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20/06/2011 | FRANCE | N°10/03368

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 20 juin 2011, 10/03368


SG/CD



Numéro 2871/11





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 20/06/2011







Dossier : 10/03368





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution









Affaire :





[D] [O]





C/





Association ABRI MONTAGNARD
















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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de P...

SG/CD

Numéro 2871/11

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 20/06/2011

Dossier : 10/03368

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[D] [O]

C/

Association ABRI MONTAGNARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 Avril 2011, devant :

Monsieur GAUTHIER, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.

Monsieur GAUTHIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame de PEYRECAVE, Présidente

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [D] [O]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Comparant et représenté par Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

Association ABRI MONTAGNARD

[Localité 2]

Comparante et représentée par Maître CASADEBAIG, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 11 AOÛT 2010

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE PAU

LES FAITS, LA PROCÉDURE :

Monsieur [D] [O], engagé à compter du 29 novembre 1993 par contrats de travail à durée déterminée, puis à compter du 1er janvier 1995 par contrat à durée indéterminée, en qualité d'animateur, 2ème catégorie (de la convention collective du 15 mars 1966), pour exercer à l'établissement de « L'ABRI MONTAGNARD », foyer d'hébergement et de réadaptation pour adultes, convoqué le 21 octobre 2004 à un entretien préalable à licenciement fixé au 2 novembre, a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2004 pour faute grave pour avoir, selon la lettre de licenciement :

- commis des actes de malveillance et de maltraitance vis-à-vis de résidents dont il avait la charge, personnes majeures incapables dont l'établissement est le lieu de vie et sur lesquelles il avait autorité (brimades, coups directs et indirects, propos dévalorisants ou injurieux, dérision, irrespect),

- ignoré, entravé ou contredit le travail d'équipe (décisions individuelles, autoritarisme), fait preuve d'un comportement de rejet (injures, dénigrement, mouvements d'humeur) à l'égard de ses collègues femmes,

- justifié en réunion ou en groupe le recours à la violence dans ses pratiques éducatives.

Contestant son licenciement, Monsieur [D] [O] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pau par requête en date du 23 novembre 2004.

Le 4 janvier 2005 le Président de l'Association ABRI MONTAGNARD a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de PAU à l'encontre de Monsieur [D] [O] qui, renvoyé devant le Tribunal Correctionnel pour avoir « à OSSE EN ASPE, courant novembre 2001 à novembre 2004, commis des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, sur la personne de Messieurs [X] [E], [T] [G], [J] [R], Mesdames [V] [Z], [C] [M], [Y] [P], [I] [H], avec cette circonstance que les faits ont été commis sur des personnes qu'il savait particulièrement vulnérables en raison de leur état physique ou mental », a été relaxé de l'ensemble des chefs de la poursuite par arrêt de la Cour d'Appel de PAU, Chambre Correctionnelle, du 16 octobre 2008.

Au terme de ses dernières demandes de première instance, Monsieur [D] [O] demandait que son licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse et que l'Association ABRI MONTAGNARD soit condamnée à lui payer : 40.000 € au titre de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail ; 15.000 € à titre de dommages-intérêts ; 11.572 € au titre de l'indemnité de licenciement ; 4.208 € au titre de l'indemnité de préavis ; 420,80 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis ; 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Le bureau de jugement s'est déclaré en partage de voix le 19 avril 2010.

Par jugement du 11 août 2010, le Conseil de Prud'hommes de PAU (section activités diverses), statuant en formation de départage :

- a dit que le licenciement de Monsieur [D] [O] est fondé sur une faute grave,

- en conséquence, a débouté Monsieur [D] [O] de l'intégralité de ses demandes,

- a rejeté toutes les autres demandes,

- a condamné Monsieur [D] [O] aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 août 2010 Monsieur [D] [O], représenté par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 17 août 2010.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur [D] [O], par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- dire injustifié et vexatoire son licenciement,

- condamner l'Association ABRI MONTAGNARD à lui verser :

4.208 € au titre de l'indemnité de préavis,

420,80 € au titre de l'indemnité de congés sur préavis,

11.572 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

40.000 € au titre de l'indemnité par application de l'article L. 1235-3 du Code du Travail,

15.000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil en réparation de son préjudice matériel et moral,

- condamner l'Association ABRI MONTAGNARD à rembourser au PÔLE-EMPLOI les allocations-chômage qui lui ont été versées,

- condamner l'Association ABRI MONTAGNARD à lui verser une indemnité de 5.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner l'Association ABRI MONTAGNARD aux entiers dépens.

Monsieur [D] [O] soutient que la preuve des fautes graves qui lui sont reprochées n'est pas rapportée. Il fait valoir que la Chambre Correctionnelle, dans son arrêt du 16 octobre 2008, n'a pas retenu comme établis les manquements allégués puisqu'elle indique « à les supposer établis » puis précise qu'un doute subsiste qui doit profiter au prévenu. Il soutient que le jugement de première instance tient en échec l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Chambre Correctionnelle du 16 octobre 2008. Il ajoute : que ses qualités morales et professionnelles sont certaines et reconnues par de nombreux salariés et partenaires professionnels avec lesquels il a travaillé ; que son préjudice est considérable au regard de son ancienneté ainsi que de la nature des accusations dont il a été victime qui ont brisé son parcours professionnel et mis en cause son honneur professionnel.

L'Association ABRI MONTAGNARD, par conclusions écrites reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- en conséquence, débouter Monsieur [D] [O] de l'intégralité de ses demandes,

- débouter Monsieur [D] [O] de la demande formulée par le compte d'ASSEDIC, tiers à la procédure,

- condamner Monsieur [D] [O] à verser à l'Association ABRI MONTAGNARD la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts et 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'Association ABRI MONTAGNARD soutient que l'autorité de la chose jugée au pénal est relative à la matérialité des faits et non à leur qualification de sorte qu'en l'espèce la décision pénale n'a pas autorité de chose jugée dans la mesure où le juge pénal s'est borné à apprécier l'existence d'une faute pénale sans se prononcer sur la nature civile de la faute imputée au salarié sur laquelle il appartient au juge prud'homal de se prononcer.

Elle considère que les traitements dégradants et humiliants infligés aux personnes handicapées, par Monsieur [D] [O] qui a abusé de sa position dominante, sont caractérisés et établis par les divers témoignages des éducatrices versés aux débats. Elle ajoute que l'attitude irrespectueuse et dénigrante de Monsieur [D] [O] n'était pas réservée aux pensionnaires puisque certains de ses collègues ont eu à la subir, et que l'Association a subi un préjudice du fait de l'attitude du salarié et de ce qu'il a été l'instigateur d'une entreprise de discrédit portant atteinte à l'image publique de l'Association.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.

Monsieur [D] [O] soutient que l'arrêt de la Cour d'Appel de PAU, Chambre Correctionnelle, du 16 octobre 2008 qui l'a relaxé de l'ensemble des chefs de la poursuite a l'autorité de la chose jugée et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, les faits reprochés ayant été jugés non établis.

Il résulte des dispositions de l'article 1351 du Code civil et du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, que les décisions de la juridiction pénale ont au civil l'autorité de la chose jugée à l'égard de tous, lorsque la demande est fondée sur la même cause, que la demande est entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité, de sorte que, lorsque ces conditions sont remplies, il n'est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif.

La lettre de licenciement :

La lettre de licenciement pour faute grave du 5 novembre 2004 énonce les griefs suivants :.

« Nous avons à déplorer de votre part un ensemble d'agissements inadmissibles, constitutifs de faute grave.

Ces agissements, récents ou non, rarement ponctuels et dont certains se sont renouvelés de façon habituelle, ont été établis à l'occasion des investigations que nous avons menées à la suite du courrier d'un membre du personnel les ayant portés à notre connaissance en date du 26 septembre 2004.

Il vous est en effet reproché d'avoir, à l'occasion de vos fonctions :

- commis des actes de malveillance et de maltraitance vis-à-vis de résidents dont vous aviez la charge, personnes majeures incapables dont l'établissement est le lieu de vie et sur lesquels vous aviez autorité (brimades, coups directs et indirects, propos dévalorisants ou injurieux, dérision, irrespect) ;

- ignoré, entravé ou contredit le travail d'équipe (décisions individuelles, autoritarisme), fait preuve d'un comportement de rejet (injures, dénigrement, mouvements d'humeur) à l'égard de vos collègues femmes ;

- justifié en réunion ou en groupe le recours à la violence dans vos pratiques éducatives. (...) ».

Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement relèvent donc de trois catégories de faits, de natures différentes : des actes de violence physique ou morale (actes de maltraitance, brimades, coups directs et indirects) ; des propos dévalorisants ou injurieux (injures, dérision, irrespect, dénigrement) ; des actes d'entrave au travail d'équipe.

Le 4 janvier 2005, Monsieur [U] [GK], Président de l'Association ABRI MONTAGNARD, a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de PAU dénonçant, selon l'ordonnance rendue par ce magistrat le 25 mai 2007, « les agissements violents et inadaptés de Monsieur [D] [O], animateur de la structure d'accueil, à l'égard de personnes lourdement handicapées. À cette plainte était joint un signalement effectué le 8 novembre 2004 par Monsieur [U] [GK] au Procureur de la République de [Localité 3], pour des faits de maltraitance commis par Monsieur [D] [O], sur certains résidents. Le plaignant précisait que Monsieur [O] avait pu se livrer à des brimades, donner des coups directs ou indirects, tenir des propos dévalorisants et injurieux à l'égard des personnes prises en charge par le foyer. Le signalement faisait valoir que ces agissements et recours à la violence avaient été revendiqués par Monsieur [O] lors de réunions de l'équipe éducative. À ce signalement était joint les éléments d'un licenciement pour faute grave signifié le 5 novembre 2004 à Monsieur [D] [O], après une mise à pied conservatoire prise le 21 octobre 2004 ».

Les faits reprochés à Monsieur [D] [O] dans la lettre de licenciement sont donc également ceux qui ont été dénoncés aux autorités judiciaires et qui ont fait l'objet d'une procédure pénale.

Monsieur [D] [O] a été renvoyé devant le Tribunal Correctionnel par ordonnance du juge instruction du 25 mai 2007 pour avoir à OSSE EN ASPE, courant novembre 2001 à novembre 2004, « commis des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail, sur les personnes de Messieurs [X] [E], [T] [G], [J] [R], Mesdames [V] [Z], [C] [M], [Y] [P], [I] [H], avec cette circonstance que les faits ont été commis sur des personnes qu'il savait particulièrement vulnérables en raison de leur état physique ou mental ».

Par arrêt du 16 octobre 2008, la Cour d'Appel de PAU, Chambre Correctionnelle, a prononcé la relaxe de Monsieur [D] [O] de l'ensemble des chefs de la poursuite, en considérant que la preuve des violences physiques reprochées est insuffisamment établie et que s'agissant des violences morales un doute subsiste qui doit profiter au prévenu.

Les faits de violence physique énoncés dans la lettre de licenciement étant les mêmes que ceux qui ont fait l'objet de la procédure pénale et qui ont été jugés par le juge pénal non établis, ne peuvent être retenus pour fonder le licenciement.

Sur les violences morales, la Cour a considéré que « l'emploi de termes grossiers ou franchement désobligeants, surtout à l'égard de handicapés profonds, et davantage si certains étaient amenés à les employer à leur tour et les répéter, même sans en appréhender et mesurer la portée et le sens est particulièrement choquant et inadmissible », considérant cependant qu'ils ne pouvaient constituer des violences au motif qu'étant verbales, elles ne pourraient être que morales, à condition qu'il soit établi que les victimes « en aient connaissance et subi une atteinte à leur intégrité psychique », ce que la Cour a considéré comme étant insuffisamment établi à défaut d'expertise psychiatrique des victimes et de tout autre élément médical.

La Cour a ajouté que, « s'ils constituent très probablement des manquements éthiques ou déontologiques, les faits reprochés au prévenu, non diplômé, « formé sur le tas », à les supposer établis, ne l'exposent pas à des sanctions pénales. Du moins, en l'absence d'aveux, d'unanimité et plus grande précision des témoignages, de données sur le retentissement sur les victimes, un doute subsiste-t-il, lequel profite au prévenu ».

La Cour a donc considéré comme établie la matérialité des « termes grossiers » utilisés par Monsieur [D] [O] puisqu'elle écrit que « l'élément matériel du délit a consisté à traiter Monsieur [T] [G] « d'âne bâté », soit en s'adressant à lui, soit en les qualifiant ainsi auprès d'autres résidentes (Mesdames [V] [Z] et [C] [M]), voire leur dire de l'appeler ainsi, ou de faire dire à deux autres « je suis une salope ».

Mais la Cour a considéré qu'à défaut de démonstration du préjudice causé par l'utilisation de termes grossiers aux résidents auxquels ils étaient adressés, l'emploi de ces termes ne pouvait pas constituer une violence verbale.

L'infraction pénale est donc écartée non pas quant à la matérialité des faits, mais quant à leur portée et au préjudice qu'ils ont pu générer.

Ainsi, et contrairement à ce que soutient Monsieur [D] [O], lorsque la Cour écrit que « s'ils constituent très probablement des manquements éthiques ou déontologiques, les faits reprochés au prévenu, ('), à les supposer établis, ne l'exposent pas à des sanctions pénales », elle ne vise pas la matérialité des faits, c'est-à-dire la matérialité des termes grossiers utilisés par Monsieur [D] [O], mais elle vise « les manquements éthiques ou déontologiques » qu'ils sont susceptibles de caractériser et qui, ne relevant pas du juge pénal, ne peuvent pas être qualifiés par celui-ci comme étant établis.

Cette motivation doit donc être interprétée en ce sens que si le juge compétent en matière de « manquements éthiques ou déontologiques » considère établis lesdits manquements, ceux-ci ne constitueraient pas pour autant une infraction pénale exposant son auteur à des sanctions pénales.

Le juge pénal a donc écarté de sa compétence l'utilisation par le salarié de termes grossiers à l'égard des résidents dont il avait la charge, de sorte que le juge prud'homal reste compétent pour apprécier si un tel usage constitue un manquement du salarié à ses obligations résultant de son contrat de travail, sans heurter le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal.

L'utilisation par Monsieur [D] [O] de termes injurieux à l'égard de résidents dont il avait la charge est établi par les déclarations de plusieurs de ses collègues de travail, s'agissant notamment des injures d' « âne bâté » à l'égard de Monsieur [T] [G] et de « salope » à l'égard de Madame [I] [H].

Ainsi, dans son audition du 14 janvier 2005, Monsieur [W] [F], aide médico-psychologique, a notamment déclaré : « Concernant l'emploi de l'expression « âne bâté », il est exact que j'ai entendu Monsieur [D] [O] employer cette tournure pour qualifier Monsieur [T] [G] (...) au maximum à deux reprises ».

Dans son courrier au Directeur de l'Association, en date du 26 septembre 2004, Madame [K] [A], éducatrice spécialisée, a notamment écrit que Monsieur [D] [O], avait, à plusieurs reprises demandé à de jeunes femmes pensionnaires d'insulter un autre résident «  Monsieur [FB] est un âne bâté... ». Ce qu'elle a confirmé dans son audition dans le cadre de l'enquête pénale, précisant qu'il s'agissait de [T] [G].

Dans son audition du 10 janvier 2005, Madame [VJ] [B] (aide médico-psychologique), à la question « avez-vous été témoin de l'apprentissage par Monsieur [D] [O] de l'expression salope à Madame [I] [H] ' » a répondu : « effectivement j'ai entendu Madame [I] (sic) employer l'expression salope mais je pense que c'était plutôt une relation qui s'était installée entre l'éducateur et la pensionnaire. Je ne pense pas que c'était dans un but de rabaissement ou d'humiliation de la pensionnaire ».

Dans son audition en date du 12 décembre 2004, Madame [K] [A], éducatrice spécialisée, a déclaré que Monsieur [D] [O] faisait dire à Madame [I] [H] « je suis une salope », expression que la pensionnaire répétait, ajoutant que cela le « faisait beaucoup rire ». Madame [K] [A] a également déclaré qu'à l'égard de Monsieur [J] [R], Monsieur [D] [O] utilisait souvent l'expression « pue de la gueule ».

Madame [L] [S] épouse [N], dans son audition du 20 décembre 2004, a notamment déclaré avoir entendu Monsieur [D] [O] demander à Madame [Y] [P] de répéter le mot « salope », ce que la pensionnaire a refusé, ajoutant que « de la même manière il a appris le mot « salope » à Madame [I] [H] », pour laquelle la réaction était différente, « elle répétait le terme appris ».

Les attestations de moralité produites par Monsieur [D] [O], aussi nombreuses soient-elles, mais n'émanant pas de témoins directs des faits reprochés, ne sont pas de nature à contredire ou combattre les témoignages directs des faits rapportés par plusieurs salariés.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, le fait pour un animateur, chargé d'accompagner au quotidien des adultes autistes, d'utiliser à l'encontre de ceux-ci des termes injurieux et méprisants et de les inciter à se montrer, à leur insu, vulgaires et à s'auto-insulter caractérise un comportement choquant, dégradant et humiliant en contradiction avec le respect dû à toute personne et a fortiori aux handicapés, que leur état rend particulièrement vulnérables, ainsi que cela est rappelé dans l'article 5-1 du règlement intérieur de l'Association ABRI MONTAGNARD aux termes duquel « le personnel est tenu au respect et à la correction vis-à-vis des personnes handicapées et de leurs familles », constitutif d'une faute grave justifiant, en dépit de son ancienneté, la rupture immédiate des relations contractuelles.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Concernant la demande de dommages-intérêts formulée par l'Association ABRI MONTAGNARD :

L'Association ABRI MONTAGNARD ne justifie pas de l'existence du préjudice allégué, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les articles 696 et 700 du Code de Procédure Civile :

Monsieur [D] [O], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens et à payer l'Association ABRI MONTAGNARD la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REÇOIT l'appel formé le 24 août 2010 par Monsieur [D] [O] à l'encontre du jugement rendu le 11 août 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Pau (section activités diverses), statuant en formation de départage, notifié le 17 août 2010 et l'appel incident formé par l'Association ABRI MONTAGNARD,

CONFIRME ledit jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE l'Association ABRI MONTAGNARD de sa demande de dommages-intérêts,

CONDAMNE Monsieur [D] [O] à payer à l'Association ABRI MONTAGNARD la somme de 1.000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE Monsieur [D] [O] aux entiers dépens.

Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/03368
Date de la décision : 20/06/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°10/03368 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-20;10.03368 ?
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