FA/CD
Numéro 12/2409
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 31/05/2012
Dossier : 11/02033
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale
Affaire :
[G] [L]
C/
SA SOCIÉTÉ NOUVELLE D'EXPLOITATION DE LA CLINIQUE CARDIOLOGIQUE D'[Localité 4] (SNECCA)
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 mai 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Janvier 2012, devant :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
Madame BENEIX, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [G] [L]
né le [Date naissance 1] 1946 à MADAGASCAR
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par la SCP PIAULT - LACRAMPE-CARRAZE, avocats à la Cour
assisté de Maître FRIBOURG, avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMEE :
SA SOCIETE NOUVELLE D'EXPLOITATION DE LA CLINIQUE CARDIOLOGIQUE D'[Localité 4] (SNECCA)
[Adresse 6]
[Localité 4]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assistée de la SCP BRANQUART - CHASTANIER, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 08 DECEMBRE 2010
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Par contrat du 23 juin 1995, le docteur [L], médecin cardiologue réanimateur, a été engagé par la clinique d'[Localité 4] (SA SNECCA) en qualité de cardiologue résident, prévoyant le paiement de la totalité des honoraires en rapport avec les actes qu'il effectuera personnellement, et 50 % du montant des honoraires de surveillance des soins intensifs, correspondant à la surveillance des lits de réanimation cardiologique.
L'article 1 de la convention d'exercice libéral stipule que le docteur [L] n'assurant pas à temps complet la surveillance des lits de réanimation cardiologique, il percevra la moitié des honoraires de surveillance des soins intensifs et la totalité des actes effectués en urgence.
L'article 6 de cette convention dispose qu'il s'engage à assurer la continuité des soins aux malades hospitalisés en réanimation cardiologique, et à répondre aux appels d'urgence des malades adressées à la clinique dans le domaine de sa spécialité ; qu'il s'engage également à faire fonctionner le service de réanimation de manière continue et qu'il prendra en temps utile toutes mesures nécessaires pour que le service soit assuré par un remplaçant qualifié remplissant les conditions légales, avec lequel il fixera d'un commun accord les modalités de rémunération et d'organisation de ces remplacements dans le respect des règles déontologiques.
Il a exercé ses fonctions selon ces modalités jusqu'au mois de juin 1999, date à laquelle la clinique a recruté un deuxième médecin cardiologue résident, et la part des honoraires de surveillance revenant à ces deux praticiens a été portée à 80 %.
Le docteur [L] a donné sa démission par lettre du 31 mars 2004.
Il estime que la moitié des actes de surveillance des lits de réanimation n'a donné lieu à aucune rétribution, et par acte d'huissier du 31 janvier 2007, il a fait assigner la clinique d'[Localité 4] devant le tribunal de grande instance de Pau afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme principale de 821'122 € correspondant au montant des honoraires correspondants pour la période allant du 11 septembre 1995 au 30 juin 2004.
Par jugement du 8 décembre 2010, cette juridiction l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à payer à la SA SNECCA une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.
Par déclaration au greffe du 25 mai 2011, M. [L] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières écritures déposées le 19 octobre 2011, il a conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'à la condamnation de la SA SNECCA au paiement de la somme de 782'110 €, et d'une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles.
Il soutient que les articles 1 et 6 de la convention d'exercice libéral comportent des dispositions totalement contradictoires, puisque l'article 1 stipule qu'il ne percevra que 50 % des honoraires facturés au titre de la surveillance des soins intensifs, alors que l'article 6, prévoit qu'il s'engage à assurer la continuité des soins aux malades hospitalisés en réanimation cardiologique et à faire fonctionner le service de réanimation de manière continue, et qu'ainsi la convention doit s'interpréter en sa faveur, d'autant qu'il justifie avoir effectivement assumé seul cette fonction, les praticiens extérieurs n'assurant pas ce service.
Il déclare qu'il avait été convenu que les médecins non-résidents signeraient les fiches de navette, mais sans aucune correspondance avec la réalité de leur intervention, et que ce fait avait été reconnu par l'un d'entre-eux, le docteur [K], dans une lettre adressée au directeur de la clinique le 17 février 1999.
Dans ses dernières conclusions du 29 novembre 2011, la SA SNECCA a conclu à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation du docteur [L] au paiement d'une indemnité de 6'000 € au titre des frais irrépétibles.
Elle soutient qu'il n'existe aucune contradiction entre les termes des articles 1 et 6 de la convention d'exercice libéral qui sont clairs et insusceptibles d'interprétation, que l'appelant a librement accepté après avoir discuté avec ses confrères des modalités de répartition des honoraires, et qu'il a au surplus, signé et certifié les fiches de navette servant à la facturation des honoraires correspondant à la surveillance des lits de réanimation, prévoyant la perception de la moitié des honoraires.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2011.
. Motifs de l'arrêt.
Il résulte de l'article 1134 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi.
En l'espèce, il résulte de l'examen du contrat souscrit par M. [L] auprès de la SA SNECCA qu'aux termes de l'article 6 de cette convention, il s'est engagé à assurer la continuité des soins aux malades hospitalisés en réanimation cardiologique et à faire fonctionner le service de réanimation de manière continue, et à prendre en temps utile toutes mesures nécessaires pour que le service soit assuré par un remplaçant qualifié avec lequel, il fixera d'un commun accord les modalités de rémunération et d'organisation de ses remplacements dans le respect des règles déontologiques.
M. [L] a librement accepté cette stipulation ainsi que celles édictées par l'article 1er de la convention qui édicte que « le docteur [L] n'assurant pas à temps complet la surveillance des lits de réanimation cardiologique, il percevra la moitié des honoraires de surveillance des soins intensifs et la totalité des actes effectués en urgence ».
Cette convention librement discutée fait la loi des parties, et M. [L] l'a d'ailleurs acceptée, puisqu'il a signé et certifié conjointement avec ses confrères les fiches navette servant à la facturation des honoraires K30 correspondants aux prestations de surveillance monitorée continue par équipe, en acceptant ainsi les modalités de répartition des honoraires édictés à l'article 1er de la convention.
D'autre part, il résulte de l'examen de l'article 7 de ladite convention que la clinique était seulement le mandataire des praticiens en ce qui concerne le recouvrement de leurs honoraires en leur nom et pour leur compte, mais que par contre, s'agissant de la répartition des honoraires entre les cardiologues pour les prestations de surveillance des malades hospitalisés en réanimation cardiologique, la clinique n'avait pas à intervenir puisque les clés de répartition étaient fixées entre les praticiens, ainsi qu'il ressort notamment du compte rendu de la conférence médicale d'établissement du 2 septembre 1999.
Il ressort encore du courrier du président de cette conférence du 25 mai 2004 adressé au docteur [L] que c'est elle qui lui a proposé une nouvelle clé de répartition des honoraires.
En conséquence, la responsabilité de la clinique ne peut être recherchée en ce qui concerne le système de répartition des honoraires entre les praticiens résidents et non-résidents qui ont été librement souscrits et acceptés par M. [L] en exécution des avis pris par la conférence médicale d'établissement le 2 septembre 1999 dans le cadre des dispositions de l'article L. 6161-2 du code de la santé publique, portant sur l'organisation du service des soins intensifs et le règlement du service intérieur des médecins résidents, précisant notamment que les honoraires affectés à l'équipe médicale seront répartis entre les médecins résidents et les cardiologues selon le pourcentage de 80 % pour les médecins résidents, et 20 % pour les médecins cardiologues.
Il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 8 décembre 2010, déboutant M. [L] de l'ensemble de ses demandes.
La SA SNECCA ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre, et il convient donc de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
Il y a lieu enfin de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le docteur [L] à payer à la SA SNECCA une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles
Par contre, l'équité ne commande pas de faire droit à la même demande présentée par la SA SNECCA en cause d'appel.
. Par ces motifs.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Pau du 8 décembre 2010 ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS