FP/AM
Numéro 11/5189
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRET DU 23/11/2011
Dossiers : 11/00095
10/05272
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par un animal
Affaire :
FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES LANDES
C/
EARL DU PAS PERDU
SOCIETE CYNEGETIQUE MILITAIRE DE MONT DE MARSAN CAPTIEUX MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
MINISTERE DE LA DEFENSE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 novembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 Septembre 2011, devant :
Madame PONS, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 685 du code de procédure civile
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DES LANDES
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de Maître SIDEM-POULAIN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE
INTIMES :
EARL DU PAS PERDU
[Adresse 8]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour
assistée de Maître DUVIGNAC, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
SOCIETE CYNEGETIQUE MILITAIRE DE MONT DE MARSAN CAPTIEUX
[Adresse 7]
[Localité 2]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour
assistée de Maître PENEAU-DESCOUBES, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
MONSIEUR L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
MINISTERE DE LA DEFENSE
Délégation Générale de l'Armement
Centre d'Essais des Landes
[Localité 5]
représentés par la SCP LONGIN / LONGIN-DUPEYRON / MARIOL, avoués à la Cour
assistés de Maître LASSERRE, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 07 DECEMBRE 2010
rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONT DE MARSAN
Sur la demande de l'EARL du Pas Perdu en indemnisation de dégâts causés aux récoltes par du grand gibier pour les années 2004 et 2005 dirigée contre la Fédération départementale des chasseurs des Landes, le tribunal d'instance de Mont de Marsan a, par jugement du 7 mars 2006, ordonné une expertise judiciaire en application de l'article R 426-24 du code de l'environnement.
Sur appel de la Fédération départementale des chasseurs, la Cour, par arrêt du 23 octobre 2007 a déclaré prescrite l'action en indemnisation des dommages causés au cours de l'année 2004.
Par actes des 15, 16 et 19 juin 2006 la Fédération départementale des chasseurs des Landes faisait assigner le Ministre de la Défense, la Société cynégétique militaire de Mont de Marsan Captieux, la Société militaire de chasse du Centre d'Essais des Landes, et l'Agent judiciaire du Trésor en déclaration d'expertise commune devant le tribunal d'instance de Mont de Marsan lequel, par jugement du 7 novembre 2006, déboutait la Fédération départementale des chasseurs des Landes de sa demande.
La Fédération départementale des chasseurs des Landes relevait appel de cette décision en intimant le Ministre de la Défense, la Société cynégétique militaire de Mont de Marsan Captieux et la Société militaire de chasse du Centre d'Essais des Landes mais non l'Agent judiciaire du Trésor.
Par arrêt du 20 mai 2008, ce jugement était infirmé par la Cour qui ordonnait la réouverture des opérations d'expertise et la déclarait commune au Ministère de la Défense et à la Société cynégétique militaire de Mont de Marsan Captieux, rejetant la demande d'extension à la Société militaire de chasse du Centre d'Essais des Landes.
Le rapport d'expertise ayant été déposé, l'EARL du Pas Perdu a sollicité le 25 septembre 2009, la réinscription de l'affaire devant le tribunal d'instance de Mont de Marsan pour obtenir la réparation de son préjudice.
Par acte d'huissier du 27 novembre 2009, la Fédération départementale des chasseurs a, au visa des articles 1382 du code civil et 426-4 du code de l'environnement, fait assigner l'Agent judiciaire du Trésor en garantie pour qu'il soit condamné à la relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge.
Par jugement du 7 décembre 2010 le tribunal d'instance de Mont de Marsan a :
- déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par l'Agent judiciaire du Trésor ;
- dit que la demande de la Fédération départementale des chasseurs des Landes à l'encontre de l'Agent judiciaire du Trésor relève de la juridiction administrative ;
- mis l'Agent Judiciaire du Trésor et le Ministère de la Défense hors de cause et renvoyé la Fédération départementale des chasseurs des Landes à mieux se pourvoir ;
- ordonné la réouverture des débats et a enjoint à ladite fédération de conclure au fond.
La Fédération départementale des chasseurs a formé contredit le 22 décembre 2010 au greffe du tribunal d'instance de Mont de Marsan.
La Cour par arrêt du 1er mars 2011 (RG n° 10/05272) a, en application des articles 91 et 99 du code de procédure civile :
- déclaré irrecevable le contredit formé le 22 décembre 2010 à l'encontre du jugement rendu le 7 décembre 2010 par le tribunal d'instance de Mont de Marsan ;
- s'est déclarée saisie d'un appel ;
- invité les parties à régulariser la procédure conformément aux dispositions de l'article 91 du code de procédure civile ;
- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et sur les dépens.
Parallèlement, par acte du 6 janvier 2011, la Fédération départementale des chasseurs des Landes a relevé appel de cette décision (RG n° 11/00095).
Dans ses dernières conclusions en date du 15 juin 2011 elle demande à la Cour, au visa des articles L 426-4, L 426-6 et R 426-21 du code de l'environnement et 74 et 80 du code de procédure civile, principalement :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevé par l'Agent judiciaire du Trésor ;
Subsidiairement :
- de dire que sa demande relève de la juridiction judiciaire ;
- de renvoyer les parties devant le tribunal d'instance de Mont de Marsan ;
- d'infirmer la mise hors de cause du Ministère de la Défense ;
- condamner l'Agent judiciaire du Trésor au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir que :
- l'exception d'incompétence soulevée par l'Agent judiciaire du Trésor est irrecevable pour ne pas avoir été soulevée 'in limine litis' ; en effet, il a été assigné pour la première fois devant le tribunal d'instance par acte du 19 juin 2006 devant lequel il a sollicité sa mise hors de cause opposant ainsi une fin de non-recevoir sans soulever une exception d'incompétence ;
- par ailleurs, l'Agent judiciaire du Trésor et le Ministère de la Défense représentent une seule et même personne l'Etat et dès lors la présence du Ministère de la Défense dans la procédure devant la Cour et lors des opérations d'expertise prive l'Etat de son droit à soulever une exception d'incompétence ;
- son action est fondée sur l'article L 426-4 du code de l'environnement qui lui permet d'agir contre le responsable du dommage sur le fondement de l'article 1382 du code civil et l'article L 426-6 de ce même code donne compétence au tribunal d'instance pour connaître de tous les litiges liés à l'indemnisation des dommages causés par le gibier.
Dès lors, elle estime que le législateur a voulu créer un régime juridique unique soumis à la même juridiction et que, par ailleurs, l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande que l'affaire soit jugée par la même juridiction.
L'Agent judiciaire du Trésor et le Ministère de la Défense dans leurs dernières écritures en date du 22 avril 2011, demandent la confirmation du jugement qui a renvoyé l'appelante à mieux se pourvoir à l'encontre de l'Agent judiciaire du Trésor et du Ministère de la Défense et sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que si l'Agent judiciaire du Trésor avait été effectivement assigné le 19 juin 2006 en déclaration d'expertise commune, il avait demandé sa mise hors de cause ce qu'avait retenu le tribunal d'instance. D'ailleurs, la Fédération départementale des chasseurs des Landes ne l'avait pas intimé devant la Cour et dès lors, il se trouvait définitivement hors de cause, l'arrêt de la Cour n'ayant ordonné la réouverture des opérations d'expertise qu'au contradictoire du Ministère de la Défense.
L'instance n'a été réintroduite à l'encontre de l'Agent judiciaire du Trésor que par l'assignation du 27 novembre 2009 et il a soulevé l'incompétence du tribunal d'instance 'in limine litis'.
Par ailleurs, en application de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955, seul l'Agent judiciaire du Trésor peut représenter l'Etat, et donc le Ministère de la Défense, s'agissant des demandes indemnitaires présentées contre lui. Il s'agit d'une règle d'ordre public.
Sur le bien-fondé de l'exception d'incompétence, ils estiment que la demande de la Fédération de chasse étant fondée sur l'article 1382 du code civil, ne relève pas de la compétence du tribunal d'instance.
La Société cynégétique militaire de Mont de Marsan Captieux dans ses dernières écritures du 9 mai 2011 s'en remet à justice sur la compétence de la juridiction administrative et judiciaire et sollicite la condamnation de la Fédération de chasse à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel et les conclusions de l'Agent judiciaire du Trésor ont été dénoncées à l'EARL du Pas Perdu.
Elle a conclu le 1er septembre 2011 postérieurement à l'ordonnance de clôture qui est intervenue le 28 juin 2011 en s'en remettant à justice et en sollicitant l'allocation de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Attendu qu'il convient d'ordonner la jonction des instances RG n° 10/05272 et RG n° 11/00095 ;
Attendu qu'il convient en application de l'article 783 du code de procédure civile de déclarer irrecevables les conclusions de l'EARL du Pas Perdu déposées le 1er septembre 2011 postérieurement à l'ordonnance de clôture ;
Attendu qu'en l'espèce, si la Fédération départementale des chasseurs des Landes a bien fait assigner l'Agent judiciaire du Trésor par acte d'huissier de justice du 19 juin 2006 devant le tribunal d'instance de Mont de Marsan à la seule fin de lui faire déclarer commune l'expertise ordonnée le 7 mars 2006 par cette même juridiction dans le litige l'opposant à l'EARL du Pas Perdu, elle n'a pas relevé appel contre l'Agent judiciaire du Trésor de la décision du 7 novembre 2006 la déboutant de ses demandes de sorte que l'Agent judiciaire du Trésor n'était plus partie au litige et l'action était éteinte à son encontre ;
Attendu que d'ailleurs, lorsque suite au dépôt du rapport d'expertise, l'EARL du Pas Perdu a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle du tribunal d'instance de Mont de Marsan, la Fédération départementale des chasseurs des Landes a fait assigner l'Agent judiciaire du Trésor, par acte d'huissier de justice du 27 septembre 2009, pour solliciter sa condamnation à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle à la requête des demandeurs en indemnisation des dommages causés aux récoltes pour l'année 2005 en application des articles 1382 du code civil et L 426-4 du code de l'environnement ;
Attendu qu'il résulte du jugement déféré et qu'il n'est pas contesté par la Fédération départementale des chasseurs des Landes, que, dans le cadre de cette nouvelle instance qui avait un objet différent de celle engagée le 19 juin 2006, l'Agent judiciaire du Trésor a invoqué 'in limine litis' l'incompétence du tribunal d'instance, juridiction de l'ordre judiciaire, au profit du tribunal administratif ;
Attendu que l'action de la Fédération départementale des chasseurs des Landes qui fonde sa demande sur l'article L 426-4 du code de l'environnement et sur l'article 1382 du code civil, doit s'analyser comme une action en responsabilité contre l'Etat ;
Attendu que conformément à l'article 38 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955 'toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor Public ;
Attendu que le Ministère de la Défense n'ayant pas, en tant que tel, la personnalité morale, la Fédération départementale des chasseurs des Landes ne peut valablement prétendre que l'Agent judiciaire du Trésor a pu être valablement représenté devant la Cour et aux opérations d'expertise ce qui le priverait du droit de soulever une exception d'incompétence ;
Attendu qu'en conséquence, dans le cadre de l'action en responsabilité dirigée contre lui, l'exception d'incompétence au profit de la juridiction de l'ordre administratif ayant été soulevée par l'Agent judiciaire du Trésor avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir conformément aux dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, est parfaitement recevable ;
Attendu que c'est également à bon droit en application de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955, que le Ministère de la Défense a été mis hors de cause ;
Attendu que l'article L 426-4 du code de l'environnement dispose que la possibilité d'une indemnisation par la Fédération départementale des chasseurs laisse subsister le droit d'exercer contre le responsable des dommages une action fondée sur l'article 1382 du code civil ; que celui qui obtient en justice la condamnation du responsable à des dommages et intérêts doit, dans la limite de leur montant, reverser à la Fédération départementale des chasseurs l'indemnisation déjà versée par celle-ci ; que celui qui obtient du responsable du dommage un règlement amiable sans l'accord de la Fédération départementale de chasse perd le droit de réclamer à celle-ci une indemnité et doit lui rembourser l'intégralité de celle qui lui aurait déjà été versée ; que la Fédération départementale des chasseurs a toujours la possibilité de demander elle-même au responsable par voie judiciaire de lui verser le montant de l'indemnité qu'elle a elle-même accordée ;
Mais attendu que les articles L 426-1 à L 426-4 du code de l'environnement invoqués par la Fédération départementale des chasseurs des Landes pour conclure à la compétence du tribunal d'instance, ont trait à la procédure non contentieuse d'indemnisation par la Fédération des chasseurs des dégâts causés par le grand gibier aux cultures et aux récoltes agricoles ;
Attendu que dès lors l'article L 426-6 de ce même code qui dispose que tous les litiges nés de l'application des articles L 426-1 à L 426-4 sont de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ne peut s'appliquer qu'aux litiges nés à la suite de la procédure non contentieuse d'indemnisation par la Fédération des chasseurs ;
Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'une action contentieuse dirigée par l'exploitant contre la Fédération des chasseurs et de l'action en garantie dirigée contre l'Etat par la Fédération départementale des chasseurs des Landes ;
Attendu que conformément à l'article R 221-14 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal d'instance connaît des actions pour dommages causés aux cultures et récoltes par le gibier ;
Qu'il résulte également des dispositions des articles R 426-20 et R 426-21 du code de l'environnement que les actions en réparation des dommages causés aux cultures et aux récoltes par un gibier quelconque sont de la compétence du tribunal d'instance ;
Attendu que ces dispositions ne permettent cependant pas de déroger aux règles de compétence entre les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif dès lors qu'est recherchée la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'en conséquence, il convient de confirmer la décision du tribunal d'instance de Mont de Marsan qui, constatant que la demande de la Fédération départementale des chasseurs des Landes relevait de la compétence de la juridiction administrative, l'a renvoyée à mieux se pourvoir.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Ordonne la jonction des instances RG n° 10/05272 et RG n° 11/00095.
Déclare irrecevables les conclusions déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture par l'EARL du Pas Perdu 1er septembre 2011.
Confirme le jugement du tribunal d'instance de Mont de Marsan en date du 7 décembre 2010.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fédération départementale des chasseurs des Landes à payer à l'Agent judiciaire du Trésor et à la Société cynégétique militaire de Mont de Marsan Captieux la somme de 1.000 € (mille euros) à chacun, rejette la demande de la Fédération départementale des chasseurs des Landes.
Condamne la Fédération départementale des chasseurs des Landes aux dépens.
Accorde à la S.C.P. Longin - Longin-Dupeyron - Mariol et à la S.C.P. Marbot - Crepin, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS