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29/04/2011 | FRANCE | N°10/01802

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 29 avril 2011, 10/01802


FA/EMN



Numéro 11/1972





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 29/04/2011







Dossier : 10/01802





Nature affaire :



Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution



















Affaire :



[S] [Y]



C/



S.A. MECAMONT HYDRO



















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Grosse délivrée le :



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 avril 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 45...

FA/EMN

Numéro 11/1972

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 29/04/2011

Dossier : 10/01802

Nature affaire :

Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution

Affaire :

[S] [Y]

C/

S.A. MECAMONT HYDRO

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 avril 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 22 Février 2011, devant :

Monsieur LESAINT, Conseiller, faisant fonction de Président

Monsieur AUGEY, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Madame PICQ, faisant fonction de Greffier, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté par la SCP DE GINESTET DUALE LIGNEY, avoués à la Cour

assisté de la SCP ARAGNOUET LAMOURE, avocats au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A. MECAMONT HYDRO,prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Localité 3]

représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour

assistée de Me TANDONNET, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 01 AVRIL 2010

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

M. [Y] est propriétaire exploitant depuis l'année 2000 d'une centrale hydro électrique dans la commune d'[Localité 4].

Dans le courant du printemps 2001, il a fait appel à la SA Mecamont Hydro qui a procédé à la remise en état du multiplicateur de marque Hansen.

Cette pièce est un élément intermédiaire de transmission entre la turbine et la génératrice électrique.

Trois devis de réparations ont été établis en mai et juin 2001, et finalement M. [Y] a accepté le troisième devis du 27 juin 2001, puis les travaux ont été effectués et facturés le 13 septembre 2001.

La centrale a été remise en route dans le courant du mois de février 2002, mais le 1er juin 2002, un nouveau bris du multiplicateur est survenu, accompagné de la rupture de l'arbre creux de turbine.

Une expertise a été ordonnée le 11 mars 2003, et l'expert a déposé son rapport le 1er juillet 2003.

Par acte d'huissier du 21 juin 2005, M. [Y] a fait assigner la SA Mecamont Hydro en responsabilité et réparation des conséquences dommageables du sinistre.

Il soutient que cette entreprise a manqué à son obligation de conseil et de résultat, et il a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 239.199 € en principal.

Par jugement du 1er avril 2010, le tribunal de grande instance de Tarbes a débouté M. [Y] de ses demandes, et l'a condamné à payer à la SA Mecamont Hydro la somme de 2.533,60 € représentant le solde dû sur les factures de travaux, ainsi qu'une indemnité de 1.500 € pour frais irrépétibles.

Par déclaration au greffe du 6 mai 2010, M. [Y] a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières écritures du 24 janvier 2011, il a conclu à la réformation de cette décision en soutenant que l'intimée a manqué à son devoir de conseil ainsi qu'à son obligation de résultat, et il a sollicité sa condamnation au paiement de la somme principale de 239.199 €, et d'une indemnité de 4.000 € pour frais irrépétibles.

Il fait valoir d'une part que l'intimée ne rapporte pas la preuve de l'envoi d'une télécopie le 27 juin 2001 dans laquelle elle lui aurait fait part de ses réserves quant au choix du mode de réparation de l'installation.

Il ajoute qu'il n'a pas imposé de réparations a minima et qu'il n'a pas joué un rôle de maître d'oeuvre dans cette opération.

Il fait observer que le rapport établi le 8 novembre 2001 après l'exécution des travaux par la société Mecamont Hydro quant à l'état des dentures et des engrenages, ne peut lui permettre de s'exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle au titre de son obligation de résultat.

Il conteste les conclusions du rapport d'expertise établi par M. [H] effectué au vu des déclarations de la société Mecamont Hydro, en procédant seulement à un constat visuel de l'état des pignons du multiplicateur.

Il déclare enfin que ce n'est pas un défaut de surveillance de la sonde de température qui a provoqué la surchauffe du multiplicateur, laquelle résulte exclusivement de la mauvaise qualité des réparations effectuées.

La SA Mecamont Hydro a conclu le 11 février 2011 à la confirmation du jugement, ainsi qu'à la condamnation de M. [Y] au paiement d'une indemnité de 4.000 € pour frais irrépétibles.

Elle s'appuie sur les conclusions du rapport d'expertise pour soutenir que la mise hors service du multiplicateur provient de la rupture par fatigue de plusieurs engrenages qui n'avaient pas été remplacés lors de la réparation effectuée en 2001 à la demande expresse de M. [Y] ; que l'expertise a également mis en évidence que la roue « petite vitesse du multiplicateur » et le pignon ont été dégradés par une surchauffe résultant d'un graissage défectueux, c'est-à-dire d'un défaut d'entretien imputable à M. [Y].

Elle fait valoir que la centrale a subi les conséquences directes du niveau de réparations a minima imposé par M. [Y], malgré les nombreuses réserves exprimées par la concluante.

Elle estime donc ne pas avoir manqué à son obligation de conseil, puisqu'elle avait rappelé à M. [Y] dans son rapport du mois d'octobre 2001 les mesures à mettre en oeuvre afin d'éviter un nouvel incident, pas plus qu'à son obligation de résultat, au motif que le sinistre ne peut être imputé à la mauvaise qualité des travaux de remise en état du multiplicateur.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2011.

MOTIFS DE L'ARRET :

M. [Y] est propriétaire exploitant d'une centrale hydro électrique, et au printemps 2001, il a fait appel à la société Mecamont Hydro à fin de procéder à la remise en état du multiplicateur de marque Hansen.

La réparation a été effectuée puis facturée le 13 septembre 2001, et la centrale hydroélectrique a été remise en service au mois de février 2002, mais le 1er juin 2002, le multiplicateur s'est à nouveau brisé, et l'arbre creux de la turbine s'est rompu.

M. [Y] soutient que la responsabilité contractuelle de la société Mecamont Hydro est engagée, en ce qu'elle a manqué à son devoir de conseil et à son obligation de résultat.

La société Mecamont Hydro est un réparateur professionnel spécialisé dans les installations de production d'hydroélectricité, et elle est donc contractuellement tenue d'une obligation de conseil vis-à-vis de ses clients.

Il convient néanmoins de souligner que M. [Y] a également la qualité de professionnel, puisqu'il est l'exploitant de la centrale en cause.

Un premier devis a été adressé à M. [Y] le 31 mai 2001, prévoyant la révision du multiplicateur et le remplacement de l'ensemble des organes détériorés pour un montant de 39.967,37 €.

Ce coût étant pratiquement équivalent à celui du remplacement du multiplicateur par un neuf, la société Mecamont Hydro lui a adressé le 6 juin 2001 un nouveau devis proposant le remplacement du multiplicateur par un équipement identique pour un montant de 44.012,03 €.

Selon la société Mecamont Hydro, M. [Y] lui a fait part de son désaccord avec les réparations envisagées ou le remplacement du multiplicateur, et a décidé de reprendre certaines pièces endommagées, en disant vouloir les soumettre à l'examen d'experts qu'il connaissait à [Localité 5] ; il a par la suite ramené ces pièces en indiquant celles qu'il souhaitait conserver, et celles qui devaient être remplacées, et il a sollicité l'établissement d'un nouveau devis.

La société Mecamont Hydro précise qu'il avait repris l'arbre intermédiaire d'attaque de la roue petite vitesse, ainsi qu'un engrenage, et qu'en définitive, sur quatre organes dont le remplacement avait été préconisé, M. [Y] a exigé d'en conserver trois, en demandant seulement le changement d'un pignon.

M. [Y] n'a pas sérieusement contesté le contenu et le déroulement de cette négociation, puisqu'il a adressé le 27 juin 2001 un bon de commande numéro 002951 comportant son cachet professionnel, relatif à la « rénovation du multiplicateur Hansen, au changement de pignon de l'arbre intermédiaire, à la conservation des autres pignons en les tournant sur leurs axes, au changement du roulement à billes, au contrôle de la pompe à huile -changement, flexible et joints, remontage et pose ».

Le bon de commande est annexé à un courrier en télécopie comportant la mention : « O R. multiplicateur », c'est-à-dire ordre de réparation du multiplicateur.

Le devis du 27 juin 2001 d'un montant de 18.202,41 € correspond à la commande passée par M. [Y].

Le 27 juin 2001, la société Mecamont Hydro lui a adressé en télécopie le devis numéro 01.151 relatif à la révision du multiplicateur, en lui précisant qu'il a été établi « selon les choix techniques que vous nous avez définis ».

M. [Y] soutient mais sans en rapporter la moindre preuve qu'il n'aurait pas reçu ce document au motif qu'il n'était pas équipé d'un télécopieur à cette époque, ce qui est totalement contraire aux pièces communiquées, puisqu'il apparaît qu'il a lui-même adressé de nombreux documents en télécopie, et qu'il a été destinataire des devis précédents, puisqu'il les a discutés, lesquels lui ont été adressés en télécopie, les lettres d'accompagnement précisant son numéro de fax : [XXXXXXXX01].

Il résulte de ce qui précède que M. [Y] qui a lui-même la qualité de professionnel en tant qu'exploitant de la centrale, a expressément choisi le troisième devis d'un montant de 18.202,41 €, d'un coût très sensiblement inférieur aux deux premiers devis proposés par la société Mecamont, et que la comparaison des différents devis met en évidence le fait que le devis d'un montant le plus élevé est celui qui comportait le remplacement des engrenages qui ont finalement été détériorés, dont le coût s'élevait à 22.139,80 €, alors que dans le devis accepté il n'était plus que de 3.820,18 €.

C'est donc à bon droit que le tribunal de grande instance a jugé que la société Mecamont Hydro n'a pas manqué à son obligation de conseil, puisqu'elle a proposé le remplacement intégral du multiplicateur ou bien des réparations très importantes, et que M. [Y] a délibérément et en toute connaissance de cause refusé de procéder au remplacement d'engrenages et de pignons, alors que la société Mecamont Hydro lui a rappelé dans la télécopie du 27 juin 2001 que le devis a été établi selon les choix effectués par l'appelant.

Par ailleurs, la société Mecamont Hydro est tenue d'une obligation de résultat consistant dans l'exécution de travaux de remise en état efficaces et de fourniture d'un ouvrage exempt de vices.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le sinistre survenu au mois de juin 2002 a provoqué d'une part la rupture de l'arbre creux de turbine au ras de l'accouplement rigide se trouvant à l'entrée du multiplicateur, immédiatement sous les pions de renforts qui avaient été soudés en 1994, et d'autre part le bris du multiplicateur Hansen par dégradation des dentures des roues et des pignons.

Or la société Mecamont avait attiré l'attention de M. [Y] sur l'absence de fiabilité de ces engrenages qu'il avait refusé de remplacer, et l'expertise a révélé que la réutilisation de ces engrenages a entraîné des surcharges locales répétées puis la rupture franche de certaines de leurs dents ; ces dégradations ont provoqué un choc de transmission qui a entraîné la rupture de l'arbre creux de turbine.

L'expert a relevé par ailleurs qu'un défaut de surveillance a été à l'origine d'une surchauffe de l'installation alors que M. [Y] en tant qu'exploitant, avait la charge du paramétrage, du contrôle et du maintien en bon état de fonctionnement des indicateurs de sécurité de sa centrale, notamment l'indicateur de température et le contrôle des débits d'huile.

Dans un rapport établi le 31 octobre 2001 adressé à M. [Y] le 11 novembre 2001, avant la remise en service effective de l'installation effectuée en février 2002, la société Mecamont Hydro a rappelé les conditions souhaitées par M. [Y] en ce qui concerne notamment la réutilisation des roues et des pignons, en rappelant ses réserves sur la tenue dans le temps de ces engrenages qui avaient été très sollicités par le passé.

En outre, elle lui a communiqué toute une série de mesures indispensables à fin d'éviter un nouvel incident, à savoir l'utilisation d'une huile très haut de gamme, la nécessité de procéder rapidement à une vidange accompagnée d'une analyse d'huile, la surveillance des niveaux d'huile, ainsi que leur analyse régulière, la vérification périodique du bon fonctionnement de l'indicateur connecteur à une alarme efficace, l'enregistrement des températures de l'huile en circulation, le nettoyage régulier de l'échangeur huile et du filtre.

M. [Y] n'a pas formulé des critiques sérieuses à l'encontre du rapport d'expertise précis et motivé. Par ailleurs il ne justifie pas avoir émis des réserves ou des observations à la réception du rapport de la société Mecamont Hydro, et il ne rapporte pas plus la preuve du respect des prescriptions et des recommandations émises par cette société.

En conséquence, la cour juge que la détérioration et la rupture du multiplicateur ne peuvent être imputées à la société Mecamont Hydro, puisque son dysfonctionnement a pour origine le non remplacement des pièces détériorées, ainsi qu'un défaut de surveillance régulier de l'installation.

Le choix du système de réparation de l'installation par M. [Y] ainsi que l'absence de surveillance des indicateurs et le défaut de remplacement des pièces détériorées constituent des causes exonératoires de la responsabilité de la société Mecamont Hydro.

Il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 1er avril 2010, y compris les chefs de dispositif relatifs à la condamnation au paiement du solde de la facture des travaux de réparation et d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Mecamont Hydro les frais irrépétibles qu'elle a dû engager en cause d'appel ; M. [Y] sera donc condamné à lui payer une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] qui succombe dans cette procédure sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Après avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 1er avril 2010, et y ajoutant ;

Condamne M. [S] [Y] à payer à la SA Mecamont Hydro une indemnité de 2000 € ( deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [Y] de ses demandes.

Condamne M. [S] [Y] aux dépens, et autorise la SCP Rodon avoués, à recouvrer directement ceux d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Jean-Louis Lesaint, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Mireille PEYRON Jean-Louis LESAINT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/01802
Date de la décision : 29/04/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/01802 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-29;10.01802 ?
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