La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2013 | FRANCE | N°11/01426

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 21 mars 2013, 11/01426


SG/SB



Numéro 13/1214





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 21/03/2013









Dossier : 11/01426





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA FIDUCIAL EXPERTISE



C/



[W] [Z]







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code...

SG/SB

Numéro 13/1214

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 21/03/2013

Dossier : 11/01426

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA FIDUCIAL EXPERTISE

C/

[W] [Z]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 31 Janvier 2013, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

En présence de Mademoiselle NEWTON, greffière stagiaire

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA FIDUCIAL EXPERTISE représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Paris la Défense

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Maître AGOSTINI-BEYER, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [W] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant assisté de la SCP QUESNEL ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 22 MARS 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Monsieur [W] [Z] a été engagé par la SA FIDUCIAL EXPERTISE par une convention d'associé salarié à compter du 8 septembre 2003 en qualité de directeur d'agence expert-comptable. Sa résidence professionnelle était initialement fixée à [Localité 5] et à compter du 1er octobre 2008, il lui a été confié la direction de l'agence de [Localité 3].

Mis à pied à titre conservatoire et convoqué le 18 janvier 2010 à un entretien préalable à une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 29 janvier 2010, Monsieur [W] [Z] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 février 2010 pour manquements à son devoir de loyauté et de fidélité.

Contestant son licenciement, Monsieur [W] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Dax, par requête en date du 29 mars 2010 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : qu'il soit dit que son licenciement pour faute grave ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et que la SA FIDUCIAL EXPERTISE soit condamnée à lui payer : 4735,19 € de salaire sur la mise à pied conservatoire ; 473,51 € au titre de l'indemnité de congés payés sur la mise à pied conservatoire ; 17. 095,50 € au titre de l'indemnité de préavis ; 1.709,55 € au titre des congés payés sur le préavis ; 9.501,50 € au titre de l'indemnité de licenciement ; 131.940 € (18 mois) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 4.442 € à titre de rappel de salaire sur les primes ; 444 € à titre de congés payés sur les primes ; 1.853,06 € au titre du rappel du 13e mois ; 2.500 € d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À défaut de conciliation le 25 mai 2010, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 22 mars 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de Dax (section encadrement) :

- A déclaré le licenciement de Monsieur [W] [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- a condamné la SA FIDUCIAL EXPERTISE à verser à Monsieur [W] [Z] les sommes suivantes :

* 4.735,19 € au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied,

* 473,51 € au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

* 17. 095,50 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 1.709,50 € au titre des congés payés afférents préavis,

* 9.501,50 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 4.442 € à titre de rappel de salaire,

* 444 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

* 1.853,06 € au titre de l'indemnité de 13e mois, au prorata,

* 131. 940 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la SA FIDUCIAL EXPERTISE aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 avril 2011 la SA FIDUCIAL EXPERTISE, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 28 mars 2011.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

La SA FIDUCIAL EXPERTISE, par conclusions écrites, déposées le 31 octobre 2012, auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- Déclarer son appel recevable et fondé,

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau :

- débouter purement et simplement Monsieur [W] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- la décharger des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,

- ordonner le remboursement des sommes qui ont pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages-intérêts,

- condamner Monsieur [W] [Z] à porter et payer la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] [Z] en tous les dépens.

La SA FIDUCIAL EXPERTISE conteste la prescription des faits invoquée par le salarié et fait valoir qu'elle n'a eu connaissance de sa candidature à la reprise de la société ARCACHONNAISE DE COMPTABILITÉ que le 2 décembre 2009.

Elle expose que la faute reprochée au salarié est celle qui a consisté à faire état, le 2 décembre 2009, de son projet de dépôt d'une offre de reprise de la société ARCACHONNAISE DE COMPTABILITÉ, mise en redressement judiciaire le 20 mai 2009, tout en affirmant de manière mensongère qu'il s'agissait d'un projet mort-né et que désormais il préférait se consacrer à la dynamique et à la rentabilité du bureau, et par cette man'uvre avoir endormi la vigilance de son employeur, qui était lui-même candidat à cette reprise, en l'empêchant de lui demander de renoncer à son projet et de faire des choix ; et d'avoir affiné son projet et poursuivi ses démarches destinées à obtenir le financement dont il a été à même de justifier à l'audience du tribunal de commerce le 13 janvier 2010.

Elle soutient que les moyens de preuve qu'elle produit sont licites et que le fait pour le salarié d'avoir menti et d'avoir dissimulé ses agissements constituent un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail caractérisé par un manquement à l'obligation de fidélité et l'interdiction d'agir dans l'intérêt contraire de l'entreprise.

Elle ajoute que le salarié l'a discréditée devant le tribunal de commerce et a triché en s'introduisant dans les locaux de la société en pleine nuit pour effacer des fichiers informatiques.

Monsieur [W] [Z], par conclusions écrites, déposées le 15 janvier 2013, auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dax le 22 mars 2011,

- constater que les faits reprochés sont prescrits,

- constater que l'employeur n'apporte pas la preuve qu'il a eu connaissance des faits dans le délai de prescription,

- constater en tout état de cause que l'employeur n'a pas engagé la procédure de licenciement pour faute grave dans un délai restreint,

- dire que son licenciement pour faute grave ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA FIDUCIAL EXPERTISE à lui payer :

* 4.735,19 € de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 473,51 € d'indemnité de congés payés sur mise à pied conservatoire,

* 17. 095,50 € d'indemnité de préavis,

* 1.709,50 € de congés payés sur préavis,

* 9.501,50 € d'indemnité de licenciement,

* 131.940 € (18 mois) de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4.442 € à titre de salaire sur primes,

* 444 € de congés payés sur primes,

* 1.853,06 € de rappel de 13e mois,

* 2.500 € d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance prud'homale,

* 3.500 € d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en procédure d'appel.

Monsieur [W] [Z] conteste la régularité de son licenciement et considère que le fait de s'être porté candidat à une offre de reprise ne peut être qualifié de faute grave et justifier un licenciement.

Il soutient que les fautes qui lui sont reprochées sont prescrites au motif que l'employeur, lui-même candidat à la reprise, a eu connaissance de sa candidature dès le 25 septembre 2009, soit quatre mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, par un mail envoyé par l'administrateur judiciaire à l'ensemble des candidats à la reprise, sur lequel figure son nom et celui de la SA FIDUCIAL EXPERTISE, et en tout état de cause, l'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits reprochés dans le délai de deux mois avant l'engagement de la procédure ; même si les faits ne sont pas prescrits, la procédure n'a pas été engagée dans un délai restreint.

Monsieur [W] [Z] soutient également que l'obligation de loyauté et de fidélité ne saurait lui interdire d'envisager son avenir professionnel en entreprenant les démarches qu'il estime utiles au développement de sa carrière, et à défaut cela constituerait une atteinte à la liberté du travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Concernant le licenciement :

La faute grave, dont la charge de la preuve pèse sur l'employeur, est la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

La lettre de licenciement pour faute grave du 9 février 2010 est ainsi rédigée :

« Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour FAUTE GRAVE en raison de nombreux manquements à votre devoir de loyauté et de fidélité dans les circonstances rappelées ci-après.

La société FIDUCIAL EXPERTISE s'est portée candidate, dans le cadre d'une procédure judiciaire, à la reprise d'un cabinet comptable. Vous avez décidé, à titre personnel en tant qu'associé d'une société en cours de constitution, de vous porter candidat à cette reprise, vous plaçant ainsi dans une situation de concurrence à l'égard de votre employeur.

Vous avez sciemment menti en minimisant la portée et les circonstances de votre candidature lors d'explications avec votre hiérarchie.

C'est ainsi que verbalement puis par note du 2 décembre 2009, vous avez tenté de minimiser la part personnelle que vous auriez prise à cette candidature en la qualifiant de « curiosité », et en nous indiquant que vous aviez répondu aux sollicitations pressantes d'un ami expert-comptable, avant de nous préciser que vous aviez abandonné ce projet « faute de carburant, le projet s'éteint de lui-même »' « (Ce qui m'arrange) ».

Ayant endormi la vigilance de votre employeur, vous avez mis à profit le mois de décembre 2009 pour compléter votre offre, afin de soumettre à l'administrateur judiciaire une proposition comparable à celle de votre employeur. Vous avez alors obtenu des financements que vous aviez prétendu ne plus rechercher.

L'ordinateur du bureau de [Localité 3] qui vous était attribué porte la trace de très nombreux documents établis dans cette perspective au cours des mois de décembre 2009 et janvier 2010 et qui témoignent du fait que vous avez, sur votre temps de travail et avec les outils de l'entreprise, continué à préparer votre projet.

C'est dans ces conditions que vous vous êtes présenté au tribunal de commerce lors de l'audience du 13 janvier 2010, présentant personnellement et pour le compte de votre future société un projet concurrent à celui de votre employeur, et dans lequel vous apparaissez comme le dirigeant, dans la mesure où vous envisagiez d'être le président de la société B.L EXPERTISE SAS et de détenir 70 % du capital de cette société. Au cours de l'audience, vous avez mis en avant votre expérience professionnelle acquise au sein de FIDUCIAL au mépris des intérêts de celle-ci.

Ce faisant, vous avez nui à l'image de FIDUCIAL EXPERTISE tant au sein même de l'entreprise qu'à l'extérieur et porté le discrédit sur notre offre. Vous avez contribué à ruiner les efforts déployés par FIDUCIAL pour se porter acquéreur de la reprise de ce cabinet. Le préjudice subi par la société est considérable, compte tenu des frais d'études, d'avocat et de déplacements engagés dans ce dossier.

De plus, le lundi 18 janvier 2010, lors de la signification de votre mise à pied, votre directeur de région vous a demandé de lui restituer vos clés de bureau ; vous avez en réalité déposé sur votre bureau un trousseau de clés qui s'est avéré être vos clés de voiture. Vous avez quitté le bureau à 11h45 gardant ainsi vers vous les clés du bureau.

Nous avons retrouvé les clés du bureau, déposées dans la boîte aux lettres de FIDUCIAL le lendemain matin, 19 janvier 2010.

Ce 19 janvier au matin, nous avons constaté que des mouvements sur votre ordinateur professionnel avaient été effectués le 18 janvier entre 20h40 et 21h10.

Une collaboratrice a travaillé sur le dossier client CO' à partir de l'ordinateur de votre bureau le lundi 18 janvier 2010 après-midi, après la signification de votre mise à pied. Elle a constaté le 19 janvier 2009 que ce dossier avait disparu.

Vous avez alors été contacté par Madame [O], une collaboratrice de l'agence qui cherchait à récupérer ce dossier. Vous lui avez proposé de lui restituer ces documents que vous auriez, selon vos dires, supprimés par erreur, ce qui est l'aveu de votre retour à l'agence la veille au soir. Vous avez effectivement restitué à Madame [O] des fichiers lors d'un rendez-vous qui s'est tenu le 20 janvier 2010 à l'extérieur de la société.

Tout indique que vous avez sciemment conservé les clés du bureau et pénétré dans les locaux de FIDUCIAL EXPERTISE, le soir même, hors des heures de travail, après la fermeture des locaux et ce alors que vous étiez mis à pied à titre conservatoire, pour faire disparaître toutes traces de données qui pouvaient vous compromettre.

En votre qualité d'associé mandataire, expert-comptable et qui plus est de directeur, vous jouissez d'une grande liberté d'organisation et de responsabilité notamment hiérarchique sur l'ensemble des collaborateurs de l'agence de [Localité 3]. Cette fonction nécessite confiance et transparence. La révélation de vos agissements successifs au cours de ces derniers mois, votre comportement déloyal, vos dissimulations, vos mensonges avérés et votre duplicité rendent impossible le maintien de nos relations contractuelles.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave qui deviendra effectif à compter de la première présentation de cette lettre recommandée à votre domicile par les services de la poste. (') ».

La lettre de licenciement énonce donc plusieurs griefs : d'une part, la candidature du salarié à la reprise d'un cabinet comptable dans le cadre d'une procédure judiciaire, à l'insu de son employeur ; d'autre part, le fait de ne pas avoir restitué les clés du bureau et d'avoir pénétré dans les locaux de la société, après sa mise à pied conservatoire, pour faire disparaître des documents informatiques. Ce deuxième grief est clairement dissocié du premier par la mention « de plus, le lundi 18 janvier 2010 (etc.) ».

Sur la prescription :

Le salarié soutient que les fautes reprochées sont prescrites.

En application des dispositions de l'article L.1332-4 du Code du travail, aucun agissement fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l'employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, en a eu connaissance, sauf s'il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai.

Dès lors qu'il est établi que les faits ont été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, c'est à l'employeur de prouver qu'il n'en a eu connaissance que postérieurement au point de départ du délai de prescription de 2 mois, en justifiant, au besoin de la nécessité de procéder à une enquête et à des vérifications pour avoir une connaissance complète et précise des faits, de leur degré de gravité et de leur imputabilité.

La SA FIDUCIAL EXPERTISE prétend n'avoir eu connaissance de la candidature de Monsieur [W] [Z] à la reprise de la société ARCACHONNAISE DE COMPTABILITÉ qu'à compter du 2 décembre 2009, date à laquelle il a évoqué la démarche qu'il avait entreprise, et elle fait valoir que le courriel du 25 septembre 2009, dont il se prévaut, d'une part, a été adressé par l'administrateur judiciaire à Madame [Q] [X], commissaire aux comptes, administrateur de la SA FIDUCIAL EXPERTISE, qui n'est pas l'employeur de Monsieur [W] [Z], et d'autre part, qu'il était impossible à la société d'identifier la qualité de Monsieur [W] [Z] à qui ce courriel a été expédié à son adresse personnelle.

Le 25 septembre 2009, Maître [F] [D], désigné administrateur judiciaire de la société ARCACHONNAISE DE COMPTABILITÉ par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 20 mai 2009, a adressé un courriel à plusieurs destinataires indiqués comme étant les repreneurs potentiels de cette société.

Ce courriel a été adressé à 39 destinataires, dont les adresses courriels figurent, parmi lesquelles « [Courriel 1] » et « [Courriel 2] ».

La SA FIDUCIAL EXPERTISE reconnaît qu'elle faisait partie des repreneurs potentiels. Elle ne prétend pas que le courriel de l'administrateur judiciaire du 25 septembre 2009 ne lui a pas été adressé. Parmi les destinataires du courriel, la seule adresse correspondant à la SA FIDUCIAL EXPERTISE est celle de « [Courriel 1] », dont il n'est ni prétendu, ni établi, que Madame [Q] [X], DG délégué de la SA FIDUCIAL EXPERTISE, aurait été candidate personnelle à la reprise, de sorte qu'elle intervenait dans cette procédure en qualité de représentante de la société, et donc représentante de l'employeur qui, en tant que personne morale, est nécessairement représentée par une personne physique.

Les repreneurs potentiels de la société ARCACHONNAISE DE COMPTABILITÉ étaient nécessairement des experts-comptables, et il paraît peu probable que chacun des destinataires du courriel de l'administrateur judiciaire n'ait pas cherché à identifier ses concurrents au travers de la liste somme toute réduite des 39 destinataires.

Il ressort des pièces versées aux débats par le salarié que celui-ci a adressé de sa messagerie personnelle, ou reçu sur celle-ci, des messages échangés avec son employeur, ou les représentants de celui-ci. Ainsi, il a adressé les messages suivants : le 27 octobre 2008 au président de la SA FIDUCIAL EXPERTISE, Monsieur [P] [I], signataire de la lettre de licenciement ; le 9 août 2008 et le 5 septembre 2008 à Monsieur [Y] [E], directeur régional [Localité 4] ; et a reçu sur sa messagerie personnelle un message de Monsieur [Y] [E] le 11 août 2008.

L'employeur avait donc connaissance de l'adresse personnelle de la messagerie électronique de Monsieur [W] [Z], qui devenait donc ainsi parfaitement identifiable dans la liste des repreneurs potentiels portés à sa connaissance dès le 25 septembre 2009, de sorte qu'il avait connaissance des faits plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement.

La SA FIDUCIAL EXPERTISE ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle n'aurait eu connaissance de cette candidature qu'elle reproche au salarié que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure, qui a débuté par la convocation à l'entretien préalable le 18 janvier 2010.

En conséquence, il y a lieu de dire ce premier grief prescrit.

En revanche, le deuxième grief n'est pas prescrit dans la mesure où les faits reprochés au salarié ont été commis le 18 janvier 2010, soit le jour même de la mise à pied à titre conservatoire et de la convocation à l'entretien préalable.

Sur le deuxième grief :

Il convient de relever que la lettre de licenciement, qui sert de cadre strict au contrôle du juge, n'énonce pas, comme grief, le fait pour le salarié d'avoir utilisé le matériel informatique à des fins autres que professionnelles et dans l'intérêt de l'employeur, mais de n'avoir pas restitué les clés du bureau le jour de sa mise à pied à titre conservatoire et avoir, postérieurement à celle-ci, pénétrer dans les locaux de la société pour y faire disparaître des données informatiques.

Monsieur [W] [Z] soulève l'illicéité des moyens de preuve produits par la SA FIDUCIAL EXPERTISE au motif que ses fichiers personnels ne pouvaient pas être consultés par l'employeur sans son autorisation ou sans qu'il ait été prévenu.

