cible de clientèle avec ce dernier, et annonçant surtout le maintien de tous les contrats de travail existants sur le site de [Localité 21] outre des créations à venir ; qu'ainsi, l'activité du site s'est poursuivie avec B2S jusqu'en septembre 2005, date à laquelle, dans le strict respect des dispositions légales et notamment de celles afférentes à l'information consultation du Comité d'Entreprise, le site a été cédé à la société CAPLINE laquelle le transférera à la société CAPLINE PAU, structure juridique créée pour l'accueillir ; que la convention de cession prévoyait notamment le versement par la société B2S d'une subvention de 500.000 € HT dont l'objet était d'assurer une pérennité des emplois et de consolider le redéploiement du site grâce à son nouvel actionnaire, la société CAPLINE ;

La société évoque également la procédure pénale en cours d'instruction, dans laquelle elle fait valoir sa qualité de victime.

Sur la demande au titre de l'obligation de formation, que cinq ans après avoir quitté la société B2S, les demandeurs sollicitent de la Cour la condamnation de cette dernière à verser à chacun d'entre-eux une somme forfaitaire de 15.000 € (soit près d'un an de salaire) affirmant sans autre démonstration que la société B2S n'aurait pas exécuté de bonne foi son obligation de formation ce qui aurait généré pour les anciens salariés de la société B2S un préjudice distinct de celui résultant de la rupture ; qu'à juste titre, le Conseil les a déboutés de cette demande ; que des articles de presse soulignaient les actions de formation entreprises ; que de manière régulière, elle a assuré des actions de formation en missionnant pour des sessions de plusieurs jours une formatrice ; que les appelants ne versent aux débats aucun élément susceptible d'établir qu'ils auraient présenté une demande de formation à laquelle il n'aurait pas été répondu ; que par ailleurs, les contrats ont perduré plusieurs mois après la cession du fonds ;

Sur la demande au titre de l'irrégularité prétendue de la procédure d'information consultation, que les affirmations des appelants sont erronées et d'une particulière mauvaise foi ; que la promesse qu'ils invoquent est assortie de conditions suspensives parmi lesquelles le nécessaire avis du Comité d'Entreprise ; que la cession est intervenue le 8 septembre 2005, et que la procédure d'information consultation a été initiée antérieurement à la cession, dès le mois de juillet 2005 ; que cette consultation a généré plusieurs réunions en juillet et en septembre 2005, cette dernière remplaçant une réunion prévue en août et reportée ; que le 6 septembre 2005, le Comité d'Entreprise, s'estimant suffisamment informé, a rendu un avis, ainsi rendu antérieurement à la cession ; que ce Comité d'Entreprise n'a à aucun moment estimé la procédure de consultation irrégulière, alors que cette procédure est un droit appartenant au comité d'entreprise et non pas un droit individuel des salariés à cette information ;

Sur les autres demandes, la société rappelle qu'elle n'a pas licencié les demandeurs et fait valoir qu'au contraire, elle a tout fait pour préserver et pérenniser leurs emplois ; qu'elle s'interroge sur le fait que la société CAPLINE n'est pas présente à l'instance ; que les appelants ont perçu les sommes afférentes à la rupture de leur contrat de travail dans le cadre de la procédure mise en 'uvre par le liquidateur ; qu'ils pouvaient contester leur licenciement pour motif économique, ce qu'ils ont omis de faire ; qu'ils ne peuvent aujourd'hui tenter d'utiliser des voies détournées visant à essayer d'obtenir une indemnisation, au demeurant exorbitante, a fortiori à l'encontre d'un tiers ; que les actions afférentes à des manquements délictuels ne sont d'ailleurs pas de la compétence des juridictions prud'homales mais de la seule compétence du Tribunal de Grande Instance ; qu'à aucun moment la société B2S n'a eu l'obligation de mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi puisque, à aucun moment elle n'a procédé à des licenciements de quelque nature qu'ils soient ; que de la même manière, à aucun moment elle n'a eu l'obligation de rechercher un reclassement pour les appelants qui n'étaient plus ses salariés ; qu'il n'y a en l'espèce, ni faute de la part de la société B2S, ni lien de causalité, ni préjudice en résultant ; qu'il ne peut être reproché à un employeur d'avoir préféré à la fermeture d'un site et la disparition immédiate des emplois, la cession dudit site et donc la pérennisation des emplois pour un site dont chacun s'accordait à dire, en ce compris les appelants, qu'il était parfaitement viable ; qu'il n'appartient ni aux salariés, ni aux juridictions de s'immiscer dans les décisions de gestion et direction de l'employeur ; que la société B2S n'a pas fait ce choix sans prendre certaines précautions et engagements et a fortiori n'a-t-elle pas agi avec « légèreté blâmable ou imprudence » comme l'écrivent aujourd'hui les appelants sans bien évidemment le démontrer ; que la société CAPLINE est d'ailleurs, depuis et jusqu'à ce jour, toujours in bonis et régulièrement en situation de recrutement ; qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu qu'en se tournant vers cette entreprise, la société B2S aurait fait preuve de légèreté blâmable ; qu'à aucun moment le liquidateur n'a recherché une responsabilité de quelque nature quelle soit vis-à-vis de la société B2S et ce alors même, qu'il avait parfaitement connaissance de la cession intervenue plusieurs mois avant la mise en liquidation de la société CAPLINE PAU ; que plus encore, la société B2S a versé une subvention de 500.000 € HT dont l'unique objet était d'assurer la pérennisation des emplois, cette subvention finançant les salaires et charges afférentes pour plusieurs mois et ce, afin de pallier les risques inhérents à toute reprise d'activité ; que le montant correspondant aux sommes réglées par le CGEA s'élève au total de 379.618,86 € soit un montant inférieur à celui engagé par la société B2S lors de la cession ; que, sous couvert de demandes formalisées différemment, les appelants présentent une seule et même tentant ainsi d'indemniser à plusieurs reprises un préjudice allégué identique ; que cette demande à réparer le préjudice résultant la perte de leur emploi c'est-à-dire résultant de la rupture de leur contrat de travail et donc de leur licenciement pour motif économique, demande aujourd'hui prescrite ; que ce n'est pas la société B2S qui a mis en 'uvre les licenciements et elle n'avait de fait, aucune obligation de reclassement à l'égard des demandeurs.

Par conclusions écrites déposées le 8 janvier 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, Maître [CI], ès qualités mandataire ad hoc de la société CAPLINE PAU, demande à la Cour de :

- constater que les appelants ne présentent aucune demande à l'encontre de Maître [CI] ès qualité d'administrateur ad hoc de la SARL CAPLINE PAU ;

- constater et donner acte aux appelants qu'ils ne demandent aucune fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CAPLINE PAU ;

Vu l'article L. 625-1 du code de commerce,

- dire et juger qu'en tout état de cause les appelants demandeurs à la procédure sont prescrits et forclos à l'encontre de la liquidation judiciaire de la SARL CAPLINE PAU ;

Vu l'absence de quelconques critiques sur les licenciements menés par Maître [CI], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CAPLINE,

Statuer ce que de droit sur les prétentions des demandeurs à l'encontre de la société B2S ;

Statuer ce que de droit sur les dépens ;

Le mandataire ad hoc de la société CAPLINE PAU fait valoir que les demandeurs ne présentent strictement aucune demande à son encontre ; qu'en outre, il convient d'observer qu'ils ne peuvent être que déclarés prescrits et forclos ; qu'en effet le recours des demandeurs avait été enregistré auprès du Conseil de Prud'hommes de PAU le 18 février 2011 ; que la liquidation judiciaire de la SARL CAPLINE PAU est en date du 20 février 2006 ; que la publicité a été effectuée le 5 septembre 2006 ; qu'en application de l'article L. 625-1 du code de commerce le délai de deux mois était expiré à la date de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Par conclusions écrites déposées le 21 janvier 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, le CGEA DE BORDEAUX demande à la Cour de :

- déclarer les appelants forclos et prescrits vis-à-vis de la liquidation judiciaire de la Société CAPLINE et de l'AGS ;

- constater que les appelants ne présentent aucune demande aux fins de fixation de créances à l'encontre de la liquidation judiciaire de la SARL CAPLINE PAU ni la garantie de l'AGS ;

- Mettre le CGEA de BORDEAUX délégation AGS hors de cause ;

- dire et juger que si par extraordinaire le groupe B2S était reconnu responsable de la charge les licenciements il conviendra de le condamner à rembourser la somme de 293.813,43 € représentant le montant des avances effectuées par le CGEA de BORDEAUX délégation AGS pour le compte des demandeurs ;

- rappeler le caractère subsidiaire de l'intervention du CGEA ;

- dire et juger que le jugement est simplement opposable au CGEA dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables ;

- dire et juger que l'AGS ne peut procéder à l'avance des créances que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-8 du code du travail et L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du code du travail,

- dire et juger que l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- dire et juger que l'AGS ne saurait être tenu aux dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles et autres indemnités n'ayant pas le caractère de créances salariales,

- condamner les appelants aux entiers dépens.

Le CGEA, après avoir rappelé les faits de l'espèce et les textes régissant son intervention, fait notamment valoir que ce n'est que pour la bonne forme que tant Maître [CI] ès qualités, que le CGEA de BORDEAUX ont été appelés en la cause ; que les appelants recherchent uniquement la société B2S.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, et d'ailleurs non contesté, est recevable en la forme.

Sur la recevabilité de l'action de Monsieur [T] :

Monsieur [R] [T] était au nombre des demandeurs à l'action devant le Conseil de Prud'hommes. Cette juridiction l'a déclaré irrecevable en relevant qu'il ne ressortait pas des éléments du dossier que celui-ci ait été salarié de la société B2S car n'étaient produits ni contrat de travail, ni bulletins de salaire.

La société B2S affirme que le contrat de travail de Monsieur [T] ne faisait pas partie de ceux transférés avec le fonds de commerce.

Le mandataire de la société CAPLINE PAU précise ne pas avoir d'autre information, et le CGEA indique que, s'il a ouvert une fiche à ce nom, il n'a procédé à aucun versement au profit de cette personne.

Le Conseil des appelants indique qu'il n'a pu avoir de nouvelles de l'intéressé auquel il avait demandé les justificatifs relatifs à son contrat de travail.

En conséquence, c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a déclaré irrecevable l'action de Monsieur [T], et son jugement sera confirmé sur ce point.

* * *

Sur le fond, il convient à titre liminaire de constater que les appelants ne présentent des demandes qu'à l'encontre de la société B2S, et aucune demande à l'encontre de l'ancienne société CAPLINE PAU, désormais représentée par un mandataire ad hoc, ni du CGEA. Leur présence à la procédure s'explique par la chronologie des faits ci-dessus rappelée, et celle du CGEA se justifie par la liquidation judiciaire de la société CAPLINE PAU. Il n'y a donc pas lieu à mettre hors de cause le CGEA, d'autant plus que celui-ci présente une demande de remboursement à l'encontre de la société B2S si celle-ci était reconnue « responsable de la charge des licenciements ».

Par ailleurs, il est sans objet de statuer sur une hypothétique forclusion des salariés à présenter des demandes contre la société CAPLINE PAU, puisque, précisément, ils ne présentent aucune demande en ce sens.

Les anciens salariés de la société B2S présentent donc des demandes indemnitaires à l'encontre de cette seule société, demandes qui peuvent être regroupées en deux parties et examinées successivement ainsi qu'il suit :

Sur les demandes indemnitaires liées à l'exécution des contrats de travail :

Sur la demande indemnitaire pour irrégularité de la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise :

Les appelants, au visa des articles L. 2323-2, L. 2323-4 et L. 2323-6 du code du travail, soutiennent, pour demander l'allocation d'un montant de 7.500 € à titre de dommages-intérêts à chacun, la violation par l'employeur de la procédure d'information-consultation du Comité d'Entreprise sur la décision de céder le site palois.

Il est constant que, en application de ces textes, le Comité d'Entreprise est consulté préalablement sur les questions intéressant, notamment, l'organisation de l'entreprise, au moyen d'informations écrites et précises transmises par l'employeur.

Il n'est pas contesté que la cession du fonds de commerce entre dans le champ des questions qui sont visées par ces dispositions.

La société B2S oppose que, alors que la cession est intervenue le 8 septembre 2005, la procédure d'information-consultation a été initiée antérieurement à celle-ci, dès le mois de juillet 2005 ; que cette consultation a généré plusieurs réunions en juillet et en septembre 2005, cette dernière remplaçant une réunion prévue en août et reportée ; que le 6 septembre 2005, le Comité d'Entreprise, s'estimant suffisamment informé, a rendu un avis, ainsi rendu antérieurement à la cession ; que ce Comité d'Entreprise n'a à aucun moment estimé la procédure de consultation irrégulière.

De fait, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a relevé que la procédure de consultation sur le projet de cession du site palois avait été initiée dès le mois de juillet 2005 par la communication préalable d'une note écrite de 17 pages explicitant le projet. Il apparaît ainsi que des réunions ont eu lieu en juillet et septembre 2005, particulièrement le 6 septembre une réunion en présence de l'acquéreur, auquel les représentants des salariés ont pu poser de nombreuses questions (pièce 9) et que le comité a rendu à l'issue de la réunion du 6 septembre 2005 (pièce 10) un avis, certes négatif, mais sans que le Comité n'indique qu'il n'aurait pas disposé des informations précises et écrites exigées par les textes, ni qu'il n'aurait pas disposé d'un délai suffisant.

Dès lors, la cession étant intervenue le 8 septembre 2005, la procédure d'information-consultation du Comité d'Entreprise, antérieure à celle-ci, a été valablement respectée par l'employeur.

C'est de manière inopérante que les appelants font valoir une promesse de vente du 27 juillet 2005, en soulignant qu'elle vaut vente (pièce A des appelants), dès lors qu'il ne s'agit que d'une promesse susceptible de ne pas être suivie d'effet, même aux risques juridiques du promettant, et qu'ils occultent le fait que cette promesse comportait plusieurs conditions suspensives (article 12 page 14), dont justement l'une tenait expressément à l'obtention de l'avis du comité d'entreprise de B2S.

Ainsi, la demande indemnitaire des appelants est mal fondée, et le jugement du Conseil de Prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la demande indemnitaire pour violation des dispositions relatives à la formation professionnelle continue et manquement au devoir d'adaptation :

Les appelants, au visa des articles L. 6111-1 et L. 6321-1 du code du travail, soutiennent, pour demander l'attribution d'un montant de 15.000 € de dommages-intérêts à chacun, que la société B2S n'a pas respecté ses obligations de formation professionnelle continue et d'adaptation de chaque salarié à son poste de travail, et font valoir qu'elle ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, du respect de l'obligation.

En application des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'espèce, la société B2S invoque des articles de presse (pièce 25), qui se limitent en réalité à deux tirages d'articles des 10 octobre et 30 novembre 1998, remontant donc à l'implantation du site de [Localité 21], et qui évoquent incidemment que les salariés « sont déjà en formation ».

Ces éléments imprécis ne permettent pas à l'employeur de justifier qu'il a rempli les obligations qui sont les siennes en application des textes ci-dessus.

La fourniture de copies de bulletin de salaire d'une formatrice (pièces 6 et 7) n'est pas non plus probante, aucun lien n'étant établi entre l'emploi de cette salariée et la formation des appelants.

En revanche, c'est à juste titre que la société objecte que la demande est présentée cinq années après que les salariés aient quitté l'entreprise et pour des sommes importantes représentant environ une année de salaire pour chacun. Il peut y être ajouté que les demandeurs n'apparaissent pas avoir invoqué l'obligation de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail avec lui.

Le fait que ces salariés n'ont pas bénéficié d'une formation professionnelle continue pendant le temps passé dans l'entreprise caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Il en résulte pour eux un préjudice distinct de la rupture du contrat de travail, qu'il convient de réparer, en considération des éléments tenant à leur ancienneté relative dans l'entreprise, mais aussi de la tardiveté de la demande et de l'absence d'articulation d'éléments de préjudices individuels, en fixant pour chacun la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera en conséquence infirmé sur ce point et réformé dans le sens ci-dessus.

Sur les demandes indemnitaires pour perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi et pour la perte de leur emploi :

Sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, les appelants forment deux autres demandes indemnitaires à l'encontre de la société B2S, demandant que leur soient allouées à titre de dommages-intérêts les sommes de 35.000 € chacun au titre de la perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi, et de 70.000 € chacun pour la perte de leur emploi.

Les appelants soutiennent que les fautes, négligences et légèreté blâmable de B2S ont entraîné d'une part, la perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi si l'établissement palois était resté dans le périmètre de B2S et d'autre part, la perte de leur emploi leur causant un dommage matériel et moral distinct de celui de la rupture du contrat de travail.

Ils rappellent qu'en droit, les textes d'ordre public font obligation à l'employeur dans les entreprises de 50 salariés et plus de mettre en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ils soutiennent que la société a reconnu dans ses conclusions devant le Conseil de Prud'hommes que la cession du site palois constituait une réorganisation pour motif économique. Ils en concluent que la totalité des licenciements aurait pu être évitée dans la mesure où il était possible de reclasser les salariés du site palois dans les autres établissements français de B2S.

Les appelants précisent que la demande indemnitaire pour perte de leur emploi est fondée comme la précédente sur les articles 1382 et 1383 du code civil et qu'il ne s'agit donc pas d'une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle n'est donc pas prescrite.

Ils estiment que la société B2S a agit avec légèreté blâmable et imprudence lors de la cession de l'établissement palois à la petite société CAPLINE mettant ainsi en danger la pérennité de leurs emplois. Ils reprochent en sus à leur ancien employeur de s'être totalement désintéressé du sort de ses anciens salariés.

Ils affirment que B2S savait que la petite entreprise CAPLINE PAU ne survivrait pas bien longtemps et ne pourrait pas absorber « des pertes abyssales du site palois », et que c'est la prise de décision de céder l'établissement palois à une petite société comme CAPLINE qui est à l'origine de la perte des emplois.

La société B2S expose qu'elle a été sollicitée dans le cadre de la reconversion industrielle du bassin de [Localité 19], et que c'est dans ces conditions qu'elle a créé en octobre 1998 l'établissement de Centre d'Appel à [Localité 21] ; qu'elle a bénéficié de subventions et de concours bancaires, et fait valoir que grâce à ceux-ci, elle pouvait justifier de la création de 102 emplois en décembre 2001.

Pour expliquer la cession du fonds de commerce, la société B2S fait valoir que dans les années 2000, le marché des centres d'appels a connu une mutation, du fait des choix des donneurs d'ordre de se tourner vers des centres de grande envergure et de limiter le volume des prestations commandées à chaque centre ; qu'est née une difficulté structurelle liée au positionnement du Centre de [Localité 21] et que la cession de ce fonds de commerce a été envisagée.

Ces affirmations sur l'évolution du marché des centres d'appels ne sont pas contredites par les appelants.

Dès lors, il convient de constater que la société B2S justifie de sa décision, qui est une décision de gestion, de vendre son fonds de commerce de l'établissement de PAU par une raison plausible et non contredite, alors que les appelants se limitent, sans l'établir, à invoquer l'hypothèse d'une intention malicieuse de leur ancien employeur, fondée non pas sur des éléments antérieurs ou contemporains à la cession, mais sur l'issue survenue ultérieurement à raison de la déconfiture de la société CAPLINE PAU.

Sur la perte de chance de bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens des appelants omettent de prendre en compte le fait que la société B2S n'a pas procédé à des licenciements économiques, mais a vendu son fonds de commerce du site de [Localité 21], de sorte que les arguments tirés de ce qu'ils considèrent être des « aveux » de ce que la cession constituait une réorganisation sont inopérants.

En effet, c'est seulement dans le cadre d'un licenciement pour motif économique que :

- la notion de réorganisation est pertinente pour constituer, le cas échéant, un motif réel et sérieux de licenciement,

- un plan de sauvegarde de l'emploi est obligatoire lorsque l'entreprise comporte 50 salariés et plus.

En l'espèce, il n'est aucunement établi que la société B2S aurait à un moment ou un autre envisagé de procéder à des licenciements économiques avant de procéder à la cession de son fonds de commerce, et qu'elle aurait alors, de manière délibérée, plutôt choisi cette cession dans l'intention d'éviter de procéder à des licenciements pour motif économique avec mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Il convient d'ailleurs de relever que, si les salariés ont en définitive été licenciés pour motif économique, ce motif tient non pas à une quelconque réorganisation de leur employeur, mais à la déconfiture de l'entreprise qui a finalement repris leurs contrats de travail des mains du cessionnaire du fonds de commerce.

