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29/09/2011 | FRANCE | N°08/02220

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 29 septembre 2011, 08/02220


FP/AM



Numéro 11/4193





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 29/09/2011







Dossier : 08/02220





Nature affaire :



Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat















Affaire :



SAS CSF



C/



[D] [S]


























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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS













A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 septembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du co...

FP/AM

Numéro 11/4193

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 29/09/2011

Dossier : 08/02220

Nature affaire :

Demande en exécution ou en dommages-intérêts pour mauvaise exécution d'un autre contrat

Affaire :

SAS CSF

C/

[D] [S]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 septembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Mai 2011, devant :

Madame PONS, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame SORONDO, Vice-Président placé, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 28 janvier 2011

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SAS CSF

Zone Industrielle

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par son Président en exercice

représentée par la SCP P. et C. LONGIN / P. LONGIN-DUPEYRON / O. MARIOL, avoués à la Cour

assistée de Maître LEBLOND, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [D] [S]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5] (64)

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Maître JUNQUA-LAMARQUE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 06 JUIN 2008

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN

Un contrat de franchise a été conclu le 6 décembre 2002 entre Mme [S] et la société PRODIM GRAND SUD, filiale du groupe CARREFOUR, ayant pour objet l'exploitation sous enseigne '8 à HUIT' d'un fonds de commerce d'alimentation de détail à Ygos (40) pour une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction par période de 7 ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, sous réserve du respect d'un préavis d'un an. Mme [S] y a mis fin le 3 novembre 2005.

Un tribunal arbitral a, suivant sentence du 11 mai 2007, considéré que cette résiliation était fautive et condamné Mme [S] à indemniser la société PRODIM.

Par ailleurs, deux autres contrats ont été conclus le 8 décembre 2004 :

- un contrat d'approvisionnement entre la société CSF, autre filiale du groupe CARREFOUR, et la société CODIS AQUITAINE, coopérative de commerçants détaillants du secteur de l'alimentation de proximité, afin que cette société approvisionne les franchisés dont Mme [S] notamment en produits spécifiques ;

- un contrat de partenariat entre les sociétés PRODIM et CODIS, aux termes duquel la société PRODIM déléguait à la société CODIS certaines de ses missions de franchiseur '8 à HUIT'.

Les deux filiales de CARREFOUR ont, le 30 septembre 2005, rompu leurs relations contractuelles avec la société CODIS et deux instances arbitrales aux termes desquelles les sociétés PRODIM et CSF ont été reconnues responsables de la rupture des relations contractuelles avec la société CODIS, ont été rendues postérieurement à la sentence rendue dans l'affaire Mme [S] / PRODIM :

- une sentence arbitrale du 26 avril 2007 entre les sociétés CSF et CODIS;

- une sentence arbitrale du 30 novembre 2007 entre les sociétés PRODIM et CODIS ;

La société CSF, estimant qu'elle avait subi un préjudice par ricochet du fait de la rupture du contrat de franchise par Mme [S], résultant du fait qu'elle n'a plus assuré l'approvisionnement des magasins jusqu'à l'expiration du contrat de franchise, notamment au titre de l'obligation relative à l'assortiment minimum de produits à marques propres de distributeur (perte de marge sur approvisionnement), l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Mont de Marsan sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise ayant entraîné une interruption immédiate de l'assortiment minimum et paiement de dommages et intérêts pour sanctionner sa déloyauté et sa mauvaise foi.

Cette juridiction, estimant que la rupture du contrat de franchise était très directement causée par la décision fautive prise par la société CSF de rompre son contrat avec la société CODIS, a, par jugement du 6 juin 2008, débouté la société CSF de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée à payer à Mme [S] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une amende civile de 2.000 €.

Par déclaration au greffe du 18 juin 2008, la SAS CSF a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures déposées le 25 janvier 2011 elle demande à la Cour, au visa de l'article 1382 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris ;

- de condamner Mme [S] à lui payer :

251 732 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise PRODIM ayant entraîné une interruption immédiate de l'assortiment minimum auquel le franchisé était tenu, les produits ne pouvant être fournis que par la société CSF ;

50.000 € de dommages et intérêts pour sanctionner sa déloyauté et sa mauvaise foi ;

20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle estime en substance que :

- sur le plan contractuel, la faute de Mme [S] dans la rupture du contrat de franchise est définitivement jugée par le tribunal arbitral ;

- qu'en ce qui la concerne, elle ne peut agir que sur le plan quasi-délictuel n'étant pas liée au franchisé par un contrat ;

- elle subit nécessairement, par ricochet, un préjudice lié à la rupture du contrat de franchise, préjudice s'analysant en une perte de marge sur approvisionnement pour la durée restant à courir du contrat de franchise puisque l'obligation au titre de l'assortiment minimum n'a jamais été respectée ;

- la résiliation des conventions entre, d'une part, les sociétés PRODIM et CSF, d'autre part, la société CODIS n'ont eu aucune influence démontrée sur la rupture du contrat de franchise puisqu'il n'y a jamais eu de problème d'approvisionnement à l'égard des franchisés postérieurement à la rupture de ces conventions ceux-ci pouvant continuer à s'approvisionner auprès d'elle selon d'autres modalités ce qu'elle leur avait proposé ;

- cet approvisionnement demeurant possible, le défaut d'approvisionnement qu'ils allèguent n'est dû qu'à leur décision unilatérale et délibérée de ne plus s'approvisionner auprès d'elle, et non à une impossibilité matérielle ou contractuelle, liée à la rupture de la convention entre elle et la société CODIS ;

- la divisibilité et l'indépendance des différents contrats ont été constamment affirmées tant dans les différentes sentences arbitrales que par les juridictions de l'ordre judiciaire de sorte que la faute qui lui est reprochée dans l'exécution du contrat d'approvisionnement ne peut lui être opposée par Mme [S] et ce d'autant que dans les décisions arbitrales elle a été sanctionnée, non pour défaut d'approvisionnement, mais pour d'autres motifs ;

- la faute des franchisés a été consacrée de façon définitive par les sentences arbitrales.

Dans ses dernières écritures déposées le 8 février 2011 Mme [S] a conclu, au visa des articles 1382 et 1121 du code civil à :

- la confirmation du jugement entrepris ;

- au débouté de la société CSF de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamnation de la société CSF au paiement de la somme de 5.000 € de dommages et intérêts, de celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et d'une amende civile.

Elle fait valoir que c'est la résiliation fautive du contrat d'approvisionnement par la société CSF qui est la cause du dommage dont elle demande réparation et que lorsqu'il a statué sur la rupture du contrat de franchise, le tribunal arbitral n'avait pas encore statué sur le caractère fautif de la rupture des relations contractuelles CSF / CODIS.

En effet, lorsque les sociétés PRODIM et CSF ont résilié les contrats qu'elles avaient conclus avec la société CODIS, elle a mis en demeure son cocontractant (PRODIM) de reprendre les approvisionnements de la coopérative (CODIS), lui faisant savoir qu'en cas d'inexécution, elle serait contrainte de résilier son contrat de franchise. Les approvisionnements de la société CODIS n'ayant pas repris, elle a résilié son contrat de franchise. Dès lors, cette décision est une conséquence directe de celle de la société CSF de résilier le contrat qu'elle avait conclu avec la société CODIS et cette résolution ayant été jugée fautive par une sentence arbitrale dont les termes sont définitifs, la société CSF ne peut demander réparation d'un dommage dont la cause réelle réside dans sa propre faute.

Elle estime encore, à titre subsidiaire, que sa relation avec la société CSF repose sur une stipulation du contrat de franchise, la société PRODIM (stipulant) ayant obtenu de sa part (promettant), qu'elle s'approvisionne directement ou indirectement par l'intermédiaire de la société CODIS en produits de marque CARREFOUR auprès de la société CSF (bénéficiaire). La société CSF bénéficiant d'une stipulation pour autrui, son action en responsabilité, relève des règles de la responsabilité contractuelle.

Elle ajoute enfin que la société CSF n'établit pas la preuve de son dommage.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2011.

SUR CE :

Sur le fondement de l'action de la société CSF

Attendu que la société CSF recherche la responsabilité de Mme [S] sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour lui avoir causé un préjudice financier résultant de la rupture fautive du contrat de franchise qui la liait à la société PRODIM ;

Attendu que l'article 2-4 du contrat de franchise conclu entre la société PRODIM et Mme [S] dispose que 'le franchiseur, en fonction de l'expérience acquise, a déterminé les rayons et la structure de l'assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le type de magasin objet du présent accord pour assurer une image homogène des magasins de la franchise et concourir à leur performance, le franchisé ayant tout loisir de compléter cet assortiment minimum en fonction de son environnement propre' ;

Que par ailleurs, l'examen des dispositions contractuelles démontre que les parties ont traité dans leur intérêt exclusif ;

Que le contrat ne comporte aucune disposition obligeant le franchisé à s'approvisionner auprès de la société CSF ;

Qu'il ne fait aucunement référence à un quelconque contrat de partenariat conclu entre la société CSF et la société CODIS AQUITAINE, contrat ayant notamment pour objet de permettre à la société CODIS AQUITAINE d'approvisionner en aval ses adhérents, l'approvisionnement de ceux-ci se faisant directement par l'entrepôt de la société CODIS et sous son entière responsabilité, les commandes étant directement passées par les magasins concernés auprès de la société CODIS (article 1-2 du contrat d'approvisionnement CSF / CODIS ) ;

Attendu que, de même, dans l'avenant au contrat de franchise, signé le même jour que le contrat de franchise, entre la société PRODIM et Mme [S] ayant pour objet de déroger à certaines dispositions du contrat de franchise et d'aménager les stipulations de ce contrat pour tenir compte des relations existant entre le franchisé et la société CODIS, la société PRODIM prend acte de ce que le franchisé restera adhérent de la société CODIS AQUITAINE, rappelle seulement le contrat d'approvisionnement portant concession d'enseigne conclu entre la société PRODIM et la société CODIS AQUITAINE ;

Attendu que les dispositions du contrat de franchise ne permettent donc pas d'établir la volonté de la société PRODIM de faire naître un droit dans le patrimoine de la société CSF et dès lors, il ne peut être valablement soutenu par Mme [S] que ce contrat contenait une stipulation au profit de la société CSF au sens des dispositions de l'article 1121 du code civil ; qu'enfin, la demande de la société CSF ne porte que sur la période postérieure au 1er janvier 2006 alors que le contrat de franchise était rompu depuis le 3 novembre 2005 ;

Attendu que dès lors, en l'absence de tout lien contractuel entre la société CSF et Mme [S], la responsabilité de cette dernière doit être appréciée sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Qu'en effet, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage;

Sur la responsabilité de Mme [S]

Attendu que le tribunal arbitral dans sa sentence du 11 mai 2007 (PRODIM / Mme [S]), soit postérieurement à la sentence arbitrale du 26 avril 2007 entre les sociétés CSF et CODIS, a relevé notamment :

- qu'il ne résulte ni de l'examen des contrats de partenariat PRODIM / CODIS et d'approvisionnement CSF / CODIS ni des démonstrations des parties que ces contrats étaient indispensables à la réalisation du contrat de franchise en sorte que leur disparition n'aurait pu qu'entraîner celle de ce dernier contrat ;

- que la société CSF était en mesure de livrer directement Mme [S] aux mêmes conditions que celles faites à la société CODIS ;

- qu'il n'existait aucune impossibilité matérielle, pour Mme [S], de poursuivre l'exécution du contrat de franchise après la résiliation des contrats de partenariat et d'approvisionnement ;

- que n'ayant à aucun moment engagé la moindre discussion avec la société CSF, en vue de rechercher un éventuel accord, Mme [S] doit assumer les conséquences de cette décision, en tant qu'elle l'a conduit à mettre fin au contrat de franchise au motif d'une caducité de ce contrat qui n'est pas avérée ;

- que Mme [S] s'est placée, sans motif légitime, en situation d'inexécution volontaire du contrat de franchise ;

Attendu que le tribunal arbitral l'a condamnée à payer à la société PRODIM diverses sommes pour l'indemniser de cette rupture ;

Attendu que le recours en annulation formé par Mme [S] contre cette décision a été rejeté par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 juin 2008 ;

Attendu que le tribunal arbitral dans sa sentence rendue le 26 avril 2007 entre la société CSF et la société CODIS AQUITAINE, a estimé que la société CSF a manqué à ses obligations contractuelles en résiliant avant terme le contrat d'approvisionnement du 8 décembre 2004 et dit que par cette résiliation, la société CSF n'a pas engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 442-6 du code de commerce ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est plus contesté par les parties que les contrats susvisés (contrat de franchise, contrat d'approvisionnement, contrat de partenariat) ne sont pas indivisibles ;

Qu'ils participent néanmoins à une même opération économique ;

Attendu que certes, Mme [S], en sa qualité d'adhérent de la société CODIS, n'était tenue d'une obligation d'approvisionnement qu'à l'égard de celle-ci, la société CODIS, pour fournir ses adhérents, s'approvisionnant auprès de la société CSF en exécution du contrat d'approvisionnement ;

Mais attendu qu'il convient de rappeler qu'au titre de l'article 2-4 du contrat de franchise susvisé, Mme [S] était tenue à l'égard de la société PRODIM d'une obligation au titre de l'assortiment minimum ce qui lui imposait d'offrir à la vente des produits distributeurs sans que pour autant cette obligation n'ait fait l'objet d'un accord formel entre la société CSF et les franchisés ;

Attendu que le contrat de franchise en date du 6 décembre 2002 entre Mme [S] et la société PRODIM était conclu pour une durée de sept ans renouvelable par tacite reconduction par période de 7 ans à défaut de dénonciation par l'une ou l'autre des parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, sous réserve du respect d'un préavis d'un an ; que ce contrat arrivait à échéance le 5 décembre 2009 alors que le contrat d'approvisionnement entre les sociétés CSF et CODIS en date du 8 décembre 2004 était, aux termes de son article 13, un contrat à durée déterminée d'un an commençant à courir à compter du 1er janvier 2005 pour se terminer le 31 décembre

2005 ;

Que d'ailleurs, et avant même que la société CSF ne résilie ce contrat par lettre en date du 30 septembre 2005, la société CODIS AQUITAINE lui avait adressé un courrier, le 28 juin 2005, ainsi rédigé 'Bien que le contrat d'approvisionnement signé le 8 décembre 2004 qui nous lie ne prévoit pas de tacite reconduction, ni de délai de prévenance je me permets toutefois, à titre conservatoire, de le dénoncer suffisamment à l'avance pour sa date de fin c'est-à-dire le 31 décembre 2005" ;

Attendu que dès lors, en toute hypothèse, et sans qu'il y ait lieu de prendre en compte le manquement contractuel commis par la société CSF à l'égard de la seule société CODIS, Mme [S] était toujours tenue, postérieurement au 31 décembre 2005 date d'achèvement du contrat d'approvisionnement, à une obligation d'assortiment minimum à l'égard de la société PRODIM en exécution du contrat de franchise ;

Attendu qu'en conséquence, après cette date, elle ne peut valablement opposer à la société CSF la faute commise par elle à l'égard de la société CODIS AQUITAINE, le contrat d'approvisionnement étant arrivé à son terme ;

Attendu que la société CSF a adressé mensuellement à Mme [S], entre le 5 décembre 2005 et le 10 juillet 2006, plusieurs lettres recommandées avec demande d'accusé de réception pour lui adresser les cadenciers de commande afin qu'elle puisse passer ses commandes sur les entrepôts de la société CSF ;

Que d'ailleurs, dans ses dernières écritures, Mme [S] ne conteste pas que, postérieurement au 31 décembre 2005, la société CSF pouvait la livrer aux mêmes conditions que précédemment en produits de marques distributeurs comme l'a d'ailleurs relevé le tribunal arbitral ;

Attendu qu'elle ne démontre pas que la société CSF ait commis une faute à son encontre ;

Attendu que Mme [S] ne conteste pas qu'à compter de la rupture du contrat de franchise il n'y a plus eu de commande de sa part au titre de l'assortiment minimum ;

Attendu que dès lors, la société CSF est fondée à se prévaloir du dommage résultant pour elle du manquement de Mme [S] à l'obligation d'approvisionnement minimum, manquement résultant de la rupture fautive par elle du contrat de franchise ;

Sur la réparation du dommage

Attendu que la société CSF sollicite l'indemnisation de son gain manqué à compter du 1er janvier 2006 calculant son dommage sur la marge brute perdue pendant la durée restant à courir du contrat de franchise c'est-à-dire jusqu'au 5 décembre 2009 (47 mois) ;

Attendu que s'appuyant sur un tableau intitulé 'chiffre d'affaires' dont elle estime que les montants représentent en réalité les achats effectués par la société CODIS à la société CSF et redistribués à ses adhérents, elle en déduit que le chiffre de ces achats pour Mme [S] représente un montant annuel de 535 680 € HT ;

Que considérant que les achats de la société CODIS AQUITAINE sur l'année 2004 avant redistribution à ses adhérents, représentaient près de 15 M€ pour une marge brute de 2 M€ soit une moyenne de 13 %, elle réclame une marge brute de 12 % estimant que la quasi-totalité des produits vendus relevaient de l'assortiment minimum ;

Que dès lors elle évalue ainsi son préjudice :

535 680 / 12 (44 640) x 12 % = 5 356 € par mois, soit pour 47 mois 251 732 € ;

Attendu que pour contester cette évaluation, Mme [S] fait valoir que :

- elle n'était pas tenue de se fournir exclusivement auprès de la société CSF au titre de l'approvisionnement minimum d'autres grossistes distribuant des produits de marque CARREFOUR ;

- la société CSF ne peut prendre pour base de calcul les chiffres qui correspondent à une époque où son approvisionnement en produits CARREFOUR était loin de se limiter au seul approvisionnement minimum ;

- la société CSF a pris pour base de calcul le chiffre d'affaires TTC réalisé par elle à partir de ces achats à la société CODIS (ventes de Mme [S]) alors qu'elle ne peut calculer sa marge que sur les achats effectués par elle auprès de cette dernière ;

- l'assortiment minimum ne concernait que 20 % des produits que la société CSF était susceptible de lui fournir ;

- sur les achats réalisés par elle en 2004, il convient de déduire les produits que la société CSF ne pouvait lui fournir comme la boucherie, la charcuterie, la poissonnerie ou certains produits laitiers ; dès lors, sur ces achats, seuls 50 % représentaient des achats auprès de la société CSF sur lequel le franchisé n'était tenu que par une obligation d'assortiment minimum qu'elle estime à 20 % et comme elle pouvait s'approvisionner auprès d'autres revendeurs, la société CSF ne peut revendiquer que 10 % du montant de ces achats ;

Attendu que si Mme [S] conteste que la société CSF ait subi un quelconque préjudice en raison de la faute commise par elle, faute qui a été écartée par la Cour, les parties s'accordent sur le fait que les chiffres de l'année 2004 doivent être la référence pour le calcul du préjudice subi par la société CSF ;

Attendu qu'il résulte de l'article 2-4 du contrat de franchise que c'est le franchiseur, en fonction de l'expérience acquise, qui a déterminé les rayons et la structure de l'assortiment minimum devant obligatoirement figurer dans le type de magasin objet de l'accord ;

Attendu que les contrats de franchise devant être exécutés de bonne foi, les franchisés ne peuvent se prévaloir d'une « définition » a posteriori de l'assortiment minimum, pour se contenter de commandes mensuelles réduites à zéro ou symboliques ;

Attendu que dès lors, la société CSF est fondée à réclamer le préjudice résultant de la perte de la marge brute sur les seuls achats que devait faire Mme [S] au titre de l'assortiment minimum en produits distributeurs et non sur l'intégralité des achats effectués par elle auprès de la société CODIS ;

Que d'ailleurs, dans ses écritures la société CSF reconnaît elle-même que la proportion de l'assortiment minimum par rapport à l'approvisionnement global est, dans ce type de commerce très important (50 %) le solde de l'approvisionnement visant pour l'essentiel les produits locaux, assortiment complété par de très nombreux produits commandés directement à la société CSF pour des raisons pratiques évidentes ;

Attendu que Mme [S] ne produit aucune pièce de nature à démontrer l'inexactitude de ce pourcentage ;

Attendu que la société CSF ne peut calculer son préjudice en se fondant sur un tableau intitulé 'CODIS AQUITAINE chiffre d'affaires année 2004 des 8 à HUIT" établi par la société CODIS qui, d'après Mme [S], est le tableau permettant à la société CODIS de déterminer le montant de la redevance que le franchisé devait verser au franchiseur, cette redevance étant assise sur le chiffre d'affaires TTC réalisé par les franchisés en application de l'article 3 point 34 du contrat de franchise ;

Attendu qu'en revanche, il résulte des comptes annuels 2004 du commerce de l'alimentation de Mme [S] que le montant de ses achats de marchandises s'est élevé à 467 799 € ;

Attendu qu'il convient de déduire de ces achats le montant des achats de poissonnerie, boucherie et produits laitiers dont il n'est pas contesté par la société CSF qu'ils n'entraient pas dans les produits fournis par elle ;

Attendu que d'ailleurs, les cadenciers adressés à partir de décembre 2005 par la société CSF à Mme [S] qui déterminaient les produits à commander au titre de l'assortiment minimum en produits frais et surgelés et en produits secs pour les magasins 8 à HUIT ne démontrent pas que les produits susvisés pouvaient être fournis par elle ;

Qu'il convient donc de déduire du montant total de ses achats en 2004, le montant des produits qui ne pouvaient être fournis par la société CSF et des produits distributeurs n'entrant pas dans l'obligation d'assortiment minium qui étaient achetés par commodité par le franchisé montant qui peut être estimé au regard de l'exécution antérieure du contrat de franchise telle que reconnue par la société CSF, à 50 % du montant global des achats effectués par le franchisé en 2004 ;

Qu'en conséquence le montant total des achats de Mme [S] à la société CSF par l'intermédiaire de la société CODIS au titre de l'assortiment minimum pour l'année 2004 peut être évalué à la somme de 233 899 € ;

Attendu que Mme [S] ne démontre pas comme elle le prétend que pour satisfaire à l'assortiment minimum, elle aurait pu se fournir auprès d'autres distributeurs que la société CSF ; qu'à cet égard la page d'accueil du site PROMOCASH et les tarifs de la société D.S.S qu'elle produit sont insuffisants pour établir une telle preuve et ce alors que la société CSF produit une attestation de M. [V] [R], directeur national du contrôle de gestion du front de vente en date du 28 janvier 2008, qui indique que la société CSF est la société du groupe CARREFOUR habilitée à livrer l'ensemble des marchandises à marques propres (Grand Jury, Reflets de France.... etc), produits constituant une partie essentielle de l'assortiment minimum figurant dans les contrats de franchise 8 à HUIT ;

Attendu que les documents comptables produits par la société CSF (bilan et compte de résultas 2004 de la société CODIS) démontrent que les achats de la société CODIS AQUITAINE sur cette année, avant redistribution à ses adhérents, représentaient près de 15 millions d'euros pour une marge brute de 2 millions d'euros soit une marge brute de 13 %, chiffres non contestés par Mme [S] ;

Attendu que dès lors, étant rappelé que la société CSF estime la marge brute à 12 % et non à 13 %, son préjudice est égal à :

233 899 € / 12 (19 491) x 12 % = 2 339 € par mois soit pour 47 mois 109 933 € ;

Attendu que Mme [S] sera condamnée à payer cette somme à la société CSF en réparation du dommage subi par elle du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise liant Mme [S] à la société PRODIM ;

Attendu que la société CSF sollicite encore 50 000 € de dommages et intérêts au regard de la déloyauté manifeste dont aurait fait preuve Mme [S] ;

Mais attendu que Mme [S] n'était tenue d'aucune obligation contractuelle vis-à-vis de la société CSF la rendant débitrice d'un devoir de loyauté à l'égard de celle-ci ; qu'il n'est par ailleurs pas établi une volonté de nuire à la société CSF de nature à justifier ce complément de réparation ;

Attendu que la société CSF ne démontre pas davantage un abus commis par Mme [S] dans l'exercice de ses droits ;

Que dès lors, sa demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée ;

Attendu que Mme [S] qui succombe doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande d'amende civile et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Mont de Marsan en date du 6 juin 2008.

Statuant à nouveau :

Condamne Mme [S] à payer à la société CSF la somme de cent neuf mille neuf cent trente trois euros (109 933 €) en réparation du dommage subi par elle du fait de la résiliation fautive du contrat de franchise liant Mme [S] à la société PRODIM.

Déboute la société CSF de sa demande de dommages et intérêts pour déloyauté et mauvaise foi.

Déboute Mme [S] de sa demande de dommages et intérêts.

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile.

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [S] à payer à la société CSF la somme de huit mille euros (8 000 €), rejette la demande de Mme [S].

Condamne Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel.

Accorde à la SCP Longin, Longin-Dupeyron, Mariol, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/02220
Date de la décision : 29/09/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/02220 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-29;08.02220 ?
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