NR/SB
Numéro 2681/12
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 14/06/2012
Dossier : 10/03397
Nature affaire :
Demande d'annulation d'une décision d'un organisme
Affaire :
[G] [I]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES- PYRÉNÉES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Juin 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Avril 2012, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [G] [I]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Maître BATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTES- PYRÉNÉES
[Adresse 2]
[Localité 6]
non comparante, non représentée
sur appel de la décision
en date du 19 JUILLET 2010
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE MONT DE MARSAN
Monsieur [G] [I] est engagé par contrat de travail du 31 mai 2006 par la SEMOS [Localité 4]-[Localité 6] en qualité de joueur de rugby professionnel pluri-actif pour la saison 2005/2006.
Il sera victime d'un accident du travail et interrompra son activité de joueur de rugby du 15 janvier au 16 février 2007 puis du 14 mai au 21 juillet 2007.
Par lettre recommandée en date du 26 mai 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées sollicite de Monsieur [G] [I] des explications sur des actes facturés à son nom, en qualité de masseur kinésithérapeute libéral durant les périodes susvisées durant lesquelles il a perçu des indemnités journalières de l'organisme social.
Par lettre en réponse, Monsieur [G] [I] conteste avoir perçu des indemnités journalières suite à son arrêt de travail au club de [Localité 6].
Par lettre recommandée en date du 23 juin 2009, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées notifie à Monsieur [G] [I] une pénalité de 6.706 € (soit la moitié des sommes versées) pour avoir exercé son activité de masseur kinésithérapeute libéral pendant les périodes qui ont fait l'objet de versements d'indemnités journalières suite à l'accident du travail déclaré à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées, le cumul de revenus d'activité et d'indemnité journalière n'étant pas autorisé.
La Commission de Recours Amiable, saisie par Monsieur [G] [I] rejette le recours.
Par lettre recommandée en date du 3 octobre 2009, Monsieur [G] [I] saisit le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'un recours à l'encontre de la décision de la commission.
Par jugement en date du 19 juillet 2010, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Landes :
- déboute Monsieur [G] [I] de l'ensemble de ses prétentions
- condamne Monsieur [G] [I] à verser à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées la somme de 6.706 € à titre de pénalité.
Monsieur [G] [I] interjette appel par lettres recommandées en date du 21 et du 23 août 2010 du jugement qui lui est notifié le 23 juillet 2010.
Les appels sont joints par ordonnance de jonction du 15 septembre 2011.
Monsieur [G] [I] demande à la Cour de :
A titre principal
- dire que les dispositions de l'article L323-6 du code de la sécurité sociale en vigueur antérieurement à sa réforme par la loi numéro 2010-1594 du 20 décembre 2010 ne permettaient pas à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées d'infliger une pénalité à Monsieur [G] [I] ;
- dire que la Caisse ne pouvait faire droit, sans vérification, à la demande de subrogation de l'employeur ayant trait à un joueur pluriactif ;
- dire que le salarié n'a commis aucune violation volontaire des dispositions de l'article L323-6 du code de la sécurité sociale ;
- réformer le jugement entrepris ;
- débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées de ses prétentions ;
Très subsidiairement
- fixer le montant des pénalités infligées à Monsieur [G] [I] à la somme de 1€ ;
- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, Monsieur [G] [I] expose que, victime d'un accident du travail, il a été en arrêt de travail du 15 janvier 2007 au 16 février 2007 puis du 14 mai 2007 au 21 juillet 2007, périodes durant lesquelles son salaire a été maintenu, conformément aux dispositions de la convention collective du rugby professionnel, continuant, durant cette période, à exercer son activité libérale de kinésithérapeute.
Il soutient d'une part, que l'article L323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable en l'espèce, permet de « retenir » c'est-à-dire de ne pas verser, à titre de pénalités, les indemnités journalières et non, après versement entre les mains d'un tiers, d'infliger une sanction financière à l'assuré.
De plus, aux termes de la convention collective applicable, lorsqu'un club employeur s'adresse à la Caisse en vue d'obtenir la subrogation :
- soit il ne s'agit pas d'un joueur pluriactif auquel cas l'employeur ne verse en principe que le complément des indemnités journalières et ne peut être subrogé dans les droits du joueur qu'avec l'accord de ce dernier,
-soit il ne s'agit pas d'un joueur pluriactif mais l'employeur a exceptionnellement maintenu l'intégralité du salaire auquel cas l'employeur peut être subrogé dans ses droits,
- soit il s'agit d'un joueur pluriactif poursuivant son autre activité, auquel cas l'employeur verse l'intégralité du salaire mais ne peut faire valoir un droit à subrogation légale ou conventionnelle.
Il appartient à la Caisse, saisie d'une demande directe de subrogation par l'employeur d'un rugbyman professionnel, avant d'y satisfaire, de se renseigner sur la qualité du joueur.
En effet, dans l'hypothèse d'un joueur pluriactif poursuivant une autre activité, la Caisse ne peut donner suite à la demande de subrogation formée par le seul employeur, à défaut, si elle y fait droit, elle ne peut opposer au joueur une quelconque faute ni lui infliger une sanction financière.
Monsieur [G] [I], malgré la sommation qu'il a faite, n'a pu obtenir de la Caisse « copie de la demande de subrogation formée par le club » qui est intervenue à son insu.
En conséquence, et en l'absence d'inobservation volontaire des dispositions de l'article L323-6 du code du travail, la Caisse ne peut lui infliger de pénalités.
Subsidiairement, il fait valoir qu'il est d'une parfaite bonne foi, et qu'il n'a commis aucune infraction dès lors que la convention collective prévoit que le joueur pluriactif blessé peut continuer à exercer son autre activité et que ses bulletins de salaire mentionnent « salaire garanti AT », la question de la subrogation étant directement réglée entre l'employeur et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie .
Il appartenait dans ces conditions au club de ne pas solliciter le bénéfice de la subrogation et à cette dernière de ne pas y donner suite.
Conformément aux principes fondamentaux gouvernant la responsabilité, il n'y a pas lieu à pénalité à son préjudice sauf à la réduire à la somme symbolique de 1 €.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées demande à la Cour de :
- confirmer le jugement dont appel
- maintenir le débouté de Monsieur [I].
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie soutient qu'en poursuivant son activité libérale, Monsieur [I] a violé l'article L323-6 du code de la sécurité sociale qui impose la cessation de toute activité rémunérée ou non dès lors qu'il y a arrêt de travail.
Seul l'assuré social est personnellement assujetti aux termes de l'article L323-6 du code de la sécurité sociale il lui appartient en conséquence, de régler l'organisme social et, s'il l'estime nécessaire, de mettre en cause son employeur pour défaut d'information sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
La Caisse Primaire rappelle que les rapports entre le salarié et l'employeur lui sont inopposables laquelle applique un texte d'ordre public et ne saurait être tenue par une convention d'ordre privé.
De plus la Caisse Primaire n'a retenu que la moitié des indemnités versées à titre de pénalité ce qui ne révèle pas une attitude abusive de l'organisme social.
Sur quoi
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hautes-Pyrénées fonde son recours à l'encontre de Monsieur [G] [I] sur les dispositions de l'article L323-6 du code de la sécurité sociale qui énonce que :
« Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :
1° D'observer les prescriptions du praticien
2° De se soumettre au contrôle organisé par le service du contrôle médical prévu à l'article L315-2
3° De respecter les heures de sortie autorisées par le praticien qui ne peuvent excéder 3 heures consécutives par jour
4° De s'abstenir de toute activité non autorisée
En cas d'inobservation volontaire des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues.
En cas de recours formé contre les décisions de la caisse, les juridictions visées à l'article L. 142-2 contrôlent l'adéquation du montant de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assuré. »
Le 31 mai 2006, Monsieur [G] [I] qui exerce une activité libérale de masseur kinésithérapeute depuis le 1er avril 1998, signe avec le « SEMOS LT65 » un contrat de travail à durée déterminée sur la saison sportive 2006/2007 devant s'achever au 30 juin 2007 en qualité de joueur de rugby.
Le contrat est souscrit en qualité de joueur pluriactif, compte tenu de l'activité libérale parallèle de masseur kinésithérapeute.
À la suite d'un accident du travail, Monsieur [G] [I] doit cesser la pratique du rugby entre le 15 janvier 2007 et le 16 février 2007 ainsi qu'entre le 14 mai 2007 et le 21 juillet 2007 continuant cependant d'exercer son activité libérale de masseur kinésithérapeute.
L'article 6.4. de la Convention collective du rugby professionnel, applicable, stipule que les joueurs entrant dans le champ d'application de ladite convention bénéficient du maintien intégral de leur rémunération à compter du premier jour d'arrêt de travail, que celui-ci résulte de maladie ou d'accident de travail, le Club complétant en net le montant des indemnités journalières de sécurité sociale.
Il est précisé, qu'il s'agisse du maintien de la rémunération par le club ou des garanties collectives de prévoyance, que les indemnités journalières substitutives à la rémunération ne sont dues qu'en complément de celles allouées par le régime de sécurité sociale.
Cependant, par exception à ce principe, le maintien direct de la rémunération bénéficie au joueur pluriactif qui, malgré l'état d'incapacité d'exercer son activité de sportif professionnel, ne perçoit pas les indemnités allouées par la Caisse Primaire uniquement du fait de la poursuite de son activité pour le compte de son second employeur.
Aux termes de l'article 3.1 de l'annexe 6, les indemnités journalières sont dues si l'état d'incapacité temporaire de travail ouvre droit au bénéfice des indemnités journalières allouées par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie . Par exception à ce principe, elles sont également dues aux pluriactifs qui ne perçoivent pas ces indemnités uniquement en raison de la règle du code de la sécurité sociale selon laquelle ces indemnités ne sont pas dues si l'assuré peut continuer à exercer sa seconde activité.
Conformément aux dispositions conventionnelles, Monsieur [G] [I], joueur pluriactif devait bénéficier du maintien de sa rémunération par son employeur sans que cette garantie ne soit subordonnée au paiement d'indemnités journalières par la Caisse, lesquelles n'étaient effectivement pas dues, au regard de la législation sociale, dès lors que Monsieur [G] [I] poursuivait son activité libérale de masseur kinésithérapeute.
Cependant, aux termes de l'article L323-6 du code de la sécurité sociale : En cas d'inobservation volontaire des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues.
Le fondement de la demande de la Caisse à l'encontre de l'assuré, qualifiée de pénalité, suppose démontrée l'inobservation volontaire de ses obligations.
Or, la Caisse, qui ne produit aucunes pièces, ne démontre pas que l'assuré, Monsieur [G] [I] ait sollicité le versement d'indemnités journalières alors qu'il est noté dans la décision de la CRA que : C'est ici l'employeur, le Club de Rugby, qui a perçu les indemnités journalières de l'assurance maladie, eu égard à la règle de la subrogation, soit pour un montant total de 13 412,07 euros.
La Caisse ne produit pas l'accord de Monsieur [G] [I] pour que l'employeur lui soit subrogé ou la démonstration d'une quelconque manifestation de ce dernier en ce sens.
Enfin, il n'est pas démontré que Monsieur [G] [I] ait caché la poursuite de l'exercice de son activité de kinésithérapeute puisqu'il a transmis à la Caisse des facturations d'actes réalisés pendant son arrêt de travail.
En conséquence, la Caisse ne justifie pas de l'inobservation volontaire par l'assuré social de ses obligations fondant son droit à lui appliquer une pénalité ; le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté le recours de Monsieur [G] [I].
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Monsieur [G] [I] le 21 août 2010 ;
Infirme le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Landes en date du 19 juillet 2010 en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
Fait droit au recours de Monsieur [G] [I] ;
Dit n' y avoir lieu à application des dispositions de l'article L323-6 alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,