Or, il n'est nullement établi qu'une telle issue devait inéluctablement résulter de la cession du fonds de commerce, et la société B2S peut opposer sans être démentie que le cessionnaire de son fonds, la SAS CAPLINE, est non seulement toujours in bonis, mais que des éléments démontrent qu'elle continue de se développer (pièces 13 à 17).

Il n'est pas non plus établi que les salariés auraient inéluctablement subi un licenciement pour motif économique, alors accompagné nécessairement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, si la société B2S avait poursuivi ses activités à [Localité 21] au lieu de vendre son fonds de commerce.

Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la société B2S de faute qui serait à l'origine d'un préjudice pour ses anciens salariés en ce qu'ils n'auraient pas bénéficié d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

S'agissant de la perte des emplois, la société B2S fait valoir sans être utilement démentie qu'elle n'a fait preuve d'aucune légèreté blâmable dans le choix du cessionnaire du fonds de commerce en la personne de la SAS CAPLINE, société importante, toujours in bonis et en développement comme déjà précisé ci-dessus.

De fait, les conditions dans lesquelles ce n'est finalement pas la SAS CAPLINE, non appelée à la présente procédure, mais la SARL CAPLINE PAU qui a finalement exploité l'établissement de PAU et s'est vu transférer les contrats de travail, ne sont pas ici explicitées et ne ressortent ni des débats, ni des pièces ou conclusions.

Notamment, il n'est nullement établi que, lors de la cession du fonds, la société B2S aurait su qu'en réalité, la SAS CAPLINE entendait procéder à ce transfert vers une société tierce moins importante.

Au surplus, la société B2S peut utilement faire valoir qu'elle a versé une subvention de 500.000 € pour assurer la pérennisation des emplois, et que cette somme est supérieure à la totalité des fonds avancés par le CGEA au profit des salariés.

Dès lors, aucune faute n'est non plus caractérisée à l'encontre de la société B2S qui serait en lien avec le préjudice subi par ses anciens salariés du fait de la perte de leur emploi.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé pour le surplus.

Sur les autres demandes :

La demande de remboursement présentée par le CGEA à l'encontre de la société B2S est sans objet, cette société n'étant pas déclarée responsable des licenciements des appelants.

Les parties s'opposent sur le point de départ des intérêts, que les appelants demandent de fixer à la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Toutefois, les indemnités ici allouées ne concernent que des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation, et résultent de la seule appréciation du juge et non pas de l'application directe du contrat de travail. Les intérêts au taux légal ne sauraient donc courir qu'à compter de la présente décision.

Il y a lieu de dire qu'en application de l'article 1154 du code civil, les intérêts qui seront éventuellement dus pour une année entière produiront des intérêts.

Chaque partie succombe partiellement en ses prétentions.

Il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, et chacune conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Au fond,

Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de PAU en date du 2 juillet 2012,

SAUF en ce qu'il a débouté les demandeurs de leur demande indemnitaire pour violation des dispositions relatives à la formation professionnelle continue et manquement au devoir d'adaptation,

L'infirmant sur ce seul point, et, statuant à nouveau,

- condamne la société B2S à payer à Madame [MN] [P], Madame [I] [C], Monsieur [WJ] [N], Monsieur [K] [X], Madame [FH] [A], Madame [EU] [D], Monsieur [M] [U], Madame [XJ] [F], Madame [UO] [NI], Madame [Z] [JS], Madame [S] [CZ], Madame [IX] [EH], Madame [Z] [ST], Madame [H] [HX], Madame [GC] [QY], Madame [ZE] [LN], Madame [OI] [YE], Monsieur [ZZ] [YZ], Madame [G] [AE], Madame [J] [BR], Madame [AK] [FP], Madame [V] [HC], Madame [O] [KN] et Madame [W] [KS] la somme de 500 € chacun à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice au titre de la violation des dispositions relatives à la formation professionnelle continue et manquement au devoir d'adaptation,

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

Dit qu'en application de l'article 1154 du code civil, les intérêts qui seront éventuellement dus pour une année entière produiront des intérêts,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les dépens d'appel resteront à la charge des parties qui les auront exposés.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/02499
Date de la décision : 21/03/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°12/02499 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-21;12.02499 ?
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