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06/12/2012 | FRANCE | N°11/00396

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 06 décembre 2012, 11/00396


CP/CD



Numéro 4903/12





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 06/12/2012







Dossier : 11/00396





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[F] [W]





C/



Société D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION PAU CULTURE ZENITH PAU





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 Décembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditio...

CP/CD

Numéro 4903/12

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 06/12/2012

Dossier : 11/00396

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[F] [W]

C/

Société D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION PAU CULTURE ZENITH PAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 Décembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 01 Octobre 2012, devant :

Madame ROBERT, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, Greffière.

Madame ROBERT, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame PAGE et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur CHELLE, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [F] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

Société D'ECONOMIE MIXTE D'EXPLOITATION PAU CULTURE ZENITH PAU

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître LE CORNO, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 24 JANVIER 2011

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [F] [W] a été embauché par la Société d'économie mixte d'exploitation Pau culture Zénith ou SEM PAU CULTURE ZENITH le 1er janvier 2000 en qualité d'électricien, agent de maintenance et d'entretien du bâtiment et des installations du Zénith de PAU suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective des entreprises artistiques et culturelles. Il devient à compter de 2003, régisseur de scène, TAM 2 échelon 2 coefficient 103, puis à compter de janvier 2004, échelon 3 coefficient 106, puis à compter de janvier 2006, échelon 4 coefficient 109, puis à compter de juin 2008, échelon 5 coefficient 112, soit 2.148,65 €, puis 2.213,11 € en mai 2009 et en février 2010, échelon 6 coefficient 115, soit 2.318,32 €.

Monsieur [F] [W] a été placé en arrêt maladie à compter du 8 décembre 2009 et après deux visites de la médecine du travail des 5 et 19 janvier 2010 il a été licencié pour inaptitude à tous les postes dans l'entreprise par lettre du 15 février 2010.

Monsieur [F] [W] a saisi le Conseil de Prud'hommes le 8 avril 2010 pour obtenir la classification cadre 4 échelon 5 coefficient 112 et le rappel de salaire correspondant, et les congés y afférents, l'annulation de son licenciement pour inaptitude à raison des faits de harcèlement qu'il a subis, des dommages et intérêts, les rappels d'indemnité de licenciement et trois mois de préavis.

Le Conseil de Prud'hommes de PAU, section activités diverses, par jugement contradictoire du 24 janvier 2011, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a débouté les parties de toutes leurs demandes et a condamné Monsieur [F] [W] aux dépens de l'instance.

Monsieur [F] [W] a interjeté appel de ce jugement le 1er février 2011 dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutés.

Les parties ont comparu à l'audience représentées par leur conseil respectif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions développées à l'audience, Monsieur [F] [W] demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, de réformer le jugement, de dire qu'il avait la même activité de régisseur que Monsieur [X], lui accorder en conséquence la même classification que lui, qualification de régisseur général cadre 4 échelon 5 coefficient 112 et les rappels de salaire correspondants, dire son licenciement pour inaptitude nul et de nul effet à raison des faits de harcèlement qu'il a subi ;

Subsidiairement, dire que le licenciement pour inaptitude est abusif pour absence de recherche de reclassement ;

Infiniment subsidiairement, dire et juger que la SEM PAU CULTURE ZENITH n'a pas respecté son obligation de sécurité et de résultat ainsi que son obligation de loyauté et condamner la SEM PAU CULTURE ZENITH aux sommes sollicitées ci-dessous ;

De condamner la SEM PAU CULTURE ZENITH à payer les sommes de :

9.158,13 € au titre de l'indemnité de préavis,

915,81 € au titre des congés payés sur le préavis,

50.000 € au titre de l'indemnité fondée sur l'article L. 1235-3 du code du travail,

62.358,16 € au titre des rappels de salaire,

3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Outre les intérêts à compter de la demande et aux entiers dépens de l'instance.

Monsieur [F] [W] met en cause la validité du licenciement en ce qu'il n'aurait pas été valablement décidé par le conseil d'administration de la société anonyme employeur.

Il fait valoir que son employeur n'a eu de cesse d'exercer des pressions sur lui s'analysant en un harcèlement moral provoquant un état anxio-dépressif et une inaptitude à son poste de travail, tels, l'interdiction de déjeuner sur son lieu de travail, d'accéder à certains locaux et de ne plus participer à l'élaboration des dossiers, le refus de lui remettre des invitations, la dissimulation d'information, le retard dans le remboursement de frais de formation, le défaut d'invitation au repas d'entreprise de fin d'année, et enfin la surcharge de travail.

Que ce harcèlement moral à l'origine de son inaptitude rend le licenciement nul et de nul effet ;

Subsidiairement, il est sans cause réelle et sérieuse au vu du non-respect de l'obligation de reclassement interne ou externe auprès de la Ville de PAU qui emploie des agents contractuels de droit privé, que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté en recrutant un salarié au lieu de le reclasser au poste de régisseur général auquel il avait postulé.

Il indique enfin, effectuer le même travail que Monsieur [X], travaillant de concert avec lui ou en alternance lorsqu'il n'était pas là ce qui était fréquent ; de telle sorte qu'il est fondé à obtenir une égalité de rémunération dans la mesure où il était placé dans une situation identique au regard des attestations qu'il produit aux débats et la charge de la preuve incombe à l'employeur ; il sollicite de ce chef, la somme de 62.358,16 € bruts outre les congés payés afférents pour la période allant d'octobre 2003 à la date de son licenciement en se fondant sur l'article 11-11 de la convention collective.

Il fait valoir enfin, que la SEM PAU CULTURE ZENITH était tenue envers lui d'une obligation de sécurité, de résultat et de loyauté, que si la Cour ne retenait pas le harcèlement, elle devra à tout le moins, constater que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et de loyauté, il réclame en réparation de son préjudice la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts.

*******

La SEM PAU CULTURE ZENITH, intimée, par conclusions développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur [F] [W] de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La SEM PAU CULTURE ZENITH fait valoir':

Que Monsieur [F] [W] n'a pas contesté l'avis d'inaptitude du médecin du travail, que les conclusions d'inaptitude s'imposent donc tant à l'employeur qu'au salarié qui n'a pas davantage revendiqué une quelconque imputabilité de ses arrêts maladie à ses conditions de travail ;

Qu'elle n'a pas manqué à son obligation de reclassement n'ayant aucun autre poste disponible à lui offrir car la recherche pour le remplacement de Monsieur [X] a été faite quatre mois avant la déclaration d'inaptitude du salarié et qu'entre-temps le poste a été pourvu ;

Qu'aucune disposition légale ne prévoit l'accord préalable du conseil d'administration des sociétés anonymes en matière de licenciement des salariés et le directeur général est investi du pouvoir de licencier ;

Qu'il ne saurait se prévaloir de faits de harcèlement, son évolution de carrière a été tout à fait normale ; il prétend avoir fait de nombreuses heures supplémentaires sans le démontrer et sans en réclamer le paiement alors que de son propre aveu, il lui est interdit de faire des heures supplémentaires, que la proposition de rupture conventionnelle ne saurait motiver un fait de harcèlement, les attestations de Madame [S] et de Monsieur [X] comportent un certain nombre d'incohérences de nature à mettre en doute leur crédibilité ;

Sur la prétendue violation de l'obligation de sécurité et de loyauté, il n'apporte aucun élément de nature à justifier ses affirmations, il a suivi plusieurs stages de formation professionnelle continue pour se perfectionner et obtenir de nouvelles compétences, à aucun moment, il ne démontre la mauvaise foi ;

Que la demande de rappel de salaire est infondée, et, contrairement à ses écritures, il n'a jamais occupé le poste de régisseur général de Monsieur [X] qui a finalement été licencié ; que s'il a pu momentanément le remplacer au cours de ses absences, il n'exerçait pas toutes ses compétences car Monsieur [F] [W] qui était un simple technicien n'avait ni les compétences, ni l'expérience requise pour exercer les fonctions de régisseur général d'une salle de spectacle aussi importante que le Zénith de [Localité 2] qui relève de la catégorie d'emploi de cadre.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur le défaut de pouvoir du Président pour prononcer le licenciement :

La lettre de licenciement du 15 février 2010 est signée par Monsieur [R] [P], Président Directeur Général de la SEM PAU CULTURE ZENITH, le Président du Conseil d'Administration, aux termes des articles L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce, est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et aucune disposition ne prévoit l'accord préalable du conseil d'administration en matière de licenciement, l'argument sera rejeté.

