NR/SH
Numéro 1776/11
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 07 AVRIL 2011
Dossier : 09/03658
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires
Affaire :
[G] [E]
C/
CARMI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 AVRIL 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Février 2011, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [G] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
assistée de Monsieur [F], délégué syndical muni d'un pouvoir
INTIMEE :
CARMI
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 28 SEPTEMBRE 2009
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
Madame [G] [E] a été employée par la Société de Secours Minière devenue la CARMI-SO.
Madame [G] [E] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er mars 2000.
Le 13 novembre 2008, Madame [G] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de PAU aux fins de :
Vu les dispositions concernant le régime de prévoyance et de retraite d'Elf Aquitaine actuellement Total,
Au principal,
Vu l'article 34 de la convention collective nationale du 21 janvier 1977,
Vu les dispositions des articles 1142 et 1149 du Code civil,
- condamner la SSMF49 (actuellement Société CARMI sud-ouest) à réparer entièrement le préjudice subi par Madame [G] [E],
- condamner la SSMF49 (actuellement Société CARMI sud-ouest) au versement de la somme de 282.697,92 € en réparation du préjudice subi par Madame [G] [E] du fait du non-respect par l'employeur de l'article 34 de la CCN du 21 janvier 1977.
Subsidiairement,
- ordonner une expertise comptable pour voir déterminer le préjudice exact qu'elle a subi et qui devra être indemnisé en fonction des articles du Code civil précités,
En tout état de cause,
- condamner la CARMI au paiement d'une provision de 50.000 €,
- condamner la CARMI au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CARMI aux dépens
Par jugement en date du 28 septembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de PAU :
- a dit que l'article 34 de la convention collective aurait dû être appliqué selon le protocole d'accord en date du 9 décembre 1980 et en conséquence :
- a condamné la CARMI à verser à Madame [G] [E] la somme de 6.100 € à titre de dommages-intérêts sur la base de l'article 1142 du Code civil,
- a condamné la CARMI à verser à Madame [G] [E] la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a dit que les dépens seront à la charge de la CARMI.
Madame [G] [E] a interjeté appel par lettre recommandée en date du 17 octobre 2009 du jugement qui lui a été notifié le 30 septembre 2009.
Madame [G] [E] demande à la Cour :
- que soit recalculée la CREA sur toute la période travaillée et appliquée sur la pension mensuellement ;
- condamner la CARMI SO au paiement d'un rappel de pension depuis la mise en retraite avec réversion sur le conjoint jusqu'au prononcé du jugement ;
- l'application du pré-calcul prévu par le protocole du 13 mars 1995 confirmé par expertise et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant le prononcé du jugement ;
- condamner la CARMI à verser à Madame [G] [E] la somme de 200.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et comportement déloyal ;
- qu'il soit fait application des intérêts de retard ;
- condamner la CARMI SO au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, elle conteste la décision du Conseil de Prud'hommes qui l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de la CREA au motif que les deux demandes (au titre de l'IREC et de la CREA) portent sur le même sujet, ne peuvent être dissociées et doivent faire l'objet d'une seule décision.
Elle fait valoir que son appel porte uniquement sur le non-paiement de la seconde retraite complémentaire, la CREA, la demande portant sur le non alignement de la retraite sur l'entreprise de référence est définitivement réglée.
L'article 34 de la convention collective prévoyait que les agents de la SSM bénéficiaient des mêmes droits au régime de retraite complémentaire de prévoyance que le personnel de l'exploitation de référence, entendu au sens de l'article 26 de la même convention.
Ainsi, la CREA verse une allocation de retraite qui s'ajoute aux retraites de base et complémentaire et ce sans cotisations des salariés à cette caisse, la charge en étant entièrement supportée par les sociétés affiliées, les seules conditions pour bénéficier de ce régime complémentaire étant d'avoir 60 ans et de justifier de 15 ans d'ancienneté.
À partir de l'accord du 28 février 1995, la CREA s'est transformée en une complémentaire avec cotisations des salariés ( IPREA).
En juillet 1995, la CREA est devenue IPREA et il est alors précisé que l'entreprise adhérente est tenue de remettre à ses salariés une notice définissant le régime en vigueur.
Cependant, aucune information n'a été donnée sur l'existence de cette disposition et de cette complémentaire en général ; aucune cotisation ne sera versée.
L'employeur a manqué à ses obligations tout au long de la période d'activité de la salariée et ne peut en tirer un avantage devant la Cour.
Enfin, la Cour de Cassation par un arrêt en date du 2 juin 2009 a cassé un arrêt rendu par la cour d'appel de PAU le 24 septembre 2007 et a apporté des réponses distinctes sur deux demandes qui lui étaient soumises par Monsieur [D] à savoir :
- bénéficier de la retraite complémentaire sur la base de 8 %
- bénéficier de la prévoyance SNEAP en matière d'invalidité
En effet, la Cour de Cassation a considéré que les 6.100 € accordés ne couvraient pas l'ensemble des préjudices causés par la non application de l'article 34.
