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04/09/2012 | FRANCE | N°10/01977

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 04 septembre 2012, 10/01977


PPS/CD



Numéro 3358/12





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 04/09/2012









Dossier : 10/01977





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires















Affaire :



[P] [A]



C/



S.A. HYDROMETAL







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Septembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







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APRES DÉBATS



à l'...

PPS/CD

Numéro 3358/12

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 04/09/2012

Dossier : 10/01977

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires

Affaire :

[P] [A]

C/

S.A. HYDROMETAL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Septembre 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Juin 2012, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [P] [A]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître BLANCO de la SCP BLANCO/DARRIEUMERLOU, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

S.A. HYDROMETAL

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Maître BOURDEAU de la SCP FIDAL, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 03 MAI 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [P] [A] a été engagé par la S.A. HYDROMETAL, en qualité de Directeur Technique et Commercial par contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 2003.

La convention collective applicable est la Convention Nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie.

Monsieur [P] [A] a été en arrêt de travail pour maladie du 1er avril 2008 au 29 août 2008.

Il a été convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu le 26 août 2008.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 août 2008, la S.A. HYDROMETAL a notifié à Monsieur [P] [A] son licenciement.

Par requête en date du 29 septembre 2008, Monsieur [P] [A], a saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU aux fins de contester son licenciement et obtenir condamnation de la S.A. HYDROMETAL à lui payer des dommages et intérêts et diverses indemnités.

Par jugement du 3 mai 2010, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le Conseil de Prud'hommes de PAU a :

- condamné la S.A. HYDROMETAL à payer à Monsieur [P] [A] les sommes suivantes pour non-respect des obligations issues l'exécution de bonne foi du contrat de travail :

* 15.000 € au titre du non-respect de l'obligation de mettre à disposition un véhicule de fonction,

* 5.000 € au titre de la non révision de la rémunération,

* 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que la clause de non-concurrence a été levée régulièrement ;

- dit que l'exécution provisoire s'applique dans les limites de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois étant calculée à partir du cumul sur le bulletin de mars 2008, pour un montant de 10.254 € ;

- débouté des parties de leurs autres demandes ;

- fait masse des dépens et les a répartis par moitié.

Par lettre recommandée avec avis de réception mentionnant la date d'expédition du 21 mai 2010 et reçue au greffe de la Cour le 25 mai 2010, Monsieur [P] [A] a interjeté appel de la décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Monsieur [P] [A] demande à la Cour :

- de réformer le jugement dont appel ;

- de constater que la S.A. HYDROMETAL a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, du fait de l'absence de mise à disposition du véhicule de fonction ;

- d'annuler la clause de non-concurrence et constater que, de ce chef également, la responsabilité contractuelle de la défenderesse est engagée ;

- de condamner pour ces raisons la S.A. HYDROMETAL à lui verser la somme de 30.000 €, à titre de dommages-intérêts ;

- de constater, de plus, que le salarié a été discriminé du fait de la privation des augmentations de salaire, en violation de l'article L. 1132-1 du code du travail ;

- de condamner la S.A. HYDROMETAL à lui verser, en réparation du préjudice causé par cette discrimination, la somme de 20.000 €, à titre de dommages-intérêts ;

- de dire et juger son licenciement irrégulier, injustifié et vexatoire ;

- de condamner par conséquent, la S.A. HYDROMETAL à lui verser la somme de 150.000 € au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

- de condamner la S.A. HYDROMETAL à lui verser la somme de 65.000 € par application de l'article 1382 du code civil, pour rupture vexatoire ;

- de condamner l'intimée à rembourser aux ASSEDIC les allocations chômage ;

- de condamner la S.A. HYDROMETAL à lui verser une indemnité de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de dire que les sommes qui lui seront allouées porteront intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, soit le 29 septembre 2008 ;

- de condamner la S.A. HYDROMETAL aux entiers dépens.

L'appelant soutient :

- que Monsieur [I] [M] n'avait pas qualité pour rompre son contrat de travail ; que le licenciement l'a frappé alors qu'il était touché par une grave maladie qui nécessitait toute son énergie pour être combattue ;

- que des causes étrangères à une appréciation professionnelle sont bien à l'origine de sa mise à l'écart définitive ;

- que le licenciement est injustifié car l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire au travers de la lettre du 25 juin 2008 qui constitue un avertissement ;

- que l'essentiel des griefs concerne la période antérieure au 25 juin 2008 ; qui sont prescrits en application de l'article L. 1332-5 du code du travail ;

- que le licenciement a pour origine des faits identiques à la précédente mesure disciplinaire ;

- que depuis cinq ans, il attendait toujours le véhicule de fonction prévu à son contrat travail ; qu'il a effectué un très important travail commercial ; que l'évolution du chiffre d'affaires général de l'entreprise démontre la qualité de son travail et le caractère injuste des reproches qu'il subit ; que ces chiffres doivent aussi être mis en relation avec la période particulièrement difficile traversée par l'activité aéronautique à cette époque ;

- qu'il a été porté atteinte à la liberté de travail du salarié en intégrant dans son contrat une clause de non-concurrence qui ne comportait pas de contrepartie pécuniaire.

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, la S.A. HYDROMETAL demande :

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné à verser à Monsieur [P] [A] les sommes de :

* 15.000 € au titre du non-respect de l'obligation de mettre à disposition un véhicule de fonction,

* 5.000 € au titre de la non révision de la rémunération,

* 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de confirmer pour le surplus ;

- de débouter en conséquence, purement simplement, Monsieur [P] [A] de l'ensemble de ses demandes ;

- de le condamner au versement de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'intimée fait valoir :

- que Monsieur [P] [A] a été libéré au travers de la lettre de notification de licenciement de la clause de non-concurrence litigieuse, de sorte que celle-ci, à l'observation de laquelle il n'a jamais été tenu, ne saurait lui avoir occasionné aucune forme de préjudice ;

- que Monsieur [P] [A] ne désigne pas les motifs de la discrimination dont il s'estime victime ; qu'il ne fournit aucun élément ne laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que les rémunérations servies aux cadres de direction n'ont jamais eu vocation à bénéficier d'augmentations générales décidées pour les autres catégories de salariés ;

- qu'en l'absence de véhicule de fonction, Monsieur [P] [A] a bénéficié dans des proportions considérables et hors toute fiscalité d'indemnités kilométriques calculées au plafond ;

- que le licenciement de Monsieur [P] [A] est intervenu pour insuffisance professionnelle ;

* que le salarié n'a jamais subi le moindre préjudice de l'absence de déclaration à la compagnie mondiale prévoyance entreprise ; que l'usage de sa messagerie électronique était strictement en lien avec l'accomplissement de ses missions ;

* que Monsieur [M] avait toute autorité d'embaucher ou licencier le personnel de la S.A. HYDROMETAL ou de CHROMAGE PYRÉNÉEN, ayant toute autorité pour le faire au nom et pour le compte des filiales de la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE ;

* que le licenciement n'a pas été prononcé que pour des faits revêtant un caractère disciplinaire, mais en raison de circonstances significatives d'insuffisance professionnelle ; qu'aucun caractère de sanction ne s'attachait à la lettre du 25 juin 2008 ; que l'insuffisance professionnelle n'entre pas dans le champ de l'article 1321-1 du code du travail et ne saurait être couverte par la prescription ; qu'en tout état de cause, le délai de prescription s'apprécie du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié ; que l'engagement de la procédure de licenciement le 10 juillet 2008 fait suite à l'entretien d'évaluation organisé le 23 juin 2008 ;

* que dans le cadre de licenciement notifié pour une autre cause qu'une faute grave et plus spécifiquement pour insuffisance professionnelle, chaque partie supporte la charge d'étayer ses allégations ;

* que d'importants décalages ont été relevés, entre d'une part les objectifs qui avaient pu être fixés à Monsieur [P] [A] et d'autre part, les réalisations dont il était en situation de pouvoir justifier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable ;

Attendu qu'aux termes de son contrat de travail en date du 1er septembre 2003, Monsieur [P] [A] a été engagé pour une durée indéterminée en qualité de Directeur Technique et Commercial, position repère III C 240 ;

Qu'il était plus particulièrement chargé de diriger et de réaliser les différents buts définis dans une annexe révisable chaque année en début d'exercice ; qu'il devait exercer ses fonctions de Directeur Technique et Commercial à la Zone Industrielle du Touya à [Localité 3] ;

Qu'il serait mis à sa disposition un véhicule de fonction, type Renault Laguna, Peugeot 406 diesel ou modèle comparable ;

Qu'en cas de licenciement, le préavis légal sera de trois mois ;

Que compte tenu de la nature de ses fonctions, il s'interdit, en cas de rupture de son contrat travail à quelque époque et pour quelque cause que ce soit, d'exercer son activité de Directeur Technique et Commercial en quelque qualité que ce soit, dans une entreprise fabriquant et commercialisant des produits susceptibles de concurrencer ceux de la S.A. HYDROMETAL, qu'il s'interdit également de s'intéresser directement ou indirectement à l'entreprise concurrente de la société ; que cette interdiction qui s'appliquera à compter du jour du départ effectif de Monsieur [P] [A] de la société, aura une durée de trois ans et couvrira l'ensemble du territoire français ; qu'en cas de manquement du salarié à son obligation de non-concurrence, la S.A. HYDROMETAL se réserve le droit de demander la réparation du préjudice subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrente ; que la société se réserve le droit de libérer Monsieur [P] [A] de l'exécution de la présente clause à l'occasion de la cessation du contrat de travail ; qu'elle notifiera alors sa décision à Monsieur [P] [A] par lettre recommandée, au plus tard le jour de son départ effectif de la S.A. HYDROMETAL ;

Attendu que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 août 2008, la S.A. HYDROMETAL en la personne de Monsieur [I] [M], Directeur, a notifié à Monsieur [P] [A] son licenciement, lui rappelant que les raisons tiennent au constat de son incapacité à assumer les tâches qui lui sont confiées, ce constat procédant de l'accumulation de situation en 'anomalies' ou encore de l'important décalage existant entre les objectifs qui ont été fixés et les réalisations dont il est en situation de justifier ;

Qu'il est notamment relevé :

- sa défaillance patente dans le suivi de la rentabilité des affaires traitées au sein de la S.A. HYDROMETAL ;

- la faiblesse quantitative récurrente de ses visites en clientèle ;

- l'inacceptable décalage existant entre le niveau de réalisations de ses objectifs et ceux qui ont pu lui être fixés ;

Qu'il était expressément indiqué que Monsieur [P] [A] était libéré de toute obligation de non-concurrence contractuellement souscrite, aucune indemnité compensatrice n'étant consécutivement due à ce titre.

Attendu que Monsieur [P] [A] soutient :

- que Monsieur [I] [M] n'avait pas qualité pour rompre son contrat de travail ;

- que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire au travers de la lettre du 25 juin 2008 ;

- que les griefs qui apparaissent dans la lettre de licenciement sont prescrits par application de l'article L. 1332-5 du code du travail ;

- que son licenciement est injustifié et au surplus vexatoire au regard des circonstances qui l'ont entouré et du fait qu'il l'a frappé en pleine maladie ;

- que la S.A. HYDROMETAL n'a pas respecté le contrat s'agissant de la mise à disposition d'un véhicule de fonction ;

- qu'il a subi une discrimination, ayant été privé des augmentations consenties aux autres membres du personnel ;

- que la clause de non concurrence doit être annulée ; qu'il a subi un préjudice qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts ;

Sur la qualité de Monsieur [I] [M] pour signer la lettre de licenciement :

Attendu que Monsieur [I] [M] a été engagé à compter du 1er décembre 2007 par la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE, aux fins d'assurer la direction des deux sites de production français du groupe, à savoir, celui d'HYDROMETAL à [Localité 3] et celui de CHROMAGE PYRÉNÉEN à [Localité 6] ;

Que la délégation de pouvoir de licencier n'a pas à être nécessairement écrite ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié ;

Qu'en sa qualité de Directeur Général salarié de la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE, société mère de droit français de la S.A. HYDROMETAL et de la société CHROMAGE PYRÉNÉEN détenues à 99 %, Monsieur [I] [M] avait assurément toute autorité et capacité pour prendre et notifier la décision de licencier Monsieur [P] [A] ;

Sur la portée de la lettre du 25 juin 2008 :

Attendu que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 25 juin 2008, Monsieur [I] [M] ès qualités de Directeur Général adjoint de la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE a écrit à Monsieur [P] [A] :

' nous avons reçu le 19 juin 2008 le renouvellement de votre arrêt de travail en date du 10 juin 2008 pour une période courant jusqu'au 10 septembre 2008 ; nous vous remercions de cette expédition ;

ceci étant, il nous apparaît de notre devoir de vous rappeler que, par essence, un arrêt de travail a vocation à suspendre le contrat qui nous lie, de telle sorte que votre présence sur votre lieu de travail ne nous apparaît pas souhaitable pendant cette période ;

il en va, à notre sens, de notre propre sécurité juridique comme de la vôtre ;

de surcroît, vos venues et visites sur notre site d'[Localité 3] nous apparaissent d'autant moins opportunes qu'il nous a été donné d'apprendre, par voie d'informations diverses mais concordantes reçues par suite de celles-ci, que vous auriez plus à coeur en ces occasions de tenir des propos en inadéquation manifeste avec les orientations que nous avons fixées, afin de réorganiser l'entreprise, autant que de modifier ses modes de fonctionnement ;

depuis notre arrivée en décembre 2007, nous nous sommes pour notre part efforcés de vous épargner, notamment en minimisant votre responsabilité personnelle quant au constat à tout le moins alarmant que nous avons pu dresser à ce même niveau, des défaillances relevées à tous points de vue, telle qu'elles vous impliquaient pourtant nécessairement ;

nous n'escomptions évidemment ni gratitude, ni remerciement de votre part, mais nous étions en droit d'espérer que vous vous solidarisiez avec une politique, rompant avec la vôtre, mais plutôt couronnée de succès ;

devrions-nous tenus, à cet égard, vous rappeler (même s'il nous est pénible de le faire en une telle période) que la première de vos obligations en qualité de membre de l'équipe de direction est de vous associer sans faille et sans réserve, aux axes de développement que nous avons tracés et aux décisions que nous avons arrêtées ;

nous restons, sur ce registre, dans l'attente de vos observations et explications' ;

Attendu que par cette lettre, l'employeur adresse une mise au point à Monsieur [P] [A], lui rappelant ses obligations, dans le cadre de la suspension de son contrat de travail, sans pour autant se placer sur le terrain disciplinaire, et lui notifier un avertissement ;

Qu'aucun fait fautif n'est véritablement relevé à son encontre ;

Qu'ainsi, Monsieur [P] [A] ne peut soutenir que la S.A. HYDROMETAL avait épuisé son pouvoir disciplinaire à la suite de l'envoi de la lettre du 25 juin 2008 et qu'ainsi la procédure de licenciement engagée par la suite était abusive ;

Que ce moyen sera écarté ;

Sur la prescription des faits visés dans la lettre de licenciement :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait est donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Attendu cependant que dans la lettre de licenciement notifiée à Monsieur [P] [A], la S.A. HYDROMETAL reproche essentiellement à ce dernier son insuffisance professionnelle :

Que l'insuffisance professionnelle, qui n'est jamais une faute disciplinaire, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié ;

Que Monsieur [P] [A] ne peut invoquer, dans ces conditions, l'existence de la prescription de faits qui ne sont pas constitutifs de fautes ;

Sur l'insuffisance professionnelle :

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et sert de cadre strict à son contrôle, et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ;

Attendu que Monsieur [P] [A] exerçait les fonctions de :

- Directeur Technique et Commercial de la S.A. HYDROMETAL, en charge de la responsabilité technique et économique de ladite société,

- Directeur Commercial, en charge de la vente des prestations proposées par la société et du développement de ses parts de marché ;

Que ses fonctions étaient précisément détaillées dans des fiches signées le 1er août 2006 ;

Que des objectifs annuels lui étaient fixés ;

- sur la défaillance reprochée dans le suivi de la rentabilité des affaires traitées au sein de la S.A. HYDROMETAL :

Attendu que l'employeur relève que 'les outils que nous avons nous-mêmes dû prendre l'initiative de mettre en place dans cet objet, depuis le mois de juin 2008 font ainsi apparaître de nombreuses affaires traitées 'à perte', dont notamment celles résultant du transfert de l'activité du chromage dur en juin 2005 de la S.A. HYDROMETAL vers la Société CHROMAGE PYRÉNÉEN, ainsi :

* s'agissant du client [Y], la référence D64539 facturée à la S.A. HYDROMETAL 37 € et refacturée au client [Y] par la S.A. HYDROMETAL 25,15 €,

* pour le client [T], la référence 24650-21 facturée à la S.A. HYDROMETAL 51 € et refacturée au client [T], par la S.A. HYDROMETAL 15,24 €' ;

Attendu que Monsieur [P] [A] avait notamment pour objectif pour l'année 2007, d'améliorer la rentabilité de base d'une façon permanente de la S.A. HYDROMETAL (point 3) ;

- sur la faiblesse quantitative récurrente des visites à la clientèle :

Attendu que la S.A. HYDROMETAL verse les tableaux récapitulant les visites commerciales effectuées par Monsieur [P] [A] :

- de l'ordre de deux par mois en 2007,

- 33 en cinq mois en 2008, augmentation expliquée par le fait qu'il ait été accompagné chez les clients les plus importants, afin de leur présenter Monsieur [I] [M] ;

Qu'il est cité l'exemple du client [W], Responsable des Traitements de Surface chez DASSAULT, rencontré le 19 juillet 2008, qui a transféré l'activité de cadmiage Parker au sein de son usine auprès d'un concurrent, faute de contact avec la S.A. HYDROMETAL ;

- sur la réalisation des objectifs :

Attendu que les objectifs fixés pour l'année 2007 n'ont pas été atteints : qu'un chiffre d'affaires de 3.033 K€ a été réalisé au lieu de 3.520 K€ fixé ;

Que le résultat atteint n'a été que de 4 K€, au lieu d'un objectif de 83 K€ ;

Que la rentabilité de base est passée de 147.000 € au 31 décembre 2006 à moins de 70.000 € au 31 décembre 2007 ;

Qu'aucune évolution notable du système informatique pour mieux gérer la production et la prestation complète n'a été constatée, faute d'action entreprise ;

Que l'intégration des responsables de services dans la gestion ainsi que dans le calcul de prix et l'analyse de marge, l'amélioration de la communication entre la direction et les salariés de HMA et CPE, n'ont pas connu d'évolution significative ;

Attendu que Monsieur [P] [A] s'est révélé défaillant dans la réalisation des objectifs commerciaux concernant la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE notamment, la négociation des niveaux de prix du chromage acceptable, la conclusion de contrats de fournisseurs avec des clients importants comme [T], [Y], [V], recherche de rentabilité et intérêts stratégiques de la société HARTCHROM AERONAUTICS FRANCE dans la prise des commandes, développement continu de marché aéronautique en France et dans d'autres régions hors de France, l'acquisition de plusieurs clients nouveaux importants de l'aéronautique et des secteurs hors aéronautique ;

Attendu que Monsieur [P] [A] produit diverses attestations :

- Monsieur [R] [F], dirigeant de la Société Chromage Pyrénéen de janvier 2001 à décembre 2008, indique que Monsieur [P] [A] a géré de manière satisfaisante cette période avec des moyens de production plus réduit et une charge de travail plus importante, que sur le plan commercial, il a maintenu avec les clients de bonnes relations ;

- Monsieur [J] [K], Responsable de Traitement de Surfaces chez HYDROMETAL indique que Monsieur [P] [A] a trouvé de nouveaux clients en France et en Espagne dès 2004 et a oeuvré pour remettre l'usine sur pied suite à l'incendie de 2005, et rappelle qu'une prime exceptionnelle lui a été versée début 2008 ;

- Monsieur [Z] [W] ayant travaillé chez DASSAULT Aviation, entre le mois de de septembre 2004 à novembre 2008, indique, qu'à sa connaissance, il n'y a pas eu de transfert d'activité de cadmiage Parker en sous-traitance en 2007 ;

Que ces pièces, au demeurant vagues et imprécises, rédigées en termes généraux, ne sont pas de nature à répondre aux insuffisances professionnelles pointées de manière détaillées et circonstanciées, appuyées sur des éléments comptables dans la lettre de licenciement ;

Que Monsieur [P] [A] tentant de réfuter les termes de la lettre, n'apporte aucun élément probant objectif au soutien de ses affirmations, selon lesquelles :

- l'écart au budget de l'activité et du résultat de la S.A. HYDROMETAL ne peut lui être imputé mais ne résulte que de la défaillance de Chromage Pyrénéen à fournir le chromage demandé ;

- le chiffre d'affaires de la S.A. HYDROMETAL a progressé de 37 % en 4 ans de 2003 à 2007, et ce malgré l'incendie de 2005 ;

Attendu qu'il résulte au contraire, de la lecture des nombreux courriers électroniques échangés entre Monsieur [X] [U], responsable du groupe et Monsieur [P] [A] d'octobre 2006 à novembre 2007, qu'il était régulièrement reproché au second son absence d'initiative et son manque de réactivité, voire d'efficacité ;

Attendu que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré que le licenciement de Monsieur [P] [A] repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Attendu que les affirmations de Monsieur [P] [A] selon lesquelles, son licenciement l'aurait frappé, alors qu'il était touché par une grave maladie qui nécessitait toute son énergie pour être combattue, ne reposent sur aucun élément objectif ;

Que rien ne permet en outre au salarié de soutenir que Monsieur [M], nouvellement arrivé dans l'entreprise, souhaitait coûte que coûte l'écarter ;

Sur la non mise à disposition d'un véhicule de fonction :

Attendu que la S.A. HYDROMETAL admet que le véhicule de fonction, pourtant prévu au contrat de travail n'a jamais été mis à la disposition de Monsieur [P] [A] ;

Que néanmoins, le salarié a bénéficié lors de ses déplacements professionnels effectués avec son véhicule personnel, d'indemnités kilométriques payées à un barème favorable 0, 32 à 0,35 € le kilomètre ; que ses frais de parking, de péages autoroutiers, lui ont été en outre régulièrement remboursés comme l'établissent les bordereaux de frais de remboursement produits par l'employeur ;

Qu'ainsi le préjudice consistant en l'utilisation de son propre véhicule Citroën Xantia puis C4 pour effectuer ses déplacements professionnels doit être relativisé et réparé en l'absence de justificatifs précis de dépenses d'entretien, par l'allocation d'une indemnité forfaitaire de 3.000 € ;

Sur la discrimination :

Attendu que Monsieur [P] [A] reproche à la S.A. HYDROMETAL un défaut de déclaration à MONDIALE PRÉVOYANCE ENTREPRISE, la confiscation de son adresse électronique et la privation d'augmentations bénéficiant aux autres salariés ;

Attendu que Monsieur [P] [A] ne précise pas les raisons pour lesquelles l'employeur l'aurait discriminé, selon l'énumération figurant à l'article L. 1132 -1 du code du travail (origine, sexe, moeurs, orientation sexuelle, âge, situation de famille, caractéristiques génétiques, appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses, appartenance physique, nom de famille, état de santé ou du handicap) ;

Qu'il incombe en outre au salarié, de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que force est de constater que Monsieur [P] [A] est défaillant sur ce point ;

Attendu que, si effectivement, il résulte d'une lettre adressée par LA MONDIALE à la S.A. HYDROMETAL le 27 février 2009, que les formalités de déclaration de sinistre, en l'occurrence l'arrêt de travail de Monsieur [P] [A] n'ont pas été effectuées dans les délais prévus au contrat de prévoyance, aucun préjudice n'a été subi de ce fait par le salarié ;

Que les rémunérations servies aux cadres de direction de la S.A. HYDROMETAL n'ont pas vocation à bénéficier des augmentations générales décidées pour les autres salariés de l'entreprise ; que la rémunération de Monsieur [P] [A] était fixée conformément aux dispositions de l'article 5 du contrat de travail, comportant une rémunération annuelle de 65.000 €, plus prime de résultat et prime d'objectif ;

Qu'enfin, l'octroi d'une adresse électronique correspond à l'exercice d'une activité professionnelle et la suspension de son accès pendant l'absence de Monsieur [P] [A] au sein de l'entreprise ne peut être considérée comme discriminatoire, dès lors qu'il n'était pas en mesure d'accomplir ses missions durant la période d'arrêt de travail ;

Attendu que Monsieur [P] [A] sera en conséquence débouté de sa demande de paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Sur la clause de non concurrence :

Attendu que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail (article 11) ne comporte pas de fixation de la contrepartie financière à la restriction imposée au salarié au libre exercice de son activité professionnelle ;

Que dès lors, cette clause doit être annulée ;

Attendu que le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ;

Que toutefois, en l'espèce, Monsieur [P] [A] ne justifie d'aucun préjudice, dès lors qu'il n'a jamais été tenu de respecter la clause à compter de la rupture de son contrat de travail, puisque dans la lettre de licenciement, la S.A. HYDROMETAL l'a libéré de toute obligation de non-concurrence ;

Qu'il sera en conséquence débouté de sa demande de versement de la somme de 30.000 € à ce titre ;

Attendu qu'il convient de condamner Monsieur [P] [A] à payer à la S.A. HYDROMETAL la somme de 1.000 €, à titre d'indemnité destinée à compenser les frais irrépétibles que cette dernière a été contrainte d'exposer pour résister à l'argumentation adverse ;

Qu'il supportera la charge des dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de PAU du 3 mai 2010, en ce qu'il a :

- constaté que la S.A. HYDROMETAL a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, du fait de l'absence de mise à disposition du véhicule de fonction,

- débouté Monsieur [P] [A] de ses demandes formées :

* en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* en application de l'article 1382 du code civil pour rupture vexatoire,

* pour discrimination salariale sur le fondement de l'article L. 1132-1 du code du travail,

* en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- fait masse des dépens et les a répartis par moitié ;

L'infirmant pour le surplus,

- annule la clause de non-concurrence, déboute Monsieur [P] [A] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamne la S.A. HYDROMETAL à payer à Monsieur [P] [A] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts du fait de l'absence de mise à disposition du véhicule de fonction,

- déboute Monsieur [P] [A] de ses autres demandes,

Condamne Monsieur [P] [A] à payer à la S.A. HYDROMETAL la somme de 1.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Le condamne aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01977
Date de la décision : 04/09/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/01977 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-04;10.01977 ?
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