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21/08/2012 | FRANCE | N°11/01929

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 21 août 2012, 11/01929


PC/CD



Numéro 12/3330





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 21/08/2012







Dossier : 11/01929





Nature affaire :



Demande relative à une servitude de distance pour les plantations et constructions







Affaire :



[Y] [Z]



C/



SCI [C]



























Grosse délivrée le :


r>à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 août 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile...

PC/CD

Numéro 12/3330

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 21/08/2012

Dossier : 11/01929

Nature affaire :

Demande relative à une servitude de distance pour les plantations et constructions

Affaire :

[Y] [Z]

C/

SCI [C]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 août 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 mars 2012, devant :

Monsieur CASTAGNE, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame PEYRON, greffier présent à l'appel des causes,

Monsieur CASTAGNE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Monsieur BILLAUD, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Y] [Z]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 5] (33)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 11]

[Localité 8] (ANGLETERRE)

représentée par la SCP DUALE/LIGNEY, avocats à la Cour

assistée de Maître GENY de la société d'avocats HPGT, avocat au barreau du Gers

INTIMÉE :

SCI [C]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour

assistée par Maître MAZZA CAPDEVIELLE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 20 AVRIL 2011

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN

Vu le jugement du 20 avril 2011 par lequel le tribunal de grande instance de Mont de Marsan a, sur le fondement des dispositions de l'article 544 du code civil :

- condamné Mme [Y] [Z] à payer à la SCI [C] les sommes de 18 339 €, 2 816,27 € et 84 € en réparation des désordres provoqués par la chute sur sa propriété de Sainte Eulalie en Born (40) d'arbres et de branches d'arbres lors de la tempête Klaus,

- condamné Mme [Z] à mettre ses plantations en conformité avec les dispositions de l'article 671 du code civil et à couper les branches surplombant le fonds de la SCI [C],

- débouté la SCI [C] de sa demande en dommages-intérêts,

- condamné Mme [Z] à payer à la SCI [C] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Vu la déclaration d'appel régularisée le 23 mai 2011 par Mme [Z],

Vu l'ordonnance de clôture du 20 février 2012.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 octobre 2011, Mme [Z] demande à la cour :

- à titre principal, de débouter la SCI [C] de ses demandes, d'ordonner la mainlevée de la consignation prescrite par ordonnance de référé du 6 septembre 2011 et de condamner la SCI [C] à lui payer les sommes de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de la SCP de [U],

- subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins de constater que les arbres de bordure ont effectivement été coupés et/ou élagués en mai 2006 ainsi que de vérifier la position des arbres abattus par la tempête qui seraient tombés sur le fonds de l'intimée.

Elle soutient en substance :

- que la tempête Klaus constitue un événement de force majeure exonératoire de toute responsabilité, quel qu'en soit le fondement alors même que la SCI [C] ne rapporte pas la preuve d'un défaut d'entretien ou de toute autre faute imputable tant à elle-même (en sa qualité de nue-propriétaire à la date du dommage dont réparation est demandée qu'à feue Mme [L] (alors usufruitière de la propriété dont s'agit),

- qu'à la veille de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, les parcelles litigieuses, gérées par une coopérative professionnelle, la CAFSA, selon un plan de gestion approuvé par les autorités compétentes, étaient en conformité avec la loi et les règlements et en état normal d'entretien (ainsi que l'établissent un contrat d'achat de bois, une attestation de la CAFSA, une facture de débroussaillement du 20 janvier 2009 et appel d'offres pour coupe rase du 22 janvier 2009),

- qu'elle bénéficie de la prescription trentenaire de l'article 672 du code civil au vu de l'âge des arbres qui avaient atteint deux mètres depuis plus de trente ans avant la date des faits allégués,

- que la SCI [C] ne rapporte pas la preuve qu'elle-même ou feue Mme [L] lui aient causé, de par leur comportement ou du simple fait de la présence de pins plantés sur leurs parcelles, avant ou après la tempête Klaus, un quelconque dommage pouvant constituer un trouble anormal de voisinage au sens de l'article 544 du code civil, au vu en particulier, de la coupe des arbres de bordure effectuée en 2006 et du retrait, dès le 19 février 2009, des arbres signalés le 8 février 2009 comme ayant été abattus par la tempête Klaus sur son fonds ainsi que du retrait des arbres chablis sur leurs parcelles à la même date,

- que les arbres litigieux faisaient partie d'une exploitation agricole antérieure à l'acquisition du fonds par la SCI [C], exploitation qui s'est toujours poursuivie dans les mêmes conditions et en conformité avec la réglementation en vigueur en sorte que la SCI [C] n'est pas fondée à se plaindre de leur proximité, au regard des dispositions de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation,

- qu'au regard des dispositions de l'article L. 122-7 du code des assurances et des clauses type d'assurance multirisques habitation en matière de protection contre l'incendie, la SCI [C] ne rapporte pas la preuve d'un défaut d'indemnisation de la part de son assureur AGF, ni celle des préjudices allégués et du lien de causalité entre ceux-ci et les fautes reprochées à elle-même ou à feue Mme [L], alors même que la SCI [C] n'a pas procédé à ses obligations d'entretien de la clôture séparative et de débroussaillement, contribuant ainsi, au préjudice par elle allégué,

- que les pièces par elle versées aux débats constituent autant de preuves de la conformité et de l'entretien normal des parcelles.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 novembre 2011, la SCI [C] conclut à la confirmation de la décision entreprise et sollicite la condamnation de Mme [Z] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec bénéfice de distraction des dépens d'appel au profit de la SCP [J].

Soutenant qu'il est établi qu'au sens de l'article 1382 du code civil, la responsabilité de Mme [Z] est engagée dans la mesure où elle a manqué aux obligations qui étaient les siennes du fait du trouble anormal causé à son voisinage au sens de l'article 544 du code civil, elle soutient pour l'essentiel :

- que les dispositions du règlement départemental de protection contre l'incendie faisant obligation de débroussaillement jusqu'à une distance minimum de 50 mètres des constructions, y compris sur les fonds voisins, invoquées par Mme [Z], sont inapplicables en l'espèce, s'agissant d'une zone urbaine dotée d'un PLU imposant aux propriétaires du sol une obligation de débroussaillement de la totalité de leurs propres parcelles et qu'en toute hypothèse, un propriétaire ne peut se décharger sur son voisin de son obligation d'entretien, de coupe et d'élagage,

- qu'elle n'a reçu aucune indemnité de son assureur aux motifs que la responsabilité des désordres était imputable à un tiers et que le contrat d'assurance excluait les dépendances de la piscine et sa couverture rigide,

- que le classement de la tempête Klaus en catastrophe naturelle n'entraîne qu'une présomption d'exonération de responsabilité réduite à néant par le constat réitéré d'un défaut d'entretien de la propriété de l'appelante que ne saurait contredire l'attestation délivrée par l'organisme professionnel en assurant la gestion.

MOTIFS

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage et la responsabilité pour faute sont exclusives l'une de l'autre dès lors que la réparation du dommage causé par un trouble anormal de voisinage n'est pas subordonnée à la preuve d'une faute et qu'inversement, le caractère anormal de l'inconvénient subi n'a pas à être établi si les conditions ordinaires de la responsabilité civile sont remplies.

Il en résulte que les conclusions de l'intimée doivent s'interpréter comme sollicitant la réparation des dommages subis par son fonds en raison d'un trouble anormal du voisinage ayant consisté en l'espèce dans la présence, sur la propriété de l'appelante, d'arbres présentant un danger pour la sécurité des biens et des personnes.

L'existence de cette situation, qui, par le risque important qu'elle représente pour la sécurité des biens et des personnes, constitue effectivement un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, est suffisamment établie par :

- un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 février 2006 (et les photographies annexées) relevant, outre un défaut manifeste d'entretien de la propriété de l'appelante en sa partie confrontant la propriété de la SCI [C], la présence de très grands pins maritimes d'environ 20 mètres de haut penchant dangereusement vers la propriété de la SCI [C] et menaçant directement le garage, la piscine et l'habitation principale en cas de chute,

- un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 26 février 2009 duquel il résulte que tous les pins maritimes mentionnés dans le constat du 3 février 2006 ont été jetés à terre par la dernière tempête du 23 janvier 2009, que ceux qui ont procédé au nettoyage ont dégradé la clôture qui est complètement avachie, qu'une jardinière a été cassée par la chute des branches, que des branches de pin maritime se trouvent au fond de la piscine, que l'abri de piscine (châssis télescopique) est hors d'usage et ses attaches tordues.

Cette situation est de nature, sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque mesure d'instruction, à engager la responsabilité de Mme [Z] sur le fondement de l'article 544 du code civil, étant considéré que l'appelante ne justifie d'aucune cause d'exonération dès lors :

- s'agissant de la force majeure invoquée du chef de la tempête Klaus, à l'origine directe et matérielle de la chute des arbres sur le fonds de l'intimée, que ce phénomène climatique, quelle que soit sa force, ne peut être en l'espèce considéré comme un événement imprévisible et irrésistible au regard de la réclamation amiable par lettre du 19 août 2005 et de la sommation par acte d'huissier de justice du 16 mars 2006, sollicitant la coupe des arbres les plus proches des bâtiments de la SCI [C] et la menaçant,

- s'agissant de l'absence de faute de l'appelante tirée d'un entretien régulier de sa propriété, que le trouble consiste non en un défaut d'entretien de la propriété de Mme [Z] mais dans la présence d'arbres dangereux, susceptibles de s'abattre sur les bâtiments de la SCI [C], en sorte d'une part, que l'attestation de la CAFSA organisme chargé de la gestion forestière de la propriété de Mme [Z], sur l'entretien et l'exploitation réguliers des parcelles de l'appelante, est sans intérêt, les dommages causés à la propriété de la SCI [C] par la chute d'arbres implantés sur le fonds [Z] démontrant que les mesures préventives nécessaires et indispensables à la sécurité des fonds voisins n'ont pas été prises par l'appelante,

- sur la prétendue faute de la victime, qu'à supposer même que l'obligation de débroussaillement résultant des articles L. 321-1 et suivants du code forestier et de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2004 relatif à la protection de la forêt contre les incendies s'imposât à la SCI [C], ce droit (et devoir) d'intervention sur les propriétés voisines, consistant à limiter le risque de propagation d'incendies en coupant les plantes herbacées, les arbustes, en élaguant les branches basses et en éliminant les végétaux ainsi coupés, ne confère pas aux propriétaires intervenant sur un fonds voisin le pouvoir de procéder à des abattages d'arbres,

- s'agissant du respect des distances légales d'implantation des arbres, que la circonstance que les arbres litigieux étaient implantés à plus de deux mètres de la ligne divisoire des fonds des parties est indifférente à la solution du litige, le trouble anormal de voisinage provenant non du lieu d'implantation des arbres mais de leur hauteur excessive et dangereuse pour la propriété voisine à l'égard de laquelle la SCI [C] ne disposait, au titre de l'article 672 du code civil, d'aucun droit d'intervention,

- s'agissant de la prescription trentenaire et de l'antériorité de l'exploitation forestière de la propriété de Mme [Z] (article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation), qu'aucun élément du dossier n'établit que les arbres qui se sont abattus sur la propriété de l'intimée avaient atteint une hauteur engendrant le risque d'endommagement de ladite propriété plus de trente ans avant la survenance de leur chute ou avant la construction des bâtiments sur la parcelle de la SCI [C].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [Z] responsable, sur le fondement de l'article 544 du Code Civil, des dégradations causés sur le fonds de la SCI [C] par la chute d'arbres implantés sur la propriété de Mme [Z] le 24 janvier 2009.

La SCI [C] verse aux débats les éléments (conditions particulières du contrat d'assurance Essentiel Habitat, correspondances de l'assureur) établissant qu'elle n'a pas reçu (et ne recevra pas) d'indemnisation de son assureur au titre des dommages résultant de la chute des arbres implantés sur le fonds de l'appelante et dont elle sollicite réparation dans le cadre de la présente instance.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a, sur la base des justificatifs versés aux débats concernant la réparation des désordres exclusivement provoqués par la chute d'arbres survenue le 24 janvier 2009 (destruction d'une jardinière, d'une clôture séparative et d'un abri de piscine) condamné Mme [Z] à payer à la SCI [C] la somme globale de 21 239,27 € à titre de dommages-intérêts.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme [Z] à mettre ses plantations en conformité avec les dispositions de l'article 671 du Code Civil et à couper les branches surplombant le fonds de la SCI [C] étant considéré que le non-exercice par le propriétaire du fonds victime d'un envahissement végétal de la faculté prévue par l'article 673 du code civil constitue une simple tolérance et ne peut caractériser une servitude dont la charge s'aggraverait avec les années.

Mme [Z] qui succombe dans son argumentation sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive.

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [Z], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la SCI [C] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et de lui allouer de ce chef, au titre des frais exposés en cause d'appel, une indemnité supplémentaire de 2 500 €.

Mme [Z] sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance avec autorisation pour les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Mont de Marsan en date du 20 avril 2011,

En la forme, déclare l'appel de Mme [Z] recevable,

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ajoutant à celui-ci :

- Condamne Mme [Z] à payer à la SCI [C], en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel,

- Condamne Mme [Z] aux entiers dépens d'appel avec autorisation pour les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, par suite de l'empêchement de Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,Pour LE PRESIDENT empêché,

Mireille PEYRON Patrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11/01929
Date de la décision : 21/08/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°11/01929 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-08-21;11.01929 ?
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