FA/AM
Numéro 12/2758
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 19/06/2012
Dossier : 11/01669
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
[U] [O]
C/
SARL [B]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 juin 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Février 2012, devant :
Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX, et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [U] [O]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 8]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assisté de Maître Jean-Pierre CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SARL [B]
[Adresse 3]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal Monsieur [P] [B] domicilié audit siège
représentée par la SCP DUALE - LIGNEY, avocats à la Cour
assistée de Maître MAZZA-CAPDEVIELLE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 16 MARS 2011
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Suivant un devis du 12 février 2007, M. [O] a confié à la SARL [B] des travaux de charpente et de couverture de sa maison située à [Localité 4] pour un montant de 56 728,07 € TTC.
M. [O], s'appuyant sur un procès-verbal de constat du 25 mars 2008 a soutenu que les cotes de cette charpente - couverture n'ont pas été respectées, et il a sollicité une mesure d'expertise qui a été ordonnée par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Pau du 3 décembre 2008.
L'expert a déposé son rapport le 20 mai 2009.
Par acte d'huissier du 23 octobre 2009, la SARL [B] a fait assigner M. [O] afin de condamnation au paiement de la somme principale de 19 975,98 € représentant le montant du solde de sa facture, en faisant valoir que le rapport d'expertise n'a pas permis de mettre en évidence de défauts caractérisés d'exécution ou de non-conformités des cotes de cette charpente.
Par jugement du 16 mars 2011, le tribunal de grande instance de Pau a débouté M. [O] de sa demande de nouvelle expertise, et l'a condamné à payer à la SARL [B] la somme de 19 975,88 € avec les intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2009, ainsi que 1 000 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles, et a condamné d'autre part la SARL [B] à payer à M. [O] la somme de 2 128,88 € représentant le montant des travaux de reprise des malfaçons, à savoir les aboutements de chevrons, et la réalisation de joints de dilatation sur les dalles.
Par déclaration au greffe du 29 avril 2011, M. [O] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions du 23 janvier 2012, il a sollicité la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expertise en soutenant que les désordres relevés sont imputables à la SARL [B], et à titre subsidiaire, il a conclu à sa condamnation au paiement d'une somme de 122 067,35 € correspondant au montant des travaux de reprise, et à titre infiniment subsidiaire il a estimé la perte de valeur vénale de sa maison d'habitation à 30 000 €, en sollicitant enfin le paiement d'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles.
Il s'appuie sur les expertises effectuées par MM. [N] et [W] pour soutenir que le rapport d'expertise judiciaire comporte de nombreuses erreurs de calcul des pentes, qu'il a omis de constater que de nombreuses pannes ventrières ne reposent que sur les arêtiers ou bien qu'elles ont été clouées dans le vide, qu'il manque de nombreux joints de dilatation, qu'il existe une différence de pentes entre les arbalétriers et la toiture, et qu'enfin de nouveaux désordres sont apparus postérieurement aux opérations d'expertise.
Dans ses dernières écritures déposées le 26 janvier 2012, la SARL [B] a conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de M. [O] au paiement d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.
Elle a soutenu que les demandes formulées au titre des travaux de reprise ainsi que de perte de la valeur vénale de l'immeuble sont irrecevables puisqu'elles ont été présentées pour la première fois en cause d'appel.
Elle s'est appuyée sur le rapport d'expertise pour faire valoir que le décalage des pentes est mineur, correspondant à des écarts de quelques millimètres qui ne constituent ni des malfaçons, ni des vices graves, ni des non-conformités.
Elle ajoute que les quelques menus défauts ont déjà fait l'objet de reprises. Elle a fait observer, en outre, que le rapport de M. [N] sur lequel s'appuie M. [O] n'est pas contradictoire, et qu'il n'a pas été soumis à l'expert lors de ses opérations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2012.
M. [O] a présenté de nouvelles conclusions le 13 février 2012 et sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture.
La SARL [B] n'a formulé aucune observation sur cette demande.
Motifs de l'arrêt
1) sur la demande en révocation de l'ordonnance de clôture présentée par M. [O].
Elle est motivée par le fait qu'il n'a pas pu répondre en temps utile aux conclusions déposées par la SARL [B] le 26 janvier 2012,soit la veille de l'ordonnance de clôture.
Il résulte de la lecture des conclusions du 26 janvier 2012 qu'elles sont identiques à celles déposées par la SARL [B] le 29 septembre 2011.
Les conclusions du 26 janvier 2012 n'étaient donc pas de nature à appeler une réponse.
La demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera donc rejetée.
2) sur la recevabilité des demandes de M. [O].
En première instance, M. [O] a conclu à la condamnation de la SARL [B] au paiement d'une somme de 22 667,08 € au titre des travaux de reprise et des non-conformités.
Devant la Cour il a sollicité une nouvelle mesure d'expertise et porté sa demande initiale à 32 667,08 € puis à 122 067,35 €.
Il convient de constater en premier lieu qu'en première instance, M. [O] avait sollicité la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expertise ; sa demande représentée en cause d'appel n'est donc pas nouvelle.
D'autre part, ses demandes initiales en paiement de la somme de 22 667,08 € concernaient les travaux de reprise, et il a seulement augmenté le montant des sommes sollicitées à ce titre.
