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19/03/2013 | FRANCE | N°10/00614

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 19 mars 2013, 10/00614


CB/AM



Numéro 13/1160





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 19/03/2013







Dossier : 10/00614





Nature affaire :



Demande en nullité du contrat d'assurance, et/ou en remboursement des indemnités pour fausse déclaration intentionnelle ou réticence de la part de l'assuré formée par l'assureur













Affaire :



SA GENERALI IARD



C/



[R] [H] veuve [P]
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FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES











Grosse délivrée le :

à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mis...

CB/AM

Numéro 13/1160

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 19/03/2013

Dossier : 10/00614

Nature affaire :

Demande en nullité du contrat d'assurance, et/ou en remboursement des indemnités pour fausse déclaration intentionnelle ou réticence de la part de l'assuré formée par l'assureur

Affaire :

SA GENERALI IARD

C/

[R] [H] veuve [P]

SAS MONCEAU GENERALE D'ASSURANCES

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 novembre 2012, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA GENERALI IARD

[Adresse 5]

[Localité 6]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour

assistée de la SCP COMOLET-MANDIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES :

Madame [R] [H] veuve [P], prise en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs [L] et [M]

[Adresse 12]

[Localité 2]

représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour

assistée de Maître Frédéric DUTIN, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

SAS MONCEAU GENERALE D'ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par son représentant légal en exercice

représentée par Maître Alexa LAURIOL, avocat au barreau de PAU

assistée de la SCP SAUGE, avocats au barreau de PAU

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

[Adresse 4]

[Localité 7]

pris en la personne de son représentant légal domiciliés ès qualités audit siège

représenté par la SCP RODON, avocats à la Cour

assisté de Maître BERNADET, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 21 OCTOBRE 2009

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS

M. [P] a été condamné pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique par le tribunal correctionnel de Pau le 2 novembre 2004.

Le 22 décembre 2004 il a souscrit auprès de la compagnie Generali IARD une assurance automobile.

Le 26 octobre 2006, alors qu'il était en état d'ébriété, il a heurté le véhicule de Mme [Z], assurée auprès de la compagnie Monceau. Il est décédé sur le coup et les quatre occupants du véhicule adverse ont été blessés.

La SA Generali IARD a indemnisé les victimes suivant transaction du 28 janvier 2008.

PROCEDURE

Par actes des 25 et 26 août,10 septembre 2008 la SA Generali IARD a assigné devant le tribunal de grande instance de Pau, Mme veuve [P] à titre personnel, le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages et la compagnie d'assurances Monceau :

- en nullité du contrat d'assurance souscrit par M. [P] le 22 décembre 2004, pour fausses déclarations intentionnelles et subsidiairement pour dol,

- pour voir dire que la compagnie Monceau et subsidiairement le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages seront tenus de prendre en charge les conséquences de l'accident de la circulation du 20 octobre 2006,

- et seront en conséquence tenus de lui rembourser la somme de 67'318,18 € qu'elle a versée aux consorts [Z] et à la CNMSS, leur organisme social.

Par acte en date du 19 mai 2009, la SA Generali IARD a assigné aux même fins Mme veuve [P] en sa qualité de représentante de ses enfants mineures [L] et [M].

Les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction suivant décision du juge de la mise en état du 6 juillet 2009.

Par jugement du 21 octobre 2009, le tribunal :

- a déclaré recevable l'action intentée par la SA Generali IARD contre Mme veuve [P] à titre personnel et en tant que représentante des ses enfants mineures, le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, et la SAS Monceau,

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée à verser à chacun des défendeurs la somme de 2 000 € (en application de l'article 700 du code de procédure civile),

- a déclaré opposable le jugement au Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages.

La SA Generali IARD a interjeté appel suivant déclaration greffe en date du 4 février 2010, intimant seulement Mme veuve [P] tant à titre personnel qu'en sa qualité de représentante de ses enfants mineures et la SAS Monceau.

Suivant ordonnance en date du 22 juin 2011, le magistrat de la mise en état, saisi par la SAS Monceau, a déclaré non tardif et recevable l'appel formé le 4 février 2010 par la SA Generali IARD.

Par acte du 15 septembre 2011, la SAS Monceau a formé appel provoqué contre le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages.

La jonction des deux instances a été prononcée par décision du 20 septembre 2011.

Par ordonnance du 1er février 2012, le magistrat de la mise en état, saisi à la requête du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, a déclaré recevable l'appel formé le 4 février 2010 par la SA Generali IARD en ce qu'il n'est pas tardif et recevable et non tardif l'appel provoqué formé le 15 septembre 2011 par la SAS Monceau à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, considérant que le jugement ne profite pas indivisiblement à la SA Generali IARD et au Fonds de Garantie des Assurances.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SA Generali IARD dans ses dernières écritures en date du 4 juin 2012, conclut à titre principal à la recevabilité de son appel, à la confirmation du jugement qui a déclaré son action recevable mais à la réformation de ses autres dispositions et sollicite la nullité du contrat d'assurance souscrit le 22 décembre 2004 pour fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription, en application de l'article L. 113-8 du code des assurances et le cas échéant, sur le fondement de l'article 1116 du code civil.

Sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, elle conclut à la condamnation de la SAS Monceau et subsidiairement, du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, à prendre en charge l'ensemble des conséquences de l'accident de la circulation du 20 octobre 2006 et ainsi, à leur condamnation par provision à lui rembourser la somme de 504'810 € qu'elle a versée «'pour le compte de qui il appartiendra, aux consorts [Z]'», avec intérêts au taux légal à compter du règlement. Elle sollicite la condamnation de Mme veuve [P] à verser les primes échues à titre de dommages-intérêts.

Elle sollicite l'exécution provisoire de la décision à intervenir ainsi que la condamnation in solidum de Mme veuve [P] agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de ses filles mineures et de la SAS Monceau à lui verser la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que':

- la question de la recevabilité de l'appel principal et de l'appel provoqué est définitivement purgé par les ordonnances de mise en état des 22 juin 2011 et 1er février 2012,

- l'action est recevable contre les enfants mineurs en raison de leur assignation du 19 mai 2009, elle n'est ni prescrite, s'agissant d'une nullité relative (prescription de cinq ans), ni éteinte car le paiement par provision ne peut s'analyser comme une renonciation à l'action en nullité du contrat d'assurance s'agissant d'un paiement exécuté «'pour le compte de qui il appartiendra'», en application de la loi du 5 juillet 2005,

- M. [P] a manqué'à son obligation de bonne foi de l'article 1134 du code civil en ce qu'il n'a pas déclaré avoir fait l'objet d'une condamnation pénale pour CEA à 4 mois de suspension de permis de conduire le 2 novembre 2004 soit dans les 60 mois précédents la souscription du contrat,

- la fausse déclaration intentionnelle ne s'apprécie pas seulement au regard des réponses données à un questionnaire qui n'est pas une obligation légale'; il a, malgré les termes clairs des conditions particulières, signé le formulaire où il était indiqué qu'il n'avait pas fait l'objet de condamnations pour CEA et alors que la clause relative aux antécédents et à l'annulation ou suspension du contrat était écrite en caractères gras et bien visible,

- le caractère intentionnel se déduit de la fausse déclaration,

- la fausse déclaration a été de nature à modifier l'opinion que l'assureur a eu du risque à garantir puisqu'il s'apprécie en fonction des antécédents,

- subsidiairement les règles sur le dol sont applicables ; il s'agit bien d'une omission de déclaration des antécédents dans le but d'être assuré moyennant le paiement d'une prime ordinaire,

- la SAS Monceau, assureur du véhicule adverse, doit donc lui rembourser les sommes qu'elle a avancées en application du contrat nul, en réparation des préjudices subis par les consorts [Z].

La SAS Monceau Générale d'assurances dans ses dernières écritures en date du 2 avril 2012, conclut au rejet de l'ensemble des demandes et à titre subsidiaire, à l'irrecevabilité de l'action en répétition des sommes versées.

Elle demande que l'arrêt à intervenir soit rendu opposable au Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages et en tout état de cause, elle sollicite l'allocation de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que':

- l'appel de la SA Generali IARD le 4 février 2010 est irrecevable car tardif'au regard de la signification du jugement effectuée par le Fonds de Garantie à Generali IARD le 5 novembre 2009 et le certificat de non appel du 15 décembre 2009';

- donc le jugement produit effet erga omnes et profite indivisiblement à toutes les autres parties puisqu'il ne peut sans contradiction être exécuté à l'encontre d'une partie sans l'être à l'encontre d'une autre (cf 1218 code civil)';

- subsidiairement, M. [P] n'a pas fait de fausses déclarations à défaut de questionnement effectif par l'assureur': sa signature au bas des conditions particulières d'une clause type visant sa déclaration selon laquelle il n'a pas fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension de permis de conduire ne constitue pas la preuve qui incombe à l'assureur qu'il a été effectivement questionné';

- l'assureur a manqué à son obligation de conseil, visée à l'article L. 112-2 du code des assurances, à défaut de preuve de la remise préalable au contrat, d'une notice qui décrit les garanties, les exclusions et les obligations de l'assuré';

- sa mauvaise foi n'est pas établie puisqu'en application de l'article L. 133-2 du code de la consommation, le doute profite au consommateur'; la clause d'exclusion n'est pas clairement apparente et ne se détache pas clairement du corps du texte où elle se trouve noyée dedans ;

- le défaut de questionnement démontre que la réponse de l'assuré n'était pas de nature à modifier l'opinion qu'il avait du risque garanti ;

- la preuve du dol n'est pas rapportée';

- en application des articles L. 421-1, 3 et 5 du code des assurances si ni Generali ni Monceau n'étaient tenues à l'indemnisation des victimes, le Fonds de Garantie serait alors subrogé dans les droits du créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident ou son assureur, ce qui justifie que le Fonds de Garantie devait être en la cause devant la cour d'appel';

- la demande de Generali en remboursement des indemnités par Monceau est irrecevable en ce qu'elles n'ont entre elles aucun lien de droit'; en application de l'article 1236 du code civil, l'action en répétition ne peut viser le tiers lésé ou son assureur'; Generali ne peut que se retourner contre son assuré.

Mme veuve [P] en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineures [L] et [M] [P], dans ses dernières écritures en date du 2 mars 2011, conclut à l'irrecevabilité de l'appel et à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions ainsi qu'au débouté de l'ensemble des demandes formées par l'appelante. Elle sollicite l'allocation de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que':

- l'action en nullité du contrat d'assurance est prescrite, qu'elle est éteinte au regard de la confirmation par la SA Generali IARD de l'acte nul'en raison du paiement de l'indemnisation des victimes suivant procès-verbaux transactionnels du 28 janvier 2008 et que l'action n'est donc pas transmissible aux héritiers de l'assuré';

- l'assureur ne fait pas la preuve d'une fausse déclaration par la signature des conditions particulières comportant une clause type relative à la déclaration par l'assuré qu'il n'a pas fait l'objet d'une suspension ou d'une annulation de son permis de conduire.

Le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, dans ses dernières écritures en date du 22 mars 2012, conclut à l'irrecevabilité de l'appel principal de la SA Generali IARD pour tardiveté et donc de l'appel provoqué de la SAS Monceau à son encontre et sollicite l'allocation de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, il conclut à l'irrecevabilité de l'appel provoqué pour défaut d'intérêt à agir et à l'irrecevabilité des demandes nouvelles par application de l'article 564 du code de procédure civile formée par la SAS Monceau, tendant à lui voir déclarer opposable l'arrêt à venir et il sollicite de ce chef, la même indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, quant au fond, il conclut sur le fondement des articles L. 113-8 du code des assurances et 1116 du code civil, au rejet de la demande en nullité de la police d'assurance.

Et, sur le fondement des articles L. 421-1, R. 421-15 et L. 211-8 du code des assurances, il s'oppose à toute condamnation à paiement contre lui, la décision à intervenir ne pouvant que lui être déclarée opposable et considérant que son intervention a un caractère subsidiaire, il ne peut réparer que le préjudice corporel du conducteur, les autres blessés devant être pris en charge par l'assureur du véhicule en leur qualité de passagers transportés soit la SAS Monceau. Il n'admet donc devoir que l'indemnisation du seul préjudice subi par la conductrice Mme [I] [Z], soit la somme de 16'245 €.

Il conclut également à l'allocation d'une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que l'appel principal de la SA Generali IARD est irrecevable en application des articles 538, 528, 529, 546 et 549 du code de procédure civile'en ce que, dès lors que Mme [P], la SAS Monceau et le Fonds de Garantie ont un intérêt commun à voir rejeter la demande en nullité'du contrat d'assurance Generali, le jugement présente un caractère d'indivisibilité les autorisant à se prévaloir de la signification du 5 novembre 2009, de sorte que l'appel de la SA Generali IARD du 4 février 2010 est tardif. Et l'appel principal étant irrecevable, l'appel provoqué l'est également.

Au demeurant, l'appel provoqué par la SAS Monceau est irrecevable faute pour elle l'intérêt à agir contre le Fonds de Garantie contre lequel elle n'a aucune somme à répéter et faute d'avoir conclu en première instance contre lui, de sorte que toute demande devant la Cour est nouvelle et sanctionnée par l'article 564 du code de procédure civile.

Quant au fond, il soutient que':

- la preuve n'est pas rapportée de la fausse déclaration, de son caractère intentionnel et du changement d'opinion pour l'assureur ;

- Generali n'a pas remis de questionnaire et a manqué à son obligation d'information préalable (L. 112-2) en l'absence de preuve de la remise d'une notice (R. 112-3) mentionnant clairement les garanties et clauses d'exclusions';

- la signature d'une clause type sans mention 'Lu et Approuvé', ne constitue pas la preuve de l'information personnelle sur l'obligation de déclarer ni sur la conscience des risques encourus ;

- la preuve de manoeuvres dolosives n'est pas rapportée en l'absence de preuve d'actes positifs.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2012.

MOTIVATION

I - Sur la recevabilité de l'appel principal et de l'appel provoqué

Le jugement querellé a été signifié à la SA Generali IARD, à la SAS Monceau et à Mme veuve [P], à la seule initiative du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, le 5 novembre 2009.

La SA Generali IARD a interjeté appel le 4 février 2010, limité à Mme veuve [P] et la SAS Monceau.

Le 15 septembre 2011, la SAS Monceau a formé appel provoqué à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages.

La SA Generali IARD soutient que la question de la recevabilité de l'appel principal et de l'appel provoqué est définitivement purgée par les ordonnances de mise en état des 22 juin 2011 et 1er février 2012.

Or en vertu de l'article 775 du code de procédure civile, les ordonnances du magistrat de la mise en état n'ont pas autorité de chose jugée au principal à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance.

En l'espèce, dès lors que le magistrat de la mise en état a rejeté l'exception d'irrecevabilité de l'appel principal formé par la SA Generali IARD et de l'appel provoqué de la SAS Monceau, il n'a pas été mis fin à l'instance et la Cour saisie au fond est habilitée à statuer sur ces fins de non-recevoir.

La SAS Monceau soutient alors, que l'appel de la SA Generali IARD est irrecevable car tardif'puisqu'interjeté le 4 février 2010 alors que le jugement lui avait été notifié le 5 novembre 2009 par le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages et que le certificat de non appel avait déjà été délivré le 15 décembre 2009. En effet, selon elle, le litige portant sur la validité du contrat d'assurance, la décision qui le validera ou l'annulera aura des conséquences pour toutes les autres parties (s'il est validé l'indemnisation reste à la charge de Generali et s'il est annulé l'indemnisation se reporte soit sur la SAS Monceau soit sur le Fonds de Garantie), de sorte que le jugement produit effet erga omnes et profite indivisiblement à toutes les autres parties puisqu'il ne peut sans contradiction, être exécuté à l'encontre d'une partie sans l'être à l'encontre d'une autre (cf 1218 du code civil). En conséquence, elle soutient que toutes les parties avaient la possibilité de se prévaloir de la signification faite par l'une d'elle, en l'occurrence celle du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages du 5 novembre 2009.

Le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, retient la même solution considérant que le sort du contrat d'assurance intéresse toutes les parties et que dès lors, le jugement a un caractère d'indivisibilité de sorte que la notification de l'une des parties profite à toutes. Ainsi, la signification du jugement qu'il a délivrée le 5 novembre 2009, a fait courir le délai d'appel, de sorte que l'appel principal de Generali contre Mme [P] et la SAS Monceau du 4 février 2010 est tardif. Et si l'appel principal est irrecevable, l'appel provoqué par la SAS Monceau en date du 15 septembre 2011 par lequel il a été intimé, l'est également.

Toutefois, d'une part, la délivrance d'un certificat de non appel est insuffisant en vertu des articles 504 et 505 du code de procédure civile, à défaut de notification d'une décision pour en établir le caractère exécutoire.

