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23/02/2012 | FRANCE | N°10/03185

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 23 février 2012, 10/03185


PPS/PB



Numéro 866/12





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 23/02/2012







Dossier : 10/03185





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[Y] [L] épouse [E]



C/



Entreprise GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 Février 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième ali...

PPS/PB

Numéro 866/12

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 23/02/2012

Dossier : 10/03185

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[Y] [L] épouse [E]

C/

Entreprise GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 Février 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 décembre 2011, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [Y] [L] épouse [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante et assistée de Maître MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Entreprise GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Maître CHABOT, avocat au barreau de PAU de la SELAS Jacques BARTHELEMY et associés

sur appel de la décision

en date du 24 NOVEMBRE 2009

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [Y] [L] épouse [E] a été embauchée par GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE le 1er juin 1993, à temps partiel puis à temps complet le 1er janvier 1995, en qualité de secrétaire salariée.

A compter du 2 janvier 1997, Madame [Y] [L] épouse [E] a occupé la fonction de secrétaire du bureau local de [Localité 6].

Le 1er janvier 2004, l'agence de [Localité 6] a été fermée ; Madame [Y] [L] épouse [E] a alors travaillé à l'agence de [Localité 7] avant de bénéficier le 28 janvier 2004 d'un changement de classe et de niveau de classification pour occuper la fonction de commercial spécialisé classe 3.

Suite à la réorganisation de son réseau commercial et à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, Madame [Y] [L] épouse [E] a été chargée de clientèle agricole dans le secteur de MONT DE MARSAN et s'est vue confier temporairement la gestion des portefeuilles de TARTAS, MONT DE MARSAN, ROQUEFORT et SAINT PAUL LES DAX.

A compter de fin mars 2007, Madame [Y] [L] épouse [E] a été en arrêt de travail pour maladie.

Lors de la visite de pré-reprise, le 3 juillet 2007, le médecin du travail l'a déclaré inapte

à la reprise de son poste.

Suite à la visite de reprise du 2 octobre 2007, le médecin du travail a indiqué : première visite en vue de la procédure d'inaptitude-en attente de recherches de solutions de reclassement

peut occuper un poste administratif ou d'accueil, sans pression commerciale ;

Le 16 octobre 2007, lors de la seconde visite, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de Madame [Y] [L] épouse [E] à son poste de travail.

Le 30 octobre 2007, Madame [Y] [L] épouse [E] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé au 9 novembre 2007.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a notifié à Madame [Y] [L] épouse [E] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 27 août 2008, Madame [Y] [L] épouse [E] a saisi le Conseil des Prud'hommes de MONT DE MARSAN d'une contestation de son licenciement et a réclamé à GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE le paiement de diverses indemnités et de dommages-intérêts.

À défaut de conciliation, l'affaire a été fixée devant le bureau de jugement du 17 mars 2009 puis renvoyée au 30 juin 2009.

Par jugement du 24 novembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN a :

- débouté Madame [Y] [L] épouse [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis ;

- condamné GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à lui régler :

* la somme de 4 402,09 € à titre de complément d'indemnité de licenciement,

* la somme de 1 802,19 € bruts pour une exécution de bonne foi du contrat de travail,

- débouté Madame [Y] [L] épouse [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné les parties aux dépens respectifs.

Par lettre recommandée avec avis de réception portant la date d'expédition du 29 décembre 2009, Madame [Y] [L] épouse [E] représentée par son avocat, a interjeté appel de la décision du Conseil de Prud'hommes dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Madame [Y] [L] épouse [E] demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN et statuant à nouveau :

- de dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- de condamner GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à lui payer les sommes suivantes :

* 5 406,57 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 540,66 € à titre de congés payés sur préavis,

* 5 332,16 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 40'803,30 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 13'061,10 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat de travail,

* 40'803,30 €, à titre de dommages-intérêts distincts pour comportement fautif de l'employeur à l'origine de la détérioration de la santé du salarié et de son inaptitude conformément à la jurisprudence du 2 mars 2011 de la Cour de Cassation,

* 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner l'employeur aux dépens.

