RC/SB
Numéro 5128/12
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/12/2012
Dossier : 11/00672
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
Affaire :
[H] [J]
C/
SCOP COPELECTRONIC venant aux droits de la SAS ACKOP
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Décembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 25 Octobre 2012, devant :
Monsieur CHELLE, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame HAUGUEL, Greffière.
Monsieur CHELLE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame ROBERT et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur CHELLE, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame PAGE, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [H] [J]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par la SCP ETCHEVERRY, avocats au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
SCOP COPELECTRONIC venant aux droits de la SAS ACKOP
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par Maître DE VERNONde la SELAFA FIDAL, avocats au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 10 FÉVRIER 2011
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE BAYONNE
FAITS ET PROCÉDURE
Par requête en date du 15 octobre 2009, Madame [H] [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE, en même temps que quatre autres salariées de la même entreprise, aux fins de contester son licenciement pour motif économique par la SAS ACKOP, et obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts et diverses indemnités.
Par jugement en date du 10 février 2011, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE, sous la présidence du juge départiteur, a ainsi alloué des sommes aux quatre autres requérantes, et les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes, ce qui concerne et inclut donc Madame [H] [J], a débouté la SAS ACKOP de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et l'a condamnée aux dépens.
Par lettre recommandée avec avis de réception de son Conseil mentionnant la date d'expédition du 23 février et reçue au greffe de la Cour le 25 février 2011, Madame [H] [J] a interjeté appel de la décision, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
L'affaire a été fixée à l'audience du 25 octobre 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, déposées le 13 août 2012 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Madame [H] [J] demande à la Cour de :
Réformer les dispositions du jugement du 10 février 2011 concernant Madame [H] [J] et condamner la SA SCOP COPELECTRONIC, venant aux droits de la SAS ACKOP, à lui régler 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre subsidiaire, pour non-respect des dispositions des articles L 1233-5 et suivants du Code du Travail relatifs à l'ordre des licenciements.
L'appelante, après avoir rappelé les faits et les textes relatifs au licenciement économique, soutient que la SAS ACKOP ne précise pas dans la lettre de licenciement la nature des difficultés économiques auxquelles elle dit être confrontée, qui en tout état de cause n'étaient pas suffisamment importantes pour justifier son licenciement ; qu'en outre, la conséquence des difficultés économiques prétendues sur l'emploi des salariées n'est pas davantage exposée ; que la lettre de licenciement du 25 mai 2009 se borne à indiquer qu'il a été recherché des possibilités de reclassement mais qu'aucun poste n'était disponible, ce qui est bien évidemment tout à fait insuffisant pour établir la réalité du respect par l'employeur de l'obligation de reclassement prévue par la loi qui est une obligation de moyens renforcée ; que la société ACKOP n'a pas respecté les dispositions des articles L 1233-5 à L 1233-7 du Code du Travail relatifs à l'ordre des licenciements ; que le motif économique invoqué par la SAS ACKOP ne constitue en réalité qu'un prétexte qui a été utilisé par la société pour se séparer de salariées qui avaient manifesté leur soutien à Madame [V] [S], déléguée du personnel de l'entreprise, à l'origine de l'implantation au sein de cette dernière de l'institution représentative du personnel ;
Madame [H] [J] explicite ensuite le chiffrage de ses demandes.
Par conclusions écrites, déposées le 19 octobre 2012 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, la SCOP COPELECTRONIC, venant aux droits de la SAS ACKOP, demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de BAYONNE rendu en date du 10 février 2011,
- Dire et juger que le licenciement de Mme [J] repose sur un motif économique réel et sérieux,
- La débouter de ses demandes,
- La condamner au versement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens,
L'intimée fait valoir :
Sur le motif économique du licenciement, que le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE a justement estimé que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse. Que la lettre de licenciement est très explicite ;
Sur l'absence de reclassement, que la société ACKOP comptait dix-huit salariés au moment du licenciement, et que compte tenu des difficultés qu'elle avait et de la petite taille de la structure, tout reclassement était impossible;
Sur l'ordre des licenciements, qu'elle a fait partie des salariés de sa catégorie ayant le moins grand nombre de points et a été licenciée en application de ces critères ;
Sur la demande de dommages-intérêts, qu'elle n'apporte aucune preuve du préjudice subi.
La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, est recevable.
Madame [H] [J] a été embauchée en date du 1er juin 2007 par la société ACKOP en qualité d'ouvrière câbleuse. La SCOP COPELECTRONIC a absorbé la SAS ACKOP LE 28 juillet 2011, de sorte qu'elle vient désormais aux droits de cette dernière.
Madame [H] [J] a été convoquée à un entretien préalable qui a eu lieu le 13 mai 2009. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 25 mai 2009, la SAS ACKOP a notifié à Madame [H] [J] son licenciement pour motif économique.
Celle-ci, appelante du jugement du Conseil de Prud'hommes, présente plusieurs demandes qui seront successivement examinées :
Sur le licenciement pour motif économique
Il résulte des dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, soit à une réorganisation lorsqu'elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et, dès lors que l'entreprise appartient à un groupe, à la condition qu'il s'agisse de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise et que l'existence d'une menace sur la compétitivité soit caractérisée.
Ces motifs et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié doivent être énoncés dans la lettre de licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 25 mai 2009 énonce un motif ainsi rédigé :
'Au cours de l'entretien préalable qui s'est déroulé le 13 mai dernier, nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles votre licenciement était envisagé.
En effet,
- de ce fait, l'activité des mois d'avril, mai et juin, à Ackop, correspond à un potentiel de réalisation de 20 % du seuil de rentabilité, et c'est la raison pour laquelle que nous avons dû mettre tout le personnel de Ackop en chômage partiel pour 75 % du temps.
- la prévision à moyen terme pour Ackop se situe à 50 % des capacités de production actuelles.
- la maison mère, Copelectronic, subit elle aussi une diminution importante du carnet de commande, - 40 % sur les mois de février-mars, - 50 % sur les mois d'avril-mai. Ses prévisions à moyen terme ne sont pas connues.
- au vu de cette situation, et suivant un prévisionnel équivalent à 55 % du CA réalisé en 2008, la direction de Ackop a décidé de diminuer les moyens de production et nous sommes contraints de supprimer votre poste de travail.
Nous avons recherché les possibilités de reclassement pouvant exister au sein du groupe, mais il s'avère qu'aucun poste n'est à ce jour disponible, que la petite taille d'ACKOP ne nous permet pas de trouver un reclassement et que COPELECTRONIC connaît elle aussi des difficultés.'
Madame [H] [J] soutient que la lettre ne précise pas la nature des difficultés, qui ne seraient pas suffisamment importantes pour justifier son licenciement.
La SAS ACKOP fait valoir que la lettre reprend l'exposé fait aux délégués du personnel le 27 avril 2009.
Il ressort que la société a connu une baisse de commandes de son principal client (70 % de son chiffre d'affaires) avec report de trois mois et la replanification du solde sur six mois ; que le chiffre d'affaires de l'année 2009 a diminué de 30 % par rapport à celui de 2008 ; que le bilan de l'année 2009 a confirmé ces difficultés puisqu'il fait état d'une perte d'un montant de 10.645 € ; que ces difficultés n'ont pas été passagères puisque l'entreprise continue de fonctionner avec un effectif réduit.
Ainsi, cette lettre de licenciement, motivée et circonstanciée, énonce des motifs économiques qui sont précisés. Ces affirmations sont étayées par des tableaux de chiffre d'affaires 2008/2009 et le bilan pour 2009 (pièces 5 et 6) qui ne sont pas contredits.
L'argument de la salariée selon lequel l'autorisation administrative de recourir au chômage partiel n'a pas été utilisée jusqu'à son terme ne peut utilement être opposé à l'employeur, qui objecte à juste titre que la possibilité de licenciement économique figurait déjà dans la demande de chômage partiel, et que rien ne lui interdisait de mener parallèlement les deux procédures.
Au demeurant, c'est également de façon pertinente que la société relève que, malgré le chômage partiel et la prise de congés et de jours de RTT, l'activité a été réduite de 75 % en avril et mai 2009.
Madame [H] [J] conteste ensuite la conséquence de ces difficultés sur l'emploi des salariées, en faisant valoir que 6 personnes sont revenues travailler au mois d'août 2009 alors que l'entreprise était fermée pour les congés annuels ; que des salariés de la maison mère ont dû venir en renfort pour une commande d'armoires électriques ; que deux membres de la même SCOP COPELECTRONIC occupent de manière permanente deux postes au sein de l'entreprise.
Toutefois, l'employeur conteste utilement ces affirmations en précisant que :
- En août 2009, l'entreprise était fermée pour congés payés mais que quatre salariés ont modifié leurs dates de congés, ce qui a permis de répondre à une demande urgente pour réaliser des prototypes ;
- L'activité de câblage d'armoires électriques n'a pas été supprimée et il n'en a pas été question dans le cadre du licenciement économique ;
- Elle nie l'emploi permanent de deux salariés de COPELECTRONIC, un seul ayant été reclassé pour cause d'inaptitude médicalement constatée.