Enfin, la cour d'Appel dans un arrêt du 12 avril 2010 a accordé le bénéfice de la CREA à Madame [C] et ordonné une expertise aux fins de calculer ses droits au 31 décembre 1994.
La CARMI SO demande à la Cour de :
- déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel formé par Madame [E],
- confirmer le jugement,
- condamner Madame [G] [E] au paiement de la somme de 1.500 € sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, la CARMI SO soutient que le Conseil de Prud'hommes n'a nullement débouté Madame [E] de sa demande au titre de la CREA mais a simplement considéré que les deux demandes, au titre de l'IREC et de la CREA, se rapportant toutes deux à l'exécution du même contrat de travail, ne pouvaient se dissocier, les deux demandes étant par ailleurs fondées sur la non-application de l'article 34 de la convention collective nationale des personnels de sociétés de secours.
Ainsi le Conseil de Prud'hommes a alloué une somme globale de 6.100 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'entier préjudice subi, au motif que l'article 34 aurait dû s'appliquer.
La Cour de Cassation, saisie d'un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'Appel de PAU en date du 13 décembre 2004, a considéré dans son arrêt du 18 octobre 2006 que la Cour d'Appel avait exactement décidé que l'obligation conventionnelle de l'employeur est obligation de faire et qu'elle avait souverainement apprécié le montant des dommages et intérêts réparant le préjudice subi.
En effet, il ressort de l'article 34 que les régimes de retraite complémentaire sont pris dans leur globalité, la CREA qui est une seconde retraite complémentaire est donc nécessairement incluse dans ses dispositions or le Conseil de Prud'hommes a condamné la CARMI à des dommages-intérêts au motif qu'elle n'appliquait pas les dispositions de l'article 34.
L'arrêt de la Cour de Cassation du 2 juin 2009, visé par Madame [E], a confirmé l'arrêt de la Cour d'Appel en ce qu'elle avait attribué une somme globale de 6.100 € au titre du préjudice sur les pensions de retraite en revanche a sanctionné la Cour d'Appel en ce qu'elle avait rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte du droit à l'allocation d'invalidité.
SUR QUOI
La Société de secours minière SSM F49, devenue CARMI SO, est affiliée à la convention collective nationale des personnels des sociétés de secours minières du 21 janvier 1977.
Selon l'article 34 de la convention collective nationale des personnels des sociétés de secours minières, les agents des entreprises signataires doivent bénéficier d'un régime de retraite complémentaire et de prévoyance aligné sur les régimes de retraite des personnels d'exploitation de référence entendu au sens de l'article 26-1 et 2.
L'entreprise de référence entendue au sens de l'article 26 de la CCN était la SNEAP du groupe Elf Aquitaine, devenue Total.
La société CARMI ne conteste pas ne pas avoir appliqué les dispositions de l'article 34 de la convention collective qui s'imposaient à elle et avoir de ce fait privé ses salariés du bénéfice des retraites complémentaires et de prévoyance en vigueur au sein de Elf dont la CREA.
La Cour de Cassation, saisie d'un recours des anciens salariés de la CARMI qui soutenaient que la Cour d'Appel, constatant le non respect de l'article 34 aurait dû rechercher quelles étaient les sommes dues aux salariés en application de l'article 34 de la convention collective, confirmait le 18 octobre 2006 que l'obligation conventionnelle de l'employeur était une obligation de faire dont le manquement se résout en dommages et intérêts.
Dans le présent litige, Madame [E] soutient que son préjudice, au titre de la CREA, régime de retraite dont elle a été privée du fait du non respect de l'article 34 par l'employeur, doit être réparé par un rappel de pension depuis la mise à la retraite en ordonnant à la CARMI de réaliser le pré-calcul, confirmé par expertise.
Elle expose être en droit de formuler une telle demande aux motifs que :
- jusqu'au 31 décembre 1994, il n'y avait pas de cotisation des salariés à la CREA et qu'il a été précisé dans l'accord-cadre pour la consolidation du régime de retraite supplémentaire Elf-Aquitaine du 28 février 1995 qui a instauré un système de cotisations salariales et employeur que les droits potentiels au 31 décembre 1994 des salariés présents à cette date dans les sociétés affiliées feront l'objet d'un pré-calcul qui sera converti en pension si le salarié remplit certaines conditions.
- l'employeur a été défaillant à donner l'information sur l'existence de cette disposition et de cette complémentaire en général.
Cependant, il est incontestable que la CARMI ne s'est jamais affiliée à la CREA et en conséquence n'a pas respecté l'article 34 de la convention collective applicable.
Or, l'obligation conventionnelle de l'employeur étant une obligation de faire et non de payer, son manquement doit se résoudre en dommages-intérêts conformément à l'article 1142 du code civil ; c'est donc à tort que la salariée évalue son préjudice à la différence entre la retraite dont elle aurait bénéficiée si l'accord avait été conclu et celle qu'elle perçoit actuellement.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande au titre de la CREA telle que formulée, irrecevable.
- Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par Madame [G] [E] le 17 octobre 2009,
Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de PAU en date du
28 septembre 2009 en toutes ses dispositions.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour d'Appel.
Condamne Madame [G] [E] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL,
greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,