CB/AM
Numéro 12/4597
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 20/11/2012
Dossier : 11/03301
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale
Affaire :
[L] [W]
C/
[E] [U] [P] [U] CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 novembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 18 Septembre 2012, devant :
Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
en présence de Madame PARIES, élève avocate
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L] [W]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 14]
de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour
assistée de Maître Florence REAU, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
Monsieur [E] [U]
né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assisté de Maître Hélène FABRE, avocat au barreau de PARIS
Madame [P] [U]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assistée de Maître Gilles CARIOU, avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE
[Adresse 8]
[Localité 6]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour
assistée de Maître Teddy VERMOTE, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 20 JUIN 2011
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BAYONNE
FAITS et PROCEDURE
Suivant actes en date des 12 et 16 février et 13 mai 2009, Mme [W] a fait assigner Mme le docteur [P] [U], gynécologue, et M. le docteur [E] [U] radiologue, devant le tribunal de grande instance de Bayonne, en responsabilité et réparation de son préjudice résultant du retard fautif de diagnostic d'un cancer de la vessie, pour lequel elle a subi une résection complète le 21 novembre 2005, puis une hystérectomie et cystectomie avec dérivation externe le 16 décembre 2005. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Atlantiques.
Par jugement du 20 juin 2011, se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bayonne le 26 avril 2006, qui excluait toute faute dans le diagnostic ainsi que l'absence de lien de causalité entre le préjudice invoqué et le retard de diagnostic de deux mois, le tribunal l'a déboutée de ses demandes principales et a rejeté les demandes reconventionnelles en condamnant Mme [W] aux dépens.
Celle-ci a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe du 12 septembre 2011.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2012.
Par courrier et conclusions du 24 juillet 2012, Mme le docteur [P] [U] a sollicité le report de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir répondre aux conclusions de son adversaire signifiées le 2 juillet 2012, soit la veille de l'ordonnance de clôture. A défaut de révocation de l'ordonnance de clôture, elle a sollicité le rejet desdites conclusions.
MOTIVATION
Il résulte de la combinaison des articles 783 et 784 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité et que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue..
En l'espèce, Mme [W] ne rapporte la preuve d'aucune circonstance l'ayant contrainte de conclure tardivement, le 2 juillet 2012 soit la veille de la date de clôture de l'instruction fixée par le magistrat de la mise en état au 3 juillet 2012, suivant bulletin de fixation du 2 mars 2012, c'est-à-dire, dans des conditions qui lui laissaient matériellement toute latitude pour répondre dans le délai imparti, aux dernières écritures déposées par les intimés les 3 et 9 février 2012 et le 15 décembre 2011 pour la caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne. Ces conclusions de dernière heure, déposées le 2 juillet 2012, doivent être considérées comme tardives dans la mesure où, contenant des développements factuels nouveaux, les intimés n'ont pas disposé d'un temps utile pour les analyser puis les discuter et donc n'ont pas été en mesure d'exercer leurs droits de la défense. Un tel comportement de la part de Mme [W] est donc contraire au principe du contradictoire et à la loyauté des débats.
Dans ces conditions, les conclusions et pièces que Mme [W] a déposées le 2 juillet 2012 seront rejetées des débats ainsi que toutes les pièces et conclusions tardives notifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture du 3 juillet 2012.
Il convient dès lors, de dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture en l'absence de preuve d'une cause grave et de statuer en considération des seules conclusions déposées et des seules pièces produites antérieurement au 3 juillet 2012.
Dans ses dernières écritures en date du 9 décembre 2011, Mme [W] conclut à l'infirmation de la décision et sollicite, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la condamnation solidaire de Mme le docteur [P] [U] et de M. le docteur [U] à lui verser les sommes suivantes en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'erreur de diagnostic qui leur est imputable :
- ITT : 24'000 €,
- ITP : 40'000 €,
- IPP : 80'000 €,
- PD : 30'000 €,
- préjudice esthétique : 10'000 €,
- préjudice d'agrément : 30'000 €,
- préjudice sexuel : 10'000 €,
- retentissement professionnel : 150'000 €.
Elle sollicite l'allocation de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [W] expose qu'elle a consulté le docteur [P] [U], gynécologue obstétricien, pour des douleurs au bas-ventre et des pertes de sang dans les urines dès le 24 juin 2005. Aucun examen ne lui a été prescrit ce jour là et il était diagnostiqué un fibrome.
Au regard de la persistance des symptômes, elle a consulté de nouveau le 19 septembre 2005 où il a été prescrit des examens radiologique, cytologique et une mammographie.
Le docteur [E] [U] qui a réalisé l'échographie pelvienne le 20 septembre 2005 n'a décelé aucune anomalie. L'examen complémentaire radiologique et cytologique du 28 septembre 2005 n'a également révélé aucune cellule suspecte de malignité.
Le 6 octobre 2005, le docteur [P] [U] a prescrit des séances de rééducation pelviennes qui ont dû être très vite interrompues au regard de l'importance des douleurs subies.
Ce n'est qu'à l'occasion d'un nouvelle échographie qui a été réalisée le 18 novembre 2005 par le docteur [V], qu'une tumeur maligne a été décelée.
Par la suite elle a dû subir une pelvectomie antérieure avec dérivation externe d'urine, le 16 décembre et des séances de radiothérapie et de chimiothérapie durant sept semaines du 30 janvier au 17 mars 2006.
Mme [W] soutient que le retard de cinq mois dans le diagnostic lui a fait perdre une chance de subir un traitement moins lourd et moins handicapant. Elle en rapporte la preuve par le rapport du docteur [H] en date du 10 juin 2008 qu'elle produit aux débats et qui conteste totalement les conclusions du rapport d'expertise des docteurs [T] et [R] radiologue et gynécologue.
Le docteur [P] [U] dans ses dernières écritures en date du 9 février 2012, conclut à l'absence de responsabilité et à la confirmation du jugement ainsi qu'au débouté de l'appelante et de la caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne.
A titre subsidiaire, elle offre la somme de 1 000 € au titre du préjudice moral, seul préjudice en lien de causalité avec une éventuelle faute et en tout état de cause, elle sollicite la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que Mme [W] ne rapporte pas la preuve d'une faute médicale ainsi que l'exige l'article L. 1142 -1 du code de la santé publique.
Tout d'abord, elle conteste la réalité d'une consultation antérieure à celle du 19 septembre 2005, date à laquelle il n'a jamais été évoqué la présence de sang dans les urines mais seulement des métrorragies. Le 24 juin 2005 elle n'a reçu en consultation que la fille de l'appelante, ainsi qu'il ressort du décompte de la caisse primaire d'assurance maladie, de son cahier de consultation, de son recueil journalier de recettes des 24 juin et 19 septembre 2005 et de son agenda de consultations pour ces mêmes jours.
Voire, la consultation du 19 septembre 2005 ne portait que sur des métrorragies (écoulement de sang par voies génitales féminines) et il n'a pas été évoqué d'urines sanglantes et elle ne l'a pas noté dans le dossier médical de la patiente.
Elle conteste également avoir porté un diagnostic afférent à un fibrome lors de cette consultation du 19 septembre 2005 mais seulement des métrorragies qui s'expliquaient aisément au regard de l'âge de la patiente et au regard d'un traitement anticoagulant non surveillé depuis six mois.
Elle a prescrit des séances de rééducation périnéale le 6 octobre 2005 au regard de fuites urinaires à l'effort, évoquées par la patiente.
Le rapport du docteur [H] du 10 juin 2008 n'est pas contradictoire et doit être écarté dès débats.
Les experts judiciaires ont conclu que l'absence de diagnostic du cancer de la vessie n'était pas le résultat d'une erreur, d'une négligence, d'une imprudence ou d'une maladresse, écartant ainsi toute faute médicale.
En outre, s'agissant d'une tumeur évoluée infiltrante d'emblée, un retard de diagnostic de deux mois serait sans lien causal avec le préjudice, puisqu'un traitement conservateur n'aurait pas été possible.
Dès lors il n'existe aucune relation directe des préjudices subis avec un éventuel retard de diagnostic. Subsidiairement elle ne reconnaît de lien causal qu'avec un préjudice moral.
Le docteur [E] [U] dans ses dernières écritures en date du 3 février 2012, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de l'appelante et à l'allocation de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que Mme [W] ne rapporte pas la preuve d'une faute médicale ni d'un lien de causalité direct entre les fautes supposées et la maladie diagnostiquée comme un cancer et en l'absence de preuve d'un préjudice indemnisable.
Il expose que l'échographie et la mammographie du 20 septembre 2005 ont été réalisées dans les règles de l'art, que Mme [W] ne l'a pas consulté pour des pertes sanglantes dans les urines mais pour des métrorragies et que le retard de deux mois dans le diagnostic à supposé fautif, n'a pas pu entraîner une aggravation de la tumeur déjà très évoluée en septembre ainsi que l'ont conclu les experts judiciaires.
La caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne, dans ses dernières écritures en date du 15 décembre 2011, conclut à la condamnation des deux médecins in solidum à lui verser au titre de ses débours arrêtés au 15 février 2010, la somme de 61'822,37 € avec intérêts de droit à compter du jour de la demande et capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil.
Elle sollicite qu'il lui soit donné acte des réserves qu'elle formule d'ores et déjà, quant aux prestations payées et de toutes celles à venir et réclame la condamnation des médecins à lui verser la somme de 980 € en application des articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale outre une indemnité de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande également que les montants qui lui seront attribués soient déduits des sommes allouées à la victime en réparation de son préjudice patrimonial. Enfin, elle conclut au débouté des demandes formulées par les deux médecins.
SUR CE':
En vertu de l'article L. 1142.1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tous les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Le médecin est tenu d'une obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science (articles L. 1110.5 et R. 4127.32 du code de la santé publique). La violation même involontaire de cette obligation engage la responsabilité du médecin.
S'agissant d'une simple obligation de moyens, il incombe au patient de prouver la faute du praticien, laquelle ne peut se déduire du seul échec des soins pas plus que de la seule anormalité du dommage ni de sa gravité exceptionnelle.
Cette obligation concerne notamment le diagnostic, les investigations ou mesures préalables adoptées, le traitement et le suivi du traitement.
Le diagnostic est le fruit d'une interprétation personnelle des faits, de sorte que l'erreur (ou le retard) de diagnostic n'est pas en elle-même constitutive de faute, elle ne le devient que si la preuve est rapportée qu'elle aurait pu être évitée si le praticien avait utilisé tous les examens et procédés d'investigation conformes aux données de la science.
En l'espèce, il ressort des pièces produites et du rapport d'expertise réalisé le 15 janvier 2007 par le Pr [T], radiologue et le docteur [R], gynécologue, que':
- Mme [W], qui présentait des douleurs abdominales et des pertes de sang, a subi, à la demande du docteur [P] [U], le 20 septembre 2005, une échographie pelvienne pour métrorragie, réalisée par le docteur [E] [U]. Cet examen réalisé par voie vaginale sur vessie vide n'a révélé aucun incident,
- le 6 octobre 2005, le docteur [P] [U] a prescrit des séances de rééducation périnéale qui ont dû être interrompues en raison de fortes douleurs de brûlure, en raison de pertes d'urine à l'effort,
- l'examen cytologique du 28 septembre n'a révélé aucune cellule suspecte de malignité,
- le 2 novembre 2005, le docteur [A], médecin traitant de Mme [W], a détecté une infection urinaire et prescrit un antiseptique et un examen d'urine,
- le 5 novembre 2005, le résultat de cet examen cytobactériologique n'a révélé aucune infection aiguë mais une suspicion de néphropathie,
- le 18 novembre 2005, le docteur [S], néphrologue, prescrit une nouvelle échographie réalisée par le docteur [V], vessie pleine, qui détecte d'importantes végétations intra-vésicales vascularisées,
- le 21 novembre 2005, Mme [W] subit, sous anesthésie générale, une cystoscopie et un examen anatomopathologique est réalisé. Ces examens ont révélé le 25 novembre, l'existence d'un carcinome urothélial très infiltrant (au moins pT2 selon l'UICC) et d'un haut grade de malignité (G3 selon l'OMS). Le scanner du 22 novembre confirme ce diagnostic,
- le 16 décembre 2005, Mme [W] subit une pelvectomie antérieure avec Bricker (dérivation externe d'urine),
- le 14 janvier 2006 il est décidé d'un traitement par chimio-radiothérapie postopératoire à compter du 30 janvier jusqu'au 17 mars 2006,
- le scanner réalisé le 31 août 2006 révèle un résultat de bonne qualité en l'absence d'évolution péjorative.
Le diagnostic de cancer de la vessie a donc été posé le 25 novembre 2005.
Il appartient à Mme [W] de rapporter la preuve d'un retard dans le diagnostic mais également d'une faute des docteurs [P] [U] et [E] [U] à l'origine de ce retard ainsi qu'un préjudice en lien de causalité avec le retard fautif.
Elle soutient avoir consulté le docteur [P] [U] le 24 juin 2005 pour des pertes de sang dans les urines. Le docteur [P] [U] conteste cette consultation qui n'apparaît ni dans son carnet de rendez-vous ni dans le dossier médical de Mme [W]. A cette date, le carnet de rendez-vous et l'agenda du médecin révèlent une consultation de la fille de Mme [W], Melle [N] [X], ce que confirment le décompte et le relevé des prestations de la caisse primaire d'assurance maladie de Bayonne où elle apparaît en qualité de bénéficiaire et Mme [W] en qualité d'assurée.
Ce décompte confirme par ailleurs les consultations des 19 septembre et 6 octobre 2005 au bénéfice de Mme [W], elle même. Le fait que dès l'année 2003, Melle [X] [N] a disposé d'une carte Vitale personnelle, n'est pas de nature à contredire les mentions portées sur le décompte et le relevé des prestations, établis par la caisse, où elle apparaît comme la bénéficiaire de la consultation du 24 juin 2005 et sa mère en qualité d'assurée sociale.
Mme [W] soutient également que, lors de la consultation du 19 septembre 2005, elle a informé le docteur [P] [U] de pertes de sang dans les urines, signes d'une hématurie, ce que conteste le médecin. Or, cette indication n'apparaît pas sur le dossier médical retraçant les motifs de la consultation et les décisions prises, puisqu'il est indiqué :'«'métrorragie depuis 1 mois'».
Pour justifier de cette information, Mme [W] ne produit que la note non contradictoire du docteur [H] en date du 10 juin 2008, qui pourtant, ne procède que par affirmations quant à l'existence d'une consultation du 24 juin 2005 et quant à la description des symptômes, donnée par Mme [W] et qui, rapportant les dires de cette dernière, soutient qu'elle l'a informée de pertes de sang «'lorsqu'elle va aux toilettes pour uriner'», ce qui ne renseigne absolument pas sur la présence de sang dans les urines.
Dès lors, il convient de constater avec les experts, que la preuve n'est pas rapportée de l'information du docteur [P] [U] sur l'existence de pertes de sang dans les urines lors de la consultation du 19 septembre 2005 ni lors de la suivante du 6 octobre 2005 où il est confirmé le diagnostic de métrorragie et prescrit des séances de kinésithérapie périnéale. Mme [W] est donc défaillante dans la preuve de la description des symptômes d'une hématurie auprès du Mme le docteur [P] [U].
En outre, l'examen anatomo-pathologique du 25 novembre 2005 conclut à l'existence d'une tumeur vésicale c'est-à-dire «'d'un carcinome urothélial très infiltrant (intéressant la musculeuse, classification': au moins pT2 selon l'UICC), largement nécrosé et d'un haut grade de malignité (G3 selon l'OMS)'» et dans son compte rendu opératoire du 16 décembre 2005, le docteur [J] souligne «'l'importance de l'envahissement ganglionnaire et la sévérité de la lésion vésicale'».
Les experts qui ne sont pas médicalement contredits sur ce point, en concluent qu'eu égard à l'envahissement pariétal et lymphatique, il s'agissait d'une tumeur évoluée, infiltrante d'emblée, ce type de tumeur se rencontrant dans 20 % des cas et qu'elle «'était manifestement très évoluée en septembre'».
Toutefois, l'erreur ou le retard fautif de diagnostic de la part du docteur [P] [U] ne peut se déduire de la seule importance de l'envahissement de la tumeur découverte en novembre 2005, à défaut de preuve d'indices médicaux de nature à suspecter la présence de l'adénome antérieurement à cette date et à défaut de preuve de description des symptômes d'une hématurie excluant une métrorragie.
Parallèlement, il apparaît que celle-ci a pris toutes les mesures utiles, examens et procédés d'investigation conformes aux données de la science, pour poser le juste diagnostic en fonction des symptômes connus :
- dès le 19 septembre 2005, elle a prescrit une mammographie et une échographie pelvienne, elle a réalisé un frottis vaginal et sollicité un bilan de coagulation puisqu'elle suspectait la prise au long cours d'un médicament anticoagulant,
- par courrier du 20 septembre 2005, elle a informé le docteur [A], médecin traitant des investigations adoptées,
- lors de la consultation du 6 octobre 2005, elle a demandé à Mme [W] de consulter le docteur [C], cardiologue pour vérifier la piste du médicament suspecté, et prescrit des séances de kinésithérapie périnéale,
- l'examen par IRM ou par scanner n'apparaissait pas nécessaire au regard des symptômes connus.
Dès lors, la preuve d'une faute dans le diagnostic ou d'un retard fautif de diagnostic n'est pas démontrée à l'égard du docteur [P] [U].
Et Mme [W] est également défaillante dans la preuve d'une faute médicale commise par le docteur [E] [U], lors de l'échographie pelvienne, dès lors qu'il n'a été sollicité que pour cet examen à motif exclusivement gynécologique, qu'il a fait réaliser selon les règles de l'art soit avec une vessie vide.
Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé dans son intégralité.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge des docteurs [P] [U] et [E] [U], la totalité des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Rejette la demande de report de l'ordonnance de clôture du 3 juillet 2012 ;
- Déclare irrecevables les pièces et conclusions déposées par Mme [W] le 2 juillet 2012 ;
- Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne en date du 20 juin 2011 ;
- Condamne Mme [W] à payer au docteur [P] [U] et au docteur [E] [U] ensemble, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- Condamne Mme [W] aux dépens d'appel';
- Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONPatrick CASTAGNE