Sur la qualification de Monsieur [F] [W] :

La qualification professionnelle se détermine par les fonctions réellement exercées dont la preuve incombe au salarié.

Monsieur [F] [W] bénéficiait au moment de la rupture d'un salaire de 2.318,32 € correspondant à la classification TAM 2 échelon 6 coefficient 115, il prétend qu'il avait la même activité de régisseur que Monsieur [X] avec lequel il travaillait soit de concert, soit en alternance dont les bulletins de salaire sont produits et sollicite donc la qualification de régisseur général cadre 4 échelon 5 coefficient 112 et les rappels de salaire correspondants dont le calcul n'est pas contesté par la SEM PAU CULTURE ZENITH.

La SEM PAU CULTURE ZENITH a précisé qu'elle n'employait que 5 personnes, 3 administratifs et deux techniciens, Monsieur [X], adjoint de direction chargé de la régie technique, et Monsieur [F] [W], électricien et agent de maintenance et d'entretien.

Il ressort des pièces produites aux débats que Monsieur [X] était très souvent absent jusqu'à 12 mois consécutivement, que Monsieur [F] [W] travaillait alors seul sous les ordres du Directeur, Monsieur [J], ce qui n'est pas contesté par la SEM PAU CULTURE ZENITH qui ne précise pas les compétences de Monsieur [X] que Monsieur [F] [W] n'exerçait pas ; il ressort de la lettre que Monsieur [X] a adressé à l'Inspectrice du Travail le 8 décembre 2009 «'qu'en janvier 2000, Monsieur [F] [W] a été embauché pour me seconder, mais nous n'étions que 2 pour tourner comme auparavant 24 h sur 24 h selon les périodes... depuis mon licenciement, Monsieur [F] [W] est seul au vue de la programmation comment voulez vous qu'il effectue son travail en 35 h ou même en 48 h.'».

Monsieur [F] [W] produit l'attestation de Monsieur [X] qui précise que la mission première d'un régisseur général est, qu'une représentation, un concert, une manifestation se déroule sans problème, que pour ce faire il faut étudier en amont les besoins financiers, matériels et humains à mettre en place en tenant compte du budget alloué et du planning. «'Je tiens à préciser que lorsque j'étais en arrêt de maladie, en congé et même en ma présence, Monsieur [F] [W] me secondait poste pour poste, préparation technique des concerts et suivis, maintenance de la structure, encadrement et management donc des équipes techniques, il appréciait la faisabilité, technique des activités de la salle en relation avec les régisseurs de tournée, il appliquait des règles de sécurité' Il effectuait également la commande de matériel et d'intermittents lorsque cela s'avérait nécessaire, établissait les plans de mise en configuration de la salle et devis techniques, assurait le suivi des dossiers en fonction des manifestations, son champ de compétence était donc extrêmement large et surtout reconnu par la direction. ».

Cette attestation est corroborée par celles de':

Madame [S], secrétaire de la SEM PAU CULTURE ZENITH jusqu'en mai 2008 «'durant les périodes d'absence ou d'arrêt maladie de Monsieur [X], Monsieur [F] [W] était seul. Il a assumé les responsabilités d'un régisseur': préparation des dossiers 'manifestations' à la demande de la direction, suivi des entreprises extérieures au bâtiment (entretien du matériel et les divers équipements inhérents au bon fonctionnement du bâtiment)' ».

Monsieur [L], technicien intermittent « j'atteste que Monsieur [F] [W] a bien fait fonction de régisseur général du Zénith de [Localité 2] de multiples fois soit en alternance, soit en remplacement du régisseur général titulaire Monsieur [V] [X] souvent absent car malade' Les principales fonctions de Monsieur [F] [W] était donc': la préparation : contact ou réunion avec les productions clientes, les fournisseurs et prestataires de services et le suivi, l'encadrement lors de l'exécution de la préparation de la salle : gestion des équipes et des régisseurs de tournées, vérification de l'application des règles de sécurité, gestion des imprévus tant techniques qu'humains et sécuritaires, le suivi des activités du Zénith pour la maintenance, l'amélioration, la mise aux normes techniques de sécurité, l'optimisation des ressources de la salle' ».

Monsieur [D], régisseur général': « je suis venu plus de 80 fois en tant que régisseur général représentant différentes sociétés de production de spectacles qui sont des clients du Zénith de [Localité 2]' Dans toutes les autres salles du même type, il y a un régisseur de salle plus un électricien. Très souvent, Monsieur [F] [W] a assuré tout seul le poste alors que son collègue travaillait en double avec un électricien habilité' Il ne fait aucun doute, en ce qui me concerne, que Monsieur [F] [W] exerce vis-à-vis de moi le poste de régisseur du Zénith de [Localité 2]. Toutes ses interventions sont efficaces et rapides et il est d'une vigilance et d'une courtoisie qui force le respect. ».

Monsieur [K], intermittent du spectacle free-lance décrit en détail les modalités d'organisation de son spectacle en relation avec Monsieur [F] [W] « Monsieur [F] [W] a toujours parfaitement reçu le spectacle dont je suis le régisseur, et ce, depuis mars 2002, très à l'écoute des régisseurs de tournées il sait anticiper les besoins et faire des propositions pertinentes ».

Monsieur [I], régisseur atteste que « Monsieur [F] [W], durant les concerts a toujours fait preuve d'un grand professionnalisme' Étant à la fois, électricien, chargé de sécurité et régisseur général, ce qui est extrêmement rare, ces postes divers étant occupés par trois personnes différentes dans l'ensemble des autres salles où j'exerce' Régulièrement disponible et à l'écoute, il sait parfaitement organiser et diriger les équipes travaillant dans sa salle ».

Monsieur [F] [W] établit donc au vu des attestations délivrées en particulier par des tiers qualifiés qu'il a exercé les fonctions de régisseur général du Zénith de PAU sans que la SEM PAU CULTURE ZENITH ne rapporte une quelconque preuve contraire, se contentant d'affirmer qu'il n'en n'avait pas la compétence au regard de sa formation et de son contrat, la demande sera accueillie dans son principe et dans son montant qui n'est pas discuté.

Monsieur [F] [W] développe ensuite des arguments fondés sur la discrimination en terme d'égalité de rémunération pour conclure au paiement des salaires comme indiqué ci-dessus et non à des dommages et intérêts, ses arguments sont donc sans objet.

Sur le harcèlement moral :

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Selon les dispositions de l'article L .1154-1 du code du travail « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153- 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'».

Le licenciement prononcé pour inaptitude physique qui trouve sa cause directe et certaine dans les agissements de harcèlement moral que le salarié a subi de la part de son employeur doit être déclaré nul en application des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.

Il fait valoir que son employeur n'a eu de cesse d'exercer des pressions sur lui s'analysant d'un harcèlement moral provoquant un état anxio-dépressif et une inaptitude à son poste de travail, tels, l'interdiction de déjeuner sur son lieu de travail, d'accéder à certains locaux et de ne plus participer à l'élaboration des dossiers, le refus de lui remettre des invitations, la dissimulation d'information, le retard dans le remboursement de frais de formation, le défaut d'invitation au repas d'entreprise de fin d'année et enfin la surcharge de travail.

Monsieur [F] [W] produit à l'appui de sa demande':

La lettre qu'il a adressée à l'Inspectrice du Travail le 18 janvier 2010 qui fait l'historique de sa relation de travail avec la SEM PAU CULTURE ZENITH où il précise : « j'étais devenu agent d'entretien, électricien, régisseur de scène, régisseur général 'l'homme à tout faire'... Monsieur [J] prenait plaisir à nous diviser et les tensions s'amplifiaient' Il m'était interdit de rester, de toute façon, le soir des manifestations. Enfin, et alors que j'avais postulé, j'appris au cours d'une réunion qu'un nouveau régisseur prendrait ses fonctions le 18 décembre 2009'je crie au secours, persuadés qu'ils allaient reconnaître mon travail, j'ai encaissé les coups sans rien dire. Ces dernières années furent un calvaire pour moi'».

L'attestation de Madame [S] qui indique « à partir de juillet 2007, la direction n'a pas souhaité la présence de Monsieur [F] [W] lors du repas de société de fin de saison. Il a été le seul à ne pas y avoir été convié. À partir de fin 2007, il a été demandé à Monsieur [F] [W] de ne plus participer à l'élaboration des dossiers alors qu'il l'a toujours fait en corrélation avec Monsieur [V] [X]. »

Celle de Monsieur [X] où il réitère les faits évoqués dans celle adressée à l'Inspectrice du Travail le 8 décembre 2009 dont Monsieur [F] [W] a été victime depuis 2 ans': « j'affirme que Monsieur [F] [W] a fait l'objet de mesures discriminatoires et de harcèlement moral, il lui a été interdit de déjeuner sur son lieu de travail alors qu'un des membres de l'administration a eu l'autorisation de le faire. Certains locaux du Zénith lui ont été interdits d'accès (changement des serrures), lors de certains concerts, le directeur a interdit qu'il ait des invitations comme nous tous, le Directeur m'a demandé de ne pas lui révéler certaines informations concernant notre travail (je devais cacher le nouveau planning des spectacles) pour qu'il ne soit pas là les soirs de spectacle j'ai été obligé de fractionner ma journée en deux' un audit a été effectué au premier semestre 2009 où il en est ressorti qu'il y avait un problème de management, mais depuis rien n'a bougé'».

Monsieur [F] [W] produit les plannings de travail établis par la SEM PAU CULTURE ZENITH qui n'en dit mot, qui révèlent des journées allant jusqu'à 16 h de travail pour le concert de Johnny Hallyday, 19 h pour le montage de 'Autant En Emporte le Vent', par ailleurs, il est clair qu'au regard des missions qui lui étaient confiées, sa charge de travail était très lourde.

Il convient de considérer que Monsieur [F] [W] étaye sa demande.

La SEM PAU CULTURE ZENITH ne répond pas aux faits énumérés par Monsieur [F] [W] à l'appui du harcèlement, elle précise que son évolution de carrière a été tout à fait normale, qu'il prétend avoir fait de nombreuses heures supplémentaires sans le démontrer, que la proposition de rupture conventionnelle ne saurait motiver un fait de harcèlement et que les attestations de Madame [S] et de Monsieur [X] comportent un certain nombre d'incohérences de nature à mettre en doute leur crédibilité sans souligner lesquelles. Il n'appartenait pas au premiers juges d'affirmer que Monsieur [X] étant le supérieur hiérarchique de Monsieur [F] [W], c'est donc lui qui avait émis toutes ces interdictions et non Monsieur [J] ce qui permettait de mettre en doute la crédibilité de son attestation et de l'écarter, car en toute hypothèse, que les interdictions émanent de l'un ou de l'autre, Monsieur [F] [W] les a subies.

La SEM PAU CULTURE ZENITH ne démontre pas que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, ils ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail de Monsieur [F] [W] qui ont porté atteinte à ses droits, à sa dignité et ont altéré sa santé mentale à l'origine de son inaptitude, le licenciement sera déclaré nul et de nul effet.

Sur le préavis :

Le licenciement nul à raison des faits de harcèlement ouvre droit à Monsieur [F] [W] au paiement d'un préavis de trois mois, la requalification étant acquise soit la somme de 9.158,13 € outre les congés afférents.

Sur les dommages et intérêts :

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, en toute hypothèse, en plus des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire, quel que soit son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

Il sera accordé à Monsieur [F] [W] qui compte 10 ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui justifie s'être trouvé au chômage jusqu'au mois de juin 2010 jusqu'à la création de sa propre entreprise l'équivalent de 10 mois de salaire ou la somme de 30.000 €.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [F] [W] les frais par lui exposés et non compris dans les dépens, la cour lui alloue à ce titre la somme de 1.500 €.

La SEM PAU CULTURE ZENITH qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement,

Et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [F] [W] est nul et de nul effet,

Condamne la SEM PAU CULTURE ZENITH à payer à Monsieur [F] [W] les sommes de':

9.158,13 € au titre de l'indemnité de préavis,

915,81 € au titre des congés payés sur le préavis,

30.000 € en réparation du préjudice subi,

62.358,16 € au titre des rappels de salaire,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Condamne la SEM PAU CULTURE ZENITH à payer à Monsieur [F] [W] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SEM PAU CULTURE ZENITH aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00396
Date de la décision : 06/12/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°11/00396 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-06;11.00396 ?
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