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03/10/2011 | FRANCE | N°10/04474

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 03 octobre 2011, 10/04474


SG/MS



Numéro 4314/11





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 03/10/2011







Dossier : 10/04474





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique















Affaire :



[L] [C]





C/



SOCIÉTÉ SONY FRANCE

SOCIÉTÉ SONY EUROPE HOLDING B.V.










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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour le 03 octobre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa...

SG/MS

Numéro 4314/11

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 03/10/2011

Dossier : 10/04474

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique

Affaire :

[L] [C]

C/

SOCIÉTÉ SONY FRANCE

SOCIÉTÉ SONY EUROPE HOLDING B.V.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour le 03 octobre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APR'S DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 juin 2011, devant :

Monsieur GAUTHIER, Magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame HAUGUEL, Greffière.

Madame de PEYRECAVE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur GAUTHIER et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame de PEYRECAVE, Présidente

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

Madame ROBERT, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [L] [C]

né le [Date naissance 3] 1967 à DAX (40100)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Maître RILOV, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

SOCIÉTÉ SONY FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

En présence de Monsieur FOUCHER, Président, assisté de la SCP CHASSANY-WATRELOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

SOCIÉTÉ SONY EUROPE HOLDING B.V.

[Adresse 9]

[Localité 1]

Représentée par la SCP CHASSANY-WATRELOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 29 OCTOBRE 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES

FORMATION PARITAIRE DE DAX

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

M. [L] [C] a été salarié, au sein de l'établissement de [Localité 8], dit également « établissement de Dax » dans le département des Landes (40), de la SA de Sony France, ayant pour société mère la société Sony Europe Holding BV, sociétés du groupe japonais SONY Corporation et, au dernier état des relations contractuelles, occupait les fonctions d'Opérateur autonome de production.

Au mois de décembre 2007 un projet de cession a été présenté au comité central d'entreprise de Sony France et au comité d'établissement de Dax, comme une alternative à la cessation à court terme des activités du site.

Il y a eu, entre le 6 décembre 2007 et la fin septembre 2008 : 12 réunions du comité central d'entreprise, 13 réunions du comité d'établissement de Dax et 5 réunions du personnel pour une présentation du schéma général du projet de cession avec comme date-butoir pour sa réalisation le 30 septembre 2008.

Le 27 août 2008 le comité central d'entreprise a voté une résolution dans laquelle il disait constater son impossibilité d'émettre un avis sur la cession dans la mesure où SONY refusait de communiquer les informations relatives au contenu du projet.

Le 22 septembre 2008 les 317 membres du personnel ont voté sur la cession envisagée : 25 salariés se sont déclarés « favorables », 17 se sont déclarés « défavorables » et 238 se sont déclarés « dans l'incapacité de donner un avis ».

Lors de la réunion extraordinaire du 25 septembre 2008 les élus du comité central d'entreprise ont de nouveau refusé de donner leur avis sur la cession envisagée.

À l'issue de cette réunion, le président du CCE a indiqué que la direction de Sony France allait débuter une procédure d'information consultation des représentants du personnel sur un projet de fermeture du site de Dax et de licenciement collectif pour motif économique.

Le 26 septembre 2008 le comité central d'entreprise a fait délivrer à la société Sony France, la société Europe Holding et Sony international Europe GMBH une assignation en référé d'heure à heure aux fins notamment d'ordonner la suspension de toute mesure d'exécution du projet de cession.

Le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté le CCE de toutes ses demandes par ordonnance du 14 novembre 2008 confirmée par la Cour d'Appel de Versailles par arrêt du 12 novembre 2009 au motif que « le projet de cession a été définitivement abandonné et retiré unilatéralement par la société, ce qui a été confirmé par le conseil d'administration du 15 octobre 2008 réuni à la demande du premier Juge ».

Le 4 décembre 2008 a débuté un processus d'information-consultation du comité central d'entreprise et du comité d'établissement de l'usine de Dax sur un projet de restructuration prévoyant la cessation définitive des activités de production de l'établissement de Dax et ses conséquences sociales (livre IV) et sur un projet de licenciement collectif pour motif économique avec mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (livre III).

Le projet de licenciement collectif pour motif économique a été notifié le 13 février 2009 à la DDTEFP des Landes qui, par courrier du 3 mars 2009, a fait des propositions d'amélioration de certaines mesures du PSE, dont la majeure partie a été prise en compte.