Au demeurant, ce poste de magasinier ne concerne pas l'emploi de Madame [H] [J].
Les difficultés économiques de la SAS ACKOP sont donc établies, ainsi que la suppression du poste de Madame [H] [J].
Celle-ci fait alors valoir, au visa de l'article L 1233-4 du Code du Travail, l'absence de recherche de reclassement, les indications de la lettre de licenciement étant insuffisantes pour établir la réalité du respect par l'employeur de son obligation.
Sur ce point, la lettre de licenciement indique :
'Nous avons recherché les possibilités de reclassement pouvant exister au sein du groupe, mais il s'avère qu'aucun poste n'est à ce jour disponible, que la petite taille d'ACKOP ne nous permet pas de trouver un reclassement et que COPELECTRONIC connaît elle aussi des difficultés.'
Il apparaît que la SAS ACKOP comptait dix-huit salariés au moment du licenciement qui a concerné cinq personnes. La petite taille de l'entreprise et les difficultés établies ne permettaient pas de procéder à un reclassement en son sein. Il apparaît également que la SCOP COPELECTRONIC a également connu des difficultés en 2009 avec des mesures de chômage partiel, et ne disposait donc pas non plus de poste à offrir au reclassement des salariées.
Ainsi, ces circonstances ne caractérisent pas une méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement.
Madame [H] [J] fait ensuite valoir un non-respect de l'ordre des licenciements, en violation des dispositions des articles L 1233-5 à 1233-7 du Code du Travail. Elle fait particulièrement valoir qu'elle avait la même ancienneté qu'une autre salariée qui était également en congé parental d'éducation depuis le mois de juillet 2009, sans explication sur le choix opéré.
Il résulte de l'article 36 de l'annexe 'mensuels' de la convention collective nationale de la métallurgie que, dans le cas de licenciement économique, 'Les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements devront prendre en compte, dans le respect des impératifs de bon fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement: les qualités professionnelles appréciées par catégorie, les charges de famille et en particulier celles de parents isolés, l'ancienneté, ainsi que la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant la réinsertion professionnelle particulièrement difficile. La grille d'évaluation de ces différents critères sera fixée par l'employeur.'
En l'espèce, l'employeur expose qu'il a envisagé tous les critères et les a cotés : 40 % pour les qualités professionnelles, 30 % pour les charges de famille, 20 % pour l'ancienneté, 10 % pour les difficultés de réinsertion ; qu'en application de ces critères cotés, les salariés licenciés sont ceux qui ont eu le moins grand nombre de points ; que Madame [H] [J] a obtenu en application des critères : 68 points au titre de sa qualification professionnelle, 24 au titre des charges de famille, 0,4 au titre de l'ancienneté et 8 au titre des difficultés de réinsertion ; qu'ainsi, elle faisait partie des salariés de sa catégorie ayant le moins grand nombre de points.
L'employeur relève aussi qu'elle n'a jamais fait de demande sur le choix de ces critères.
Ainsi, l'employeur établit que les prescriptions du Code du Travail et de la convention collective ont été respectées dans son cas, et l'argument de Madame [H] [J] sera rejeté.
Elle fait alors valoir que le motif du licenciement est inhérent à sa personne, en ce qu'il s'agit d'un prétexte utilisé par la société pour se séparer de salariées qui avaient manifesté leur soutien à Madame [S], déléguée du personnel de l'entreprise.
Pour autant, elle ne produit pour justifier cette affirmation que trois attestations émanant de la personne ainsi concernée, d'elle-même et d'une autre salariée concernée par le licenciement économique, sans que d'ailleurs les faits évoqués ne permettent de faire un lien avec son licenciement.
Son argument est en conséquence inopérant.
Ainsi, l'argument ne peut être retenu.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu donc de dire le licenciement fondé, de sorte que le jugement du Conseil de Prud'hommes sera confirmé et Madame [H] [J] doit être déboutée de ses demandes au titre du licenciement. Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.
Sur les demandes financières
Au vu des développements ci-dessus, il n'y a pas lieu à allouer à Madame [H] [J] des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle ne conteste pas l'indemnité de licenciement qui lui a été versée, ni l'indemnité de congés payés.
* * *
Ainsi, c'est l'ensemble du jugement rendu le 10 février 2011 par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne qui sera confirmé, et Madame [H] [J] déboutée de l'ensemble de ses autres demandes.
Il n'y a pas lieu de faire ici application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame [H] [J] supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'hommale, et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme dans son intégralité le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bayonne en date du 10 février 2011,
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
Condamne Madame [H] [J] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,