Il résulte des articles 9 du Code civil et L. 1121-1 du code du travail que si l'employeur ne peut, sans violation de la liberté fondamentale du salarié du respect de sa vie privée et du secret de sa correspondance, prendre connaissance, à l'insu du salarié, des messages personnels qu'il a émis et reçus au moyen d'un outil informatique à usage professionnel, et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur, c'est à la condition que cet outil ait été mis à la disposition de ce salarié pour son travail et que ces messages aient été localisés dans un fichier identifié comme personnel au salarié.

La SA FIDUCIAL EXPERTISE a fait analyser l'ordinateur utilisé par Monsieur [W] [Z] par la société KROLLONTRACK, société de récupération de données informatiques effacées ou altérées, analyse dont il a été dressé rapport en date du 17 mars 2010.

Aucun élément de ce rapport ne permet d'établir que des fichiers analysés avaient été identifiés par l'utilisateur comme des fichiers personnels.

Monsieur [W] [Z] ne formule aucune critique à l'encontre de ce rapport d'analyse, et ne produit aucun élément de nature à permettre d'établir que certains des fichiers effacés et analysés avaient été identifiés par lui-même comme étant des fichiers personnels.

L'employeur avait donc la possibilité de faire analyser ce matériel professionnel hors la présence ou l'information du salarié à qui ce matériel avait été confié pour un usage professionnel.

Il résulte de ce rapport d'analyse que des fichiers ont été supprimés le 18 janvier 2010 entre 20h40 et 21h10.

Monsieur [W] [Z] a été mis à pied à titre conservatoire le 18 janvier 2010 à 11 heures et il a quitté l'entreprise le même jour à 11h45.

Dans une attestation en date du 28 janvier 2010, Madame [H] [O] écrit : « j'atteste avoir pris contact avec le demandeur, dès que dans l'agence, nous avons constaté que certains documents, dossiers sur lesquels il avait travaillé, avaient disparu de ses fichiers informatiques. Reconnaissant immédiatement qu'en voulant récupérer des données personnelles, il avait effectivement dans la précipitation pris et effacé ces documents par erreur, Monsieur [Z] m'a proposé de me rencontrer à l'extérieur du cabinet afin de, par le biais de sa clé USB, nous les restituer. Ceci a été fait le jour même, soit le mercredi 20/01/2010 ».

En outre, Monsieur [W] [Z] ne conteste pas ni n'avoir pas remis les clés du bureau lors de la notification de sa mise à pied à titre conservatoire, ni être revenu dans les locaux de la société postérieurement à cette notification et en tout cas dans la soirée du 18 janvier 2010.

Par conséquent il y a lieu de dire ce deuxième grief établi, constituant un motif réel et sérieux de licenciement.

Mais, compte tenu de la nature de ces faits, de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, et de l'absence de sanction disciplinaire antérieure, il y a lieu de dire que ces faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis, de sorte que la faute grave sera écartée.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA FIDUCIAL EXPERTISE à payer à Monsieur [W] [Z] :

* 4.735,19 € au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied,

* 473,51 € au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

* 17. 095,50 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 1.709,50 € au titre des congés payés afférents préavis,

* 9.501,50 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 4.442 € à titre de rappel de salaire,

* 444 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

* 1.853,06 € au titre de l'indemnité de 13e mois, au prorata,

étant souligné que les modalités de calcul de ces sommes, et leur quantum, ne sont pas contestés par l'employeur.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :

Chaque partie, succombant partiellement, supportera la charge de ses propres dépens.

Aucun élément de l'espèce ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé le 11 avril 2011 par la SA FIDUCIAL EXPERTISE à l'encontre du jugement rendu le 22 mars 2011 par le conseil de prud'hommes de Dax (section encadrement),

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il en ce qu'il a condamné la SA FIDUCIAL EXPERTISE à payer à Monsieur [W] [Z] :

* 4.735,19 € au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied,

* 473,51 € au titre des congés payés afférents à la mise à pied,

* 17. 095,50 € au titre de l'indemnité de préavis,

* 1.709,50 € au titre des congés payés afférents préavis,

* 9.501,50 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 4.442 € à titre de rappel de salaire,

* 444 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

* 1.853,06 € au titre de l'indemnité de 13e mois, au prorata,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, DÉBOUTE Monsieur [W] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01426
Date de la décision : 21/03/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/01426 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-21;11.01426 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award