FA/CD
Numéro 12/2352
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/05/2012
Dossier : 11/01237
Nature affaire :
Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente
Affaire :
[G] [I] [E]
[R] [Y] [W] [X]
C/
[N] [L] [M]
[C] [B] [A]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 mai 2012 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 13 février 2012, devant :
Monsieur AUGEY, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur AUGEY, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [G] [I] [E]
né le [Date naissance 7] 1959 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 8]
Madame [R] [Y] [W] [X]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 16]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentés par la SCP MARBOT - CREPIN, avocats à la Cour
assistés de Maître ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [N] [L] [M]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [C] [B] [A]
née le [Date naissance 6] 1944 à [Localité 12] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentés et assistés de Maître GACHIE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 16 FÉVRIER 2011
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN
Par acte sous seing privé du 21 mai 2007, Mme [A] s'est engagée à vendre à Mme [X] et à M. [E] les lots numéro 1, 2 et 3 dans un immeuble en copropriété situé à [Localité 15] (Landes), pour un prix global de 129'000 € et sous diverses conditions suspensives liées notamment à l'obtention par les acquéreurs d'un ou plusieurs prêts d'un montant global de 139'730 €.
Par acte sous seing privé du même jour, M. [M] s'est engagé à vendre aux mêmes acquéreurs un ensemble de deux lots situés dans le même immeuble, pour un prix total de 124'000 €.
Après un report du 21 août au 15 novembre 2007 de la date butoir prévue pour la régularisation des actes authentiques de vente, M. [E] et Mme [X] ont renoncé à leur acquisition aux termes d'un courrier du 14 novembre 2007 adressé par leur notaire à celui des vendeurs, « eu égard à l'interdiction contenue dans le cahier des charges d'avoir plusieurs logements par lot de lotissement ».
Par actes d'huissier des 4 et 19 mars 2008, Mme [A] et M. [M] ont fait assigner les acquéreurs devant le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, afin qu'il leur soit enjoint de signer les actes de vente, en faisant valoir qu'au terme de leur propre acte d'acquisition de ces lots du 11 décembre 1998, les règles d'urbanisme notamment, celle relative à l'interdiction éventuelle de plus d'un logement par lot ont cessé d'être applicables, au motif que l'arrêté de lotir a été délivré plus de dix ans auparavant, et que les nouveaux propriétaires n'ont donc plus à craindre d'avoir à mettre leurs biens en conformité, de sorte que leur refus d'acquérir est injustifié et les expose au paiement de la clause pénale représentant 10 % du prix de vente.
Par jugement du 16 février 2011, le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a enjoint aux acquéreurs de signer les actes authentiques de vente, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de deux mois, les a déboutés de leur demande de résiliation judiciaire de ces ventes, et débouté les vendeurs de leurs demandes en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue au compromis de vente.
Par déclaration au greffe du 22 mars 2011, M. [E] et Mme [X] ont relevé appel de ce jugement.
Dans leurs dernières écritures déposées le 28 décembre 2011, ils ont conclu à la réformation de cette décision ainsi qu'au prononcé de la résiliation judiciaire des actes sous seing privé du 21 mai 2007, et sollicité le paiement d'une indemnité de 4 000 € à chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils fondent leur action en résiliation du contrat sur les dispositions de l'article 1638 du code civil en faisant valoir qu'ils n'auraient pas signé les compromis de vente s'ils avaient été informés de la double prohibition contenue dans le cahier des charges du lotissement communal annexé à l'arrêté préfectoral du 8 janvier 1969 autorisant l'extension de ce lotissement, cette double prohibition constituant une charge non déclarée au sens de l'article 1626 du code civil.
Ils déclarent en outre que cette charge non déclarée est d'une très grande importance puisque, s'ils étaient contraints d'acquérir ces lots, ils se trouveraient constamment sous la menace d'une action en justice de la part des autres propriétaires du lotissement d'avoir à se mettre en conformité avec le cahier des charges, et que même si l'action réelle immobilière est prescrite du fait de l'achèvement de l'ouvrage depuis plus de 30 ans, une action en responsabilité contractuelle pourrait toujours prospérer.
Dans leurs dernières écritures du 5 août 2011, les intimés ont conclu à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation des appelants au paiement d'une indemnité de 2 500 € pour frais irrépétibles.
Ils s'appuient sur les dispositions de l'article 2262 du code civil qui dispose que toutes les actions tant réelles que personnelles sont prescrites par 30 ans, et que, s'agissant d'une prescription extinctive, celle-ci trouve son point de départ dans l'acte qui a fait naître l'obligation, à savoir, en l'espèce, la date d'achèvement des travaux, c'est-à-dire dans le courant de l'année 1972, ainsi qu'il résulte de l'acte notarié du 11 décembre 1998 ; qu'il s'ensuit qu'aucun colotis, fut-il un nouvel acquéreur, ne serait susceptible d'engager une action tendant à la mise en conformité de l'immeuble.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2012.
Motifs de l'arrêt :
Il est constant et non contesté que toutes les conditions suspensives assortissant les compromis de vente du 21 mai 2007, dont celle relative à l'obtention des prêts avaient été levées, lorsque les acquéreurs ont adressé un courrier aux vendeurs par l'intermédiaire de leur notaire le 14 novembre 2007, veille de la date fixée pour la réitération des ventes, les informant de ce qu'ils renonçaient à ces acquisitions « eu égard à l'interdiction contenue dans le cahier des charges d'avoir plusieurs logements par lotissement ».
Ils fondent leur demande sur les dispositions de l'article 1638 du code civil qui dispose que si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.
Un document a été annexé au compromis de vente, mais il s'agit uniquement de celui relatif à « l'immeuble en copropriété composée de cinq lots », c'est-à-dire de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété ayant divisé le « bâtiment unique à usage d'habitation édifié depuis plus de 20 ans » constituant le lot numéro 28 du lotissement en cinq lots correspondant chacun à un appartement, et cet acte a été déposé le 11 décembre 1998 au rang des minutes de Me [V], juste avant les cessions aux vendeurs des lots procédant de cette division par les propriétaires antérieurs de l'immeuble.
Cela signifie que les acquéreurs n'ont pas eu connaissance lors de la signature des compromis de vente du cahier des charges du lotissement communal de [Localité 15] annexé à l'arrêté préfectoral du 8 janvier 1969 autorisant l'extension de ce lotissement.
L'article 12 de ce cahier des charges prévoit que « la division pure et simple d'une parcelle est rigoureusement interdite », et l'article 20 stipule « qu'il ne pourra y avoir qu'un seul logement par lot ».
L'article 1626 du code civil dispose que, quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.
La double prohibition énoncée dans le cahier des charges du lotissement, incluse dans un document à caractère contractuel engageant les colotis entre-eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et qui sont opposables aux acquéreurs successifs, constitue pour Mme [X] et M. [E] une charge non déclarée au sens des dispositions de l'article 1626 du code civil.
Cependant, pour pouvoir faire application des dispositions de l'article 1638 du code civil, il appartient à Mme [X] et à M. [E] de rapporter la preuve que ces charges non déclarées sont d'une importance telle qu'il y a lieu de présumer qu'ils n'auraient pas contracté s'ils en avaient eu connaissance, ce qu'ils ne font pas.
En effet, si la construction de cinq appartements dans le lot numéro 28 constitue une violation manifeste des dispositions des articles 12 et 20 du cahier des charges du lotissement, il convient de constater et il n'est pas discuté, que cette construction a été achevée dans le courant de l'année 1972 ainsi qu'il résulte d'un acte notarié du 11 décembre 1998, et que dès lors, toute action d'un colotis fondée sur cette violation et tendant à la mise en conformité de l'ouvrage serait désormais atteinte par la prescription trentenaire qui lui est applicable, s'agissant d'une action réelle immobilière.
Il convient en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] et M. [E] des fins de leur demande en résiliation de ces ventes, qui sont parfaites, et en ce qu'il leur a enjoint de signer les actes authentiques correspondants, sous astreinte de 100 € par jour de retard.
De même, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [A] et M. [M] de leur demande en paiement d'une clause pénale de 10 % stipulée aux compromis de vente, puisque cette clause est prévue au profit de « la partie qui n'est pas en défaut », alors que les vendeurs ont contribué au retard apporté à la régularisation des actes authentiques en omettant de déclarer aux acquéreurs les charges particulières résultant du cahier des charges du lotissement.
En définitive, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. [M] et de Mme [A] d'une part, et de Mme [X] et de M. [E] d'autre part, les frais irrépétibles qu'ils ont pu engager à l'occasion de cette procédure ; ils seront donc déboutés de leurs demandes respectives en indemnité fondées sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement du 16 février 2011 du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne solidairement Mme [R] [X] et M. [G] [E] aux dépens.
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS