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23/02/2012 | FRANCE | N°10/03748

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 23 février 2012, 10/03748


PC/NL



Numéro 12/862





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 23/02/12







Dossier : 10/03748





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale















Affaire :



[Z] [I]

épouse [L]



C/



[T] [W],

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]







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Grosse délivrée le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 février 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditio...

PC/NL

Numéro 12/862

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 23/02/12

Dossier : 10/03748

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

Affaire :

[Z] [I]

épouse [L]

C/

[T] [W],

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 février 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 22 Novembre 2011, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller, faisant fonction de Président,.

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Z] [I] épouse [L], ès qualités de représentante légale de [E] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP MARBOT CREPIN, avoués à la Cour

assistée de Me AURIACH, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Monsieur [T] [W]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par la SCP LONGIN-LONGIN DIPEYRON-MARIOL, avoués à la Cour

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assistée de la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY, avocats au barreau de PAU

assistée de Me GACHASSIN, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 18 AOUT 2010

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

FAITS

Le Dr [W] a procédé le 23 mars 1970 à la clinique de [Localité 4] à l'accouchement de Mme [L] par péridurale avec forceps. L'enfant [E] est né avec un important hématome au niveau du crâne et un creux au niveau de la paupière gauche. 48 heures après sa naissance, il a été hospitalisé pour souffrances méningées néonatales. Il est actuellement infirme psychomoteur lourd, invalide à 85 % et hospitalisé à l'hôpital [6] à [Localité 8].

PROCEDURE

Par acte en date du 1er décembre 2003, Mme [L] agissant en son nom personnel et en représentation de son fils [E] en sa qualité de tutrice, a assigné le Dr [W] devant le tribunal de grande instance de Toulouse en responsabilité et réparation de leur préjudice et à titre liminaire en désignation d'un expert. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 5].

Par ordonnance du 10 juin 2004, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Toulouse s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Tarbes.

Par jugement du 6 novembre 2006, le professeur [N] a été désigné en qualité d'expert.

Par décision du 18 août 2010, le tribunal, rejetant la responsabilité du Dr [W] dans le handicap de [E], a débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser au Dr [W] et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5], les sommes respectives de 500 € et 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action considérant l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance de mise en état du 7 avril 2009 ayant déjà rejeté ce moyen ;

- rejeté la faute médicale du médecin au regard des données acquises de la science au moment des faits, l'infirmité trouvant son origine dans un accident vasculaire cérébral postérieur droit néonatal ou périnatal, en raison de la situation à gauche du crâne du traumatisme obstétrical générateur du céphalhématome alors que les lésions cérébrales étaient situées à droite, que la radiographie effectuée à l'âge de 1 mois ne démontre aucune fracture de la voûte crânienne et que les troubles métaboliques et physiques ressentis par [E] sont compatibles avec ce diagnostic. Il n'a donc décelé aucune faute dans l'utilisation de forceps ou dans un manquement à son obligation de surveillance, dès lors que d'une part le comportement du bébé était normal dans les 48 heures de la naissance et que la preuve de mauvaises conditions de son transfert en centre spécialisé n'est pas rapportée.

- rejeté la responsabilité du médecin dans l'absence de production ou la perte du dossier médical de l'enfant pendant les deux premiers jours de sa vie, sans incidence certaine sur le préjudice subi au regard de compte-rendu d'un bilan électro-radiologique effectué au centre hospitalier de [Localité 7] le 22 avril 1970 démontrant l'absence de fracture du crâne à l'époque.

Mme [L] a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 28 septembre 2010.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2011.

MOYENS et PRETENTIONS des PARTIES

Mme [L], dans ses dernières écritures en date du 28 janvier 2011, conclut à la responsabilité du Dr [W] dans le handicap de son fils [E] et sollicite la réparation des préjudices qu'il a subis à hauteur de :

- concernant l'incapacité totale de travail pendant deux ans, l'incapacité de travail partiel à 50 % et l'incapacité permanente à 85 % « suivant les barèmes »,

- souffrances endurées 6/7 : 40.000 €,

- préjudice esthétique 5/7 : 20.000 €,

- préjudice d'agrément : 40.000 €,

- préjudice professionnel 100.000 €,

- préjudice sexuel : 50.000 €,

- préjudice d'établissement 100.000 €.

- le tout avec l'exécution provisoire outre 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que l'expert s'est prononcé en faveur d'un traumatisme cervical et non d'un accident vasculaire cérébral. L'origine traumatique de l'hématome est la plus probable, en l'absence de prédisposition héréditaire relative à une malformation vasculaire, qui ne s'est pas démontrée au fil du temps.

L'expert indique que l'enfant, porteur d'une hémorragie avec céphalématome a été tardivement hospitalisé en milieu néonatal au deuxième jour de vie dénotant un manque d'appréciation clinique de son état.

Dès lors, quelle que soit l'origine du traumatisme crânien, la responsabilité du Dr [W] est engagée pour manque de soins essentiels, le céphalématome représentant une urgence vitale. Par ailleurs, il présentait une ptose de l'oeil droit ainsi qu'une excessive pâleur, signes d'anémie qui a justifié une oxygénothérapie à son arrivée à l'hôpital de [Localité 7], sachant que les hémorragies cérébroméningées sont des complications liées l'usage de forceps.

En l'absence d'investigations (pas de test Apgar à la naissance, pas d'examen tel que scanner ou IRM) le retard de diagnostic de 48 heures a fait perdre à l'enfant la possibilité de bénéficier de traitements adéquats. Mme [L] dénonce également les conditions du transport dans les bras d'une infirmière dans son propre véhicule, démontrant ainsi la mauvaise évaluation de l'état de santé de l'enfant, signes d'une négligence médicale.

La production du dossier médical aurait permis de mettre en évidence la faute d'appréciation de l'état de santé de l'enfant et donc la responsabilité du médecin. Or, ce dossier médical des deux premiers jours de l'enfant a été perdu. Le code de déontologie médicale dispose que le médecin est personnellement responsable du dossier médical et que les délais de conservation sont de 70 ans pour les affections neurologiques. L'absence du dossier médical interdit à Mme [L] de rapporter la preuve du lien de causalité certain entre le préjudice et la faute médicale. Il s'agit donc d'une perte de chance d'établir la vérité. Pour tenir compte du degré de probabilité afférent à la chance perdue, la réparation partielle sollicitée doit être fixée à 50 % du préjudice total.

[E] est âgé aujourd'hui de 38 ans et demeure définitivement gravement handicapé. Il a besoin en continu de la présence d'une tierce personne et il se déplace en fauteuil roulant. L'indemnisation de ses préjudices permettra de lui assurer son existence après la disparition de ses parents.

Le Dr [W] dans ses dernières écritures en date du 10 mai 2011, conclut à la confirmation de la décision déférée et sollicite l'allocation des sommes de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

Il soulève la prescription de l'action engagée 33 ans après la naissance de l'enfant ; le certificat médical du docteur [F] du 11 septembre 2003 qui constate la dégradation de l'état de santé de [E] ne permet pas de considérer qu'elle est en lien avec le problème connu à sa naissance, ni que son état de santé n'était pas consolidé.

Sur le fond, il considère que les conditions de la responsabilité contractuelle ne sont pas réunies.

Il rappelle être tenu d'une obligation de moyens conformes aux données acquises de la science à l'époque des faits. Il soutient que l'on ignore les conditions de la grossesse de Mme [L] dont il n'avait pas effectué le suivi ; que les méthodes de diagnostic et de dépistage ont considérablement évolué (pas de monitoring) ; qu'il n'utilisait pas des forceps de Tanier mais des spatules de [S] moins traumatisantes ; que le céphalématome sans fracture ni enfoncement crânien est sans incidence avec les problèmes de l'enfant s'agissant d'un problème extra cérébral ; qu'elle n'a pas accouché sous péridurale qui n'existait pas à l'époque ; il ne peut lui être reproché une absence de césarienne compte tenu de l'engagement de l'enfant ; on ne connaît pas l'état médical postérieur à l'accouchement ainsi que pendant les années qui ont suivi ; le 12 avril 1970 il n'a été constaté à la radio aucune fracture ni embarrure ; la première imagerie a été réalisée à l'âge de 18 ans ; il a été hospitalisé en février 1973 pour des crises convulsives ; que l'autre certificat d'avril 1973 mentionne une tuméfaction pariétale gauche ; de sorte qu'il est impossible d'établir une relation directe entre les troubles actuels présentés par [E] et les conditions de sa naissance.

La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 5] dans ses dernières écritures en date du 25 mars 2011 conclut à la réformation de la décision, à la responsabilité du Dr [W] dans le préjudice souffert par [E] lors de l'accouchement le 23 mars 1970, à sa condamnation à lui rembourser la somme de 3.546.719,49 € avec intérêts au taux légal depuis le 26 septembre 2008 date de l'arrêté définitif de la créance outre la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, une somme de 980 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale et 1.500 €en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que les déformations du crâne de l'enfant à sa naissance proviennent de l'utilisation des forceps. Or, le médecin est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne le matériel qu'il utilise pour l'exécution d'un acte médical d'investigation ou de soins. Il ne peut donc s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant l'existence d'une cause étrangère. Or, le Dr [W] est défaillant dans cette preuve puisqu'il ne produit pas au débat le dossier médical de [E]. Par ailleurs, l'expert ne retient nullement l'accident vasculaire comme étant la cause probable du handicap mais plutôt l'hypothèse d'un traumatisme cervical d'autant que l'hypothèse de la malformation vasculaire ne fait pas sa preuve au fil du temps : le saignement spontané ne s'explique pas par des prédispositions héréditaires ou personnelles.

MOTIVATION

Sur la prescription de l'action en responsabilité :

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Tarbes a suivant ordonnance du 7 avril 2009 rejeté la prescription de l'action en responsabilité engagée par Mme [L] en son nom et celui de son fils [E] dont elle est la tutrice.

Considérant que cette décision n'avait pas été frappée d'appel alors que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, le tribunal dans son jugement du 18 août 2010 a rejeté ce moyen au motif pris de l'autorité de chose jugée.

Or, en application de l'article 775 du code de procédure civile, les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, autorité de chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance. En l'espèce d'une part, l'exception tirée de la prescription de l'action est une fin de non recevoir exclue du champ de la compétence exclusive du juge de la mise en état et d'autre part, en admettant que la prescription n'était pas acquise, l'ordonnance du 7 avril 2009 n'a pas mis fin à l'instance.

Dès lors, la prescription de l'action peut valablement être soutenue devant le juge du fond et en cause d'appel par le Dr [W].

En vertu de l'article L.1142-28 du code de la santé publique, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Ce texte, issu de la loi du 4 mars 2002 est applicable en l'espèce dès lors que l'action a été engagée postérieurement, le 1er décembre 2003. Toutefois, ce nouveau délai qui réduit l'ancien délai de prescription de 30 ans, ne serait applicable que si l'action était elle même recevable à ce titre sous l'empire des dispositions anciennes. Le Dr [W] soutient à cet égard que le délai de 30 ans court à compter du fait dommageable qu'il considère être la naissance de la victime. Or, le dommage n'étant fixé qu'au jour de la consolidation des blessures, date à laquelle il est définitivement fixé et ne peut plus évoluer, ni favorablement ni péjorativement, seule cette date peut être prise en considération. De sorte que, l'expert ayant fixé au 1er avril 2005, la date de consolidation des blessures de [E] [L], compte tenu de la stabilité évaluée à cette époque, de l'électro encéphalogramme, il apparaît que l'action engagée antérieurement n'est pas prescrite.

Sur la responsabilité médicale du Dr [W] :

En vertu de l'article L1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tous les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Tenu d'une simple obligation de moyens, il incombe au patient de prouver la faute du médecin, laquelle ne peut se déduire du seul échec des soins pas plus que de la seule anormalité du dommage ni de sa gravité exceptionnelle. Le médecin est également tenu d'une obligation de résultat quant aux instruments qu'il utilise, dès lors que la preuve de leur déficience est rapportée.

Mme [L] soutient tout d'abord que le Dr [W] a manqué à son obligation de sécurité résultat dans l'assistance lors de l'expulsion de l'enfant par l'application de forceps de Tanier. Toutefois, le médecin n'est tenu d'une obligation de résultat qu'en cas de déficience des instruments qu'il utilise lors du geste médical, à l'origine du dommage. Or, en l'espèce, c'est le geste médical qui est mis en cause par Mme [L] (la mauvaise utilisation des forceps) et non pas la qualité de l'instrument utilisé pour le geste médical, et ce d'autant qu'il n'est pas justifié d'une défaillance de l'instrument. Le Dr [W] n'était donc pas tenu d'une obligation de résultat mais d'une obligation de moyens.

Il appartient donc à Mme [L] de rapporter la preuve d'une faute médicale commise à l'occasion des soins ou du diagnostic posé par le médecin lors de l'accouchement de [E] et dans les suites néonatales.

Les conclusions de l'expert, le Dr [N] sont les suivantes :

« Sur le plan physiopathologique et pédiatrique, les éléments en notre possession sont en faveur du diagnostic d'accident vasculaire cérébral postérieur droit néonatal ou périnatal, étant donné l'importance des lésions neurologiques constatées au scanner, la discordance de siège entre le céphalhématome et les lésions cérébrales (gauche pour l'un et droite pour l'autre), même si l'hématome du cuir chevelu constaté par la famille à cette époque était jugé par elle très important, alors que la radiographie effectuée à l'âge de un mois ne montre pas de fracture de la voûte crânienne.

Ainsi, il ne peut être établi avec certitude que le traumatisme obstétrical qu'a subi [E] [L] ait pu aboutir aux lésions cérébrales actuellement visibles au scanner, en revanche, il est possible que ces lésions soient en rapport avec une pathologie embolique ou ischémique néonatale ou périnatale, sans rapport avec un traumatisme obstétrical, ce que la science médicale aujourd'hui est dans l'impossibilité de prouver, même si l'on effectuait une IRM avec injection de produit de contraste (examen refusé par la mère) l'ensemble des clichés d'imagerie cérébrale à notre disposition ou à venir, restant, rappelons-le, beaucoup trop tardifs pour permettre d'établir une conclusion.

La preuve formelle d'une relation de cause à effet directe et certaine entre l'état clinique de [E] [L] aujourd'hui et un traumatisme obstétrical est donc impossible à établir scientifiquement ».

$gt; Sur l'utilisation des forceps :

L'enfant a été hospitalisé au CH de [Localité 7] à deux jours de vie à la suite de convulsions, pour symptômes d'une souffrance cérébrale (modification du cri, ptosis de la paupière droite, secousses cloniques). Une radiographie du crâne a été réalisée. Bien qu'elle ne soit pas précisément datée, elle a été réalisée en pré-sortie soit avant le 27 avril 1970.

L'examen des clichés du crâne ne révèle pas de déformations importantes ainsi que l'absence de fracture du crâne ou d'embarrure. L'expert précise que l'hématome constaté, qui suivait les sutures du crâne, correspond à un céphalhématome mais, s'il s'agit bien d'une complication obstétricale, elle peut survenir avec ou sans extraction instrumentale et l'importance de l'hématome n'a pas été telle qu'il ait pu être à l'origine d'un collapsus de nature à provoquer une spoliation sanguine expliquant les lésions neurologiques. D'autant que l'origine des anomalies neurologiques peut valablement être rattachée à l'hypoxie ayant déterminé l'indication d'extraction instrumentale voire à un AVC survenu à l'âge de trois ans, le manque de renseignements médicaux durant la période néonatale interdisant toute datation certitude quant à l'origine de ces troubles. Ainsi l'expert n'exclut pas formellement l'hypothèse ischémique spontanée. Toutefois il précise que si elle était écartée, l'hypothèse traumatique serait la plus probable.

Dès lors, la preuve n'est pas rapportée d'une faute médicale formellement identifiée dans l'usage des forceps mais également dans les conditions de la naissance, à l'origine de l'état neurologique de [E].

La doctrine médicale produite par Mme [L] n'est pas de nature à contredire cette conclusion. Si une hémorragie méningée peut être d'origine traumatique, et notamment par l'usage de forceps ainsi que le confirme l'expert lui même, il est indiqué que la cause principale est l'anévrisme artériel d'origine malformative et que les symptômes sont immédiats. Or, il est noté dans le compte rendu de naissance que l'enfant a crié tout de suite, ce qui signifie un bon score Apgar même s'il n'a pas été indiqué, excluant une anoxie majeure, il n'était pas cyanosé et n'a pas été réanimé. Ce n'est que par la suite qu'il est noté l'apparition de ces symptômes : convulsions à deux jours de vie et hémorragie méningée.

$gt; Sur le retard de diagnostic :

L'expert indique que « l'on peut estimer qu'un enfant porteur d'une hémorragie méningée avec céphalhématome a été tardivement hospitalisé en milieu néonatologie au deuxième jour de vie en sachant que la dite hémorragie datait de la naissance ». De sorte qu'il conclut à un manque d'appréciation clinique de son état. Toutefois, il ajoute qu'en raison du manque de renseignements et données médicales concernant son observation clinique et son évolution avant l'hospitalisation c'est à dire dans les deux jours suivant sa naissance, il ne peut mettre en évidence aucune faute ou erreur grave.

Le diagnostic est le fruit d'une interprétation personnelle des faits, de sorte que l'erreur de diagnostic n'est pas en elle même constitutive de faute. Elle ne le devient que si la preuve est rapportée qu'elle aurait pu être évitée si le praticien avait utilisé tous les examens et procédés d'investigation conformes aux données de la science ainsi qu'il est rappelé à l'article R. 4127-33 du code de la santé publique.

L'expert précise que le diagnostic des AVC néonatals est suspecté par une échographie transfontanellaire et confirmé par scanner ou IRM. Or, le scanner est une technique dont les premiers essais ne commencèrent à devenir possibles que dans les années 1970. Et l'IRM n'existait pas à l'époque des faits.

En conséquence au regard du comportement de l'enfant à sa naissance (cri normal, poids normal), à l'exception des seules difficultés immédiates de tétées, des premières convulsions intervenues deux jours après et des données techniques de l'époque, il ne peut être identifié aucune négligence ou défaut de vigilance précis en période néonatale dans ces deux jours ayant précédé l'hospitalisation, constitutif d'un retard fautif de diagnostic.

$gt; Sur l'absence de soins :

Selon l'expert, au regard des données acquises de la science au moment des faits, il ne peut être reproché aucune maladresse ou faute médicale en relation de causalité avec l'état de santé actuel de [E] constitué d'une pathologie cérébrale grave séquellaire. Dès lors, la preuve n'est pas rapportée d'une faute médicale formellement identifiée dans les conditions de la naissance, à l'origine de l'état neurologique de [E].

Par ailleurs, il n'est pas justifié que les conditions de transport de l'enfant depuis la clinique de [Localité 4] jusqu'au CH de [Localité 7] deux jours après sa naissance, dans les bras de l'infirmière, dans le véhicule du médecin, aient été à l'origine d'une aggravation de l'état de santé de l'enfant. Par ailleurs, les dispositions légales imposant des moyens de transport pour le transfert des nouveaux nés d'un établissement privé vers un centre spécialisé en cas de risque néonatal, n'ont été mises en place qu'en 1972, soit postérieurement aux faits de l'espèce.

$gt; Sur la perte du dossier médical :

Mme [L] soutient que la perte du dossier médical lui interdit la recherche de la cause certaine des blessures subies par son fils susceptible de faire la preuve de la responsabilité du médecin. En réalité il s'agit moins de la perte du dossier médical que de l'absence de renseignements médicaux imputable au médecin tenu aux termes de l'arrêté interministériel du 11 mars 1968 de renseigner correctement les dossiers médicaux des malades (diagnostic, observation, compte rendu d'examen, clichés radiographiques, électrons grammes), le médecin doit conserver les archives médicales pédiatriques et de neurologie pendant 70 ans.

L'expert retient qu'il « manque dans le dossier les témoins écrits de surveillance biologique et clinique de l'enfant ainsi que son alimentation réelle pendant les deux premiers jours de vie à la maternité de [Localité 4] ». Il signale également qu'il manque au dossier la radiographie du crâne effectuée pendant cette période.

Toutefois, s'il est exact que le défaut de renseignements est évidemment fautif, il ne peut entraîner la responsabilité du médecin que s'il est démontré un lien de causalité avec le préjudice subi. Or, dès lors que, d'une part, sur les trois causes possibles à l'origine de l'état de santé de [E] (un accident vasculaire cérébral survenu entre la période périnatale et l'âge de trois ans et demi, un traumatisme obstétrical ou l'association des deux), l'expert n'a pas pu mettre en évidence ni l'origine traumatique de l'accident vasculaire cérébral ni même l'imputabilité d'une telle origine au médecin obstétricien et que d'autre part, il n'est pas justifié d'un retard fautif de diagnostic, il doit en être déduit que même correctement renseigné, le dossier médical n'aurait pas été de nature à constituer un élément de preuve susceptible d'engager la responsabilité du Dr [W] pour faute.

En outre, l'absence au dossier de la radiographie antérieure à celle réalisée au CH de [Localité 7] fin avril 1970, est sans incidence sur la solution du litige, dès lors que l'expert précise clairement qu'elle n'apporterait aucun renseignement utile, car la fracture de la boîte crânienne de l'enfant en bas âge est visible longtemps après sa survenue, jusqu'à plusieurs mois, alors que la seconde radio n'en présentait aucune.

En conséquence, le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 18 août 2010 sera confirmé en toutes ses dispositions.

La demande de Dr [W] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée au regard des circonstances de la cause.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 18 août 2010 en toutes ses dispositions ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [L] aux dépens d'appel ;

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la SCP Longin - Longin-Dupeyron - Mariol et de Ginestet - Duale - Ligney, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par M. Patrick Castagné, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Mireille PEYRON Patrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/03748
Date de la décision : 23/02/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/03748 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-23;10.03748 ?
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