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11/05/2012 | FRANCE | N°11/04317

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 11 mai 2012, 11/04317


PC/AM



Numéro 12/2107





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 11/05/2012







Dossier : 11/04317





Nature affaire :



CONTREDIT













Affaire :



SA KETTAL



C/



[H] [R]



























Grosse délivrée le :

à :











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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 mai 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.









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APRES DÉBATS



à l'audience pu...

PC/AM

Numéro 12/2107

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 11/05/2012

Dossier : 11/04317

Nature affaire :

CONTREDIT

Affaire :

SA KETTAL

C/

[H] [R]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 mai 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Janvier 2012, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président, chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

DEMANDERESSE AU CONTREDIT :

SA KETTAL

[Adresse 5]

[Localité 1] (Espagne)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Valérie CREVECOEUR, avocat au barreau de ROUEN

DEFENDEUR AU CONTREDIT :

Monsieur [H] [R]

né le [Date naissance 2] 1941

de nationalité française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Maître Géraud VACARIE, avocat au barreau de TOULOUSE

sur contredit à la décision

en date du 14 NOVEMBRE 2011

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

M. [H] [R] a exercé depuis 1991 une mission d'agent commercial dans le sud de la France pour le compte de la société de droit espagnol Kettal qui fabrique et commercialise des meubles et objets de jardin.

Exposant avoir été contraint, fin 2009, de mettre un terme à son activité en raison de problèmes de santé, M. [R] a, par acte d'huissier de justice du 4 février 2011, fait assigner la SA Kettal devant le tribunal de commerce de Tarbes en paiement du solde de ses commissions et d'une indemnité de rupture.

Par jugement du 14 novembre 2011, le tribunal de commerce de Tarbes a, au visa des articles 80 et 81 du code de procédure civile :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA Kettal au profit du Tribunal Arbitral de Barcelone,

- réservé l'analyse au fond de la demande en l'attente d'un éventuel contredit,

- condamné la SA Kettal à payer à M. [R] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé provisoirement les dépens à la charge de la SA Kettal.

La SA Kettal a formé contredit à cette décision par déclaration en date du 29 novembre 2011.

Dans le dernier état de ses conclusions, la SA Kettal demande à la Cour :

- de dire que le tribunal de commerce de Tarbes n'est pas compétent pour se prononcer sur les demandes de M. [R],

- de dire que seul le Tribunal Arbitral de Barcelone est compétent pour statuer sur lesdites demandes,

- de condamner M. [R] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient pour l'essentiel :

- qu'en matière d'arbitrage international (articles 1504 et suivants du code de procédure civile), les dispositions applicables, issues du décret 2011/48 du 13 janvier 2011, consacrent le principe d'indépendance de la convention d'arbitrage, par rapport au contrat-support de celle-ci, excluent tout formalisme, n'exigent aucune précision quant aux modalités de constitution du Tribunal Arbitral et consacrent également le principe d'application automatique de la clause compromissoire sauf si elle est manifestement nulle ou manifestement inapplicable,

- que la circonstance que les contrats à durée déterminée comportant stipulation expresse d'une clause compromissoire étaient expirés à la date de la rupture des relations contractuelles est sans incidence sur la solution du litige dès lors d'une part que le principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal implique que la clause compromissoire n'est pas affectée par l'inefficacité du contrat, notamment par son inexistence, sa caducité, sa résolution ou sa résiliation et d'autre part qu'il résulte de l'article L.134-11 du code de commerce que si le contrat à durée déterminée continue d'être exécuté par les deux parties après le terme convenu, la relation contractuelle se poursuit sous la forme d'un contrat à durée indéterminée, comportant les mêmes clauses et conditions que le précédent,

- que s'agissant de la régularité formelle de la clause compromissoire, les dispositions de l'article 1507 du code de procédure civile n'imposent aucune condition de forme, s'agissant spécialement des modalités de constitution du Tribunal Arbitral,

- que M. [R] ne justifie d'aucune situation d'urgence permettant la mise en oeuvre de la clause de réserve de compétence de la juridiction nationale prévue à l'article 26-6 du contrat d'agent commercial, alors même que l'assignation a été délivrée que seize mois après la rupture du contrat et huit mois après le refus de l'appelante de verser l'indemnité réclamée,

- qu'en toute hypothèse et par application du principe 'compétence-compétence', seule la juridiction arbitrale est compétente pour statuer sur la validité de la clause qui fonde sa compétence et le juge national devant lequel est discutée la validité de cette clause doit lui-même se dessaisir,

- qu'en l'espèce, la clause compromissoire n'est pas contraire aux exigences d'un procès équitable imposées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que la procédure arbitrale garantit le respect du contradictoire et des droits de la défense, que M. [R] maîtrise la langue anglaise retenue comme langue de la procédure et qu'il ne justifie pas du coût prétendument exorbitant d'une telle procédure.

M. [R] conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la SA Kettal à lui payer la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Il soutient en substance :

- à titre principal, qu'aucune clause compromissoire ne peut lui être valablement opposée par la SA Kettal dès lors :

$gt; qu'à la date de la rupture des relations contractuelles, les contrats à durée déterminée comportant stipulation de la clause compromissoire dont se prévaut la SA Kettal étaient arrivés à expiration et qu'ils ne peuvent être considérés comme s'étant poursuivis au-delà de leur terme par tacite reconduction dans la mesure où les parties avaient convenu que ces contrats ne seraient pas renouvelés automatiquement, en sorte que postérieurement à l'expiration du dernier contrat à durée déterminée, les relations se sont poursuivies, sans contrat écrit et donc sans clause compromissoire,

$gt; qu'en outre, les dispositions du décret du 13 janvier 2011 invoquées par l'appelante ne sont pas applicables en l'espèce, s'agissant de conventions nécessairement conclues avant l'entrée en vigueur de ce texte et donc soumises aux dispositions de l'article 1443 ancien du code de procédure civile aux termes desquelles la clause compromissoire doit à peine de nullité être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère,

$gt; qu'en toute hypothèse, l'appelante ne prouve pas que les parties ont entendu poursuivre les effets des clauses d'arbitrage insérées dans les contrats à durée déterminée au-delà de leur échéance ni quelle clause devrait recevoir précisément application,

- subsidiairement, que la clause invoquée par l'appelante, en ce qu'elle réserve la possibilité de saisir les juridictions nationales dans le cadre d'un recours en urgence, ne peut s'analyser en une clause compromissoire stricto sensu mais institue une simple faculté de recourir à une procédure d'arbitrage, la condition d'urgence visée dans cette clause étant caractérisée au regard de l'état de santé de l'intimé,

- très subsidiairement, que la clause compromissoire invoquée par l'appelante est manifestement nulle au regard des dispositions de l'article 1458 du code de procédure civile en raison tant de son imprécision que du coût exorbitant d'une procédure d'arbitrage telle que celle dont la SA Kettal sollicite la mise en oeuvre.

MOTIFS

Sauf à en consacrer une application rétroactive, prohibée par l'article 2 du code civil, les dispositions du décret 2011/48 du 13 janvier 2011 ne peuvent être appliquées à une situation contractuelle ayant pris naissance (et fin) et étant à l'origine d'un litige introduit avant la date d'entrée en vigueur de ce texte.

Il convient donc de statuer sur le fondement du droit applicable antérieurement au 1er mai 2011, soit les dispositions des articles 1492 à 1497 anciens du code de procédure civile sur l'arbitrage international, étant considéré que la finalité économique du contrat d'agent commercial liant les parties (permettant la commercialisation sur le territoire français de produits fabriqués sur le territoire espagnol) est suffisante à établir la nature internationale de leurs rapports et de la procédure d'arbitrage dont la SA Kettal revendique le bénéfice.

Sont produits aux débats :

- un contrat à durée déterminée du 8 janvier 2004, portant sur la commercialisation (article 1 et annexe 1-1) de tous les produits de marque Kettal commercialisés par le circuit de distribution Habitat, de marque Hugonet commercialisés par le circuit de distribution Habitat et les circuits commerciaux contractuels et les produits de la marque Triconfort commercialisés par ces derniers circuits, contrat d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an (article 18) et stipulant une clause compromissoire (article 23) attribuant compétence, pour tout litige afférent au contrat, au Tribunal Arbitral de Barcelone,

- un contrat d'agent commercial du 5 décembre 2005 portant (article 1 et annexe 1-1) sur la commercialisation des produits de marque Kettal distribués par le circuit de commercialisation Habitat, pour une durée d'un an, sans renouvellement automatique (article 18), remplaçant tout contrat antérieur sur le même objet (article 23) et stipulant (article 26) une clause compromissoire au profit du Tribunal Arbitral de Barcelone en réservant la compétence des juridictions étatiques en cas de recours d'urgence,

- un contrat d'agent commercial du 12 janvier 2006 portant (article 1 et annexe 1-1) sur la distribution des produits de marque Kettal, Hugonet, Triconfort et Evolutif par le circuit de commercialisation contractuel, pour une durée d'un an sans renouvellement automatique (article 18), remplaçant tout contrat antérieur sur le sujet (article 23) et stipulant une clause compromissoire au profit du Tribunal Arbitral de Barcelone (article 26),en réservant la compétence des juridictions étatiques en cas de recours d'urgence,

- un contrat d'agent commercial du 24 janvier 2006 portant sur la distribution des produits de marque Hugonet par le circuit de distribution Habitat et contenant des stipulations identiques à celles du contrat du 12 janvier 2006,

- un avenant au contrat du 8 janvier 2004, daté du 18 juin 2009, afférent à la commercialisation des produits de la SA Kettal auprès des 'décorateurs'.

A défaut de justification de leur renouvellement exprès à leurs échéances respectives, les contrats des 5 décembre 2005, 12 et 24 janvier 2006 sont devenus caduques et les clauses compromissoires stipulées dans ces conventions ne peuvent être opposées à M. [R], dans le cadre du présent litige, afférent à la rupture des relations contractuelles survenue postérieurement à leur expiration.

En effet, il y a lieu de considérer que la conclusion, postérieurement au terme des contrats de 2005 et 2006, non renouvelés, d'un avenant au contrat du 8 janvier 2004, traduit la volonté, implicite mais univoque, des parties de soumettre à nouveau leurs relations aux stipulations de ce dernier contrat.

La SA Kettal est donc fondée à se prévaloir de la clause compromissoire insérée dans celui-ci et aux termes de laquelle les parties renonçaient expressément à saisir les juridictions compétentes en raison de la résidence ou de la nationalité et acceptaient de soumettre la résolution de tout litige en lien avec le contrat à l'arbitrage du Tribunal Arbitral de Barcelone, en s'engageant à en accepter et exécuter les sentences.

La clause compromissoire stipulée dans le contrat de 2004 ne réservant aucun chef de compétence résiduelle des juridictions étatiques, y compris en cas de recours d'urgence, ne peut être considérée comme purement facultative.

En application du principe 'compétence-compétence', il appartient à l'arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage.

Il échet en l'espèce de constater que la clause compromissoire insérée dans le contrat du 8 janvier 2004 - seul en vigueur à la date de la rupture des relations contractuelles - porte seulement l'indication de l'instance arbitrale (Tribunal Arbitral de Barcelone) choisie par les parties sans aucune précision quant à la loi applicable au contrat ou au règlement d'arbitrage applicable.

Il convient de considérer qu'une clause compromissoire qui ne précise pas, même par simple référence à une autre clause contractuelle (par ailleurs inexistante dans le contrat du 8 janvier 2004) la loi applicable au contrat - et subséquemment au litige devant être soumis à l'arbitre - est manifestement irrégulière et entachée de nullité en ce qu'elle est dépourvue d'un élément essentiel à son objet même de résolution des litiges.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SA Kettal au profit du Tribunal Arbitral de Barcelone.

L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. [R] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une indemnité complémentaire de 1 500 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés dans le cadre de l'instance sur contredit.

La SA Kettal sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Tarbes en date du 14 novembre 2011,

En la forme, déclare recevable le contredit formé par la SA Kettal,

Au fond :

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Ajoutant à celle-ci, condamne la SA Kettal à payer à M. [R], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles par lui exposés dans le cadre de l'instance sur contredit,

Condamne la SA Kettal aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONPatrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11/04317
Date de la décision : 11/05/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°11/04317 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-11;11.04317 ?
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