L'appelante soutient :

- qu'elle a connu la pression délibérément mise sur elle : multiplication des tâches à effectuer ce qui a engendré la peur de mal faire, la peur de n'être pas à la hauteur ; que ces agissements indignes de l'employeur se sont répétés au point de la faire sombrer dans une déprime profonde ;

- qu'elle aurait dû percevoir 21'728,68 € à titre d'indemnité de licenciement mais n'a reçu que 16'396,52 € ; qu'il lui reste à percevoir 5 332,16 € ;

- que l'employeur a prononcé son licenciement sans avoir tenté de la reclasser ;

- que c'est à tort que l'employeur indique qu'elle aurait conservé son portefeuille de PONTONX, lorsqu'elle a été déplacée à l'agence de [Localité 7] ; qu'elle n'a jamais eu le portefeuille de SAINT PAUL LES DAX ;

- que le comportement fautif de l'employeur a été à l'origine de la détérioration de son état de santé et de son inaptitude.

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE demande au contraire de :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN en ce qu'il a :

* débouté Madame [Y] [L] épouse [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés sur préavis ;

* débouté Madame [Y] [L] épouse [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de réformer ce jugement en ce qu'il a :

* condamné GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a réglé la somme de 4 402,09 €

à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

* condamné GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à régler la somme de 1 802,19 € brut pour inexécution de bonne foi du contrat de travail ;

- de dire et juger que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a exécuté de bonne foi le contrat de travail de Madame [Y] [L] épouse [E] et a fortiori, de condamner cette dernière à lui reverser la somme de 1 802,19 € ;

- de considérer que l'indemnité de licenciement est due à Madame [Y] [L] épouse [E], mais qu'elle est limitée à la somme de 1 932,44 € et par conséquent d'ordonner le reversement du surplus visé par le jugement du Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN ;

- de débouter Madame [Y] [L] épouse [E] de l'ensemble de ses demandes y compris de sa demande nouvelle formulée en cause d'appel ;

- à titre reconventionnel, de condamner Madame [Y] [L] épouse [E] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'intimée fait valoir :

- que Madame [Y] [L] épouse [E] ne rapporte nullement une quelconque preuve d'une quelconque once de mauvaise foi de la part de GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE de nature à renverser la présomption de bonne foi contractuelle de l'employeur ; qu'aucun lien de cause à effet n'est démontré entre la pathologie de Madame [Y] [L] épouse [E] et son inaptitude constatée médicalement ;

- que Madame [Y] [L] épouse [E] n'était pas seule sur son secteur que s'il est exact que le secteur était dans une certaine mesure insuffisamment pourvu, cela n'incombe nullement à la mauvaise foi de l'employeur car, le recrutement dans le secteur de Madame [Y] [L] épouse [E] (Landes) était très difficile, que celle-ci était parfaitement avisée que la situation n'était que temporaire, que la hiérarchie n'exerce sur elle aucune pression quant à ses résultats, que Madame [Y] [L] épouse [E] ne peut faire état de conditions de travail différentes des autres chargés de clientèle agricole ;

- que la proposition de reclassement prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que si les propositions de reclassement du médecin de travail sont claires, il n'est pas nécessaire de le solliciter dès lors qu'il en est tenu compte ; que l'employeur a observé les préconisations du médecin du travail à la lettre afin de rechercher un reclassement pour le salarié ; que l'obligation de reclassement incombant à l'employeur est une obligation de moyens et non de résultat, que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE démontre qu'au niveau interne le reclassement de Madame [Y] [L] épouse [E] était impossible jusqu'à la date de licenciement ;

- que l'entreprise a fait le strict nécessaire afin de pourvoir au reclassement de Madame [Y] [L] épouse [E] auprès des autres structures du groupe ; qu'il n'existe aucun poste au sein du groupe susceptible d'être en adéquation avec les préconisations du médecin du travail ; que le délai d'un mois a commencé à courir à compter du second examen médical de reprise ; il n'incombait nullement à GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE de reprendre le paiement des salaires, la lettre de licenciement ayant été expédiée le dernier jour du délai d'un mois ;

- qu'aucun préavis n'est dû à la salariée dans la mesure où cette dernière était dans l'impossibilité physique de l'effectuer ;

- que Madame [Y] [L] épouse [E] ne justifie pas de son calcul

de l'indemnité de licenciement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable ;

Sur l'inexécution de bonne foi du contrat de travail par l'employeur

Attendu que Madame [Y] [E] sollicite l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions des articles 1134, 1147 du code civil et de l'article L 1221-1 du code du travail, soutenant que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a manifestement violé l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