Le comité central d'entreprise de Sony France a rendu son avis sur le projet de cessation d'activité du site et de plan de sauvegarde de l'emploi lors de sa réunion du 10 mars 2009 et le comité d'établissement de Sony Dax s'est prononcé lors de sa réunion du 12 mars 2009.

Tous les salariés de l'établissement de Dax ([Localité 8]) ont été licenciés entre le 17 avril 2009 pour les premiers et le 28 août 2009 pour les derniers.

Le 2 septembre 2009 le comité central d'entreprise a émis un avis favorable au projet de cession du site à la société SOLAREZO pour 1 euro, soit les actifs immobiliers et la chaîne de production du site. L'activité de production de panneaux solaires a débuté avec cette société en décembre 2008.

Contestant leur licenciement, 233 salariés de l'établissement de [Localité 8] (usine de Dax), dont 15 salariés protégés, 06 salariés cadres et M. [L] [C], ont saisi le conseil de prud'hommes de Dax par requête en date du 6 juillet 2009, pour obtenir la condamnation de la SA SONY FRANCE et la société Sony Europe Holding BV à leur payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À défaut de conciliation le 07 septembre 2009, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui, par décision du 26 juillet 2010, s'est déclaré en partage de voix.

Par jugement du 29 octobre 2010 la section industrie du conseil de prud'hommes de Dax, statuant en formation de départage :

- A rejeté toutes les demandes formées contre la société SONY EUROS HOLDING BV,

- S'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [U] [N], M. [L] [C], Mme [V] [I], M. [CX] [A], M. [O] [T], M. [F] [S], M. [LJ] [X], M. [EG] [E], M. [FA] [G], Mme [K] [W], Mme [Z] [B], M. [P] [Y], Mme [UL] [M], M. [JG] [R] et Mme [D] [HD] tendant à déclarer leur licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de motif économique et de respect de l'obligation de reclassement et les a invités à mieux se pourvoir,

- A rejeté les demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse des autres salariés,

- A rejeté les demandes d'indemnité pour violation de l'article L1233-5 du code du travail,

- A dit le licenciement de Messieurs [PF] [PK], [H] [YS] et [J] [CK] non discriminatoire et a rejeté les demandes présentées de ce chef,

- A dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

- A dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- A dit le présent jugement non opposable au CGEA de Dax.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 novembre 2010 M. [L] [C] a interjeté appel du jugement.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES.

M. [L] [C], par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la cour de :

Vu les articles L.1233-3, L.1233-4, L.1235-3 et L.1233-5 du code du travail,

À titre principal :

- condamner in solidum les sociétés SONY FRANCE et SONY EUROPE HOLDING BV, du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, à payer une indemnité sur le fondement de l'article L1235-3, soit : 106773,32 €

À titre subsidiaire :

- condamner in solidum les sociétés SONY FRANCE et SONY EUROPE HOLDING BV à réparer sur le fondement de l'article 1147 du Code civil le préjudice subi, à savoir : 106773,32 €

À titre infiniment subsidiaire :

- dire que les critères de l'ordre des licenciements fixés et mis en oeuvre par l'employeur sont irréguliers au regard de l'article L1233-5 du code du travail,

- condamner in solidum les sociétés SONY FRANCE et SONY EUROPE HOLDING BV à payer une indemnité réparant le préjudice subi du fait de l'irrégularité des critères de l'ordre des licenciements, à savoir : 106773,32 €

En tout état de cause :

- assortir les condamnations d'intérêts au taux légal,

- condamner in solidum les défenderesses à lui verser la somme de 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens.

M. [L] [C] soutient que : son licenciement n'est fondé sur aucun motif économique réel et sérieux ; l'employeur n'a pas exécuté son obligation de reclassement individuel ; l'employeur a violé les critères relatifs à l'ordre des licenciements ; les conséquences indemnitaires sont étroitement liées à la précarité persistante dans laquelle la fermeture de l'usine, qui aurait pu être évitée, l'a plongé.

Sur le motif économique M. [L] [C] soutient :

- en premier moyen, que le licenciement ne peut être fondé ni sur des difficultés économiques dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, ni sur une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise.

Il prétend que :

la réorganisation était destinée à augmenter le taux de profit du secteur électronique du groupe, le retour sur investissement des actionnaires et le cours de l'action Sony par le sacrifice de plusieurs milliers d'emplois ;

au niveau du secteur d'activité du groupe le chiffre d'affaires a augmenté de 30 % et les bénéfices cumulés s'élèvent à près de 8 milliards de dollars sur les cinq exercices qui ont précédé les licenciements ;

aucun élément ne permet de soutenir que la compétitivité du secteur d'activité électronique du groupe SONY était précisément et immédiatement menacée, SONY étant le leader mondial de l'électronique dont les performances lui ont permis de dominer la quasi-totalité de ses concurrents dans l'électronique ;

- en deuxième moyen que ;

le véritable secteur d'activité auquel peut être rattaché l'établissement de Dax est le secteur d'activité électronique, auquel le groupe rattache systématiquement l'entreprise SONY France ;

Il fait valoir que ;

le secteur d'activité à retenir est celui dont relève l'entreprise SONY France et non pas l'établissement ;

le secteur d'activité invoqué par SONY, à savoir « Recording Média and Energy » est imaginaire et n'apparaît dans aucune publication interne ou externe du groupe Sony.

Sur l'obligation de reclassement M. [L] [C] soutient :

- en premier moyen que ;

la société Sony s'est abstenue de toute recherche active et sérieuse des possibilités de reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe ;

Il fait valoir que ;

compte tenu de la dimension internationale du groupe Sony et du nombre de ses filiales implantées dans plus de 40 pays l'employeur aurait dû adresser près de 100 courriers spécifiques en 20 langues différentes aux autres sociétés du groupe, alors que soit ces courriers sont inexistants, soit il s'agit de lettres circulaires ;

alors que le groupe emploie 180 000 collaborateurs au sein de 100 filiales pour un chiffre d'affaires de près de 85 milliards d'euros, le nombre d'offres de reclassement était de 179 lors de la dernière réunion du comité d'entreprise, le 10 mars 2009, pour plus de 300 salariés licenciés ;

une recherche, même sommaire, sur Internet permettait de recenser des dizaines de postes disponibles qui n'ont pas été proposés aux salariés ;

l'achèvement du plan de sauvegarde de l'emploi n'exonère pas l'employeur de son obligation de reclassement individuel et il doit proposer aux salariés tous les postes devenus disponibles avant le licenciement mais aussi jusqu'au terme de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement ;

- en deuxième moyen que ;

Sony a manqué à son obligation de fournir à chaque salarié des propositions de reclassement individualisées et définitives, exposant précisément et concrètement les offres fermes de reclassement susceptibles de correspondre au profil de chacun ;

Il fait valoir que rien n'établit que les lettres produites ont été réellement notifiées alors que ces lettres ne mentionnent ni la rémunération, ni l'adresse du lieu de travail, ni la durée du travail, ni les horaires de travail, ni le coefficient pour chacun des postes proposés et qu'au surplus les propositions ne sont pas définitives, Sony prenant systématiquement la précaution d'énoncer qu'il n'est pas permis au salarié d'accepter la possibilité de reclassement portée à sa connaissance, le salarié ne pouvant que manifester son intérêt pour le poste pour lequel il sera convoqué à un entretien d'embauche au terme duquel la société du groupe pourra rejeter sa candidature sans avoir à justifier sa décision ;

- en troisième moyen que ;

les quelques offres indigentes de reclassement formulées par Sony étaient assorties d'une condition suspensive qui s'oppose à leur mise en oeuvre effective ;

Il fait valoir que  le fait de prévoir des périodes d'essai laissait la faculté aux structures vers lesquelles le reclassement devait s'effectuer de décider discrétionnairement de ne pas reclasser le salarié candidat, ce qui revient à détourner le reclassement de son objectif légitime, à savoir éviter les licenciements.

Sur les critères de l'ordre des licenciements, M. [L] [C] soutient que la mise en oeuvre des critères de l'ordre des licenciements doit concerner l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, de sorte qu'en décidant, dans le plan de sauvegarde de l'emploi, de licencier les salariés de l'établissement de Dax sans tenir compte des critères d'ordre des licenciements au motif que tous les postes de l'établissement étaient supprimés, l'employeur a violé les critères d'ordre de licenciements.

Sur le montant de l'indemnité réclamée : M. [L] [C] prétend que, quel que soit le fondement retenu, il doit lui être accordé une indemnité égale à 48 mois de salaire. Il fait valoir que l'absence de propositions de reclassement constitue une faute de l'employeur qui lui a causé un préjudice en l'exposant à une perte de chance de retrouver immédiatement, ou rapidement, un emploi.

Les intimées, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demandent à la Cour de :

- mettre hors de cause la société SONY EUROPE HOLDING B.V

- débouter l'appelant de l'intégralité de ses demandes.

Les intimées exposent que depuis le 1er avril 2011, SONY France est une succursale de Sony Europe Limited.

À titre préliminaire, les intimées demandent la mise hors de cause de la société SONY EUROPE HOLDING B.V. aux motifs que cette société est la société mère de Sony France et n'a jamais été l'employeur des appelants, de sorte qu'elle n'est pas l'auteur des licenciements contestés et n'est pas débitrice de l'obligation de reclassement qui incombe exclusivement à l'employeur.

À titre principal, les intimées demandent que la cour se déclare incompétente pour connaître des demandes des salariés protégés au motif que ceux-ci ont été licenciés consécutivement à l'obtention, entre le 11 juin 2009 et le 28 août 2009, des autorisations administratives de licencier qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation, de sorte qu'en application du principe de la séparation des pouvoirs le juge judiciaire est incompétent pour se prononcer sur la réalité du motif économique, ainsi que sur la pertinence de l'effort de reclassement ou sur la procédure suivie par l'employeur.

Sur le motif économique : les intimées rappellent que la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou du secteur d'activité concernée constitue un motif économique.

Elles soutiennent :

- en premier moyen :

que la menace de la compétitivité de l'entreprise peut soit être immédiate, soit prévisible ;

que lorsque le licenciement intervient à raison d'une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, le juge peut prendre en compte des éléments postérieurs afin de vérifier si la réorganisation était ou non nécessaire à cette sauvegarde ;

- en deuxième moyen :

que le secteur d'activité menacé, c'est-à-dire l'activité à laquelle étaient attachés les salariés de Sony Dax, était celui des supports d'enregistrement (« Recording Média ») ;

Elles font valoir que ;

Sony Dax, seul établissement concerné par les licenciements, développait une activité relevant exclusivement de ce secteur ;

le cadre d'appréciation du licenciement économique est le secteur d'activité qui s'apprécie au niveau du secteur d'activité lorsque l'entreprise appartient à un groupe et qui est directement fonction de l'organisation de chaque groupe ;

la branche électronique du groupe comportait plusieurs secteurs d'activités, ou « Business Group », qui regroupent pour une même famille de produits « des structures marketing et commerciales et des usines appartenant à diverses entités juridiques localisées dans différents pays » ;

la notion de secteur d'activité ne peut être étendue à tout l'électronique ; le secteur d'activité retenu ( Recording Média), dont le siège est à [Localité 7], a une étendue géographique qui n'est pas limitée à l'établissement de Dax ou à la France et regroupe un ensemble économique cohérent comprenant des usines de fabrication (au Japon, aux États-Unis et à Dax) et des entités de commercialisation dans différents pays européens ;

ce secteur d'activité ne se réduit pas à une spécialisation qui serait limitée aux produits qui étaient fabriqués à l'usine de Dax, mais regroupe les supports d'enregistrement sur le marché grand public et professionnel, enregistrement sur bande magnétique (cassette Betacam SP, digital etc.) et enregistrements numériques (clés USB, CD, DVD) ;

les concurrents de Sony sur ce marché sont distincts de ceux qu'il peut avoir pour d'autres produits électroniques.

Elles soulignent que l'usine de Dax avait un code APE différent de celui de Sony France et relevait d'une convention collective distincte de celle applicable à l'établissement siège. Enfin, elles ajoutent qu'il n'y avait aucun intérêt à créer un secteur d'activité dès lors que le groupe Sony dans son ensemble était confronté à des menaces réelles et immédiates, se traduisant par des pertes au niveau mondial, comme au niveau de chacune de ses grandes branches d'activité y compris la branche électronique ;

- en troiisème moyen sur les menaces pesant sur la compétitivité :

- les intimées soutiennent que la fermeture de Sony Dax a été dictée par la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité « Recording Média ».

Elles font valoir que :

le marché des cassettes magnétiques principalement dédié à l'usine de Dax a connu une baisse inexorable du volume de production et des prix de vente en raison de l'obsolescence de cette technologie, remplacée par la technologie numérique ;

au 31 mars 2008 les pertes enregistrées par l'usine de Dax étaient de - 1,277 millions d'euros, puis devaient s'aggraver pour passer à - 7,569 millions d'euros au 31 mars 2009, - 15,464 au 31 mars 2010 et à - 22,559 millions d'euros au 31 mars 2011 ;

le chiffre d'affaires, en baisse de 19 % par rapport à l'exercice précédent, devait diminuer de 51 % au 31 mars 2010, l'ensemble des productions étant déficitaire à partir de 2008 ;

si au niveau du secteur d'activité « Recording média » le résultat net était encore positif à 2 millions d'euros au 31 mars 2008, la performance s'est dégradée à l'exercice suivant pour passer à une perte de - 5 millions d'euros au mois de décembre 2008 et estimée à - 17 millions d'euros fin mars 2010 et - 25 millions d'euros fin mars 2011 ;

Avant de se résoudre à procéder à la fermeture de l'usine, le groupe a mis en oeuvre d'importantes mesures en vue de diversifier les activités de cette usine pour préparer une reconversion effective du site, après avoir envisagé la cession du site dans un objectif social pour maintenir les effectifs qui a été abandonnée à défaut d'adhésion du personnel ;

Les intimées ajoutent que le 18 février 2010 la décision a été prise par le groupe de fermer l'usine de Dothan aux États-Unis qui utilisait la même technologie qu'à l'usine de Dax.

Elles prétendent que les difficultés économiques existantes au niveau du groupe Sony corporation dans son ensemble, comme au sein de chacune de ses branches, étaient suffisamment consistantes pour justifier la légitimité du motif économique à quelque niveau que ce soit et en particulier au niveau de la branche électronique.

Sur les critères d'ordre de licenciement :

- les intimées soutiennent que les critères d'ordre de licenciement ne pouvaient, et ne devaient, être définis et mis en oeuvre qu'au niveau du seul établissement autonome concerné par le projet de licenciement collectif qui a conduit à la fermeture de l'établissement.

Sur l'obligation de reclassement :

- les intimées soutiennent que la société Sony France a pleinement respecté son obligation de reclassement, tant interne qu'à l'externe, de façon loyale et effective en mettant en oeuvre des mesures concrètes, précises et proportionnées aux moyens du groupe.

Elles font valoir que ;

les postes disponibles, limités du fait des nombreuses restructurations et réductions d'effectifs menées dans l'ensemble du groupe (55 entités Sony étaient en réduction d'effectifs en 2008 et 2009), ont été recensés et intégrés dans la liste des postes de reclassement prévue par le Plan de Sauvegarde de l'Emploi, avec l'indication précise de leur nature et de leur localisation ;

en plus de la liste des postes à pourvoir parus sur la bourse d'emplois accessible via les sites intranet du groupe Sony, il a été demandé à toutes les sociétés du groupe en France si elles disposaient de postes à pourvoir ;

après l'adoption du PSE, les recherches ont été poursuivies afin de vérifier s'il existait des possibilités de reclassement en dehors de celles prévues par le plan ;

chaque salarié dont la qualification et les compétences correspondaient à l'un des postes vacants, moyennant si nécessaire une formation, a reçu une proposition écrite et personnalisée sur l'un de ces postes ;

la période d'adaptation prévue par le PSE a été stipulée dans l'intérêt des 2 parties en vue d'un reclassement interne effectif et pérenne et ne saurait priver d'effet le reclassement ;

l'ensemble des droits des salariés reclassés en interne était garanti dans l'hypothèse où le reclassement s'avérerait inadapté, le salarié restant salarié de Sony France pendant toute la durée de sa période d'adaptation ;

97 propositions individuelles écrites ont été adressées, dont 48 aux appelants.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Concernant les salariés protégés.

Lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le Juge judiciaire se prononce sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement ou le respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

M. [L] [C] qui était élu suppléant au CE, collège O/E a été licencié le 28 avril 2009 après autorisation administrative définitive, demandée le 21 avril 2009, accordée le 27 avril 2009, de sorte qu'il y a lieu de dire la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur ses demandes relatives au motif économique du licenciement et à l'obligation de reclassement.

Le jugement du conseil des prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [L] [C] tendant à déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de motif économique et de respect de l'obligation de reclassement.

En revanche, l'autorisation administrative de licenciement ne se prononce pas sur l'ordre des licenciements dont l'appréciation relève de la seule compétence du Juge judiciaire.

Sur les critères d'ordre des licenciements.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail que lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements selon la convention ou l'accord collectif de travail applicable, ou, à défaut, selon les critères légaux.

Les critères retenus pour fixer l'ordre de licenciement s'apprécient par catégorie professionnelle pour l'ensemble des salariés qui exercent dans l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans que l'application de ces critères puisse être limitée aux seuls salariés de l'établissement concerné par les suppressions d'emplois, quand bien même une telle limitation serait prévue par un accord d'établissement approuvé par le comité d'établissement.

Le salarié soutient que l'employeur a violé les critères d'ordre de licenciement en décidant qu'il n'y avait pas lieu d'établir de tels critères.

Au contraire, la société Sony soutient que le projet de licenciement collectif n'ayant un impact que sur le seul établissement de Dax, les critères d'ordre des licenciements pouvaient être définis et appliqués au niveau de ce seul établissement autonome, et n'avaient pas, en l'espèce, à être appliqués dans la mesure où tous les postes de l'établissement étaient supprimés.

Il ressort de la « note d'information du comité central d'entreprise de la société Sony France et du comité d'établissement de Dax sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et de plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre du projet de cessation des activités de l'usine de [Localité 8] ' Livre III », dans sa version du 12 mars 2009, que l'employeur, après avoir rappelé les conditions d'application des critères d'ordre des licenciements et leurs modalités d'application, a indiqué (page 13/73) que « les critères d'ordre de licenciement n'auront pas lieu de s'appliquer aux salariés occupant des postes supprimés dans le cadre du projet d'arrêt des activités de l'établissement de Sony Dax TEC, dans la mesure où, en dehors des postes transférés, tous les autres postes de cet établissement sont supprimés ».

Ainsi, en n'appliquant pas les critères d'ordre de licenciement à l'ensemble du personnel de l'entreprise, l'employeur a fait supporter aux seuls salariés de l'établissement concerné les conséquences de son choix d'une spécialisation de cet établissement sur un produit devenu obsolète du fait d'une évolution technique dont les conséquences ont fait peser une menace sur la compétitivité du secteur d'activité de l'entreprise qui a motivé le licenciement économique.

Par conséquent, il y a lieu de dire que la violation par l'employeur des critères d'ordre des licenciements, si elle n'a pas pour conséquence de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en revanche, elle cause pour le salarié un préjudice, qui peut aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, et qui doit être intégralement réparé.

En conséquence, compte tenu de son ancienneté au moment du licenciement (22 ans et 09 mois), de son âge (42 ans), de son salaire mensuel moyen (2224 €), il convient de fixer à la somme de 28912 € le montant des dommages-intérêts qui lui seront alloués à ce titre.

Sur la mise hors de cause de la société SONY EUROPE HOLDING BV.

Le salarié a fait citer la société Sony France ainsi que la société Sony Europe Holding BV et demande la condamnation solidaire de ces 2 sociétés.

Cependant, aucun moyen n'est développé, ni a fortiori n'est démontré, établissant que la société Sony Europe Holding BV aurait, à son égard, la qualité d'employeur, alors qu'il est reconnu (ses conclusions écrites d'appel page 36) qu'il était salarié de l'établissement de [Localité 8], qui est un établissement de la société Sony France SA.

Il ressort des pièces versées aux débats que le seul et unique employeur des salariés de l'établissement de [Localité 8] était Sony France SA, aux droits de laquelle se trouve Sony Europe Limited depuis le 1er avril 2011.

Par conséquent, il y a lieu de mettre hors de cause la société Sony Europe Holding BV.

Sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile.

La société Sony Europe Limited, qui vient au droit de la société Sony France, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel et à payer à M. [L] [C] la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

la Cour,

statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé par M. [L] [C] à l'encontre du jugement rendu le 29 octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de Dax (section industrie),

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il :

- S'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [U] [N], M. [L] [C], Mme [V] [I], M. [CX] [A], M. [O] [T], M. [F] [S], M. [LJ] [X], M. [EG] [E], M. [FA] [G], Mme [K] [W], Mme [Z] [B], M. [P] [Y], Mme [UL] [M], M. [JG] [R] et Mme [D] [HD] tendant à déclarer leur licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de motif économique et de respect de l'obligation de reclassement,

INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,

MET hors de cause la société Sony Europe Holding BV,

CONDAMNE la société Sony France, succursale de Sony Europe Limited, à payer à M. [L] [C] :

- 28912 € (vingt-huit  mille neuf cent douze euros), à titre de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre des licenciements,

- 200 € (deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que lesdites sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision, en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code civil,

CONDAMNE la société Sony France, succursale de Sony Europe Limited, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur GAUTHIER, Conseiller faisant fonction de Président par suite de l'empêchement de Madame de PEYRECAVE, Présidente et par Madame HAUGUEL, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,P/LE PRÉSIDENT, empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04474
Date de la décision : 03/10/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-03;10.04474 ?
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