FA/AM
Numéro 13/91
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 15/01/2013
Dossier : 11/02753
Nature affaire :
Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente
Affaire :
[R] [F] [C]
[G] [C]
C/
[W] [M]
SARL IMMOPLUS
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 janvier 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 septembre 2012, devant :
Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,
en présence de Madame PARIES, élève avocate,
assisté de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Madame [R] [F] [C]
née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 10]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Monsieur [G] [C]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 14]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentés par la SCP RODON, avocats à la Cour
assistés de Maître Yves DARMENDRAIL, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [W] [M]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 13]
de nationalité française
[Localité 4]
représenté par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assisté de Maître GARCIA du Cabinet AJC, avocat au barreau de PAU
SARL IMMOPLUS
[Adresse 6]
[Localité 7]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assistée de Maître Stanislas LAUDET, avocat au barreau de BORDEAUX, loco Maître EGLOFF, avocat au barreau de PARIS
sur appel des décisions
en date du 10 MARS 2011 et du 26 MAI 2011
rendues par le TRIBUNAL D'INSTANCE D'OLORON SAINTE MARIE
Par acte sous seing privé du 2 janvier 2009, M. et Mme [C] ont acquis de M. et de Mme [M] par l'intermédiaire de l'agence Immoplus une maison à usage d'habitation située à [Localité 13] pour un prix de 188 000 € comprenant les honoraires du mandataire d'un montant de 18 000 €.
Ils ont versé un dépôt de garantie de 5 000 € et indiqué que cette acquisition serait financée à hauteur de 17 500 € sur leurs deniers personnels, les 184 600 € restants devant être obtenus par le biais d'un ou plusieurs prêts dont le taux d'intérêt annuel ne devait pas être supérieur à 5,70 %.
La vente était soumise à la condition suspensive de l'obtention d'un ou plusieurs prêts devant se réaliser au plus tard le 23 février 2009.
Par acte d'huissier du 15 juillet 2010, les époux [C] ont fait assigner M. et Mme [M] et l'agence Immoplus devant le tribunal d'instance d'Oloron Sainte Marie afin de voir dire et juger que la condition suspensive stipulée au contrat n'a pas été réalisée, à savoir que les prêts n'ont pu être obtenus, que la non réalisation de cette clause n'est pas imputable aux acquéreurs, que le contrat sous seing privé est donc devenu caduc, et qu'ils sont en droit d'obtenir la somme de 5 000 € représentant le montant du dépôt de garantie.
Par jugement du 10 mars 2011, cette juridiction a jugé que la condition suspensive a été réalisée par la faute des acquéreurs, a débouté les époux [C] de leur demande en restitution du dépôt de garantie, les a condamnés solidairement à payer à M. [W] [M] venant aux droits de Mme [M] une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'une indemnité de 600 € pour frais irrépétibles, et les a condamnés d'autre part à payer à la société Immoplus une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts, et une indemnité de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 21 juillet 2011, les époux [C] ont relevé appel de ce jugement.
Dans leurs dernières écritures déposées le 21 octobre 2011, ils ont conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation solidaire de la société Immoplus et de M. [M] à leur restituer le dépôt de garantie de 5 000 €, avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 juin 2009, ainsi qu'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles.
Ils font valoir d'une part que le Crédit Lyonnais a refusé de financer cette acquisition selon les conditions et modalités prévues à l'acte sous seing privé.
Ils soutiennent d'autre part que les propositions émanant de l'organisme GE Money Bank et de la BNP ne constituent pas des offres de prêt, et qu'ils ne s'étaient en aucun cas engagés à accepter une offre de prêt d'un montant de plus de 300 000 €.
Dans ses dernières écritures du 7 septembre 2012, M. [M] a conclu à la confirmation du jugement et sollicité d'autre part le paiement d'une somme de 4 190,78 € et d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.
Il soutient que les époux [C] ont adressé des demandes de financement à la BNP Paribas, à l'UCB, et au groupe financier Cardiff d'un montant de plus de 310 000 €, et qu'ainsi les caractéristiques de ces offres ne sont pas conformes aux engagements souscrits dans l'acte sous seing privé, en faisant observer que ces propositions de prêt n'étaient pas soumises à la condition suspensive de la vente de leur l'immeuble.
Il ajoute que les courtiers mandatés par les époux [C] n'ont pas été saisis d'une demande de prêt conforme aux stipulations du compromis.
Dans ses dernières écritures du 7 septembre 2012, la SARL Immoplus a également conclu à la confirmation du jugement, et sollicité d'autre part la condamnation des époux [C] au paiement de la somme de 18 000 € correspondant à la clause pénale stipulée au compromis du 2 janvier 2009, outre une indemnité de 2 500 € pour frais irrépétibles.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2012.
Motifs de l'arrêt
1) sur la réalisation de la condition suspensive relative au financement de l'acquisition
Il résulte de l'article 1178 du code civil que la condition suspensive est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.
Les caractéristiques du prêt sur lequel les époux [C] s'étaient engagés étaient les suivantes :
- montant global du prêt : 184 600 € ;
- taux d'intérêt maximum : 5,70 € ;
- durée d'emprunt : 20 - 30 ou 40 ans ;
- prêt relais de 65 400 €.
Il appartient donc aux appelants de rapporter la preuve qu'ils ont sollicité au moins un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente.
Il résulte des pièces versées aux débats que par courrier du 14 janvier 2009, la SA Cetelem a proposé aux acquéreurs un prêt d'un montant de 365 313 € au taux de 5,5 %.
Le 14 mai 2009, la BNP leur a proposé la souscription d'un emprunt de 322 051,17 €.
Enfin, ils ont produit le 29 mai et le 2 juin 2009 deux attestations émanant de la société GE Money Bank et du Crédit Lyonnais mentionnant que ces deux organismes ne pouvaient donner une suite favorable à leur demande d'un crédit d'un montant de 188 000 € remboursable en 300 mois.
Les époux [C] soutiennent qu'ils n'ont pas sollicité d'emprunt d'un montant de 365 313 € auprès de la SA Cetelem et de 322 051 € auprès de la BNP.
Or ils n'ont pas versé aux débats leurs demandes de prêts et les attestations établies par ces organismes indiquent bien que la demande a été formulée par M. et Mme [C].
Il résulte de ce qui précède qu'aucune des demandes de prêt sollicitées par les appelants n'est conforme aux caractéristiques figurant sur la promesse de vente.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que la condition suspensive a été réalisée par la faute des époux [C] qui seront donc déboutés de leur demande en restitution du montant du dépôt de garantie.
2) sur les conséquences de la réalisation de la condition suspensive
Le compromis de vente du 2 janvier 2009 stipule que dans l'hypothèse où les prêts n'ont pu être obtenus notamment par la faute de l'acquéreur, le vendeur pourra solliciter des dommages-intérêts pour préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive des biens à vendre.
L'article 9 de la convention stipule qu'à titre de clause pénale, la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie à titre d'indemnisation forfaitaire un pourcentage égal à 10 % du prix de vente, soit 18 800 €.
La rédaction même de ces stipulations implique qu'il y a lieu de prendre en compte la durée de l'immobilisation abusive du bien à vendre pour dire s'il est justifié ou non de modérer la clause pénale.
La vente aurait dû intervenir au plus tard le 6 avril 2009 et M. [M] a indiqué dans ses conclusions qui n'a pu vendre ce bien « qu'au début de l'année 2010 ».
La durée de l'immobilisation du bien n'a donc été que de six à huit mois, et d'autre part M. [M] ne justifie pas expressément de ce que cet immeuble aurait été vendu à un prix inférieur à celui qui avait été proposé aux appelants.
Il convient donc de faire application des dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil, de déclarer que le montant de la clause pénale est manifestement excessif, et de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 10 000 € le montant de l'indemnité qui sera allouée à ce titre à M. [M].
M. [M] a sollicité d'autre part le paiement d'une somme de 4 190,70 €, en faisant valoir qu'à la suite du décès de Mme [M], il a fait assurer le déménagement de ses biens mobiliers se trouvant dans cet immeuble, soit une somme de 2 631,20 €, et que ce mobilier a été entreposé dans un garde-meuble pour la période allant du mois de mai à décembre 2009, générant des frais d'un montant de 1 559,58 €.
Ces frais ne sont pas en relation causale directe avec la faute commise par les acquéreurs, puisque, en tout état de cause, Mme [M] aurait dû faire procéder au déménagement de son mobilier, si la vente s'était concrétisée.
M. [M] sera donc débouté de cette demande.
3) sur la demande présentée par la SARL Immoplus
Elle a sollicité des époux [C] le paiement d'une somme de 18 000 € correspondant au montant de la clause pénale prévue à l'article 9 du compromis de vente, sur le fondement de l'article 1134 du code civil.
L'article 9 du compromis de vente prévoit bien le paiement d'une clause pénale, égale à 10 % du prix de vente, mais elle ne s'applique qu'aux parties à la convention, c'est-à-dire le vendeur et l'acquéreur, l'agent immobilier étant un tiers par rapport à cette convention, ne peut donc solliciter le paiement de sa commission qui n'est due que lorsque l'opération a été définitivement conclue, en application des dispositions de l'article 74 du décret numéro 72-678 du 20 juillet 1972 relatif aux conditions d'application de la loi du 2 janvier 1970 réglementant l'exercice de la profession d'agent immobilier.
L'article 9 dernier alinéa de cette convention stipule cependant que dans le cas où la régularisation par acte authentique ne pourra intervenir par suite de la faute de l'une ou l'autre des parties, « une indemnité compensatrice de sa perte de rémunération restera due au mandataire dans les conditions de forme prévues ci-après à la rubrique négociation, l'opération étant définitivement conclue ».
L'article 10 relatif à la négociation prévoit le paiement d'une commission au mandataire à la charge du vendeur d'un montant de 18 000 € « qu'il s'engage à lui régler dès que l'opération aura été conclue par son intermédiaire ».
Or, la SARL Immoplus ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi des époux [C], laquelle est présumée.
Il convient dès lors de réformer le jugement de ce chef, et de débouter la SARL Immoplus de cette demande, ainsi que de celle en indemnité fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les époux [C] à payer à M. [M] une indemnité de 600 € pour frais irrépétibles.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de celui-ci les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel ; les époux [C] seront donc condamnés sous la même solidarité à lui payer à ce titre une indemnité de 2 000 €.
Les époux [C] qui succombent dans cette procédure seront déboutés de leur demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.
Par ces motifs
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirmant le jugement du tribunal d'instance d'Oloron Sainte Marie du 10 mars 2011 en ce qu'il a :
- débouté les époux [C] de leur demande en restitution du dépôt de garantie ;
- condamné solidairement les époux [C] à payer à M. [M] la somme de 10 000 € (dix mille euros) avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi qu'une indemnité de 600 € (six cents euros) pour frais irrépétibles ;
Le réforme pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Déboute la SARL Immoplus de ses demandes ;
Condamne solidairement les époux [C] à payer à M. [M] une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne solidairement les époux [C] aux dépens, et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS