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14/03/2013 | FRANCE | N°12/00284

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 14 mars 2013, 12/00284


FA/AM



Numéro 13/1095





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 14/03/2013







Dossier : 12/00284





Nature affaire :



Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente















Affaire :



[S] [O] épouse [M]



C/



SARL PIERRE IMMOBILIER ET LOCATION







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Grosse délivrée le :

à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées da...

FA/AM

Numéro 13/1095

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 14/03/2013

Dossier : 12/00284

Nature affaire :

Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente

Affaire :

[S] [O] épouse [M]

C/

SARL PIERRE IMMOBILIER ET LOCATION

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 mars 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 novembre 2012, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [S] [O] épouse [M]

née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 6] (64)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée de la SCP MORICEAU & ASSOCIES, avocats au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

SARL PIERRE IMMOBILIER ET LOCATION

[Adresse 2]

[Localité 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour

assistée de Maître Serge LINVAL, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 19 DECEMBRE 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE

Une première procédure a opposé Mme [O] à la SARL Pierre Immobilier et Location relative à l'exécution d'un mandat simple de vente sans exclusivité qu'elle avait confié à cette agence immobilière le 8 août 2006 en vue de la vente d'un terrain situé à [Adresse 4].

Mme [O] avait conclu une promesse de vente le 21 août 2006, ce terrain étant divisé en deux parcelles, dont l'une devait être acquise par la société Pierre Immobilier et Location.

Par jugement du 8 septembre 2008 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 26 octobre 2009, le tribunal a prononcé la caducité de cette promesse de vente et la société Pierre Immobilier et Location a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Nonobstant cette procédure, Mme [O] a souscrit le 12 mars 2010 une nouvelle promesse de vente de ces terrains au profit de la société Pierre Immobilier et Location pour un prix de 368 000 €.

Elle a soutenu que cette promesse a été consentie moyennant la renonciation par l'agence immobilière à son pourvoi en cassation.

Mme [O] n'a pas donné suite à cette promesse de vente et ne s'est pas présentée à la signature de l'acte authentique, ce qui a donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal de carence par le notaire instrumentaire.

La SARL Pierre Immobilier et Location, soutenant que l'acte du 12 mars 2010 est conforme aux dispositions de l'article 1583 du code civil et que la vente est donc parfaite, a fait assigner Mme [O] par acte d'huissier du 30 octobre 2010 devant le tribunal de grande instance de Bayonne afin de la voir condamnée à passer l'acte authentique de vente sur ces parcelles.

Par jugement du 19 décembre 2011, cette juridiction a déclaré cette vente parfaite et condamné Mme [O] à passer l'acte authentique dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé ce délai, et l'a condamnée d'autre part à payer à la SARL Pierre Immobilier et Location une somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe du 23 janvier 2012, Mme [O] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures du 24 septembre 2012, elle a conclu à la réformation de cette décision, au débouté de l'agence immobilière de l'ensemble de ses demandes, à la nullité de l'accord du 12 mars 2010, ainsi qu'à la condamnation de l'intimée au paiement d'une somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles.

Elle a conclu en premier lieu à la nullité de cet acte, en invoquant les dispositions de l'article 1108 du code civil et en s'appuyant sur des attestations, au motif que son consentement lui a été extorqué par des pressions et des menaces pratiquées à son encontre par le gérant de la société Pierre Immobilier et Location, à savoir qu'il accepterait de se désister du pourvoi en cassation si un accord sur cette vente était conclu entre les parties.

Elle soutient en second lieu que la vente n'est pas parfaite au regard des dispositions de l'article 1583 du code civil, en faisant valoir :

- que le prétendu accord du 12 mars 2010 ne comporte pas l'identité des parties, la société Pierre Immobilier et Location n'apparaissant pas en tant qu'acquéreur dans cet acte ;

- que la contenance du terrain objet de la vente n'a pas été précisée, pas plus que les références cadastrales permettant d'identifier clairement les parcelles objet de cette convention.

Dans ses dernières écritures du 13 septembre 2012, la SARL Pierre Immobilier et Location a conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, 1 350 € mensuels au titre du préjudice supplémentaire résultant de la durée de l'instance d'appel, outre 40 000 € résultant du manque à gagner et de la diminution des lots imputables à la procédure dilatoire, ainsi qu'une indemnité de 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'acte du 12 mars 2010 est parfaitement valable et qu'il engage Mme [O], puisque les parties sont tombées d'accord sur la chose et sur le prix, et qu'elle ne rapporte pas la moindre preuve d'un vice affectant son consentement.

Elle ajoute que l'acte comporte la seule mention « il n'y aura pas de suite en Cour de cassation » et qu'il n'est donc pas question d'un désistement express du pourvoi devant cette juridiction, et que cela signifie que la souscription de la promesse de vente n'était pas soumise à l'abandon du pourvoi en cassation.

La SARL Pierre Immobilier et Location ajoute que l'appelante a manifesté son consentement à cette vente de manière explicite lors de la signature de la convention et à plusieurs reprises par la suite, et qu'elle n'a donc exprimé à aucun moment son intention de se rétracter.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2012.

Motifs de l'arrêt

Le litige porte sur un document manuscrit du 12 mars 2010 dont il n'est pas contesté qu'il a été rédigé par Mme [O].

Ce document est ainsi libellé : « Je soussignée Mme [O] [M] accepte en accord avec M. [Y] (SARL - PIL) la vente de mon terrain situé au [Adresse 4] au prix de 368 000 € (trois cent soixante huit mille euros) - (notaires : Me [B] et Me [H]).

Il n'y aura pas de suite en cours de cassation.

La SARL PIL n'aura plus rien à me devoir en frais de justice - (frais d'avocat, d'avoués).

Fait à [Localité 5] ce 12 mars 2010 ».

Cette mention est suivie des signatures de Mme [M] et de M. [Y].

Mme [O] soutient que ce document est entaché de nullité en se fondant sur les dispositions des articles 1108 et suivants du code civil relatifs aux vices affectant le consentement, et elle prétend que la signature de ce document lui a été extorquée par M. [Y] en usant de violences morales ainsi que de menaces.

Elle soutient que M. [Y] l'a menacée, à défaut d'accord sur la vente, de la poursuite de la procédure engagée devant la Cour de cassation sur la base du pourvoi que la société Pierre Immobilier et Location dont il est le gérant a formé à l'encontre d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 26 octobre 2009 confirmant le jugement du 8 septembre 2008 du tribunal de grande instance de Bayonne, prononçant la caducité de la promesse de vente du 21 août 2006 qui avait été conclue entre Mme [M] et la SARL Pierre Immobilier et Location.

Il convient de préciser que cette promesse de vente du 21 août 2006 portait sur les mêmes parcelles que celles faisant l'objet de la convention litigieuse du 12 mars 2010.

Il résulte de la lecture même de cette convention que le nouvel accord portant sur la vente de ces parcelles était conditionné par l'abandon ou la renonciation de la SARL PIL à poursuivre la procédure pendante devant la Cour de cassation, puisque c'est le sens même de l'expression « il n'y aura pas de suite en Cour de cassation » qui ne peut émaner que de la partie qui a formé ce pourvoi, c'est-à-dire la SARL Pierre Immobilier et Location (SARL PIL).

Il appartient à Mme [O] de rapporter la preuve de violences morales antérieures à l'acte litigieux du 12 mars 2010 et qui auraient été de nature à vicier son consentement.

Elle s'appuie sur deux attestations émanant de M. [F] [O] d'une part et de Mme [J] [V] d'autre part.

M. [F] [O] déclare « qu'au début du mois de mars 2010 accompagné de mon frère [U] [O], j'ai constaté la présence d'un groupe de personnes menées par M. [Y] sur la propriété de ma soeur que j'ai aussitôt informée par téléphone. Cette

dernière ignorait la raison de l'intrusion de ces personnes sur sa propriété. Je me suis alors présenté à M. [Y] toujours accompagné de mon frère, et lui ai demandé la raison de sa présence chez ma soeur ' C'est là qu'il s'est présenté et m'a montré un document où le terrain de ma soeur était partagé en trois lots. Rapportant l'étonnement et la colère de ma soeur à M. [Y], ce dernier a demandé à lui parler au téléphone. En raison de tous les événements liés à cette affaire, ma soeur a dû suivre un traitement antidépresseur ».

De son côté, Mme [V] a effectué la déclaration suivante : « Je certifie avoir vu à maintes reprises, alors que j'effectuai des travaux dans la maison de mon beau frère [U] [O] (frère de Mme [M]) un individu accompagné d'une, deux ou trois personnes, pénétrer dans la propriété de Mme [M] entre les mois de janvier et avril 2010.

Fin avril 2010, l'individu qui s'est présenté comme étant M. [Y] est venu me trouver pour me demander des renseignements sur Mme [M] (son numéro de portable, où elle se trouvait à ce moment-là etc... à cet homme qui ne m'inspirait aucune confiance ».

Ces attestations sont précises et circonstanciées et leur contenu n'a pas été sérieusement discuté par la SARL PIL.

Elles témoignent de ce que, avant la signature de la convention de vente du 12 mars 2010, la SARL PIL se comportait déjà comme un acquéreur du terrain, puisque M. [Y] avait en main un plan des parcelles sur lesquelles avait été mentionnée la présence de plusieurs lots, et que ce comportement réitéré était manifestement de nature à exercer une pression sur Mme [O] afin de l'inciter à lui vendre lesdites parcelles.

En outre, il n'est pas contesté que Mme [O] est une personne âgée, fragile et elle justifie par des documents médicaux suivre un traitement antidépresseur.

Il convient de rappeler que l'article 1112 du code civil dispose qu'il y a violence lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent, et que l'on a égard en cette matière à l'age, au sexe et à la condition des personnes.

Les éléments rapportés précédemment permettent de caractériser suffisamment la violence morale dont la SARL PIL a fait preuve à l'égard de Mme [O] pour la contraindre à signer cet acte de vente.

Ce comportement de la SARL PIL est corroboré par son attitude ultérieure, puisqu'il ressort du contenu de messages téléphoniques analysés par un huissier de justice et dont le contenu n'a pas plus été contesté par la SARL PIL, qu'elle lui a adressé des menaces explicites de poursuivre la procédure engagée devant la Cour de cassation alors qu'elle avait déclaré expressément dans la convention du 12 mars 2010 vouloir y renoncer.

D'ailleurs, elle ne s'est pas désistée de son pourvoi comme elle s'y était engagée, puisque ce n'est que par ordonnance du 17 juin 2010 que la Cour de cassation a constaté la déchéance du pourvoi au motif que la SARL Pierre Immobilier et Location n'avait présenté aucun mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau.

Il en résulte que Mme [O] rapporte suffisamment la preuve des violences morales exercées par la SARL PIL pour la contraindre à signer cette promesse de vente, et qu'elles ont été de nature à vicier son consentement.

En conséquence, il y a lieu de réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 19 décembre 2011, de déclarer nulle et de nul effet la convention du 12 mars 2010 et de débouter la SARL Pierre Immobilier et Location de l'ensemble de ses demandes.

Le contenu des messages téléphoniques dont il a fait état précédemment, ainsi que la plainte pour escroquerie présentée par M. [Y] à l'encontre de Mme [O] sans aucun motif légitime constituent des fautes qui ont causé un préjudice manifeste à celle-ci, et la SARL PIL sera donc condamnée à lui payer une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [O] les frais irrépétibles qu'elle a dû engager à l'occasion de cette procédure ; la SARL Pierre Immobilier et Location sera donc condamnée à lui payer une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Réforme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 19 décembre 2011 et statuant à nouveau,

Déclare nulle et de nul effet la convention du 12 mars 2010 conclue entre Mme [S] [O] - [M] et la SARL Pierre Immobilier et Location.

Déboute la SARL Pierre Immobilier et Location de l'ensemble de ses demandes.

Condamne la SARL Pierre Immobilier et Location à payer à Mme [S] [O] :

- une somme de 5 000 € (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts ;

- une indemnité de 3 000 € (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SARL Pierre Immobilier et Location aux dépens.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/00284
Date de la décision : 14/03/2013

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°12/00284 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-14;12.00284 ?
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