Il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
L'exception d'irrecevabilité présentée par la SARL [B] doit donc être rejetée.
3) sur le fond.
M. [O] a réitéré sa demande de mise en oeuvre d'une nouvelle expertise en soutenant que l'expert judiciaire a commis de nombreuses erreurs en ce qui concerne notamment le calcul de la pente des pans de charpente, la solidité des jonctions de chevrons, l'assise des pannes ventrières sur les arbalétriers, les jonctions des dalles en zinc, etc.
Il s'appuie tout d'abord sur un avis de M. [N] exprimé dans un rapport du 2 août 2010.
Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 20 mai 2009 et M. [O] n'a présenté aucun dire technique devant l'expert pour contester son avis.
Le rapport de M. [N] a été déposé plus d'un an après le rapport d'expertise judiciaire ; il a été établi à la demande de M. [O] et n'a donc pas été soumis au débat contradictoire devant l'expert judiciaire.
Ce rapport tardif et non contradictoire ne peut donc justifier la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'expertise.
Il en est de même du rapport établi par M. [W] le 24 juin 2011 à la demande de M. [O].
En outre, ces rapports ne viennent pas contredire utilement les conclusions de l'expert judiciaire.
En conséquence, M. [O] sera débouté de sa demande de mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'instruction.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que la charpente présente :
a) des défauts d'implantation résultant de la différence de niveau et de positionnement des éléments de charpente, dus en partie aux défauts d'implantation des murs porteurs du gros oeuvre, qui ont engendré des différences de pentes par rapport aux plans initiaux :
- la pente minimale de la toiture suivant les plans de l'architecte déposés au permis de construire est de 60 %, et il a été relevé des différences de pentes présentant des écarts de 2,75 % ;
- le décalage des pentes est mineur, et il correspond à des écarts de quelques centimètres, imperceptibles à l'oeil, n'engendrant aucune imperfection d'ordre esthétique ;
- ces différences de pentes ne constituent pas des malfaçons, ni des vices graves ou des non-conformités.
b) les malfaçons :
- une différence de pente entre les arbalétriers et la toiture, ceux-ci ayant une pente plus importante qui constitue une malfaçon, mais qui a été reprise au moyen de cales placées entre les arbalétriers et les pannes, et l'expert a relevé que l'ingénieur conseil qui a examiné la toiture n'a pas relevé de défauts sur ce point particulier, et fait observer que cela ne constitue pas une défectuosité d'ordre esthétique, et que ce défaut n'a aucune incidence sur la stabilité de la toiture ;
- le rallongement du poinçon situé à la jonction des pans de toiture numérotés 10 et 11, mais n'ayant que peu d'incidence sur la stabilité de la toiture ;
- les aboutements de certains chevrons par des biseaux, sans points d'appui, sans incidence sur la stabilité de la toiture, mais devant être repris par un « moisage » ;
- le décalage d'un entrait qui a été repris par le doublement de la pièce de charpente provenant du décalage de la maçonnerie par rapport à la charpente.
L'expert a précisé que tous les défauts ont fait l'objet de reprise, à l'exception des jonctions de chevrons, et que tous les autres désordres et malfaçons constatés ne sont pas susceptibles de mettre l'ouvrage en péril.
Il a également fait observer que les décalages des pentes de la toiture et celui d'un entrait incombent au propriétaire qui a réalisé des travaux de maçonnerie et de gros oeuvre ainsi qu'au charpentier.
Ce rapport est précis et motivé, et la Cour fait donc siennes ses conclusions, étant observé que M. [O] ne rapporte pas la moindre preuve de ce que les malfaçons relevées auraient compromis la stabilité de la toiture.
Compte tenu des travaux de reprise déjà exécutés par la SARL [B], il y a lieu de la condamner au paiement de la somme de 220 € hors taxes correspondant aux travaux de reprise des aboutements de chevrons.
M. [O] a fait état d'une nouvelle malfaçon apparue après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire en s'appuyant sur le rapport de M. [N] dont il résulte que les jonctions de dalles en zinc sont dessoudées au niveau des différents bas de pentes, provoquant d'importantes fuites et chutes d'eau, ce désordre s'expliquant par l'absence de joints de dilatation ayant provoqué les cassures situées au droit des soudures.
Même si le rapport de M. [N] n'est pas contradictoire, l'existence de ces désordres résulte suffisamment des photographies versées aux débats, et la SARL [B] n'a pas formulé de contestations sérieuses à ce sujet.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la SARL [B] la réalisation des joints de dilatation sur les dalles pour un montant de 2 560 € HT.
- Sur les comptes entre les parties :
Il résulte des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. [O] reste devoir à la SARL [B] la somme de 19 975,88 € représentant le solde du marché de travaux.
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relative aux dommage-intérêts et indemnité pour frais irrépétibles.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL [B] les frais irrépétibles qu'elle a dû engager en cause d'appel ; M. [O] sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [O] qui succombe dans cette procédure sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.
Par ces motifs
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.
Rejette la demande de report de l'ordonnance de clôture ;
Déclare recevables les demandes présentées par M. [U] [O].
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pau le 16 mars 2011, et y ajoutant :
Condamne M. [U] [O] à payer à la SARL [B] une indemnité de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne M. [U] [O] aux dépens.
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS