FA/AM
Numéro 12/2794
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 21/06/2012
Dossier : 11/02152
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[J] [E] [U]
C/
SAS LAFITTE TP
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 juin 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Mars 2012, devant :
Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX, et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [J] [E] [U]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5] (Mali)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP LONGIN - LONGIN-DUPEYRON - MARIOL, avocats à la Cour
assisté de Maître Gil SERIZIER, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
INTIMEE :
SAS LAFITTE TP
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
représentée par la SCP RODON, avocats à la Cour
assistée de la SCP SALESSE, avocats au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 05 AVRIL 2011
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
La communauté de communes de [Localité 7] a attribué à la société Lafitte TP un marché portant sur la réalisation d'une aire d'accueil pour les gens du voyage, comportant notamment la réalisation d'emplacements en béton pour des caravanes, correspondant à la mise en oeuvre de huit dalles de 150 m² chacune.
L'entreprise Lafitte TP a confié l'exécution de ce marché à M. [U] dans le cadre d'un contrat de sous-traitance du 20 mai 2009.
Le maître d'oeuvre a signalé par courriel du 8 juin 2009 à la société Lafitte TP que les dalles mises en oeuvre n'étaient pas conformes, et la communauté de communes de [Localité 7] a de ce fait revu à la baisse le montant du marché, ce qui a donné lieu à un avenant du 19 mars 2010 fixant une moins-value de 15'540 € TTC.
L'entreprise [U] a sollicité le paiement par son donneur d'ordres d'une somme de 23'539,67 € correspondant aux travaux de confection des dalles, puis a obtenu une ordonnance d'injonction de payer par le tribunal le commerce de Dax et la société Lafitte TP a fait opposition à cette ordonnance.
Par jugement du 5 avril 2011, le tribunal de commerce de Dax a fixé la créance de M. [U] à 23'539,67 € correspondant au montant de sa facture, et celle de la société Lafitte TP à 27'029,60 € représentant le montant des travaux de reprise, en relevant que ces travaux de mise en oeuvre du béton sont entachés de malfaçons qui ont été constatées par le cabinet Iris, ainsi que par le maître d'oeuvre et la communauté de communes de [Localité 7].
Le tribunal a ordonné la compensation entre les créances respectives et condamné l'entreprise [U] à payer à la SAS Lafitte TP la somme de 3 489,93 €, et une indemnité de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 7 juin 2011, M. [U] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions du 8 février 2012, il a conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation de l'entreprise Lafitte TP au paiement de la somme de 23'539,67 € représentant le montant de sa facture, et d'une indemnité de 5'000 € pour frais irrépétibles.
Il fait valoir que les prétendues malfaçons n'ont pas fait l'objet d'un constat contradictoire, qu'il n'a pas été informé des défauts et malfaçons constatés par le maître d'oeuvre le 3 juin 2009, et qu'il n'a pas été mis en oeuvre de mesure d'expertise contradictoire seule susceptible de mettre en évidence la réalité des malfaçons ainsi que les responsabilités encourues.
Il ajoute que l'entreprise Lafitte TP a résilié unilatéralement et abusivement le contrat de sous-traitance, en faisant reprendre les travaux effectués par lui sans aucun débat contradictoire, en signant unilatéralement avec la communauté de communes de [Localité 7] un avenant au marché principal, et en ne lui permettant donc pas de reprendre lui-même le cas échéant les désordres avérés.
Dans ses dernières conclusions déposées le 27 octobre 2011, la société Lafitte TP a conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de l'entreprise [U] au paiement d'une indemnité de 5'000 € pour frais irrépétibles.
L'intimée fait valoir que M. [U] a été immédiatement informé par elle des défauts de conformité des dalles ainsi que de la solution d'urgence à mettre en oeuvre.
Elle soutient qu'il a constaté lui-même les défauts d'exécution de ces ouvrages, lesquels ne pouvaient être réceptionnés en l'état.
Elle ajoute que ces malfaçons ont également été constatées par le maître d'oeuvre.
Elle s'appuie sur un courrier du 16 août 2009 dans lequel M. [U] a déclaré explicitement s'opposer à la reprise des travaux, contraignant ainsi la concluante à se retourner vers une autre entreprise pour faire effectuer les travaux de reprise, ce qui justifie son obligation de souscrire un avenant au marché initial.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2012.
Motifs de l'arrêt
Il résulte des pièces versées aux débats que par acte d'engagement du 24 septembre 2008, la société Lafitte TP a conclu un marché avec la communauté de communes de [Localité 7] pour un montant de 175'034 € HT, portant sur la réalisation d'une aire d'accueil des gens du voyage à [Localité 4].
L'objet de ce marché consistait dans la réalisation d'emplacements en béton destinés à recevoir des caravanes, impliquant la mise en oeuvre de 8 dalles d'environ 150 m² chacune.
Le cabinet Iris Conseil a assuré la maîtrise d'oeuvre de cette opération.
