NR/MS
Numéro 5413/11
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 01/12/2011
Dossier : 11/01208
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[R] [O]
C/
ASSOCIATION A.F.A.S.E.C.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 1er décembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APR'S DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 octobre 2011, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madale HAUGUEL, Greffière.
Les Magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [R] [O]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Comparante,
Assistée de Maître CAPES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMÉE :
ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSE (AFASEC)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
En la présence de Madame [I] [A], Chef d'établissement
Représentée par Maître SAINT-LAURENT, avocat au barreau de MONT DE MARSAN loco la SCP GASQUET - MASSON - VASSAL, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 24 NOVEMBRE 2009
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES
FORMATION PARITAIRE DE [Localité 5]
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [R] [O] a débuté ses fonctions au sein de l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES en qualité de vacataire au mois de septembre 1993.
Elle a été engagée par l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES par contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 septembre 1995 en qualité de professeur, coefficient 220.
Par avenant du 6 janvier 1999, le coefficient a été porté à 230 puis par avenant du 30 août 2005 à 265.
La relation de travail est régie par la Convention Collective de l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES.
Madame [R] [O] a été placée en arrêt de travail à compter du 4 septembre 2007, prolongé à treize reprises, jusqu'au 31 août 2008.
Après convocation à l'entretien préalable, l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES a notifié à Madame [R] [O], par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 juillet 2008, son licenciement pour absences répétées ayant entraîné une perturbation de l'établissement et nécessitant son remplacement définitif.
Contestant son licenciement, Madame [R] [O] a déposé une requête auprès du Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN le 8 décembre 2008.
Par jugement en date du 24 novembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN :
- a débouté Madame [R] [O] de toutes ses demandes,
- a débouté Madame [R] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a débouté l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a condamné les deux parties à leurs dépens.
Madame [R] [O] a interjeté appel par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 décembre 2009 du jugement qui lui a été notifié le 28 novembre 2009.
Le dossier a été radié par arrêt en date du 31 mars 2011, puis réinscrit à la requête de l'appelante le 1er avril 2011.
Madame [R] [O] demande à la Cour de :
- déclarer Madame [R] [O] recevable et bien fondée en son appel,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN en date du 24 novembre 2009.
En conséquence
- dire que le licenciement dont Madame [R] [O] a fait l'objet n'est pas justifié par une perturbation, ni par une désorganisation de l'entreprise, pas plus que par la nécessité de pourvoir définitivement à son remplacement définitif,
- constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à l'encontre de Madame [R] [O],
- condamner l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES à verser à Madame [R] [O] la somme de :
- 7 144,50 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 64'000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ECURIES DE COURSES aux dépens.
Dans les conclusions écrites, reprises oralement, Madame [R] [O] conteste son licenciement au motif qu'il n'est justifié ni par une désorganisation de l'entreprise en raison de son absence prolongée, ni par la nécessité de pourvoir définitivement à son remplacement.
Les excellents résultats des élèves à leurs examens témoignent de ce que l'établissement n'a connu aucune perturbation et a su pallier sans difficulté ses absences.
Par ailleurs, son remplacement en qualité de professeur d'anglais s'est fait immédiatement après sa mise en arrêt de travail, à savoir le 6 septembre 2007, et en ce qui concerne son remplacement en qualité de professeur de français, la prise en charge de quelques heures de cours par la responsable du Centre de Documentation et d'Information (C.D.I.) pendant une durée d'un mois, n'a pu sérieusement perturber le fonctionnement de l'établissement.
Enfin, ces perturbations datent du début de l'arrêt de travail, soit onze mois avant la rupture du contrat.
Elle a toujours fourni ses arrêts de travail dans le délai imparti, à savoir un délai de 48 heures à compter de la date de l'arrêt, enfin en février 2008, elle a informé l'établissement de ce que son absence serait très certainement prolongée jusqu'au 31 août 2008.
Les attestations de deux enseignants ainsi que de parents d'élèves confirment l'absence de perturbations liées à son absence.
Enfin, son absence a été immédiatement pourvue, ce qui exclut le caractère nécessaire de son remplacement définitif.
Le dernier arrêt de travail du 27 août 2008 jusqu'au 30 septembre 2008 est postérieur à la décision de l'employeur de rompre le contrat.
Enfin, son licenciement est intervenu en juillet 2008 alors que les élèves et les enseignants sont absents ; la preuve de la désorganisation du service n'est pas rapportée.
Alors que son mari occupait un emploi à temps partiel au sein de l'établissement, elle était la seule à procurer aux ménages avec la charge d'un enfant des revenus corrects ; le licenciement a placé la famille dans de grandes difficultés financières.
Compte tenu de son âge, il lui était très difficile de retrouver un emploi stable.
Elle sollicite une indemnité de 64'000 € en réparation du préjudice subi.
L'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ECURIES DE COURSES demande à la Cour de :
- dire que le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux,
En conséquence,
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner Madame [R] [O] au versement d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans les conclusions écrites, reprises oralement, l'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ECURIES DE COURSES fait valoir qu'entre le 4 septembre 2007 et le 16 juillet 2008, Madame [R] [O] a accumulé treize arrêts de travail représentant 282 jours d'absence qui ont désorganisé le service pédagogique et perturbé le fonctionnement de l'école.
Si effectivement le remplacement des cours d'anglais s'est effectué rapidement dans la mesure où Madame [D] avait d'ores et déjà proposé ses services à l'établissement, le recrutement d'un professeur de français a duré plus d'un mois et dans l'attente, l'absence a été palliée par Madame [H], responsable du Centre de Documentation et d'Information qui n'a pu remplir ses fonctions durant cette période.
Enfin, les délais de prévenance ont été, à chaque arrêt de travail, très courts, imposant à l'employeur de faire revenir les remplaçants les lundis suivant la fin de l'arrêt ne sachant si Madame [R] [O] reprendrait ou non son poste.
L'ASSOCIATION DE FORMATION ET D'ACTION SOCIALE DES ''CURIES DE COURSES conteste avoir été informée de la prolongation jusqu'au 31 août 2008, dès le mois de février.
Enfin, les bons résultats des élèves doivent être attribués à la faculté de l'équipe à se mobiliser et au chef d'établissement qui a pris les bonnes décisions, afin qu'ils ne souffrent pas de cette désorganisation.
Elle rappelle que le chef d'établissement n'a pas à divulguer aux représentants des parents d'élèves les problèmes organisationnels et de fonctionnement, dès lors que des solutions mêmes précaires sont mises en oeuvre; les salariés sont également tenus à la plus grande discrétion.
Enfin, la mise en place d'une nouvelle classe de 4éme/3éme à double niveau nécessitait des nouvelles méthodes pédagogiques et pour laquelle Madame [R] [O] n'avait pu se préparer.
Enfin, le licenciement est intervenu en juillet, période au cours de laquelle se prépare la rentrée scolaire de septembre et où tout le personnel est présent pour organiser la future rentrée, tous les postes d'enseignants devant être à cette date pourvus.
Madame [R] [O] ne rapporte pas la preuve du préjudice subi alors qu'elle sollicite une indemnisation supérieure au montant minimum de six mois de salaire.
Propriétaire de chevaux de course, elle possède un statut d'éleveur ce qui génère des allocations distribuées selon les résultats des chevaux.
SUR QUOI
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement en date du 21 juillet 2008 qui fixe les limites du litige est libellée ainsi que suit :
« Nous vous rappelons les raisons qui nous conduisent à envisager cette mesure :
- 13 arrêts de travail consécutifs entre le 4 septembre 2007 et le 31 août 2008,
- désorganisation du service « Formation Générale » et perturbation dans le fonctionnement de l'école :
° La formation est notre activité principale et vous occupez un poste à temps complet sur deux matières générales (anglais et français) importantes pour l'obtention du diplôme de nos élèves
° Nous avons eu des difficultés pour vous remplacer notamment lors du premier arrêt il nous a fallu un mois pour trouver une remplaçante en français.
° Le délai de prévenance de certains de vos arrêts nous ont conduit à faire venir le remplaçant le lundi matin, alors même que nous ne sachions pas si vous alliez reprendre ou être prolongée.
- Nécessité de vous remplacer :
° Une nouvelle classe de 4éme/3éme à double niveau est ouverte en septembre 2008. Cela nécessite de nouvelles méthodes pédagogiques sur lesquelles vous n'aurez pas pu vous préparer.
° Nous devons pourvoir votre poste stablement et durablement.
- Enfin lors de l'entretien du 16 juillet 2008, vous nous avez informés que vous doutiez pouvoir reprendre votre activité à l'issue de l'arrêt maladie en cours.
En dépit des explications que vous nous avez fournies lors de l'entretien préalable, nous sommes au regret de vous informer, par la présente, que nous avons décidé de procéder à votre licenciement, pour absences répétées ayant entraîné une perturbation de l'établissement et nécessitant votre remplacement définitif... »
Si aux termes de l'article L.1132-1 du Code du Travail il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé sauf inaptitude constatée, les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise engendrées par l'absence prolongée du salarié pour maladie peuvent constituer une cause de licenciement dès lors qu'elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l'intéressé, nécessité qui doit s'imposer au jour de la décision de l'employeur de rompre le contrat.
Il appartient à l'employeur de démontrer :
- les perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise,
- la nécessité de remplacer effectivement et donc définitivement la salariée.
En l'espèce, la lettre de licenciement mentionne d'une part l'existence de la perturbation et d'autre part la nécessité de remplacer le salarié concerné; elle est suffisamment motivée.
Madame [R] [O] travaillait à temps complet au sein de l'établissement, en qualité de professeur de français et d'anglais.
À compter du 4 septembre 2007, Madame [R] [O] a été en arrêt de travail, prolongé de manière continue jusqu'au licenciement, soit treize arrêts de travail successifs pour 282 jours d'absence.
Compte tenu de l'impossibilité de pourvoir à son remplacement en interne, l'établissement a dû procéder à des recrutements par contrats à durée déterminée.
Les cours d'anglais ont pu être assurés dès le 6 septembre 2007 par Madame [M] [D], le remplacement des cours de français par Madame [N] n'a été effectif qu'à compter du 3 octobre.
Dans l'attente, les cours ont été assurés par la responsable du Centre de Documentation et d'Information, générant obligatoirement des perturbations sur ce service, du fait de son absence, majorée par un doublement d'heures de récupération.
Cependant, si l'administration a pu faire assurer la quasi intégralité des heures de cours durant cette année scolaire, à la satisfaction des parents qui en témoignent, il est certain que les professeurs remplaçants, déjà occupés dans d'autres établissements, n'avaient pas toujours la disponibilité suffisante. Ils n'ont pu assister à l'intégralité des conseils de classe, ni des réunions pédagogiques, ni, ainsi qu'en atteste Madame [D], envisager des projets pédagogiques avec les élèves.
De plus, à l'examen des avis d'arrêt de travail, tamponnés par l'administration, il s'avère que Madame [R] [O] en transmettait certains en retard, ne permettant pas à l'administration de savoir si elle serait ou pas présente le jour supposé de la reprise; dés lors elle devait prolonger les contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir à une éventuelle prolongation de l'arrêt de travail, ainsi qu'en témoigne Madame [D].
De plus, cette absence de visibilité pour les professeurs remplaçants était incontestablement déstabilisante ainsi qu'en atteste Madame [N] et exposait l'établissement à un départ des remplaçants au terme de chaque mission.
Si Madame [R] [O] soutient avoir systématiquement informé par téléphone l'administration de sa non-reprise, elle ne le démontre pas alors que pour sa part, Madame [Z] qui savait depuis février 2008 que Madame [R] [O] ne reviendrait probablement pas avant août 2008 atteste « Cette conversation ayant un caractère privé, je n'en ai pas parlé au Chef d'établissement lors des réunions DP ».
Ainsi que le reconnaît Madame [Y], parent d'élèves et Présidente de l'Association des parents d'élèves, l'absence d'un professeur compétent pose toujours problème dans un établissement dont l'objectif est d'assurer auprès des élèves l'intégralité des cours afin de ne pas les pénaliser, ce qui l'aurait exposée au mécontentement des familles et à une mauvaise image de l'école.
En l'espèce, si l'administration a pu, durant une année scolaire, pallier à cette longue absence, il est évident que l'incertitude du retour pour la rentrée scolaire 2008, telle que résultant des propos tenus par la salariée lors de l'entretien préalable, lui imposait dés le mois de juillet, mois de mise en place de la rentrée de septembre, de prendre des décisions.
De plus, la création en septembre d'une classe à double niveau exigeait un investissement des enseignants, une réflexion de ces derniers sur d'autres outils pédagogiques et d'autres méthodes d'enseignement qui ne pouvaient s'improviser à la rentrée de septembre.
Compte tenu des exigences tenant à la nature de l'établissement, à ses obligations envers les élèves, à la nécessité d'avoir une équipe pédagogique s'investissant tant au niveau des réunions pédagogiques, que des conseils de classe, que sur les projets de l'établissement le remplacement de Madame [R] [O] par des professeurs remplaçants, s'il était possible, n'était pas satisfaisant, alors que l'établissement avait d'ores et déjà fonctionné depuis une année sur ce mode et que le recrutement dans l'urgence d'un enseignant dans un établissement fonctionnant de plus sur le mode de l'alternance pouvait s'avérer difficile.
Enfin, il est démontré que le remplacement de Madame [R] [O] a été effectué dans un délai raisonnable après le licenciement soit début septembre 2008.
Le licenciement de Madame [R] [O] pour désorganisation de l'entreprise et obligation de procéder à son remplacement définitif repose par conséquent sur une cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu de confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :
L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Madame [R] [O] le 21 décembre 2009.
Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de MONT DE MARSAN en date du 24 novembre 2009 en toutes ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Madame [R] [O] aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,