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21/06/2012 | FRANCE | N°10/01557

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 21 juin 2012, 10/01557


CP/SH



Numéro 2824 /12





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 21/06/2012









Dossier : 10/01557





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



SAS [M] SURGELÉS



C/



[H] [L]
















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Juin 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de ...

CP/SH

Numéro 2824 /12

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 21/06/2012

Dossier : 10/01557

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

SAS [M] SURGELÉS

C/

[H] [L]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Juin 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Mai 2012, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Madame PAGE, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

En présence de Mademoiselle DAVID, greffière stagiaire.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SAS [M] SURGELÉS

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

en la personne de Monsieur [M],

assisté de Maître FAGGIANELLI, avocat au barreau d'AUCH

INTIME :

Monsieur [H] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Maître MESA, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 09 AVRIL 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

FAITS PROCÉDURE :

Monsieur [H] [L] a été embauché par la SA GELADOUR le 11 mars 1996 en qualité de vendeur prospecteur, il est devenu animateur des ventes en 1997 et par avenant du 8 avril 1998, il sera nommé chef de l'agence commerciale de [Localité 7] avec le statut de cadre position 0801, il se porte candidat aux élections de DUP du 14 septembre 2005.

La SA GELADOUR a été reprise par la SAS [M] SURGELÉS le 23 mai 2005.

Monsieur [H] [L] est mis à pied à titre conservatoire à compter du 28 septembre 2005, après avoir été convoqué par lettre à un entretien préalable au licenciement fixé le 7 octobre 2005, la délégation unique a été consultée le 19 octobre 2005 sur le projet de licenciement, puis l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement, la décision sera annulée le 12 mai 2006 par le Ministère de l'Emploi qui autorisera le licenciement sur recours de la SAS [M] SURGELÉS, décision confirmée par jugement rendu par le tribunal administratif de Pau le 26 mars 2009.

Monsieur [H] [L] a été licencié par lettre du 15 mai 2006 pour faute grave.

Le conseil des prud'hommes de Tarbes, section encadrement, par jugement contradictoire du 9 avril 2010, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a considéré que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il a condamné la SAS [M] SURGELÉS à verser à Monsieur [H] [L] les sommes de :

- 6.750 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 675 € au titre des congés payés sur le préavis,

- 8.075 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SAS [M] SURGELÉS aux dépens de l'instance.

La SAS [M] SURGELÉS a interjeté appel de ce jugement le 16 avril 2010 ainsi que Monsieur [H] [L].

Les parties ont comparu à l'audience, la SAS [M] SURGELÉS assistée de son conseil et Monsieur [H] [L] représenté par son conseil.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions développées à l'audience, la SAS [M] SURGELÉS demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, de réformer le jugement, de débouter Monsieur [H] [L] de toutes ses demandes, de le condamner à payer les sommes de 1.500  € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SAS [M] SURGELÉS fait valoir que l'autorisation de licenciement donnée par le Ministère du Travail et de l'Emploi confirmée par jugement rendu par le tribunal administratif de PAU le 26 mars 2009 est donnée dans des termes particulièrement clairs, il est souligné l'existence d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, que la décision administrative qui autorise le licenciement a également apprécié le degré de gravité de la faute et est revêtue de l'autorité de la chose jugée, que donc les demandes de Monsieur [H] [L] remettant en cause le bien fondé du licenciement sont irrecevables pour se heurter au principe de la séparation des pouvoirs, subsidiairement, dire et juger la faute grave parfaitement fondée au regard des griefs reprochés qui sont justifiés.

Elle précise qu'en sa qualité de chef d'agence, il lui incombait de collecter les fonds remis par les vendeurs, de contrôler la recette journalière, de la déposer au coffre et d'en effectuer le lendemain le dépôt en banque au moyen de trois enveloppes contenant séparément la monnaie, les billets et les chèques sur chacune desquelles figurait le détail de son contenu, qu'il ne devait déposer plainte que le 21 septembre 2005 après s'être aperçu qu'il manquait des enveloppes contenant des espèces et qu'une personne avait subtilisé la clef de secours cachée dans son bureau, qu'après vérification des comptes, il estimait que les sommes manquantes depuis le 1er juillet 2005 s'élevaient à environ 12.000 €, que ces faits n'avaient été rendus possibles que par les négligences graves et répétées de Monsieur [H] [L] qui avait laissé la clef du coffre accessible et qui avait depuis deux mois déposé des fonds à la banque sans contrôler le dépôt des montants en espèces préalablement comptabilisés alors que les fait s'étaient répétés pendant 41 jours du 5 juillet au 21 septembre 2005.

*******

Monsieur [H] [L], intimé, par conclusions développées à l'audience demande à la Cour à titre principal de confirmer le jugement sauf sur l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'il souhaite voir fixer à la somme de 8.933,95 €,
subsidiairement de l'infirmer, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la SAS [M] SURGELÉS à payer les sommes de :

- 20.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8.500 € au titre des dommages et intérêts pour rupture vexatoire,

- de condamner la SAS [M] SURGELÉS à payer la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Monsieur [H] [L] fait valoir que l'on ne peut lui reprocher de ne pas s'être comporté comme un véritable enquêteur, ce qui n'était pas son rôle, que son contrat ne met à aucun moment à sa charge la collecte et le contrôle des recettes journalières qu'il n'a assumé qu'après le licenciement de la secrétaire, Madame [J] au mois de mai 2005, que la recette était déposée à la banque qui adressait directement au siège un relevé de dépôt, qu'il s'est aperçu le 26 juillet qu'il manquait une enveloppe car, en raison du manque d'enveloppes spécifiques à cet usage, il avait été utilisé une autre enveloppe qui contenait 460 €, qu'il a transmis un mail à la direction signalant le manque de fiabilité du système de contrôle et la disparition de la somme de 460 €, qu'il est parti en congé sans que les services comptables ne contrôlent le montant des sommes encaissées, qu'à son retour, il a changé le code du coffre et s'est aperçu de la disparition de la clef de secours du coffre et de nouvelles disparitions d'enveloppes qui lui ont permis de trouver le coupable, qu'à aucun moment, la direction n'a pris les mesures nécessaires pour assurer l'effectivité du contrôle des remises dont il n'est pas responsable, qu'il s'est à nouveau aperçu le 21 septembre de la disparition d'enveloppes et a immédiatement déposé plainte, que tant dans l'entretien préalable que lors de la réunion des délégués antérieure à son licenciement, l'employeur a invoqué d'autres motifs pour le licencier, qu'il était dans l'impossibilité de démontrer et que ces disparitions de fonds ont été le détonateur et non la cause véritable de son licenciement.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.

Au fond

- Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 15 mai 2006 qui fixe les limites du litige est libellée comme suit : 

« il vous est reproché de ne pas vous être rendu compte et de ne pas avoir signalé la disparition d'une somme d'un montant minimal de 12.000 € dérobée sur plusieurs mois au sein de l'agence dont vous aviez la responsabilité. Vous aviez eu connaissance dès le 26 juillet 2005 de disparitions de fonds...en tant que chef d'agence vous aviez contractuellement une responsabilité sur les encaissements et les remises en banque. Il relevait donc de votre compétence d'une part, de découvrir rapidement les faits, d'autre part, d'y mettre un terme mais plus encore, de tenir la direction informée de la gravité des faits dans des délais raisonnables.

Vous avez reconnu avoir remis l'argent en banque sans aucune vérification...vous n'avez jamais pointé les bordereaux de remises en banque qui vous ont été adressés... »

En l'état de l'autorisation administrative de licencier, le juge judiciaire n'a pas le pouvoir de contrôler le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement sans porter atteinte à la séparation des pouvoirs, il peut toutefois apprécier le degré de gravité de la faute qui justifie le licenciement pour autant que le juge administratif ne se soit pas prononcé sur ce point.

La décision d'autorisation du Ministère de l'Emploi du 12 mai 2005 est ainsi libellée « ..est caractérisé, en l'espèce, un manquement aux obligations dévolues à un chef d'agence qui constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement . »

Le juge administratif a considéré, dans sa décision du 26 mars 2009, conformément à la décision de licencier prise par le Ministre du Travail et de l'Emploi que Monsieur [H] [L] avait eu connaissance dès le 26 juillet 2005 de la disparition d'espèces dans la collecte des fonds déposés, que le fait de s'abstenir de signaler la disparition d'une somme de 12.000 € prélevée entre juillet et septembre 2005 dans le coffre de l'agence placée sous son autorité, alors qu'il était responsable des sommes de l'agence qu'il déposait lui-même dans le coffre avant de les déposer à la banque, constituait une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement.

Le fait qu'il soit précisé que la faute est suffisamment grave pour justifier le licenciement ne précise pas la nature juridique du licenciement puisqu'il ne qualifie pas pour autant le licenciement pour faute grave.

Il entre dans les missions de Monsieur [H] [L], dans le contrat de travail, «d'organiser le traitement et le suivi des opérations administratives et d'assurer un reporting régulier et précis des résultats de son agence, notamment dans le cadre du suivi budgétaire, à ce titre, Monsieur [H] [L] devra faire parvenir tous les mois, semaines, jours les informations suivantes, résultats... »

Par ailleurs, il n'est pas contesté que depuis le départ de sa secrétaire, c'est Monsieur [H] [L], en personne, qui assure la collecte, la dépose au coffre en fin de journée et assure le lendemain la remise en banque.

Il résulte des éléments des débats que les faits se sont produits à compter du 5 juillet jusqu'au 21 septembre 2007, que sur la période, 41 dépôts sur 57 étaient incomplets, que Monsieur [H] [L] a été en vacances du 8 au 20 août 2005, qu'il a donc été personnellement responsable de 33 remises incomplètes, qu'il se devait de vérifier en sa simple qualité de dépositaire des fonds de la réalité et de la conformité des remises qu'il effectuait.

Il s'est aperçu d'une enveloppe manquante le 25 juillet 2005 parce que précisément la banque n'avait pas fourni suffisamment d'enveloppes habituelles de remise en plastic transparent et que les 460 € se trouvaient dans une enveloppe différente, ce qui a attiré son attention.

S'il a signalé par mail du 26 juillet 2005, à la direction de façon générale le manque de fiabilité du contrôle des caisses ainsi que celui de la remise en banque de la recette de la journée et son interrogation à propos de la somme de 460 € dont il indique «je ne puis dire si l'argent est en banque», il s'est abstenu de préciser toutefois la réalité de ses constatations, à savoir la disparition d'une enveloppe du coffre contenant la somme de 460 € et ne peut donc pas soutenir que son mail est explicite.

Enfin, en sa qualité de responsable d'agence, il se devait de remettre en cause ses propres pratiques, effectuer un contrôle plus strict des dépôts et remises à partir du moment où il avait été alerté par la disparition d'une enveloppe et s'assurer de la conformité des remises avec les bordereaux de dépôts.

Le défaut de contrôle des remises en sa qualité de dépositaire des fonds et le fait qu'alerté, le 25 juillet 2005, par la disparition d'une enveloppe, il n'ait pas saisi la direction du véritable problème et ne se soit pas davantage préoccupé d'assurer des vérifications en interne en sa qualité de chef d'agence, constitue une faute grave rendant impossible le maintien du contrat de travail, le jugement sera infirmé.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et les dommages et intérêts pour procédure abusive :

Le droit d'agir en justice ou d'exercer un recours ne dégénère en abus que s'il procède d'une erreur grossière équivalente au dol ou s'il révèle une intention de nuire, ce qui n'est pas démontré en l'absence de caractérisation de la faute, la demande sera rejetée.

Il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [H] [L] qui succombe en ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière sociale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable.

Infirme le jugement.

et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [H] [L] de toutes ses demandes et la SAS [M] SURGELÉS de ses demandes reconventionnelles.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [H] [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame DEBON, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01557
Date de la décision : 21/06/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/01557 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-21;10.01557 ?
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