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20/09/2012 | FRANCE | N°10/05217

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 septembre 2012, 10/05217


CP/CD



Numéro 3619 /12





COUR D'APPEL DE [Localité 9]

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/09/2012









Dossier : 10/05217





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SA FRAIKIN FRANCE



C/



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











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Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Septembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article ...

CP/CD

Numéro 3619 /12

COUR D'APPEL DE [Localité 9]

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/09/2012

Dossier : 10/05217

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SA FRAIKIN FRANCE

C/

[O] [O]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Septembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Juin 2012, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA FRAIKIN FRANCE

anciennement dénommée FRAIKIN LOCAMION

prise en la personne de son Président

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître AUBONNET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [O] [O]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Comparant et assisté de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocats au barreau de [Localité 9]

sur appel de la décision

en date du 06 DÉCEMBRE 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE [Localité 9]

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [O] [O] a été embauché par la SA FRAIKIN LOCAMION le 5 août 2002 en qualité de chef d'atelier suivant contrat à durée indéterminée à l'agence de [Localité 5]-[Localité 7] régi par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

En janvier 2007, le responsable d'agence va être remplacé par Madame [S] et des difficultés vont apparaître, le 23 janvier 2008, Monsieur [O] [O] a été placé en inaptitude temporaire suivie de 28 prolongations, il a saisi le Conseil de Prud'hommes pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le Conseil de Prud'hommes de [Localité 9], section encadrement, par jugement contradictoire du 6 décembre 2010, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur au 10 décembre 2010, il a condamné la SA FRAIKIN LOCAMION à verser à Monsieur [O] [O] les sommes de :

8.628 € au titre de l'indemnité de préavis,

862,80 € au titre des congés payés sur le préavis,

8.628 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

23.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

23.000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a ordonné le calcul et le paiement du solde des congés payés à la date de la résolution judiciaire du contrat.

Il a ordonné l'exécution provisoire dans les limites de l'article R. 1454-8 du code du travail.

Dit que le salaire moyen brut est de 2.876 €.

Il a ordonné le paiement et la capitalisation des intérêts au taux légal.

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SA FRAIKIN LOCAMION aux dépens de l'instance.

La SA FRAIKIN LOCAMION a interjeté appel de ce jugement le 22 décembre 2010.

A l'audience, la SA FRAIKIN LOCAMION était représentée par son conseil et Monsieur [O] [O] était assisté de son conseil.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions développées à l'audience, la SA FRAIKIN LOCAMION demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, de réformer le jugement, de condamner Monsieur [O] [O] à restituer la somme de 23.612,94 € correspondant aux sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire.

La SA FRAIKIN LOCAMION expose qu'elle est spécialisée dans la location de véhicules industriels et commerciaux dont elle assure l'entretien, que le Chef d'Agence est chargé de diriger la succursale afin d'atteindre les objectifs fixés par la Direction, d'animer et de superviser l'ensemble des personnels, que Monsieur [O] [O] avait, avec l'ancien Directeur, pris de fait, les rênes de l'agence de [Localité 9], allant au-delà de ses attributions de Chef d'Atelier et qu'il a très mal vécu l'arrivée de la nouvelle Directrice, d'une personnalité plus dynamique, qui a recentré les fonctions de chacun et a été plus vigilante sur le contrôle des coûts de fonctionnement de l'agence ; elle fait valoir que les éléments de l'enquête versés aux débats par Monsieur [O] [O] sont parcellaires, qu'il occulte les dépositions des autres salariés et que le Procureur a classé la plainte sans suite, faute de preuves suffisantes ; que le fait pour la Directrice de demander de faire le plein de sa voiture dès son arrivée et de ne pas dire bonjour un matin alors qu'ils étaient occupés à une réparation mécanique délicate ne saurait manifester un quelconque mépris s'agissant de faits ponctuels alors même que Monsieur [L], indique qu'elle venait dire bonjour tous les matins ; qu'en sa qualité de supérieur hiérarchique, il relevait de la fonction de la Directrice de lui donner des ordres et des directives, que Monsieur [O] [O] ne démontre pas qu'elle aurait abusé de ce droit et notamment que les ordres donnés auraient été contradictoires ou en parfaite contradiction avec les règles de sécurité ; que la modification des devis a été faite en accord avec l'adjoint technique régional, qu'elle était en charge du suivi des clients et pouvait à ce titre décider de gestes commerciaux sans porter de jugement sur son activité de Chef d'Atelier ; qu'aucun des salariés n'ont corroboré son affirmation selon laquelle, elle leur aurait demandé de témoigner contre lui, que le Conseil de Prud'hommes a donné à l'attestation de Madame [Y] une portée qu'elle n'avait pas en lui demandant de porter le nom de Monsieur [O] [O] dans un courrier ou la société TRIADE mettait fin aux relations commerciales, que cette attestation est sujette à caution dans la mesure où l'on ne rédige pas une attestation sur un «'ressenti'» comme elle le déclare dans l'enquête et il n'était pas de son ressort d'établir et de signer le courrier pour le compte de cette société signé par Monsieur [T] ; qu'elle a confié l'accueil des clients au Chef d'Equipe au vu des remontées négatives de l'accueil fait par Monsieur [O] [O] à l'égard de certains clients qui s'en étaient plaints, ce qui l'a amenée à le changer de bureau sans qu'il soit isolé du reste de ses collègues afin qu'il se consacre à l'atelier, ce qui a été approuvé par la hiérarchie ; que la concurrence entre [Localité 4] et [Localité 9] n'est pas démontrée et que l'audit n'a été demandé qu'au vu de l'explosion des dépenses d'atelier et de pneumatiques sur les 10 premiers mois de l'année et non sur de prétendues accusations de vol, fausse rumeur propagée par Monsieur [O] [O], que ce dernier confond harcèlement et usage du pouvoir de Direction et d'organisation de l'employeur qu'il a mal vécu, conclusions auxquelles sont arrivées, après enquête contradictoire, les organismes de sécurité sociale et le Procureur de la République ; qu'ainsi elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité, le Directeur des Ressources Humaines lui a fait savoir qu'il était à son écoute sans que ce dernier ne lui réponde, les demandes seront rejetées.

*******

Monsieur [O] [O], intimé, par conclusions développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et sur les condamnations au paiement du préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement, l'article 700 du code de procédure civile et de l'infirmer sur le quantum des dommages et intérêts, et de condamner la SA FRAIKIN LOCAMION à payer les sommes de :

37.388 € au titre du salaire non versé entre février 2011 et mars 2012 à parfaire au jour de la décision,

1.956,36 € au titre des congés payés,

75.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

50.000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonner le paiement des congés payés acquis à compter du 23 janvier 2008 jusqu'au jour de la décision à intervenir ;

Dire que l'ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal depuis la saisine du Conseil de Prud'hommes le 20 janvier 2010 et ordonner leur capitalisation ;

Condamner la SA FRAIKIN LOCAMION aux entiers dépens d'appel.

Monsieur [O] [O] fait valoir que le harcèlement dont il a été victime de la part de sa Chef d'Agence Madame [S], dès son arrivée, est établi par les témoignages dans le cadre de l'enquête préliminaire qui l'ont conduit à être déclaré inapte à son poste de travail ; que l'employeur a failli à son obligation de protection de la santé de son salarié auprès duquel il s'était plaint sans que celui-ci ne fasse rien ainsi qu'auprès du CHCT, laissant la situation se dégrader ; qu'il a dû changer de bureau pour ne se consacrer qu'aux tâches d'atelier ; que la fiche de poste ne lui a jamais été remise et n'a été communiquée qu'à l'occasion de la présente instance ; que l'attitude de Madame [S] n'avait rien à voir avec son pouvoir de Direction, Monsieur [H], qui atteste pour cette dernière, a depuis quitté l'entreprise et a déclaré dans le cadre de l'enquête qu'il avait également été victime de Madame [S] et que le précédent Chef d'Atelier était parti pour les mêmes raisons ;

- qu'elle s'est montrée méprisante et désagréable à son égard, elle ne le saluait pas, faisait comme s'il n'était pas là, n'était jamais disponible pour lui et ne le laissait pas s'exprimer ;

- qu'elle était très interventionniste dans les devis en les modifiant à de nombreuses reprises, sans tenir compte de son avis, et en le mettant à l'écart de la gestion de l'atelier dont il avait la charge, se moquant ouvertement de lui, mettant en cause ses compétences et son honnêteté en l'accusant d'un trafic de pneus pour lequel un audit a révélé qu'aucun détournement n'avait eu lieu, le poussant à la faute professionnelle pour se débarrasser de lui en multipliant les ordres et les contrordres et in fine cherchant à monter un dossier en sollicitant des clients et des collègues à témoigner contre lui ce qu'ils ont refusé ;

- qu'il est suivi par un psychiatre et a été placé sous anxiolytiques et antidépresseurs et qu'il n'a pu à ce jour reprendre un emploi et se trouve toujours en arrêt de travail pour état dépressif sévère lié au vécu de sa situation professionnelle ;

- sur le rappel de salaire, il précise qu'il ne perçoit plus aucun revenu depuis le 22 janvier 2011 et il est arrivé en fin de droit de l'assurance maladie au bout de trois ans ; que toujours salarié de la SA FRAIKIN LOCAMION, il ne peut pas s'inscrire à Pôle Emploi, qu'il subit un préjudice financier important et qu'âgé de 57 ans, il lui sera très difficile de trouver un emploi.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond,

Sur le harcèlement moral :

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail : « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise où le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ».

Le fait que l'enquête pénale ait été classée sans suite par le parquet ne prive pas le juge civil du pouvoir d'apprécier les faits qui lui sont soumis.

Monsieur [O] [O] affirme avoir été harcelé par Madame [S], en faisant preuve de mépris à son égard, en remettant en cause ses compétences et sa gestion, en empiétant sur son domaine de compétence en rectifiant les devis, en donnant des contrordres pour le pousser à la faute, en tentant de monter un dossier contre lui, allant jusqu'à l'accuser d'avoir volé des pneus. Il expose que son attitude l'a moralement démoli entraînant les multiples arrêts de travail et son inaptitude à reprendre le travail à raison de l'état dépressif sévère qui n'est que la conséquence du harcèlement subi qui a porté atteinte à sa dignité et à son honneur.

Il résulte des attestations produites aux débats confirmées par les témoignages recueillis par la police au cours de l'enquête que dès l'arrivée de Madame [S] l'ambiance a changé.

Monsieur [V] [V] confirmé par d'autres salariés précise : « le premier jour où elle arrivait, elle n'a dit bonjour à personne, elle s'est sentie au-dessus de nous, elle a demandé à [O] de faire le plein de sa voiture, a priori en lui jetant les clefs, il a refusé... au fil du temps nous avons vu que Monsieur [O] [O] sortait du bureau défait, comme s'il avait pleuré... Madame [S] avait déjà une réputation comme Chef d'Agence, la réputation de quelqu'un qui a déjà fait tomber des Chefs d'Atelier... ».

Monsieur [A] [A], carrossier mécanicien, ne dit pas autre chose.

Monsieur [K] [K] confirme également les éléments précédents, il ajoute « la pression était beaucoup trop forte sur Monsieur [O] [O]... Madame [S] ne supportait pas d'être contredite, la dégradation s'est faite au fil des mois jusqu'à ce que Madame [S] demande un audit car elle pensait que le Chef d'Atelier volait des pneus... souvent elle convoquait Monsieur [O] [O] dans son bureau, je pense que Madame [S] allait au-delà des exigences de la SA FRAIKIN LOCAMION, c'était quelqu'un de carriériste qui se moquait pas mal des relations humaines...'».

Madame [J] [J], responsable des opérations, confirme et précise «'elle a cherché tous les prétextes pour l'enfoncer, je pense que Madame [S] s'est bien aiguisée les dents sur lui, je n'ai jamais vu un écart de comportement de Monsieur [O] [O] envers Madame [S], c'était de l'acharnement gratuit...'».

Madame [D] [D], adjointe des opérations, indique : « parfois elle lui demandait de faire des avoirs ou des devis, puis une fois qu'ils étaient faits, elle lui disait qu'elle ne lui avait pas demandé de faire cela, j'ai été témoin de cela... il s'agissait de harcèlement, elle l'avait dans le collimateur, il devait se justifier pour tout, justifier qu'il change telle ou telle pièce, je sais qu'elle a essayé de faire dire à des clients qu'ils avaient des problèmes avec lui... ».

Monsieur [H] [H], ingénieur commercial, déclare : « elle a pris en grippe [O] dès qu'elle est arrivée et elle ne l'a pas lâché et l'a poussé à bout, au niveau commercial, il péchait par ignorance, il aurait fallu expliquer et former et non harceler, c'était de l'acharnement... pour moi il s'agit bien de harcèlement... ; j'ai été Chef d'Agence... il tenait la route sur la gestion de l'atelier, le management de son équipe, il ne lui manquait que le relationnel client qui s'apprend, elle l'a démoli... ».

Monsieur [W] [W], responsable du contrôle des véhicules équipés de grues, qui a une longue expérience pour avoir vu passer à [Localité 9] 14 Chefs d'Agence et 10 Chefs d'Atelier, fait l'éloge de Monsieur [O] [O], cite ses compétences techniques, un atelier bien tenu, la qualité des relations qu'il entretenait avec son équipe, le fait qu'il ait redressé les comptes et atteste : « qu'à l'arrivée de Madame [S], l'ambiance s'est dégradée, il m'a parlé des souffrances morales régulières qu'il subissait de Madame [S]... je pense que son objectif était de le faire dégager... ».

Monsieur [L] [L] mécanicien depuis 1989, expose :'« puis elle a commencé à embêter Monsieur [O] [O], elle lui reprochait plein de choses, il était souvent convoqué dans son bureau, il avait une pression très très forte, il sortait du bureau de Madame [S] quasiment avec les larmes aux yeux... je n'ai jamais dit que Monsieur [O] [O] volait des pneus, je ne sais pas pourquoi elle a inventé cette histoire... c'est un homme qui a été détruit par cette histoire, c'était un homme fort, un homme très agréable à vivre, c'est maintenant un homme très affaibli, dépressif... ».

Madame [Y] [Y], salariée d'un gros client, atteste que Madame [S] « a insisté à plusieurs reprises pour que le nom de Monsieur [O] [O] figure sur le courrier en tant que fautif et que sa compétence soit mise en cause... » alors que c'est lui qui avait démêlé la situation.

Enfin, Monsieur [Z] [Z], adjoint technique régional, confirme en tous les points la plainte de Monsieur [O] [O] : « tout ce qu'à écrit [O] dans la plainte est bien l'exact reflet de la réalité... nous avons en commun (avec Madame [S]) la partie technique de gestion de l'agence et elle ne comprenait pas les procédures internes de la SA FRAIKIN LOCAMION, exemple : vols de pneus, elle lui reprochait des coûts d'atelier trop élevés, je lui ai expliqué que les siens n'étaient pas bons car mal calculé...

L'audit a été validé par la Direction Régionale, il était en dessous de son budget, elle s'est acharnée sur Monsieur [O] [O]... il gardait les pièces usagées pour prouver qu'il fallait les changer...

Quand j'ai donné à [O] les résultats de l'audit où il était présent, j'ai cru qu'il allait avoir un malaise, il s'est mis à suffoquer et il a éclaté en sanglot comme un bébé, quelques jours après, il a été arrêté... je peux attester que [O] a bien été victime d'un harcèlement de la part de Madame [S], comment qualifier autrement le fait de rabâcher tous les jours à quelqu'un des choses non avenues et de les maintenir quand on vous prouve le contraire... ».

Il résulte des attestations produites aux débats confirmées par les témoignages recueillis par la police au cours de l'enquête que dès l'arrivée de Madame [S] l'ambiance a changé et que Madame [S] s'est acharnée sur Monsieur [O] [O], en le rabaissant, en empiétant sur ses compétences, en les remettant en cause, en tentant de monter un dossier contre lui, en l'accusant de vol, attitude qui avait pour objet de se débarrasser de lui et qui n'est justifiée ni par des raisons de pouvoir hiérarchique ou de meilleure gestion et qui a eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui ont porté atteinte à ses droits et à sa dignité et altéré sa santé physique et mentale le plongeant dans une grave dépression pour laquelle il est toujours soigné et qui l'ont empêché de reprendre tout travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

Au regard des faits de harcèlement avérés, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [O] [O] et de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat au 10 décembre 2010 aux torts de l'employeur qui n'a rien fait pour en protéger son salarié et qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le confirmer également sur les condamnations au paiement des sommes de 8.628 € au titre de l'indemnité de préavis, 862,80 € au titre des congés payés sur le préavis, 8.628 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au paiement des congés payés dus jusqu'au jour de la résiliation judiciaire du contrat.

Sur le rappel de salaire et sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Sur le rappel de salaire, il précise qu'il ne perçoit plus aucun revenu depuis le 22 janvier 2011, qu'il est arrivé en fin de droit de l'assurance maladie au bout de trois ans, que toujours salarié de la SA FRAIKIN LOCAMION, il ne peut pas s'inscrire à Pôle-Emploi.

La rupture du contrat a été fixée au 10 décembre 2010, Monsieur [O] [O] ne peut donc pas demander le paiement des salaires ou des congés postérieurs à cette date, il lui a été accordé le montant du préavis et des congés payés sur préavis qui couvre la période allant du 10 décembre 2010 au 22 janvier 2011, la demande sera rejetée.

Sur les dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail :

L'article L. 1235-3 du code du travail dispose que : « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié.

Cette indemnité, à la charge de l'employeur ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois. Elle est due sans préjudice le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ».

Monsieur [O] [O] a un peu plus de 8 ans dans l'entreprise, il subit un préjudice financier important, du fait qu'il n'a plus eu de revenus à compter du 22 janvier 2011, date de la fin du paiement des indemnités journalières, qu'âgé de 57 ans, il lui sera très difficile de trouver un emploi et que son état de santé ne lui permet toujours pas de travailler, il lui sera accordé l'équivalent de 2 ans de salaire soit la somme de 70.000 €.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Au-delà du préjudice matériel, Monsieur [O] [O] a subi un préjudice corporel et un préjudice moral important conséquence du harcèlement au vu des éléments médicaux qui sont produits, il lui sera alloué en réparation du préjudice, la somme de 25.000 €

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [O] [O] les frais par lui exposés et non compris dans les dépens, la Cour lui alloue à ce titre la somme de 1.500 €.

La SA FRAIKIN LOCAMION qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement sur la résiliation judiciaire du contrat au 10 décembre 2010, sur le préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, le paiement du solde des congés payés à la date de la résolution judiciaire du contrat et la capitalisation des intérêts au taux légal ainsi que sur l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SA FRAIKIN LOCAMION à verser à Monsieur [O] [O] les sommes de :

70.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25.000 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Condamne la SA FRAIKIN LOCAMION à payer à Monsieur [O] [O] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L. 1235-4 du code du travail, la Cour ordonne le remboursement par la SA FRAIKIN LOCAMION à Pôle-Emploi des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 6 mois,

Condamne la SA FRAIKIN LOCAMION aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/05217
Date de la décision : 20/09/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/05217 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-20;10.05217 ?
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