Attendu que Madame [Y] [E] soutient que suite à la restructuration sur le plan départemental opérée par GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE en 2006, elle a pris en charge la gestion de l'ensemble des secteurs de TARTAS, MONT DE MARSAN et de ROQUEFORT et que le poste de SAINT PAUL LES DAX étant resté sans titulaire, elle a dû également assurer la gestion de ces portefeuilles, ce qui a occasionné une surcharge de travail considérable ;

Attendu que Madame [Y] [E] a postulé en juillet 2006 pour exercer les fonctions de chargée de clientèle agricole à MONT DE MARSAN ;

Attendu que Madame [Y] [E] verse aux débats les courriers électroniques qu'elle a échangés avec sa hiérarchie :

- que le 20 mai 2005, elle se plaignait de ce que les 16 rendez-vous exigés par semaine étaient intenables et qu'elle accumulait du retard dans son travail administratif ; que dans sa réponse, son supérieur admettait que la norme de 16 rendez-vous par semaine était ambitieuse et qu'il faudrait tendre vers 10 à 12 ; qu'il lui faisait comprendre qu'elle avait de la chance de travailler sur le secteur de MONT DE MARSAN, car ses collègues de SAINT PAUL, LANGON et ARÈS étaient moins bien lotis ;

- que le 20 février 2007, après avoir obtenu un rendez-vous avec son supérieur, elle l'informait qu'elle ne pourrait assurer tous les rendez-vous sur tout le département chez des sociétaires qui n'étaient pas dans son portefeuille et qu'elle en avait assez sur le secteur qu'elle reprenait ;

Attendu que le médecin du travail qui a reçu Madame [Y] [L] épouse [E] à sa demande, a écrit le 3 juillet 2007 au Directeur des Ressources Humaines que celle-ci ne pourrait pas reprendre son poste de conseillère d'agence et a demandé si un poste administratif ou d'accueil sans pression commerciale était disponible ;

Que le 12 juillet 2007, le Directeur des Ressources Humaines a répondu au médecin du travail que Madame [Y] [L] épouse [E] étant arrêtée pour maladie depuis le 21 mars 2007 et dans l'ignorance de sa date de retour, il lui était difficile de se positionner ; qu'il a ajouté que par ailleurs, le réseau commercial se composait de postes de Chargés de clientèle et que l'organisation de GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE ne prévoyait pas la mise en place de poste administratif en support ;

Attendu que le médecin du travail, procédant le 2 octobre 2007, à la visite de reprise de Madame [Y] [L] épouse [E] au terme de son arrêt de travail, a établi une fiche d'aptitude précisant son poste de travail : conseillère d'agence et a indiqué : 'première visite en vue de la procédure d'inaptitude, en attente de recherche de solutions de reclassement, peut occuper un poste administratif ou d'accueil sans pression commerciale' ;

Que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a répondu le 11 octobre au médecin du travail qu'il ne disposait pas d'un poste correspondant à ses recommandations ;

Qu'aux termes de la fiche d'aptitude datée du 16 octobre 2007, le médecin du travail précisant l'emploi exercé par Madame [Y] [L] épouse [E] : conseillère commerciale non sédentaire, a conclu qu'elle était 'inapte à l'issue du second examen' ;

Attendu que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE concède que le recrutement dans les Landes était très difficile et qu'il n'y avait pas en 2006 de candidat susceptible de correspondre au profil de chargé de clientèle agricole ;

Que l'employeur justifie de ce que deux personnes recrutées ne sont pas allées au-delà de la période d'essai ;

Attendu que l'employeur produit la fiche d'entretien annuel d'évaluation de Madame [Y] [E] qu'elle a contresigné le 9 octobre 2006 ;

Qu'elle observe sur l'exercice de sa fonction que 'le suivi du portefeuille, ces deux dernières années (2004-2005), avec beaucoup de travail administratif qui me pénalisait dans mon activité commerciale de l'époque (mise à jour des dossiers) m'a permis de commencer cette année sur des bases saines (consacrée à une approche plus commerciale) ; dans les objectifs, il faudrait tenir compte des réalités économiques et géographiques du département ; la rémunération fixée pour le poste de CCSI n'est pas assez valorisante par rapport au poste de généraliste';

Qu'à la rubrique évolution souhaitée, elle a indiqué 'rester au poste actuel' ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Madame [Y] [E] a rencontré des difficultés dues notamment à une surcharge de travail, en raison du fait qu'elle a dû en 2006, assurer la gestion des secteurs de TARTAS, de MONT DE MARSAN et de ROQUEFORT et de SAINT PAUL LES DAX non pourvu ;

Qu'elle a eu ainsi la compétence sur pratiquement l'ensemble du département des Landes  ;

Qu'en lui confiant de fait, des responsabilités allant largement au-delà de celles qui lui incombaient, réduites à la gestion d'un portefeuille d'un seul secteur, sans contreparties financières, GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a exécuté le contrat de travail de Madame [Y] [L] épouse [E] de mauvaise foi ;

Qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Attendu que selon l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin, après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 16 novembre 2007, GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a notifié à Madame [Y] [L] épouse [E] son licenciement dans les termes suivants :

'suite à l'entretien préalable du 9 novembre dernier, nous vous informons par la présente de notre décision de vous licencier au motif d'une inaptitude à votre poste ;

en effet, à l'issue des deux visites médicales du 2 et 16 octobre 2007, le médecin du travail vous a déclarée inapte à votre poste de Chargée de Clientèle Agricole, au sein de l'agence de MONT DE MARSAN ;

le médecin nous a indiqué, à l'issue de votre première visite, d'une part, être en attente d'une recherche de solution de reclassement et, d'autre part, votre aptitude à occuper un poste administratif ou d'accueil sans pression commerciale ; à l'issue de la seconde visite, il vous a déclaré inapte à l'issue du deuxième examen ;

compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur votre aptitude, après examen et recherches approfondies, il s'avère qu'aucun poste adapté n'est actuellement disponible au sein de l'entreprise et du groupe ; nous sommes donc dans l'impossibilité de vous reclasser et contraints de vous licencier ;

votre état de santé ne vous permettant pas d'exécuter votre préavis de trois mois, nous ne sommes pas tenus de vous verser une indemnité compensatrice de préavis ;

la rupture de votre contrat de travail sera donc effective au 16 novembre 2007...' ;

Attendu que Madame [Y] [L] épouse [E] considère que son licenciement pour inaptitude physique consécutive à une maladie non professionnelle dont elle a fait l'objet est manifestement mal fondé ;

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de proposer aux salariés un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'attitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation ou transformation de poste de travail ;

Attendu qu'il appartient à l'employeur de justifier, tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel elle appartient, des démarches précises qu'il a effectuées pour parvenir au reclassement du salarié parmi les emplois disponibles ;

Que le point de départ de l'obligation de reclassement se calcule à compter de la seconde visite de reprise, soit, en l'espèce à compter du 16 octobre 2007 ;

Attendu que la production devant la Cour par GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE du registre du personnel édition du 3 juillet 2007 au 30 novembre 2007 fait apparaître qu'entre le 16 octobre et le 16 novembre 2007, 38 personnes ont été embauchées dont 11 en contrats à durée indéterminée ;

Que parmi les emplois proposés figurent :

- gestionnaire sinistre auto-matériel,

- gestionnaire sinistre,

- assistant pédagogique formation,

- technicien production viti-vini,

- gestionnaire d'assurance,

- opérateur logistique,

- responsable d'équipe construction,

- responsable d'équipe marché des particuliers,

- téléconseiller,

- gestionnaire de contrat ;

Attendu que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE soutient dans ses écritures :

- que tous les postes pourvus sont des postes, soit de qualification supérieure, soit ne correspondant pas aux compétences de Madame [Y] [E], soit des postes à haute pression commerciale où le contact avec la clientèle est indispensable ;

- que les rares postes administratifs ayant été pourvus l'ont été en contrat à durée déterminée ;

Que l'employeur présente les profils des postes de technicien relation clientèle et de chargé d'étude technique en affirmant que ces postes ne correspondaient pas aux compétences et qualifications de Madame [Y] [E], soit parce qu'ils nécessitent un niveau d'expertise très élevé, soit qu'ils relèvent de la catégorie des cadres ;

Que toutefois, ces affirmations et ces pièces ne suffisent pas à démontrer que l'employeur a déployé tous ses efforts pour tenter de reclasser la salariée en interne ;

Attendu que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE produit :

- les courriers électroniques que son Directeur des Ressources Humaines a adressés le 25 octobre 2007 à différentes entités dans les termes suivants :

'nous nous permettons de vous solliciter pour savoir si un poste est disponible dans votre entreprise afin d'assurer le reclassement de Madame [B] [E], salariée de GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE (département 40) ;

cette collaboratrice, née en 1952, occupe un emploi de chargée de clientèle agricole ; elle a été arrêtée du 21 mars 2007 au 30 septembre 2007 ;

lors de sa première visite de reprise, le médecin du travail a mentionné qu'elle peut occuper un poste administratif ou d'accueil sans pression commerciale ; il l'a déclarée inapte à l'issue de la seconde visite ;

bien entendu, nous nous tenons à votre disposition pour vous fournir toute autre précision complémentaire et vous remercions de la réponse que vous voudrez bien nous apporter' ;

- les réponses reçues de GROUPAMA ALSACE le 25 octobre, de GROUPAMA TRANSPORTS le 25 octobre, de GROUPAMA GAN PRÉVOYANCE le 25 octobre, de GROUPAMA-NE.FR (') le 26 octobre, de GROUPAMA-CA.FR (') le 29 octobre, de GROUPAMA-RA.FR (') le 30 octobre, de GAN PATRIMOINE, le 9 novembre, qui indiquent qu'elles ne disposent d'aucun poste susceptible de correspondre aux préconisations du médecin du travail ;

Qu'en l'absence de production de l'organigramme, la Cour ne peut vérifier si GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a bien recherché le reclassement de Madame [Y] [E] dans l'ensemble des entreprises faisant partie du groupe auquel il appartient ;

Que dès lors, l'employeur ne justifie pas avoir rempli son obligation de recherche de reclassement tant en interne qu'auprès des entreprises du groupe et n'établit pas l'impossibilité de reclassement de la salarié par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement de temps de travail ;

Que le licenciement de Madame [Y] [E] sera en conséquence déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les demandes de Madame [Y] [E] liées à la rupture du contrat de travail :

Sur l'indemnité de préavis :

Attendu qu'en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude, Madame [Y] [E] est fondée à prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis, même si elle est dans l'impossibilité physique de l'exécuter ;

Que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE sera condamné à lui verser à ce titre la somme de 5'406,57 €, correspondant à trois mois de salaire, ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis de 540,66 € ;

Sur le rappel de l'indemnité de licenciement :

Attendu que selon l'article 46 de l'accord national relatif au statut conventionnel du personnel GROUPAMA du 10 septembre 1999, l'indemnité de licenciement est calculée comme suit :

- 5 % de la rémunération annuelle par année de présence si le nombre total d'années est supérieur ou égal à 10 et inférieur à 15 ;

- en cas d'arrêt de travail pour maladie, cette assiette comprend le plein salaire maintenu par l'employeur ;

Attendu que Madame [Y] [E] est entrée au service de GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE le 1er juin 1993 ;

Qu'elle totalise à la date du licenciement 14 ans et 8 mois de présence (compte tenu du préavis) ;

Attendu que du 1er novembre 2006 au 30 octobre 2007, Madame [Y] [E] a perçu 28 767,07 € ;

28 767,07 x 5 % = 1 438,35 x 14 = 20 136,94 € ;

1 438,35 x 8 /12 = 959 € ;

Que l'indemnité de licenciement doit être fixée à 21 095,84 € ;

Que déduction faite de la somme de 16 396,52 € versée à ce titre par l'employeur, Madame [Y] [E] doit percevoir un complément de 4 699,32 € ;

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que Madame [Y] [E] née le [Date naissance 3] 1952 avait 55 ans lors de son licenciement ;

Qu'elle a été indemnisée du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2010 par PÔLE-EMPLOI ;

Qu'elle a retrouvé un emploi à temps partiel (40 heures par mois) du 15 avril 2009 au 15 juillet 2009, moyennant une rémunération mensuelle brute de 348,40 € ; qu'elle a obtenu, à compter du 11 janvier 2010 un contrat à durée indéterminée, à raison de 20 heures de travail par semaine pour une rémunération mensuelle brute de 767,90 € ;

Qu'eu égard à son ancienneté supérieure à 14 ans au sein de l'entreprise, il ya lieu de lui allouer à titre de dommages et intérêts la somme de 32 500 € en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour comportement fautif de l'employeur à l'origine de la détérioration de la santé du salarié et de son inaptitude :

Attendu que Madame [Y] [E] soutient que son inaptitude qui est strictement psychologique ne peut avoir d'autre cause que son activité professionnelle et résulte de la charge de travail qui était la sienne pendant des années et de la pression qu'elle a subie de son employeur au titre de son activité commerciale ;

Qu'elle sollicite l'octroi de dommages et intérêts distincts à hauteur de 48 803,30 € ;

Qu'elle indique que, depuis la restructuration de l'entreprise en 2006, elle a dû gérer quatre secteurs au lieu d'un seul et que l'employeur ne lui apporté aucune aide ;

Attendu que Madame [Y] [E] a obtenu un rendez-vous auprès du Directeur des Ressources Humaines de GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE le 17 novembre 2006 ;

Qu'elle avait sollicité cette rencontre le 25 octobre 2006, faisant état d'importantes raisons personnelles, afin de discuter de sa situation ;

Attendu que par courrier électronique du 20 février 2007, Madame [Y] [E] a informé son supérieur hiérarchique que, suite à la décision du Directeur des Ressources Humaines elle attendait le rendez-vous prévu le 5 mars avec Monsieur [D], à la suite duquel elle prendrait une décision pour la poursuite de son activité et que les dossiers à traiter qui étaient hors de son portefeuille resteraient en attente ;

Que par courrier électronique en date du 12 mars 2007, elle a confirmé à Monsieur [D] qu'elle considérait que les propositions de commissionnement étaient insuffisantes par rapport à la charge de travail et au nombre de dossiers à traiter pour sauvegarder le portefeuille, ajoutant que seule une revalorisation de la partie fixe pourrait l'amener à revoir sa position ; qu'elle confirmait son intention de quitter son emploi ;

Qu'elle produit en outre :

- un certificat en date du 15 janvier 2008 de son médecin traitant qui indique l'avoir vue en consultation en mai 2004 pour une hypothyroïdie secondaire à un choc psychoaffectif -problèmes dans son travail, et qui précise qu'elle a présenté en septembre 2006 des troubles du sommeil et de l'humeur qui se sont aggravés pour aboutir à une dépression sévère nécessitant un arrêt de travail en mars 2007 ;

- un certificat d'un médecin psychiatre en date du 22 janvier 2008, faisant état d'un état dépressif ayant nécessité un arrêt de travail du 21 mars 2007 à janvier 2008, dans un contexte de difficultés professionnelles ;

- le dossier médical tenu par le médecin du travail qui a écrit lors d'un examen à la demande de la salariée le 25 mai 2007, 'grosse pression au travail, ne dormait plus, dort encore mal, doit assurer un certain nombre de rendez-vous, supporte mal cette pression ; examen physique : syndrome de surmenage évident' ;

Attendu que Madame [Y] [L] épouse [E] a été mise en arrêt de travail en mars 2007 ;

Qu'elle n'a jamais repris son activité professionnelle ;

Qu'il n'est pas démontré que la détérioration de son état de santé et son inaptitude soient la résultante du comportement fautif de l'employeur ;

Que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE a maintenu le dialogue avec sa salariée ; que peu avant son arrêt de travail le 21 mars 2007, elle négociait avec l'employeur, n'acceptant pas un simple commissionnement, souhaitant également une revalorisation de son salaire fixe, en contrepartie de l'accroissement de sa charge de travail ;

Que si les difficultés professionnelles ont eu des répercussions sur sa santé, l'inaptitude médicalement constatée de Madame [Y] [L] épouse [E] ne peut être déclarée directement imputable aux pressions qu'auraient exercé GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE pour lui imposer la réalisation d'objectifs commerciaux ;

Qu'elle sera déboutée de sa demande de réparation d'un préjudice distinct de celui indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [Y] [L] épouse [E] les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le cadre de la présente procédure ;

Qu'il convient de condamner GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à lui verser la somme de 1 500 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Que GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE supportera la charge des entiers dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement en date du 24 novembre 2009 du Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN et statuant à nouveau ;

Dit que le licenciement dont Madame [Y] [L] épouse [E] a fait l'objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à verser à Madame [Y] [L] épouse [E] les sommes suivantes :

* 5 406,57 €, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 540,66 €, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 32 500 €, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 20 000 €, à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi par l'employeur du contrat de travail de Madame [Y] [L] épouse [E] ;

* 4 699,32 €, à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Madame [Y] [L] épouse [E] du surplus de ses demandes ;

Condamne GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE aux entiers dépens de la procédure.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03185
Date de la décision : 23/02/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/03185 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-23;10.03185 ?
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