Par contrat du 20 mai 2009, la société Lafitte TP a confié la réalisation des travaux de dallage à l'entreprise Maison Blanche, dont M. [U] est le directeur, pour un montant de 23'539,67 € TTC.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 juin 2009 le cabinet de maîtrise d'oeuvre a adressé à la société Lafitte TP un ordre de service constatant la non-conformité des dalles en béton mises en oeuvre par l'entreprise de M. [U], se traduisant par des fissurations résultant du ruissellement des eaux de pluie sur le béton, de l'absence d'utilisation d'un enduit de cure lors de la réalisation, ainsi que l'absence de joints de dilatation.
Le cabinet Iris Conseil a confirmé cet avis par un nouveau courrier du 8 juin 2009 en proposant, afin de ne pas retarder la mise à disposition de l'aire d'accueil, de réaliser en urgence une chape de réagréage sur les fissurations importantes des dalles.
Les travaux effectués par M. [U] ont été réceptionnés le 24 août 2009 avec réserves par la communauté de communes de [Localité 7], maître de l'ouvrage.
Il est expressément mentionné dans le procès-verbal de réception la non-conformité de l'état des surfaces des dalles en béton ainsi que la fissuration de ces dalles.
Il résulte de l'examen du procès-verbal de réception des travaux qu'il a été établi contradictoirement avec la société Lafitte TP, qui est le donneur d'ordre de M. [U].
M. [U] n'avait pas à intervenir au niveau de la réception de l'ouvrage en sa qualité de sous-traitant, seul son donneur d'ordres qui avait contracté avec le maître de l'ouvrage ayant qualité pour ce faire.
La nature et l'importance des malfaçons a donc été établie de manière contradictoire, et ne sont pas discutées par la société Lafitte TP.
D'autre part, contrairement à ce que soutient M. [U], il a été valablement informé de l'existence de ces malfaçons, ainsi qu'il résulte de son courrier du 16 août 2009 adressé à l'entreprise Lafitte TP, puisqu'il y indique qu'il a participé à la réunion du 6 août 2009 qui s'est tenue sur le site de l'aire d'accueil des gens du voyage en présence des services techniques de la ville de [Localité 7], de la société Lafitte TP et de M. [Y].
Il a par contre contesté la nature des désordres, estimant qu'ils sont purement esthétiques et qu'ils ne remettent pas en cause la solidité ou la structure de l'ouvrage.
Il a déclaré qu'il était prêt à intervenir à nouveau sur le chantier mais seulement lorsqu'un accord serait trouvé sur la prise en charge du sûrcoût engendré par l'intervention d'une société dénommée Sika dont un représentant l'accompagnait lors de cette réunion.
Il résulte des constatations du maître d'oeuvre, du procès-verbal de réception de l'ouvrage établi contradictoirement avec la société Lafitte TP que les malfaçons sont parfaitement caractérisées et nécessitent la mise en oeuvre de travaux de reprise qui s'élèvent à la somme dûment justifiée de 11'481,60 € TTC, sur la base d'un devis du 29 juin 2009 de l'entreprise Brunateau-Colin, consistant dans le décapage par sablage des huit plates-formes en béton, lesquelles sont toutes affectées par des fissures ainsi que des microfissures.
L'article 10 du contrat de sous-traitance stipule qu'il pourra être résilié de plein droit sans formalité préalable en cas de défaillance avérée du sous-traitant, et notamment en cas de refus de reprendre les travaux déclarés non conformes par la maîtrise d'oeuvre.
Dans la mesure où ces malfaçons sont suffisamment caractérisées, puisqu'il s'agit de fissures et de microfissures de nature à compromettre la solidité des dalles, et qu'elles nécessitent la reprise complète des huit plates-formes, et que M. [U] a refusé d'effectuer les travaux de reprise, la société Lafitte TP était en droit de résilier le contrat de sous-traitance sans lui adresser de mise en demeure préalable, et de confier les travaux de reprise à une entreprise de son choix.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, la société Lafitte TP justifiant d'une part de la nécessité des travaux de reprise, d'autre part de la souscription d'un avenant du 19 mars 2010 au contrat passé avec la communauté de communes de [Localité 7] qui ne pouvait se satisfaire d'un ouvrage affecté par des malfaçons, et qui a conduit la société Lafitte TP à déduire du montant du marché initial la somme TTC de 15'548 €.
L'ensemble de ces sommes seront donc mises à la charge de M. [U], et d'un autre côté la SAS Lafitte TP devra s'acquitter du montant des travaux effectués par M. [U] dans le cadre de ce contrat de sous-traitance, avec compensation entre les créances respectives.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Lafitte TP les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel ; M. [J] [U] sera donc condamné à lui payer à ce titre une indemnité de 2 000 €.
M. [U] qui succombe dans cette procédure sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dax du 5 avril 2011, et y ajoutant :
Condamne M. [J] [U] à payer à la SAS Lafitte TP une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne M. [U] aux dépens.
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS