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26/09/2011 | FRANCE | N°08/02161

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 26 septembre 2011, 08/02161


FA/AM



Numéro 11/4064





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre



ARRET DU 26/09/2011



Dossier : 08/02161





Nature affaire :



Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction











Affaire :



S.M.A.B.T.P.

SOCOTEC



C/



SA FROMAGERIE DU PAYS D'ARAMITS

Compagnie

ALBINGIA

M.A.F.

SARL BOULIN Architecture

SCS MCF du Sud-Ouest

Compagnie GENERALI IART

SA TELEWIG

CAMBTP

Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt

Société BUREAU TECHNIQUE AGROALIMENTAIRE















...

FA/AM

Numéro 11/4064

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 26/09/2011

Dossier : 08/02161

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

S.M.A.B.T.P.

SOCOTEC

C/

SA FROMAGERIE DU PAYS D'ARAMITS

Compagnie ALBINGIA

M.A.F.

SARL BOULIN Architecture

SCS MCF du Sud-Ouest

Compagnie GENERALI IART

SA TELEWIG

CAMBTP

Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt

Société BUREAU TECHNIQUE AGROALIMENTAIRE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 septembre 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Mai 2011, devant :

Monsieur CASTAGNE, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur AUGEY, Conseiller, magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTES :

Compagnie d'assurance S.M.A.B.T.P.

[Adresse 2]

[Localité 15]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître VERGEZ, avoué à la Cour

assistée de Maître BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

SOCIETE DE CONTROLE TECHNIQUE (SOCOTEC)

Guyancourt

'Les quadrants'

[Adresse 4]

[Localité 17]

représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour

assistée de Maître TOURNAIRE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEES :

SA FROMAGERIE DU PAYS D'ARAMITS

[Adresse 23]

[Localité 11]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assistée de Maître CHARBONNIER, avocat au barreau de PAU

Compagnie d'assurances ALBINGIA prise en qualité d'assureur dommage ouvrage de la SA FROMAGERIE DU PAYS D'ARAMITS

[Adresse 1]

[Localité 19]

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistée de Maître CHETIVAUX, avocat au barreau de PARIS

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 18]

[Localité 16]

SARL BOULIN ARCHITECTURE

[Adresse 3]

[Localité 9]

représentées par la SCP P. et C. LONGIN / P. LONGIN-DUPEYRON / O. MARIOL, avoués à la Cour

assistées de la SCP VELLE-LIMONAIRE & DECIS, avocats au barreau de BAYONNE

SCS MCF DU SUD OUEST

[Localité 6]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistée de Maître DARZACQ, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

Compagnie d'assurances GENERALI IART venant aux droits de la Compagnie LE CONTINENT

[Adresse 8]

[Localité 14]

représentée par son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social

représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de Maître COMOLET, avocat au barreau de PARIS

SA TELEWIG

[Adresse 5]

[Localité 13]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

CAMBTP

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 12]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

représentées par la SCP PATUREAU - RIGAULT, avoués à la Cour d'appel d'AGEN

assistées de Maître GENSSE, avocat au barreau de BAYONNE

DIRECTION DEPARTEMENTALE DE L'AGRICULTURE ET DE LA FORET

Cité Administrative

[Adresse 21]

[Localité 10]

représentée par Maître BURG, avoué à la Cour d'appel d'AGEN

assistée de Maître DANGUY, avocat au barreau de PAU

SOCIETE BUREAU TECHNIQUE AGROALIMENTAIRE

[Adresse 24]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

assignée et réassignée (article 659 du code de procédure civile)

sur appel de la décision

en date du 30 AVRIL 2008

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

La SA Fromagerie du pays d'Aramits a procédé à la construction d'un bâtiment destiné à accueillir une fromagerie artisanale entre les mois de novembre 1998 et juin 1999.

La maîtrise d'oeuvre de ce chantier a été confiée conjointement à M. [O], architecte, et à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt des Pyrénées Atlantiques.

La société MCF du Sud Ouest s'est vue confier la réalisation du lot isolation menuiserie.

La SA fromagerie du Sud-Ouest avait souscrit une police d'assurance dommages ouvrage à effet du 1er novembre 1998 auprès de la compagnie Albingia.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserves le 4 juin 1999.

La SA fromagerie du pays d'Aramits a constaté la détérioration par l'effet de la rouille des panneaux de construction posés par la société MCF du Sud-Ouest à l'intérieur du bâtiment et a régularisé une déclaration de sinistre le 13 novembre 2002.

Cette compagnie a missionné un expert, le cabinet Eurisk qui a déposé un rapport le 14 janvier 2003 mettant en évidence :

- la corrosion des pieds de panneaux dans le bureau des fromagers, ainsi que dans la salle de fabrication, dans les locaux affectés au nettoyage et à la pasteurisation, aux expéditions, et dans la zone inférieure de la salle de fabrication ;

- la dégradation des surfaces qui présentaient de multiples petits décollements de laque ;

- la corrosion des panneaux aux droits des percements et fixation des éléments de plomberie dans la zone haute de la salle de fabrication.

Par acte d'huissier du 16 mars 2004, la SA Fromagerie du Pays d'Aramits a fait assigner la compagnie Albingia afin de solliciter une mesure d'expertise, et par actes d'huissier des 19, 21 et 22 octobre 2004, cette compagnie a fait assigner les différents intervenants à l'acte de construire, leurs compagnies d'assurances respectives, ainsi que la société Telewig, fabricant des panneaux, la société Bourg Frères, la société Bureau Technique Alimentaire, et la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, afin que cette mesure d'expertise soit déclarée opposable à l'ensemble de ces parties.

L'expert a déposé son rapport le 30 juin 2006.

Par actes d'huissier des 7, 8, 9, 10 et 16 mars 2006, la SA Fromagerie du Pays d'Aramits a fait assigner l'ensemble de ces parties en responsabilité et réparation des désordres affectant la fromagerie.

Par jugement du 30 avril 2008, le tribunal de grande instance de Pau a condamné in solidum la compagnie Albingia en sa qualité d'assureur dommages ouvrage, la SARL [O] Architecture et la MAF, la société MCF du Sud-Ouest et son assureur la compagnie Generali, la SA Socotec et son assureur la SMABTP, la société Telewig et son assureur la CAMBTP, à payer à la SA Fromagerie du pays d'Aramits la somme de 1 165 030,01 € hors taxes avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction à compter du premier trimestre 2006, représentant le montant des travaux de remise en état de l'installation, ainsi qu'une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles, et l'a déboutée de sa demande en dommages intérêts.

D'autre part, le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent pour connaître des appels en garantie exercés à l'encontre de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt par la compagnie Albingia, par la SARL [O] et la MAF, par la Socotec et la SMABTP, par la société MCF du Sud-Ouest et la compagnie Generali ainsi que la CAMBTP, au motif que ces demandes sont dirigées contre une administration publique et qu'elles relèvent de la compétence de la juridiction administrative, et elle a par ailleurs déclaré irrecevable l'action en garantie exercée par la compagnie Albingia à l'encontre de la société Bourg Frères, au motif que les légères malfaçons affectant les robinetteries sont sans lien direct avec les désordres constatés.

Le tribunal de grande instance a d'autre part condamné solidairement la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O], la société MCF du Sud-Ouest, la société Telewig, ainsi que leurs assureurs respectifs à garantir la compagnie Albingia du montant des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la SA Fromagerie d'Aramits.

Enfin, le tribunal a établi un partage de responsabilités entre les différentes parties condamnées dans leurs rapports entre elles.

Le tribunal s'est appuyé sur le rapport d'expertise pour dire que l'installation présente des désordres importants caractérisés par :

- une dégradation accentuée dans de très nombreux locaux de la fromagerie, par un phénomène de corrosion des parements isothermes de marque Telewig utilisés en cloison ;

- des dégradations des surfaces surtout au niveau des plafonds, caractérisées par un léger cloquage de la laque.

Il a précisé que ces panneaux ne tiennent pas compte des contraintes d'ordre chimique et physico-chimiques d'exploitation inhérentes aux fromageries et qu'ils ne peuvent convenir aux conditions de fonctionnement de ce type d'établissement, et qu'il est donc nécessaire de les remplacer dans leur intégralité, puisqu'ils n'assurent pas un rôle protecteur, d'autant qu'ils sont d'une épaisseur trop faible, qu'ils se décollent facilement et que leur perméabilité est trop importante.

Le tribunal a relevé que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination, qu'ils relèvent de la garantie décennale, et que les différents intervenants à l'acte de construire ont été défaillants dans leurs missions respectives, à savoir :

- le bureau de contrôle Socotec : la réserve exprimée sur la qualité des panneaux a été tardive ;

- l'architecte [O] : il se devait de vérifier l'adéquation des préconisations antérieures édictées notamment par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt avec les conditions de service et de sanitation de la fromagerie ;

- la société Telewig en tant que fabricant, puisqu'il lui appartenait de s'enquérir de la destination des panneaux commandés, et qu'elle a d'autre part manqué à son devoir de conseil en raison de l'inadéquation de ces panneaux aux conditions de fabrication appliquées en fromagerie ;

- la société MCF du Sud-Ouest qui a apposé ces panneaux.

Le tribunal a estimé d'autre part que la compagnie Albingia, ès qualités d'assureur dommages - ouvrage, doit sa garantie en application des dispositions de l'article L. 242 -1 du code des assurances.

Par déclaration au greffe du 13 juin 2008, la Socotec a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 septembre 2010, elle a conclu à la réformation du jugement et à sa mise hors de cause, et elle a sollicité une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles.

Elle a fait valoir en s'appuyant sur les dispositions des articles L 111-23, L 111-24 et L 111-25 du code de la construction de l'habitation, que si sa responsabilité peut être recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, cette présomption de responsabilité est limitée au cadre de sa mission, et qu'elle en est exclue lorsque le maître de l'ouvrage n'a pas tenu compte des mises en gardes qui lui ont été adressées.

Elle a rappelé les termes de sa mission fixée par l'article 3-2 des conditions générales de la convention de contrôle technique du 1er octobre 1998, en faisant valoir que ses avis ont été exprimés au niveau des phases de conception et d'exécution de cet ouvrage, et qu'elle avait expressément mais vainement sollicité la fourniture d'une attestation du fabricant des panneaux en fonction des contraintes d'utilisation des locaux à faire valider par le maître de l'ouvrage.

Elle soutient qu'elle n'a pas pu obtenir les éléments d'information nécessaires sur les caractéristiques d'utilisation spécifique, et qu'ainsi sa responsabilité doit être écartée.

Elle ajoute que les désordres constatés portent atteinte à la destination de l'ouvrage mais qu'ils n'affectent pas sa solidité, et que dès lors sa responsabilité ne peut pas être engagée.

À titre subsidiaire, elle a conclu à la garantie des autres intervenants à l'acte de construire, à savoir le maître de l'ouvrage, l'architecte, la société qui a mis en oeuvre les panneaux, le fabricant de ces panneaux, ainsi que leurs assureurs respectifs.

La SMABTP, ès qualités d'assureur de la SA Socotec a également relevé appel de ce jugement, et dans ses dernières conclusions du 26 janvier 2010, elle a conclu à la mise hors de cause de son assurée, et à titre subsidiaire, elle a demandé à la cour d'appel de juger que la responsabilité de la SA Socotec est très minime.

Elle a demandé que dans cette hypothèse l'architecte, l'entreprise qui a mis en place les panneaux, le fabricant, ainsi que la société Bureau Technique Agro Alimentaire et leurs assureurs respectifs soient condamnés à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Elle a en outre demandé à la cour d'appel de juger que les travaux d'édification du haloir provisoire destiné à permettre la poursuite de l'exploitation de la fromagerie constituent des dommages immatériels, et qu'ils n'entrent donc pas dans le champ d'application de la garantie.

La SA Fromagerie du pays d'Aramits a conclu à la confirmation du jugement et sollicité d'autre part la condamnation des intimés au paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison notamment de l'impossibilité de réaliser les travaux de reprise du fait de l'absence de préfinancement des travaux, conformément aux dispositions du code des assurances régissant l'assurance dommages-ouvrage, et elle a sollicité par ailleurs le paiement d'une indemnité de 20 000 € pour frais irrépétibles.

Elle s'appuie sur les conclusions du rapport d'expertise qui met en évidence la réalité et l'importance des dommages affectant les panneaux, engageant ainsi la responsabilité décennale du bureau d'études, de l'architecte, du fabricant, et de la société qui a posé lesdits panneaux, ainsi que celle de leurs assureurs respectifs.

Elle fait valoir d'autre part que l'assureur dommages ouvrage lui doit sa garantie en faisant observer que son action n'est pas prescrite sur le fondement de l'article L 114-1 du code des assurances, puisque la prescription de deux ans a été interrompue par l'assignation en référé du 16 mars 2004 et qu'un nouveau délai de deux ans a couru à compter de l'ordonnance de référé du 24 novembre 2004.

Elle ajoute que la garantie de cette compagnie est due sur le fondement de l'article L 242-1 du code des assurances dont il résulte que la garantie est automatiquement acquise à l'assuré lorsque l'assureur n'a pas respecté le délai de 60 jours qui lui était imparti pour se prononcer sur le principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat, et qu'enfin la compagnie Albingia n'est pas en droit d'invoquer une prétendue suspension des garanties.

En ce qui concerne le montant de cette garantie, elle rappelle que l'assureur doit prendre en charge le coût de remise en état des ouvrages endommagés, qu'il ne peut prétendre limiter sa garantie au plafond contractuel, et que les éléments d'équipement qui sont indissociables de l'ouvrage entrent dans le cadre contractuel, et qu'il en est ainsi notamment de la surface tampon qui constitue une composante à part entière des travaux de remise en état de l'installation.

Le 7 octobre 2010, l'assureur dommages ouvrage, la compagnie Albingia a conclu en premier lieu à la prescription de l'action en s'appuyant sur les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L 242-1 du code des assurances en faisant valoir que cette action aurait dû être initiée au plus tard le 13 janvier 2005, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de deux ans suivant la lettre de refus de mise en jeu des garanties du 13 janvier 2003.

À titre subsidiaire, elle a demandé à la cour d'appel de juger que la lettre de refus d'application des garanties était motivée à la fois par la suspension de plein droit de ces garanties et par l'aggravation du risque, et qu'ainsi la responsabilité contractuelle de l'assureur ne peut pas être engagée sur le fondement de l'alinéa 5 de l'article L 242-1 du code des assurances.

Elle soutient qu'elle est en droit de suspendre l'application des garanties, en s'appuyant sur les stipulations de la police d'assurance qui prévoit cette suspension en cas d'inobservation des recommandations du contrôleur technique dans un délai de trois mois à compter de leur notification, et qu'en l'espèce la SA Socotec a expressément réclamé le 22 décembre 1998 et le 22 janvier 1999 à la Fromagerie du pays d'Aramits de fournir une attestation du fabricant, mais sa recommandation n'a pas été suivie d'effet.

Elle ajoute à titre subsidiaire que dans l'hypothèse d'une condamnation, il y aurait lieu de faire application de la limite légale du plafond de garantie, ainsi que des clauses relatives à la limitation de l'indemnisation aux garanties obligatoires, ce qui exclut la prise en charge du coût de la surface tampon et du financement des machines de production de fromages, d'autant que la Fromagerie d'Aramits n'avait pas souscrit les garanties facultatives destinées à couvrir les dommages immatériels.

La SA Telewig et la CAMBTP ont conclu le 3 mars 2010 à la réformation du jugement et à leur mise hors de cause, et sollicité le paiement d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

La SA Telewig déclare qu'elle a proposé des panneaux conformes aux prescriptions édictées par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, lesquelles étaient assorties d'un avis technique précisant qu'ils pouvaient être utilisés dans des « ambiances très agressives ».

Elle soutient que l'adéquation des panneaux et la qualité des préconisations doivent être appréciées au moment où les commandes ont été passées et non pas à la lumière du sinistre survenu par la suite.

Elle prétend que la cause essentielle des désordres réside dans l'utilisation par l'exploitant de produits de nettoyage inadaptés.

La SARL [O] architecture et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) ont conclu le 23 novembre 2010 à la réformation du jugement et à la condamnation de la SA Fromagerie du pays d'Aramits au paiement d'une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

Ils soutiennent que les désordres résultent pour l'essentiel d'une mauvaise utilisation des produits de nettoyage par l'exploitant.

Ils font valoir par ailleurs que le rapport d'expertise n'a pas permis de mettre en évidence que le bâtiment serait atteint dans sa solidité ou impropre à sa destination, et qu'en tout état de cause la mission de maîtrise d'oeuvre ne comportait pas l'avant-projet sommaire, les spécifications techniques détaillées, ni le plan d'exécution des ouvrages, et qu'ainsi sa responsabilité ne peut être recherchée au titre de l'assistance au marché de transmission qui ne lui a pas été confié.

La société MCF du Sud-Ouest a également conclu à la réformation du jugement et sollicité le paiement d'une indemnité de 1 500 € pour frais irrépétibles, au motif qu'elle s'est acquittée de son obligation de conseil en proposant une solution alternative susceptible d'éviter le sinistre.

La direction départementale de l'agriculture et de la forêt a conclu à l'irrecevabilité de l'appel provoqué formé par la compagnie Albingia ainsi qu'à sa condamnation au paiement d'une indemnité de 2 000 € pour frais irrépétibles, au motif qu'il appartenait à cette compagnie d'assurances de mettre en cause l'agent judiciaire du trésor en application des dispositions de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955.

Enfin, la compagnie d'assurances Generali, ès qualités d'assureur de la société MCF du Sud-Ouest, a conclu à sa mise hors de cause, au motif que les désordres allégués ont pour seule origine l'utilisation excessive en surdosage par le maître de l'ouvrage de produits de nettoyage, et que cette faute exonère le constructeur de toute responsabilité, d'autant qu'aucune faute caractérisée ne peut être imputée à la société MCF du Sud-Ouest.

La société Bureau Technique Agroalimentaire a été assignée par acte d'huissier du 5 août 2009 suivant un procès-verbal de recherche demeurée infructueuse.

Elle n'a pas constitué avoué.

Motifs de l'arrêt

1) sur l'appel principal formé par la SA Socotec et son assureur la SMABTP :

L'article L 111-23 du code de la construction et de l'habitation dispose que le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages.

Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes.

L'article L 111-24 du même code édicte que le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage, à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil.

Le 1er octobre 1998, la SA fromagerie du pays d'Aramits et la SA Socotec ont conclu une convention de contrôle technique relative à la construction d'une fromagerie artisanale.

L'article 5-1 de cette convention stipule que la SA Socotec devra exécuter une mission portant sur :

- « la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement et indissociables ;

- la sécurité des personnes dans les bâtiments tertiaires ».

D'autre part, les conditions générales de contrôle technique annexées à la convention, établies dans les conditions fixées par la norme NF P 03 -100, stipulent à l'article 3-2 que, « pour permettre l'exercice de la mission de contrôle technique, le maître de l'ouvrage s'engage à communiquer à la SA Socotec les sujétions d'exploitation de l'ouvrage, telles celles relatives aux hypothèses de charges d'utilisation ou liées à la nature et aux caractéristiques des matériaux, matériels ou produits objet de l'exploitation.

Les travaux de construction de la fromagerie ont commencé au mois de novembre 1998, et la SA Socotec a établi un premier rapport le 29 décembre 1998 dans lequel elle sollicite du maître de l'ouvrage la production des avis techniques relatifs aux panneaux isolants devant être mis en place sur les façades, les cloisons, le sol, les revêtements muraux et les plafonds.

Au stade de l'exécution des travaux, la SA Socotec a établi plusieurs fiches le 22 janvier, le 4 mars et le 31 mai 1999, demandant à la fromagerie d'[Localité 20] de fournir les attestations du fabricant de panneaux sandwich en fonction des contraintes d'utilisation, et ces fiches ont été diffusées à l'architecte, à la direction départementale de l'agriculture, ainsi qu'à la société MCF qui a mis en place ces panneaux.

Le 4 août 1999, la SA Socotec a dressé le rapport final de contrôle technique de cette opération, dont il résulte qu'elle a accompli sa mission relative à la solidité des ouvrages, et aux éléments d'équipement indissociable ainsi que celle portant sur la sécurité des personnes, et elle a expressément mentionné que certains de ses avis n'ont pas été suivis d'effet, à savoir en ce qui concerne les panneaux isolants, l'absence de production de l'attestation du fabricant relative aux contraintes d'utilisation des locaux.

La SA Fromagerie d'Aramits ne rapporte pas expressément la preuve de ce que ces documents aient été adressés à la SA Socotec, et elle a donc mis ainsi ce bureau de contrôle technique dans l'impossibilité d'accomplir complètement sa mission.

D'autre part, il ressort du rapport d'expertise que les malfaçons sont constituées par un phénomène de corrosion des parements isothermes utilisés au niveau des cloisons, qui s'est manifesté dans pratiquement tous les locaux de la fromagerie, ainsi que par des dégradations de surface caractérisées par un léger cloquage de la laque.

L'expert, reprenant les conclusions du Laboratoire National d'Essais qui a analysé la structure de ces panneaux, a fait valoir qu'ils ne tiennent pas compte des contraintes d'ordre chimique et physico-chimique d'exploitation (hygrométrie et température) inhérentes à toutes les fromageries, et qu'ainsi ils ne peuvent convenir aux conditions de fonctionnement de la Fromagerie du pays d'[Localité 20], puisqu'ils n'assurent pas un rôle protecteur, qu'ils sont d'une épaisseur trop faible, qu'ils se décollent et que leur perméabilité est trop importante, et qu'ainsi ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination.

Par contre, il ne ressort pas du rapport d'expertise que ces désordres soient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage.

Or, la mission confiée à la SA Socotec portait exclusivement sur la solidité de l'ouvrage, et il résulte de l'article L 111-24 du code de la construction que le contrôleur technique est soumis à la présomption de responsabilité édictée par l'article 1792 du Code civil dans les limites de la mission qui lui a été confiée par le maître de l'ouvrage.

Il en découle que la présomption de responsabilité légale n'est pas applicable à la SA Socotec, puisque les dommages ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage.

En conséquence, le jugement sera réformé de ce chef et la SA Fromagerie d'Aramits sera déboutée des fins de sa demande dirigée contre la SA Socotec, et les autres parties seront déboutées de leurs appels en garantie respectifs formulés à l'encontre de cette société.

D'autre part, les demandes en garantie présentée par la SA Socotec à l'encontre du maître de l'ouvrage et des différents intervenants à l'acte de construire doivent être déclarées sans objet.

2) sur la garantie des constructeurs :

L'ouvrage a fait l'objet d'une réception sans réserves le 4 juin 1999.

Les constatations de l'expert s'appuyant sur l'expertise technique effectuée par le Laboratoire National d'Essais ont mis en évidence des dégradations importantes caractérisées par un phénomène de corrosion des parements isothermes dans le bureau des fromagers, la salle de fabrication, le local affecté au nettoyage et à la pasteurisation, ainsi que dans la salle de fabrication, et le local expédition.

Il ressort du rapport d'expertise que ces panneaux ne peuvent convenir à l'exploitation de la fromagerie car ils sont d'une épaisseur insuffisante dans un milieu hautement agressif, qu'ils n'assurent pas un rôle protecteur, qu'ils sont d'une épaisseur trop faible, qu'ils se décollent très rapidement et que leur perméabilité est très importante.

Les conclusions du rapport d'expertise sont précises et circonstanciées ; l'expert a déclaré sans être sérieusement contredit que les dégradations constatées ne peuvent que se perpétuer et s'aggraver dans le temps, et qu'elles nécessitent le remplacement de l'ensemble des panneaux.

Il résulte de ce qui précède que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination, et qu'ils engagent donc la responsabilité du maître d'oeuvre, la SARL Architecture [O], de l'entreprise MCF qui a mis en place ces panneaux, ainsi que celle du fabricant, la SA Telewig, sur le fondement des dispositions des articles 1792 et 1792-4 du Code civil en ce qui concerne le fabricant.

L'architecte se devait de vérifier l'adéquation des préconisations avec les conditions de service de sanitation de la fromagerie, et il appartenait à la société Telewig de s'enquérir de la destination des panneaux commandés ; quant à la MCF, elle est présumée responsable des dommages causés puisque c'est elle qui a mis en oeuvre les panneaux litigieux.

Ils ne peuvent s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur eux qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.

Ils ont soutenu que les désordres résultent de l'emploi par le maître de l'ouvrage d'un produit de nettoyage inadapté, dénommé Penngar Neige, qui ne peut être utilisé dans une fromagerie.

Or, il ressort du rapport d'expertise que le phénomène de corrosion a été constaté dans des locaux, notamment les saloirs, dans lesquels la SA Fromagerie du pays d'Aramits n'a pas utilisé ce produit d'entretien et de nettoyage, et que des désordres ont été également constatés sur des panneaux situés en plafonds, qui n'ont pas été nettoyés avec ce produit.

Aucun élément ne permet d'établir avec certitude que la cause des désordres pourrait résider dans l'utilisation en surdosage de ce produit de nettoyage, alors qu'il ressort d'autre part d'un courrier adressé par la société Penngar à la SA Fromagerie du pays d'Aramits le 26 avril 2006 que la société concluante n'a pas surdosé ce produit, qui contient au surplus un inhibiteur de corrosion, et qu'il n'est pas plus établi par le tableau des commandes passées auprès de la société Penngar que ce produit de nettoyage aurait fait l'objet d'une utilisation excessive par rapport à ce qui était nécessaire.

Dès lors, la Cour juge que la preuve d'une cause étrangère n'est pas rapportée, et le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré responsables in solidum la SA Telewig, la SARL [O] Architecture, et la société MCF du Sud Ouest des dommages affectant cet ouvrage.

3) sur la garantie de la compagnie Albingia ;

La compagnie Albingia, assureur dommages ouvrage de la SA Fromagerie du pays d'Aramits en vertu d'une police d'assurance prenant effet au 1er novembre 1998 soutient que sa garantie ne serait pas due.

Elle prétend tout d'abord que l'action engagée à son encontre est prescrite en se fondant sur les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances relatives à la prescription biennale.

Or, la prescription biennale n'a commencé à courir qu'à compter de l'expiration du délai de 60 jours suivant la réception de la déclaration de sinistre par la compagnie Albingia, soit le 17 janvier 2003, correspondant à l'expiration du délai édicté à l'article L 242 -1 du code des assurances imparti à l'assureur pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

Ce délai a été interrompu une première fois par l'assignation en référé délivré à la compagnie Albingia le 16 mars 2004, ouvrant un nouveau délai de deux ans à compter de la date de l'ordonnance de référé du 24 novembre 2004.

L'assignation au fond a été délivrée la compagnie Albingia le 8 mars 2006, soit avant l'expiration de ce nouveau délai de deux ans.

L'action engagée par la SA Fromagerie du pays d'Aramits n'est donc pas entachée de prescription.

La compagnie Albingia a soutenu d'autre part qu'elle est fondée à opposer à son assuré une suspension des garanties de la police au motif que l'attestation du fabricant des panneaux isolants n'aurait pas été transmise au bureau de contrôle Socotec afin que celui-ci émette un avis.

Il résulte de l'article L 242-1 du code des assurances relatif à l'assurance dommages ouvrage que l'assureur dispose d'un délai maximal de 60 jours courant à compter de la réception de la déclaration de sinistre pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

La déclaration de sinistre a été effectuée par la SA Fromagerie du pays d'Aramits le 13 novembre 2002.

Le 13 janvier 2003, la compagnie Albingia a adressé un courrier en réponse dans lequel elle informe son assuré de ce que les garanties de la police sont suspendues au regard des dispositions édictées par l'article 3 des conditions particulières de la police dommages ouvrage, au motif que l'assuré ne lui a pas fourni le justificatif de ce que l'attestation du fabricant des panneaux isolants aurait été transmise à la Socotec afin qu'elle puisse émettre un avis sur ce lot.

L'article L 242-1 précité du code des assurances fait obligation à l'assureur de prendre une décision sur le principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.

Or en l'espèce, dans ce courrier, la compagnie Albingia ne se prononce pas expressément sur le principe de l'acceptation ou du refus de prise en charge du sinistre, puisqu'elle déclare à l'assuré que les garanties contractuelles sont suspendues en précisant à la fin de ce courrier « qu'à défaut de transmission de cet avis technique dans un délai d'un mois, nous nous verrons dans l'obligation d'émettre une surprime d'aggravation du risque ».

La décision de suspendre les garanties contractuelles est par essence provisoire puisqu'elle est nécessairement liée à la confirmation ou à l'infirmation de l'événement qui la motive, et dès lors c'est à bon droit que le premier juge a décidé que ce courrier ne constitue pas une décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat au sens des dispositions de l'article L 242-1 du code des assurances.

Dès lors, la compagnie Albingia sera condamnée à indemniser la SA Fromagerie du pays d'Aramits en application de la police d'assurance souscrite.

À titre subsidiaire, la compagnie Albingia a soutenu qu'elle n'est tenue de prendre en charge que le coût des travaux relevant des garanties obligatoires en s'appuyant sur les dispositions de l'article L 242-1 du code des assurances, en faisant observer que le coût de la surface tampon relève des garanties facultatives qui n'ont pas été souscrites, et que d'autre part les garanties obligatoires de l'assurance de dommages ne peuvent s'appliquer au financement des machines de production de fromages.

En ce qui concerne en premier lieu le coût des travaux afférents au processus de fabrication, c'est-à-dire les machines de production de fromages, l'expert a estimé sans être sérieusement contredit que ces travaux font partie intégrante des travaux de reprise, lesquels avaient été d'autre part pris en compte dans le rapport établi par l'expert de la compagnie Albingia (cabinet Eurisk) pour un montant de 150 752,96 € hors taxes. En conséquence, ce coût sera mis à la charge de la compagnie Albingia.

D'autre part, compte tenu de la durée des travaux de reprise, l'expert a estimé à juste titre que dans le but de ne pas interrompre la production de fromages pendant les travaux de réfection des locaux affectés par les désordres, et donc pour éviter l'arrêt de l'exploitation, il s'avérait nécessaire de réaliser des haloirs et des caves provisoires dénommées « surface tampon », et en conséquence ces travaux sont indispensables et ne constituent pas un dommage immatériel mais une composante à part entière des travaux de reprise tels que définis par l'expert.

La compagnie Albingia devra donc prendre en charge la totalité des travaux de reprise des désordres.

4) sur les travaux de reprise et l'indemnisation des préjudices :

L'expert judiciaire après avoir envisagé différentes solutions a conclu à la nécessité de construire un haloir provisoire dénommé surface tampon permettant d'assurer la production pendant la durée des travaux, évaluée à environ 42 semaines sur la base du plan d'intervention du 6 décembre 2005 établi par le cabinet [W].

D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que l'importance des désordres qui présentent un caractère évolutif, irréversible et qui ne peuvent que se perpétuer et s'aggraver dans le temps, nécessite le remplacement de l'ensemble des panneaux existants dans toute la fromagerie par de nouveaux panneaux de type Sodistra, avec une épaisseur de parement polyester de 20/10 mm, d'un montant total de 1 165 030,01 € hors taxes, se décomposant en 558 875,28 euros hors taxes pour le coût de la surface tampon, et 600 154,73 € hors taxes correspondant à celui du remplacement des panneaux.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement du 30 avril 2008 en ce qu'il a condamné in solidum la compagnie Albingia, ès qualités d'assureur dommages ouvrage, la SARL [O] architecture, maître d'oeuvre, la MAF, ès qualités d'assureur de la SARL [O] architecture, la société MCF du Sud-Ouest et son assureur la compagnie Generali, la société Telewig et son assureur la compagnie CMABTP, à payer à la SA Fromagerie du Pays d'Aramits la somme de 1 165 030,01 € hors taxes, avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction en vigueur au premier trimestre 2006.

Par ailleurs, la SA Fromagerie du pays d'Aramits a conclu à la condamnation de la compagnie Albingia au paiement d'une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, en soutenant que l'assureur s'est opposé abusivement au préfinancement des travaux de reprise, lui causant un préjudice caractérisé par des désagréments quotidiens, ainsi qu'un risque d'arrêt d'exploitation de la production.

Cependant, elle ne justifie pas avoir subi de pertes d'exploitation, et en outre le risque d'arrêt de l'exploitation ne s'est pas concrétisé.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 30 avril 2008 en ce qu'il a débouté la SA Fromagerie du pays d'Aramits de sa demande en dommages intérêts.

5) sur les appels en garantie formulés par la compagnie Albingia :

a) à l'encontre de la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt

Le tribunal de grande instance s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande présentée à l'encontre de cet organisme, au motif que les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour connaître d'une action en responsabilité dirigée à l'encontre d'un service public administratif.

Il convient d'observer qu'en première instance, la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt n'avait pas conclu à l'incompétence de la juridiction judiciaire, mais avait soulevé une fin de non recevoir tirée de l'article 38 de la loi du 30 avril 1955 qui édicte que toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt ou au Domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du trésor public.

L'agent judiciaire du trésor public n'ayant pas été mis en cause en première instance et ne pouvant l'être en cause d'appel en vertu de l'article 547 du code de procédure civile, il s'ensuit que l'appel provoqué formé par la compagnie d'assurances Albingia à l'encontre de ce service administratif doit être déclaré irrecevable.

b) à l'égard des autres intervenants à l'acte de construire

La compagnie Albingia justifie s'être acquittée du montant de toutes les condamnations mises à sa charge au profit de la SA Fromagerie du pays d'Aramits, puisqu'elle lui a réglé la somme de 1 260 832,77 €, et elle se trouve donc subrogée dans le droit de celle-ci à l'encontre des constructeurs responsables ainsi que de leurs assureurs par application des dispositions combinées des articles L 242-1 et L 121-12 du code des assurances.

La nature décennale des dommages n'est ni contestable ni contestée.

La responsabilité des différents intervenants à l'acte de construire a été reconnue, étant précisé en ce qui concerne la société Bureau Technique Agroalimentaire, maître d'oeuvre de préconisations, qu'il ressort du rapport d'expertise que le cahier des charges, la CCAP et le CCTP ont été repris dans un document remis par cette société au cabinet [O], maître d'oeuvre, et qu'ainsi la responsabilité de la société Bureau Technique Agroalimentaire doit être également retenue, puisqu'elle a omis de vérifier les prescriptions relatives aux caractéristiques des panneaux

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement du 30 avril 2008 en ce qu'il a condamné les constructeurs présumés responsables in solidum avec leurs assureurs à relever et à garantir la compagnie Albingia en sa qualité d'assureur dommages ouvrage subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage du montant des condamnations mises à sa charge.

6) sur les autres appels en garantie :

- à l'encontre de la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt.

Ils doivent être déclarés irrecevables pour les motifs développés précédemment.

- à l'encontre de la SA Fromagerie du pays d'Aramits.

Il a été jugé précédemment qu'aucune faute ne peut être reprochée à cette société en ce qui concerne une utilisation excessive et inadaptée d'un produit de nettoyage ; qu'en conséquence il y a lieu de rejeter ces demandes.

- à l'encontre de la SA Socotec.

Cette société a été mise hors de cause, et les appels en garantie correspondants doivent donc être également rejetés.

- à l'encontre de la société Telewig, de la SARL [O], de la société MCF du Sud-Ouest et de la société Bureau Technique Agroalimentaire.

Il ressort du rapport d'expertise, et il a été jugé précédemment que ces différents intervenants à l'acte de construire ont commis des fautes qui ont concouru à la réalisation des dommages, mais qu'il s'agit pour l'essentiel de fautes de conception et de fabrication, l'expert ayant relevé que la société MCFdu Sud -Ouest n'a commis que de très légères fautes dans la mise en oeuvre de ces panneaux.

La Cour trouve dans la cause et notamment dans le rapport d'expertise des éléments suffisants pour fixer les responsabilités respectives de ces constructeurs dans leurs rapports entre eux de la manière suivante :

- société MCF du Sud-Ouest : 10 %

- SA Telewig : 30 %

- SARL [O] architecture : 30 %

- société Bureau Technique Agroalimentaire: 30 %

7) sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient tout d'abord de confirmer le jugement du 30 avril 2008 en ce qu'il a :

- condamné in solidum la compagnie Albingia, la SARL [O] architecture, la MAF, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la compagnie CAMBTP à payer à la SA Fromagerie du pays d'Aramits une indemnité de 5 000 € à ce titre;

- condamné la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O], la MAF, la société MCF Sud-Ouest, la compagnie Generali, la société Telewig et la CAMBTP à payer à la compagnie Albingia une indemnité de 3 000 € pour frais irrépétibles.

Il y a lieu par ailleurs de réformer ce jugement en ce qu'il a condamné la SA Socotec et la SMABTP à payer d'une part à la SA Fromagerie du pays d'Aramits une indemnité de 5 000 € pour frais irrépétibles, et d'autre part une indemnité de 3 000 € à la compagnie Albingia.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Fromagerie du pays d'Aramits les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager en cause d'appel ; la compagnie Albingia, la SARL [O] architecture, la MAF, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la compagnie CAMBTP seront donc condamnés in solidum à lui payer une indemnité de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties les frais irrépétibles qu'elles ont pu exposer à l'occasion de cette procédure ; elles seront donc déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau du 30 avril 2008 en ce qu'il a :

- condamné in solidum la compagnie Albingia, la SARL [O] architecture, la Mutuelle des Architectes Français, la SCS MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig, la compagnie CAMBTP, à payer à la SA Fromagerie du pays d'Aramits :

* la somme de 1 165 030,01 € hors taxes, avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction, l'indice de base étant celui en vigueur au premier trimestre 2006;

* une indemnité de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SA Fromagerie du pays d'Aramits de sa demande en dommages intérêts ;

- déclaré irrecevable l'action en garantie exercée par la compagnie Albingia à l'encontre de la société Bourg Frères et de son assureur, la compagnie AGF assurances ;

- condamné solidairement la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O], la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la CAMBTP à garantir la compagnie Albingia du montant de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au bénéfice de la SA Fromagerie du pays d'Aramits ;

- condamné solidairement la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O], la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la CAMBTP à payer à la compagnie Albingia une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la SARL [O], la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali et la CAMBTP, assureur de la société Telewig, de leurs appels respectifs en garantie formés à l'égard de la SA Fromagerie du Pays d'Aramits.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute la SA Fromagerie du pays d'Aramits des fins de sa demande dirigée contre la SA Socotec et la SAMBTP.

Déboute les intervenants à l'acte de construire de leurs demandes respectives en garantie formulées à l'encontre de la SA Socotec et de la SAMBTP.

Déclare irrecevables les appels en garantie présentés à l'encontre de la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt des Pyrénées Atlantiques.

Dit que dans leurs rapports respectifs, la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O] architecture, la société MCF du Sud-Ouest et la SA Telewig doivent être déclarées responsables des dommages survenus dans les locaux de la fromagerie dans les proportions indiquées dans les motifs du présent arrêt.

Condamne la société Bureau Technique Agroalimentaire, la SARL [O], la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la CAMBTP, à due concurrence de la part de responsabilité de chacun de ces intervenants, à garantir chacun des autres intervenants des condamnations prononcées à leur encontre.

Condamne in solidum la compagnie Albingia, la SARL [O] architecture, la Mutuelle des Architectes Français, la SA Telewig, la CAMBTP, la société MCF du Sud-Ouest et la compagnie Generali à payer à la SA Fromagerie du pays d'Aramits une indemnité de dix mille euros (10 000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne in solidum la compagnie Albingia, la SARL [O], la Mutuelle des Architectes Français, la société MCF du Sud-Ouest, la compagnie Generali, la SA Telewig et la CAMBTP aux dépens, à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de la SA Socotec et de la CAMBTP qui resteront à la charge de la SA Fromagerie du pays d'Aramits, et autorise la SCP De Ginestet-Duale-Ligney et la SCP Rodon, chacune pour ce qui la concerne, à recouvrer directement les dépens d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONPatrick CASTAGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/02161
Date de la décision : 26/09/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/02161 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-26;08.02161 ?
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