D'autre part, la signification ne fait courir le délai qu'à l'encontre du destinataire qui l'a reçue, et uniquement au bénéfice de celui qui a pris l'initiative de la signification, hors le cas de la solidarité ou d'indivisibilité visé à l'article 529 du code de procédure civile. En effet, ce n'est que dans le cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, que chacune peut se prévaloir de la notification faite par l'une d'elles.

Or, en l'espèce, ni la SAS Monceau ni Mme veuve [P] ni la SA Generali IARD ne justifient d'une signification entre elles du jugement, susceptible de faire courir les délais de recours.

Et, considérant que l'objet du litige réside dans la validité du contrat d'assurance et que le jugement a tranché en faveur de sa validité, s'il est infirmé par la Cour c'est-à-dire, si le contrat est annulé, la demande en répétition de l'indu se reportera sur la SAS Monceau et subsidiairement, sur le Fonds de Garantie. Il n'existe pas de solidarité entre les intimées défenderesses à l'action engagée par la SA Generali'IARD ; il n'existe donc pas d'indivisibilité entre des parties seulement unies par un intérêt commun. De sorte que, le jugement ne profite pas indivisiblement à toutes les parties au sens de l'article 529 du code de procédure civile, en ce que, pour le cas où la Cour infirmerait le jugement, il ne serait pas impossible d'exécuter à la fois le jugement rendu au profit du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages et l'arrêt de la Cour. Il n'existe donc aucun risque d'aboutir à des solutions incompatibles.

Dès lors, la signification du 5 novembre 2009 à la requête du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, n'a pas profité à la SA Generali IARD dont l'appel du 4 février 2010 dirigé contre Mme veuve [P] et la SAS Monceau, est en conséquence recevable et valide donc, l'appel provoqué par cette dernière le 15 septembre 2011, à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages en application de l'article 550 du code de procédure civile.

La Cour demeure donc valablement saisie de l'action en nullité du contrat d'assurance et en répétition de l'indu d'indemnisation, formée par la SA Generali IARD à l'encontre de Mme veuve [P] et la SAS Monceau et subsidiairement à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages.

II - Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de Mme veuve [P]

Mme veuve [P], soutient que l'action en nullité du contrat d'assurance est prescrite et qu'en tout cas, elle est éteinte au regard de la confirmation par la SA Generali IARD de l'acte nul'en raison du paiement de l'indemnisation des victimes suivant procès-verbaux transactionnels du 28 janvier 2008, de sorte que l'action n'est pas transmissible aux héritiers de l'assuré.

Or, d'une part, l'action en nullité du contrat d'assurance a été engagée les 10 septembre 2008 contre Mme veuve [P] à titre personnel et 19 mai 2009 contre elle, ès qualités de représentante de ses enfants mineures, soit dans les deux ans de la connaissance par l'assureur du vice affectant le contrat, connaissance attestée et révélée par son courrier du 29 août 2007 informant toutes les parties, de son intention de soutenir la nullité du contrat pour fausses déclarations intentionnelles. L'action en répétition de l'indu découlant de la nullité éventuelle du contrat a quant à elle été engagée par assignations des 25 et 26 août 2008 contre la SAS Monceau et le Fonds de Garantie soit dans les cinq ans de la connaissance par l'assureur du vice du contrat.

D'autre part, le paiement par provision des indemnités dues aux victimes d'un accident de la circulation régi par la loi du 5 juillet 1985, impliquant le véhicule de son assuré, ne constitue pas renonciation expresse et non équivoque de l'assureur à se prévaloir de la nullité du contrat d'assurance dès la révélation du vice entachant le contrat.

Enfin, l'action de l'assureur en nullité du contrat d'assurance contre l'assuré, auteur de l'accident, dont il a indemnisé les victimes, est parfaitement transmissible à ses héritiers en ce qu'elle est entrée dans son patrimoine successoral.

L'action de la SA Generali IARD est donc recevable.

III - Sur le bien-fondé de l'action de la SA Generali IARD

1 - Sur l'action en nullité du contrat d'assurance par application de l'article L. 113-8 du code des assurances

Au terme de l'article L. 113-2 2° du code des assurances, 'l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ».

L'exactitude des déclarations faites par le souscripteur doit s'apprécier en fonction des questions posées par l'assureur.

Le système de la déclaration provoquée adopté depuis la loi du 31 décembre 1989, n'a de sens que si le questionnaire est limitatif. De sorte que, lorsque l'assureur n'interroge pas l'assuré sur une circonstance précise, il ne peut lui reprocher son silence, peu important que l'assuré soit de bonne ou de mauvaise foi.

En outre, l'article L. 112-3 alinéa 4, exige le caractère précis du questionnaire en énonçant que l'assureur « ne peut se prévaloir du fait qu'une question exprimée en termes généraux n'a reçu qu'une réponse imprécise ». L'assuré n'encourt donc aucune sanction pour une déclaration inexacte lorsque les termes du questionnaire prêtent à confusion ou lorsqu'ils sont formulés en termes généraux ou lorsque la question est formulée de manière implicite. En revanche, l'assuré sera sanctionné s'il ne répond pas à une question posée en termes clairs et suffisamment larges pour ne laisser aucun doute sur la réponse à donner.

En l'espèce, la SA Generali IARD n'a remis à son assuré aucun questionnaire préalable à la conclusion du contrat d'assurance. Elle oppose seulement la clause suivante, inscrite aux conditions particulières du contrat d'assurance, signées de M. [P] et ainsi libellée':

' Annulation ou suspension de permis sur les 60 derniers mois':

le preneur d'assurance déclare que le conducteur désigné':

- n'a pas fait l'objet d'une annulation ou suspension de permis pour alcoolémie, usage de stupéfiants, délit de fuite,

- n'a pas fait l'objet d'une annulation ou suspension de permis de plus de 30 jours pour tout autre motif'.

Or, cette seule clause des conditions particulières, s'oppose au principe de la déclaration provoquée exigé aux articles L. 113-2 et L. 112-3'; elle ne constitue pas une question posée à l'assuré, auquel il ne peut dès lors être reproché le manque de loyauté. En effet, ne lui ayant posé aucune question, la SA Generali IARD ne peut donc lui reprocher aucune réponse imprécise ou inexacte.

L'action en nullité du contrat fondée sur le code des assurances doit donc être rejetée.

2 - Sur l'action en nullité du contrat d'assurance par application de l'article 1116 du code civil

Ce texte exige la démonstration de man'uvres dolosives de nature à contraindre l'assureur à consentir le contrat d'assurance.

Si une omission ou le silence gardé peut constituer une telle man'uvre, elle n'emporte la nullité du contrat que si la preuve est rapportée de son caractère déterminant du consentement.

Or, en l'espèce, dès lors que l'assureur n'a pas précisément questionné le preneur d'assurance sur ses antécédents relatifs à la conduite sous l'empire d'un état alcoolique, il ne peut valablement soutenir que cette question était déterminante de son consentement.

D'autant que, s'il est prévu aux mêmes conditions particulières que 'vous êtes avisé des conséquences qui pourraient résulter d'une omission ou d'une fausse déclaration prévue aux articles L. 113-8 (nullité de contrats) et L. 113-9 (réduction des indemnités) du code des assurances', la généralité des termes de cette clause, ne permet pas d'en déduire le caractère intentionnel de l'omission de l'assuré, de déclarer spontanément sa condamnation récente pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

L'action en nullité du contrat fondée sur l'article 1116 du code civil sera donc rejetée.

En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Dès lors, l'exception d'irrecevabilité de l'action de la SAS Monceau à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages, devient sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- Déclare recevable l'appel principal interjeté le 4 février 2010 par la SA Generali IARD et l'appel provoqué le 15 septembre 2011 par la SAS Monceau Générale d'assurances notifié à l'encontre du Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages ;

- Déclare recevable l'action de la SA Generali IARD dirigée contre Mme veuve [P] en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures [L] et [M] [P]';

- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 21 octobre 2009 en toutes ses dispositions';

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SA Generali IARD à verser à Mme [P] en son nom et ès qualités d'une part, à la SAS Monceau Générale d'assurances d'autre part, et au Fonds de Garantie des Assurances obligatoires de dommages de troisième part, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) chacun ;

- Condamne la SA Generali IARD aux dépens d'appel';

- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONPatrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/00614
Date de la décision : 19/03/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/00614 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-19;10.00614 ?
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