SG/CD
Numéro 13/1213
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 21/03/2013
Dossier : 11/01366
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
Affaire :
[5]
C/
[F] [B]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 28 Janvier 2013, devant :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
[5]
venants aux droits et obligations de l'OGEC [6] à IGON
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître VIALA de la SCP FIDAL, avocats au barreau de PAU
INTIMÉE :
Madame [F] [B]
[Localité 1]
Représentée par Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 28 MARS 2011
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
LES FAITS, LA PROCÉDURE :
Madame [F] [B] a été engagée à compter du 9 septembre 1980, par l'Institution [6] IGON à [3], aux droits de laquelle vient l'OGEC [1] (Organisation de Gestion des Établissements Catholiques, raison sociale de l'Association) après absorption de cette Institution ainsi que de l'OGEC [4], par contrat de un an « renouvelable par tacite reconduction pour une durée égale », en qualité de surveillante, échelon 3, indice 231 de la convention collective du travail du personnel des surveillances des établissements primaires, secondaires et techniques privés, et, selon ses derniers bulletins de salaire, au dernier état des relations contractuelles était employée comme personnel d'éducation, emploi P.E 2.2 de la convention collective des personnels des services administratifs et économiques.
Elle a été victime d'un accident du travail survenu le 3 juillet 2008, pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels par la CPAM le 18 juin 2009.
Convoquée par lettre du 15 mai 2009 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 20 mai 2009, elle a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2009 pour motif économique, comme « conséquence de l'absorption des OGEC [4] et [6] par l'OGEC « [1] » et la réorganisation des établissements avec sur le site de [4] un collège, un lycée d'enseignement général, un internat garçons, sur le site d'IGON une école maternelle et primaire, un lycée professionnel, un internat filles et, enfin sur le site de [2] une école maternelle et primaire », ayant conduit à supprimer son poste.
Contestant son licenciement, Madame [F] [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU, par requête en date du 20 mai 2010 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : qu'il soit dit que la procédure de licenciement n'a pas été respectée, que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et discriminatoire, et que l'OGEC [1] soit condamnée à lui payer diverses indemnités.
À défaut de conciliation le 24 juin 2010, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement du 28 mars 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le Conseil de Prud'hommes de PAU (section activités diverses) :
- a dit que l'OGEC [1] vient aux droits de l'OGEC [6] qu'elle a absorbée,
- a dit que le licenciement est nul,
- en conséquence, a condamné l'OGEC [6] et conséquemment l'OGEC [1], venant aux droits de l'OGEC [6] qu'elle a absorbée, à payer à Madame [F] [B] les sommes de :
* 28.425 € à titre de dommages-intérêts,
* 1.985,89 € pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 550 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné la partie défenderesse aux entiers dépens ainsi qu'aux intérêts légaux à compter du 31 octobre 2009.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 avril 2011 l'OGEC [1], représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 1er avril 2011.
Cet appel a été enregistré sous le RG numéro 11/01366.
Par déclaration au greffe de la Cour d'appel en date du 4 décembre 2012 l'OGEC [1], représentée par son conseil, a réitéré son appel du 7 avril 2011, enregistré sous le RG numéro 12/04098.
La jonction de ces deux procédures sera donc ordonnée sous le numéro RG 11/01366.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
L'OGEC [1], par conclusions écrites, déposées le 25 janvier 2013, auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :
- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PAU,
- débouter intégralement Madame [F] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et à tout le moins ramener les dommages-intérêts à de plus justes proportions,
- condamner Madame [F] [B] au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens et frais d'exécution.
L'OGEC [1] rappelle que l'indemnité pour irrégularité de procédure n'est pas cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle soutient que la lettre de licenciement est suffisamment motivée ; que la mesure de réorganisation était parfaitement légitime compte tenu des difficultés économiques indiscutables que rencontrait, en particulier, l'OGEC [6] puisque le compte de résultats 2007-2008 laissait apparaître un déficit de 80.288 € tandis que l'exercice 2008-2009 laissait apparaître un nouveau déficit de 135.094,68 € ; que le poste de la salariée a été supprimé et qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, alors que la salariée ne démontre pas que son employeur appartenait à un groupe et qu'en toute hypothèse, il a été proposé à la salariée d'exercer son emploi sur le site de [4] consécutivement à la mesure de réorganisation ; que c'est à tort que le Conseil de Prud'hommes a considéré le licenciement nul, à défaut d'un texte prévoyant cette nullité.
Madame [F] [B], par conclusions écrites, déposées le 24 janvier 2013, auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :
- déclarer non soutenus les appels formés par l'OGEC [6] et l'OGEC [1] venant aux droits de l'OGEC [6],
- confirmer le jugement du 28 mars 2011 rendu par le Conseil de Prud'hommes de PAU en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner solidairement l'OGEC [6] et l'OGEC [1] venant aux droits de l'OGEC [6] à la somme de 5.000 € pour appel dilatoire sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
Sur le fond, et au besoin sur évocation,
- dire que le licenciement économique prononcé le 29 juin 2009 est dénué de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner solidairement l'OGEC [6] et l'OGEC [1] venant aux droits de l'OGEC [6] à lui payer la somme de 43.425 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision intervenir,
- condamner solidairement l'OGEC [6] et l'OGEC [1] venant aux droits de l'OGEC [6] au paiement d'une somme de 2.000 € en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Madame [F] [B] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse aux motifs que la lettre de licenciement ne fait pas mention de la nécessité d'une réorganisation pour préserver la compétitivité de l'entreprise, de sorte qu'elle n'est pas suffisamment motivée ; qu'en outre, son poste n'a pas été supprimé ; que l'employeur ne justifie pas avoir procédé à une recherche réelle de reclassement.
Elle fait valoir que le site sur lequel elle a exercé toute sa carrière n'a pas été fermé et continue à accueillir des enfants ; que pour pallier le sous-effectif des surveillants à la rentrée 2009, l'employeur a procédé à l'embauche de cinq contrats d'accompagnement dans l'emploi sur des postes de surveillants dont trois pour pallier son licenciement ; qu'elle cumulait une ancienneté de plus de 29 ans d'ancienneté et a été licenciée à l'âge de 61 ans, alors qu'elle était à un an de la retraite.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Concernant la demande au titre de l'appel non soutenu :
Il ressort des pièces de la procédure que Madame [F] [B] a déposé ses conclusions le 24 janvier 2013, soit avant les conclusions déposées par l'OGEC [1] venant aux droits de l'OGEC [6] le 25 janvier 2013. Dès lors, du fait des conclusions de l'appelante, bien que postérieures à celles de l'intimée mais dont elle a eu connaissance et auxquelles elle avait possibilité de répondre le cas échéant, l'appel ne peut être dit non soutenu.
Concernant la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Madame [F] [B], ne démontrant pas ni en quoi l'OGEC [1] aurait fait preuve de mauvaise foi en formant appel de la décision de première instance, alors que la bonne foi est présumée, ni en quoi l'exercice de ce droit aurait dégénéré en abus, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Concernant le licenciement :
Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail (ancien L. 321-1), que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, soit à une réorganisation lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et, dès lors que l'entreprise appartient à un groupe, à la condition qu'il s'agisse de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise et que l'existence d'une menace sur la compétitivité soit caractérisée.
Ces motifs et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié doivent être énoncés dans la lettre de licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 29 juin 2009 énonce le motif économique de la manière suivante : « cette décision est la conséquence de l'absorption des OGEC [4] et [6] par l'OGEC « [1] » et la réorganisation des établissements avec sur le site de [4] un collège, un lycée d'enseignement général, un internat garçons, sur le site d'IGON une école maternelle et primaire, un lycée professionnel, un internat filles et, enfin sur le site de [2] une école maternelle et primaire. Ce motif nous conduit à supprimer votre poste ».
Ainsi, l'employeur n'invoque ni des difficultés économiques comme motif du licenciement, ni que la réorganisation a été effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise sur laquelle aurait pesé une menace, et a fortiori ne produit aucun élément de nature à démontrer l'existence et la réalité d'une menace, alors que le seul recours à une réorganisation ne constitue pas en soi et à lui seul un motif justifiant la suppression du poste de la salariée et par voie de conséquence son licenciement, à défaut de possibilité de reclassement.
Par conséquent, il y a lieu de constater que l'insuffisance des motifs de la lettre de licenciement s'analyse en absence de motif qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et non nul ainsi que l'a jugé à tort le Conseil de Prud'hommes.
Compte tenu de l'ancienneté de la salariée au moment de son licenciement (29 ans), de son âge (61 ans), de ce que l'entreprise comptait plus de 11 salariés au moment du licenciement, soit 20 salariés selon l'attestation ASSEDIC, et des justificatifs produits quant au préjudice subi, il convient de fixer à la somme de 30.000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
L'OGEC [1] sera également condamnée à rembourser aux organismes concernés (Pôle-Emploi) les indemnités de chômage versées à Madame [F] [B] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois d'indemnité, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.
Concernant la procédure de licenciement :
Il n'est pas contesté que Madame [F] [B] a été convoquée par lettre du 15 mai 2009, présentée le 16 mai, à un entretien préalable fixé au 20 mai 2009, de sorte que l'entretien préalable a eu lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la convocation, en violation des dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail, ce qui constitue une irrégularité de la procédure dont l'indemnité susceptible d'être allouée à ce titre n'est cependant pas cumulable avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée sur le fondement de l'article L. 1235-3 du même code appliqué au cas d'espèce.
Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer une indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement.
Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile :
L'OGEC [1], partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et à payer à Madame [F] [B] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REÇOIT l'appel formé le 7 avril 2011 par l'OGEC [1] à l'encontre du jugement rendu le 28 mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes de PAU (section activités diverses), notifié le 1er avril 2011, et l'appel incident formé par Madame [F] [B],
ORDONNE la jonction des procédures RG numéros 11/01366 et 12/04098 sous le numéro 11/01366,
CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes du 28 mars 2011 en ce qu'il a condamné l'OGEC [1] à payer à Madame [F] [B] la somme de 550 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens,
INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE l'OGEC [1] à payer à Madame [F] [B] :
- 30.000 € (trente mille euros) le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision, en application des dispositions de l'article 1153-du code civil,
CONDAMNE l'OGEC [1] à rembourser aux organismes concernés (Pôle-Emploi) les indemnités de chômage versées à Madame [F] [B] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de trois mois d'indemnité, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,
DÉBOUTE Madame [F] [B] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE l'OGEC [1] aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,