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19/01/2012 | FRANCE | N°10/01927

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 19 janvier 2012, 10/01927


SG/PB



Numéro 255/12





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 19/01/2012







Dossier : 10/01927





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



ASSOCIATION JEUNESSE MECS



C/



[B] [V]

















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 JANVIER 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du ...

SG/PB

Numéro 255/12

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 19/01/2012

Dossier : 10/01927

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

ASSOCIATION JEUNESSE MECS

C/

[B] [V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 JANVIER 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Novembre 2011, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

ASSOCIATION JEUNESSE MECS prise en la personne de son Président Monsieur [T] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Maître BOURDEAU, avocat au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur [B] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assisté de la SCP CASADEBAIG/GALLARDO, avocats au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 19 AVRIL 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Monsieur [B] [V] a été engagé par l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE, à compter du 1er avril 1997 jusqu'au 31 mai 1998, par contrat de travail à durée déterminée en qualité d'éducateur spécialisé remplaçant, à l'Ensemble Éducatif Jeunesse, [4] à [Localité 6], puis du 1er juin 1998 au 31 décembre 1998 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, plus spécialement chargé du suivi des jeunes du service d'accompagnement à la vie active à l'Ensemble Éducatif Jeunesse, et à compter du 1er janvier 1999 en qualité de chef du service éducatif (convention collective du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966).

Mis à pied à titre conservatoire et convoqué le 28 mai 2008 à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 10 juin 2008, il a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 juin 2008 pour faute grave, selon la lettre de licenciement : alors qu'il était en service d'astreinte, dans la nuit du jeudi 15 mai au vendredi 16 mai 2008, et qu'un très grave incident était survenu dans l'établissement de [Localité 6], d'avoir contrevenu gravement à ses obligations professionnelles et s'être abstenu de toute intervention, de toute initiative et information alors qu'un message lui avait été laissé sur le téléphone professionnel mis à sa disposition et qu'il n'avait fourni aucune autre coordonnée, et d'autre part, le lendemain des faits, son mutisme et son extrême passivité, qualifiés d'effet désastreux au plan psychologique et relationnel pour l'équipe qu'il était chargé d'encadrer.

Contestant son licenciement, Monsieur [B] [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PAU, par requête en date du 6 novembre 2008 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE soit condamnée à lui payer : 37 014 € au titre de l'indemnité de licenciement ; 21 449 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de six mois ; 1 733,82 € au titre des congés payés sur le préavis ; 64 497,96 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire) ; 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et pour obtenir la remise du certificat de travail et l'attestation ASSEDIC rectifiés.

À défaut de conciliation le 1er décembre 2008, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement du 19 avril 2010, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le Conseil de Prud'hommes de PAU (section encadrement) :

- a dit que le licenciement de Monsieur [B] [V] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

- a condamné l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à payer à Monsieur [B] [V] les sommes suivantes :

- 37 014 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 21 499 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 733,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- a laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour d'Appel en date du 19 mai 2010, l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE, représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 22 avril 2010.

Cet appel est limité aux dispositions prononcées à l'encontre de l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE, soit les condamnations à verser à Monsieur [B] [V] : la somme de 37 014 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ; la somme de 21 499 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre des congés payés sur préavis ; la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [B] [V] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- l'infirmer en ce qu'il a dit que celle-ci ne caractérisait pas une faute grave privative de toute indemnité,

- débouter purement et simplement Monsieur [B] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE soutient que les griefs formulés à l'encontre de Monsieur [B] [V] sont matériellement établis et caractéristiques d'une faute grave rendant impossible la poursuite des relations contractuelles, y compris pendant le préavis.

Elle fait valoir qu'il est principalement fait grief au salarié de ne pas avoir répondu à l'appel d'urgence émis, sur le téléphone portable dédié à la réception des appels d'urgence, par un éducateur qui s'était fait agresser par l'un des jeunes pensionnaires du centre et, à son retour dans l'établissement le lendemain, de ne pas s'être inquiété de son état de santé ; que le salarié ne démontre pas son allégation selon laquelle son domicile ne serait pas couvert par le réseau SFR, ni l'information qu'il en aurait donnée à l'établissement ; qu'il est indifférent que les coordonnées téléphoniques complètes du salarié aient pu figurer sur un « cahier de permanence », celui-ci ne se substituant pas au pré-enregistrement des numéros d'urgence et, n'étant qu'un outil à usage du cadre de permanence ou d'astreinte, dont la consultation n'entre pas dans les procédures d'urgence en vigueur.

Monsieur [B] [V], par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- le recevoir en son appel incident,

- constater l'absence de faute grave,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur à lui verser :

- 37 014 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 21 499 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 733,82 € au titre des congés payés pendant le préavis,

- 128 995,92 € à titre de dommages-intérêts,

- 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'employeur aux entiers dépens.

Monsieur [B] [V] fait valoir : que dans la nuit du 15 au 16 mai 2008 il se trouvait à son domicile, pendant sa période d'astreinte, où le téléphone portable ne captait pas le réseau mais où il était parfaitement joignable sur son téléphone fixe et sur lequel il n'a pas été contacté alors que son numéro figurait sur le cahier de permanence, et à tout le moins sur l'annuaire, et qu'il pouvait être enregistré sur le téléphone du centre ; que l'obligation légale mise à sa charge en période d'astreinte est de demeurer à son domicile ou à proximité, conformément à l'article L. 3121-5 du code du travail ; que ni la convention collective applicable, ni son contrat de travail, ne mettaient à sa charge une obligation particulière en matière de sécurité qui est une obligation qui pèse sur l'employeur ; qu'il n'a eu connaissance de l'incident que le 16 au matin et qu'il s'est immédiatement enquis de la santé de l'éducateur, auprès du directeur à son arrivée à l'établissement ; qu'il a demandé à l'éducateur pourquoi il ne l'avait pas appelé sur son téléphone fixe ce à quoi il lui a répondu qu'il ne voulait pas déranger ; que « le comportement inadmissible et dangereux » qui lui est reproché n'est nullement caractérisé, alors qu'il ne pouvait se substituer au directeur qui était présent sur les lieux le lendemain de l'agression et à qui il appartenait de prendre la direction des opérations.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable la forme.

Concernant le licenciement :

La lettre de licenciement pour faute grave du 13 juin 2008 est ainsi rédigée :

« alors que vous assuriez un service d'astreinte, dans la nuit du jeudi 15 mai au vendredi 16 mai 2008, un très grave incident est survenu dans l'établissement de [Localité 6] puisque l'un des éducateurs ' [H] [F] - a été agressé par l'un des jeunes pensionnaires.

Monsieur [F], en présence de Monsieur [E] [S], éducateur, vous a contacté à plusieurs reprises (notamment vers 1heure, puis vers 1 h 30) et vous a laissé, pour chacun de ses appels, un message sur le téléphone professionnel mis à votre disposition. Vous n'aviez du reste fourni aucune autre coordonnée.

L'objet des appels de Monsieur [F], très choqué et en demande de soutien, consistait à vous informer de l'importance de l'incident, à solliciter votre intervention et votre présence mais aussi à pouvoir être transporté au service des urgences de l'hôpital de [Localité 5].

Il ressort de la lecture du registre de liaison des éducateurs et des témoignages recueillis depuis que vous n'avez pas rappelé dans la nuit ni Monsieur [F], ni le centre de [Localité 6]. Vous ne vous êtes pas davantage présenté au centre.

D'autre part, alors que vous étiez présent à votre bureau dès 8 heures 30 le vendredi 16 mai, vous n'avez procédé à aucune démarche auprès de Madame [P] [U], éducatrice, ni d'un autre membre de votre équipe.

Enfin, vous ne vous êtes inquiété de la santé de Monsieur [F] qu'en début d'après-midi, lorsqu'il est venu, accompagné de son épouse, porter ses documents médicaux.

À partir du seul examen de ces faits, il est constant que :

- tant dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 mai que dans la matinée du vendredi 16 mai, vous n'avez apporté aucun soutien, ni traitement de la situation auprès de votre équipe éducatrice, en direction de Monsieur [F] ou encore des jeunes pensionnaires, dans un climat et une situation où votre présence de chef du service éducatif s'imposait ;

- vous avez contrevenu gravement à vos obligations professionnelles en période d'astreinte, et vous êtes abstenu de toute intervention, de toute initiative et information ;

- de par votre niveau hiérarchique et votre qualité de cadre chef du service éducatif, vous avez failli gravement à vos missions et responsabilités ainsi qu'à votre devoir de sécurité et d'assistance ;

- votre mutisme et votre extrême passivité, d'un effet désastreux au plan psychologique et relationnel pour l'équipe que vous étiez censé encadrer constituent un comportement inadmissible et dangereux de la part d'un chef de service éducatif et illustrent un désintérêt évident pour votre fonction et notre organisation.

Nous avons donc décidé, pour l'ensemble des motifs exposés ci-dessus, de prononcer la rupture pour faute grave de votre contrat de travail, aucun préavis ne pouvant être envisagé dans ces conditions (...) »

Les griefs énoncés à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et détermine le cadre strict du contrôle par le juge, sont donc, d'une part, alors qu'il était en service d'astreinte, dans la nuit du jeudi 15 mai au vendredi 16 mai 2008, et qu'un très grave incident était survenu dans l'établissement [Localité 6], d'avoir contrevenu gravement à ses obligations professionnelles et s'être abstenu de toute intervention, de toute initiative et information alors qu'un message lui avait été laissé sur le téléphone professionnel mis à sa disposition et qu'il n'avait fourni aucune autre coordonnée, et d'autre part, le lendemain des faits, son mutisme et son extrême passivité, qualifiés d'effet désastreux au plan psychologique et relationnel pour l'équipe qu'il était chargé d'encadrer.

La faute grave, dont la charge de la preuve pèse sur l'employeur, est la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

Il n'est pas contesté que dans la nuit du 15 au 16 mai 2008 un éducateur de l'établissement, agressé par l'un des jeunes pensionnaires, a cherché à joindre Monsieur [B] [V] qui était d'astreinte et lui a laissé deux messages sur le téléphone portable professionnel mis à sa disposition pour cette astreinte.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE n'invoque aucun texte conventionnel, accord d'entreprise ou règlement intérieur définissant la période d'astreinte autrement que celle donnée par l'article L. 3121-5 du code du travail aux termes duquel une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

Monsieur [B] [V] prétend qu'il était à son domicile dans la nuit du 15 au 16 mai 2008 et que s'il n'a pu être joint sur le téléphone portable de l'établissement c'est parce que son domicile est situé dans une zone qui n'est pas couverte de manière régulière et constante par le réseau SFR, mais qu'en revanche il aurait pu être joint sur le téléphone fixe de son domicile.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE ne produit aucun élément de nature à démontrer que Monsieur [B] [V] n'était pas présent à son domicile dans la nuit du 15 au 16 mai 2008.

Elle prétend, ainsi que cela ressort de la lettre de licenciement, que le salarié n'avait fourni «  aucune autre coordonnée ».

Monsieur [B] [V] conteste cette dernière allégation de l'employeur et fait valoir qu'il avait fourni à l'employeur ses différentes coordonnées dont le numéro de téléphone fixe de son domicile, et produit, à cet effet, la « liste des personnels de l'établissement en poste au 22 janvier 2008 » sur laquelle il figure ainsi que le numéro de téléphone fixe de son domicile et deux autres numéros de téléphones portables.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE prétend que cette liste n'était pas accessible aux éducateurs de permanence dans l'établissement dans la nuit du 15 au 16 mai 2008, mais cependant ne produit aucun élément pour étayer cette allégation.

À l'appui de son allégation selon laquelle son domicile n'était pas couvert de manière régulière et constante par le réseau SFR, Monsieur [B] [V] produit plusieurs éléments, dont certains concernent des périodes postérieures à l'époque des faits, de sorte qu'ils ne sont pas probants pour les faits objet du présent litige, mais produit également l'attestation de Monsieur [T] [R], en date du 27 septembre 2011, retraité de la gendarmerie nationale, qui écrit que pendant plusieurs années il a été affecté au centre opérationnel en charge du département des [Localité 8] à [Localité 7], qu'il a eu à connaître d'incidents sur la commune de [Localité 9], notamment en mai 2008, et qu'il a eu à plusieurs reprises, des difficultés à joindre Monsieur [B] [V], maire de cette commune, à qui il en a fait la remarque, et qu'il parvenait à joindre à son domicile sur sa ligne fixe.

Il ressort de ces éléments que Monsieur [B] [V], présent à son domicile dans la nuit du 15 au 16 mai 2008, s'il n'a pu être joint sur le téléphone portable mis à sa disposition par l'employeur pour des causes qui ne lui sont pas imputables, pouvait, en revanche, être joint sur le téléphone fixe de son domicile, de sorte qu'étant joignable il demeurait à la disposition de l'employeur, conformément à son obligation découlant de ce qu'il était d'astreinte.

Par conséquent, il y a lieu de dire non établi le premier grief.

A l'appui du deuxième grief, l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE invoque le rapport d'incident établi par l'éducateur agressé, Monsieur [H] [F], qui termine ledit rapport par cette mention : « PS : je dois avouer que je pensais quand même qu'un membre de la direction pourrait m'appeler le lendemain matin pour prendre de mes nouvelles ! ! ! Hélas, des choses plus importantes ont du les retenir !!! »

Il convient cependant de souligner d'une part que Monsieur [B] [V] n'est pas expressément visé par cette mention et d'autre part qu'il n'est pas contesté que le lendemain des faits, au matin, il n'était pas le seul présent dans l'établissement, que les membres de la direction étaient présents de sorte que le regret exprimé par l'éducateur ne concerne pas exclusivement Monsieur [B] [V], mais a vocation à s'appliquer à l'ensemble des membres de la direction.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE produit également la lettre de Madame [Z] [Y], chef du service éducatif, en date du 17 mai 2008 qui écrit qu'elle atteste que le 16 mai 2008 vers 8 h 30, alors qu'elle prenait son service, elle n'a pas été informée par Monsieur [B] [V] qui était de permanence, de l'agression de Monsieur [H] [F] durant la nuit.

Monsieur [B] [V] écrit, sans être démenti sur ce point, qu'il n'a eu connaissance de l'incident survenu dans la nuit du 15 au 16 mai 2008, que le 16 au matin en quittant son domicile et que dès qu'il a été informé de cette agression il s'est immédiatement enquis de la santé de l'éducateur auprès du directeur à son arrivée à l'établissement.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, il est établi que Monsieur [B] [V] n'a pas été joint dans la nuit, et donc n'a pas été informé de l'incident pendant sa période d'astreinte, alors qu'il était joignable à son domicile sur son téléphone fixe, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas donné au chef du service éducatif une information dont lui-même ne disposait pas.

Par conséquent, il y a lieu de dire non établi ce deuxième grief.

Par voie de conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il a dit le licenciement intervenu pour une cause réelle et sérieuse, mais sera confirmé en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à payer à Monsieur [B] [V] :

- 37 014 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 21 499 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 733,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte-tenu de l'ancienneté du salarié (11 ans), de son âge (55 ans), du montant de son salaire mensuel moyen calculé sur les six derniers mois (3 770 €), et des justificatifs du préjudice subi du fait du licenciement et notamment de la perte de revenus et des incidences sur la pension de retraite, et de ce qu'au 4 novembre 2011 il était toujours sans emploi, (étant précisé que Monsieur [B] [V] a signé une subrogation en vertu de laquelle, selon le document produit, il s'engage à rembourser à l'ASSEDIC [Localité 2] les allocations avancées correspondant aux sommes que son employeur viendrait à lui payer au titre du préavis ' seule mention cochée - , amiablement ou par voie de justice), il convient de fixer à la somme de 80 000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE sera également condamnée à rembourser à PÔLE-EMPLOI les indemnités de chômage versées à Monsieur [B] [V], du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois d'indemnité, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les articles 696 et 700 du code Procédure civile :

L'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et à payer à Monsieur [B] [V] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé le 19 mai 2010 par l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à l'encontre du jugement rendu le 19 avril 2010 par le Conseil de Prud'hommes de PAU (section encadrement) et l'appel incident formé par Monsieur [B] [V],

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à payer à Monsieur [B] [V] des sommes suivantes :

- 37 014 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 21 499 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 733,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à payer à Monsieur [B] [V] :

- 80 000 € (quatre-vingt mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE à rembourser à PÔLE-EMPLOI les indemnités de chômage versées à Monsieur [B] [V], du jour de son licenciement au jour de la présente décision de la limite de trois mois d'indemnité, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

CONDAMNE l'ASSOCIATION FORMATION JEUNESSE aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01927
Date de la décision : 19/01/2012

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/01927 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-19;10.01927 ?
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