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07/04/2011 | FRANCE | N°09/02119

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 07 avril 2011, 09/02119


PPS/CD



Numéro 1767/11





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 07/04/2011







Dossier : 09/02119





Nature affaire :



Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail















Affaire :



[V] [DJ]



C/



[M] [L]

épouse [N],

[NO] [N], [S] [Z] [N]










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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 7 avril 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'...

PPS/CD

Numéro 1767/11

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 07/04/2011

Dossier : 09/02119

Nature affaire :

Demande formée par le bailleur ou le preneur relative à la poursuite ou au renouvellement du bail

Affaire :

[V] [DJ]

C/

[M] [L]

épouse [N],

[NO] [N], [S] [Z] [N]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 7 avril 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 03 Février 2011, devant :

Monsieur PUJO-SAUSSET, Président

Madame ROBERT, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Mademoiselle [V] [DJ]

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Maître Bernard ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉES :

Madame [M] [L] épouse [N]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Madame [NO] [N]

[Adresse 9]

[Localité 1]

Madame [S] [Z] [N]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentées par Maître Jean-Baptiste ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 15 MAI 2009

rendue par le TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE SAINT PALAIS

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [M] [L] épouse [N] est propriétaire d'une exploitation agricole sise à [Localité 10] d'une superficie de 38 hectares, louée à Mademoiselle [V] [DJ], Monsieur [AB] [H] [I], Monsieur [P] [T], Monsieur [E] [O], Monsieur [F] [U], Madame [K] [W] et consorts [D] et [F] [R].

Trois parcelles de cette exploitation, cadastrées commune de [Localité 10], sous les références :

- Section [Cadastre 7] d'une superficie de 1 ha 24 a 98 ca, en nature de pré,

- Section [Cadastre 8] d'une superficie de 31 a 08 ca, en nature de pré,

- Section [Cadastre 6] d'une superficie de 1 ha 60 a 54 ca, en nature de pré,

soit au total 3 ha 16 a 60 ca, ont été exploitées d'abord par Monsieur [DJ] de 1960 à 1986, puis à la retraite de ce dernier par son épouse, Madame [J] [DJ] jusqu'à l'année 2006, date à laquelle elle a elle-même pris sa retraite.

Par requêtes des 30 novembre 2007, 28 janvier 2008, 30 janvier 2008, 4 et 13 février 2008, Mademoiselle [V] [DJ] a saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT PALAIS, aux fins de faire juger qu'elle est liée à Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N], par un bail soumis au statut du fermage et condamner ces dernières à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 15 mai 2009, auquel il y a lieu de renvoyer, pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT-PALAIS a :

- débouté Mademoiselle [V] [DJ] de ses demandes,

- débouté les consorts [N] de leurs demandes de dommages-intérêts,

- condamné Mademoiselle [V] [DJ] au paiement de la somme de 1.200 €, sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile,

- condamné Mademoiselle [V] [DJ] aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception portant la date d'expédition du 11 juin 2009, reçue au greffe de la Cour le 12 juin 2009, Mademoiselle [V] [DJ], représentée par son avocat, a relevé appel de cette décision, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Mademoiselle [V] [DJ] demande à la Cour :

- de réformer le jugement entrepris ;

- de dire et juger qu'elle est liée à Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N], par un bail soumis au statut du fermage ;

- de condamner ces dernières in solidum à lui payer :

* une indemnité de 2.500 € par application de l'article 700 du Code procédure civile pour les honoraires de procédure exposés en première instance,

* une indemnité de 1.500 € par application de l'article 700 du Code procédure civile pour les honoraires de procédure exposés en appel,

- de condamner Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N], en tous les frais et dépens.

L'appelante soutient :

- que les parcelles mises à sa disposition et avant elle à son père puis à sa mère, constituent des biens à usage agricole ; qu'elle est elle-même exploitante agricole et exerce sur ces parcelles une activité agricole ; que la location est présumée soumise au statut de fermage en raison de son caractère répété, année par année, depuis plus de 20 ans, au profit de la même famille ;

- que les parties ont qualifié par écrit la convention intervenue entre les parties de bail ; que le tribunal a de façon erronée requalifié cette convention en vente d'herbes ;

- que la circonstance qu'elle exerce une double activité est indifférente quant à l'application du statut du fermage ;

- que dans l'hypothèse où la Cour requalifierait en contrat de vente d'herbes la convention de location liant les parties, elle apporte la preuve que cette vente d'herbes était soumise au statut du fermage par application de l'article L. 411-1 du Code rural ; les bailleresses ne donnent aucune explication sur les raisons pour lesquelles elles auraient utilisé de manière durable la technique de contrats précaires pour faire exploiter le fonds, faisant ainsi échec aux dispositions d'ordre public du statut du fermage ;

- que les bailleresses n'ont pas justifié d'une mise en demeure adressée à la fermière d'avoir à se soumettre à la procédure d'autorisation préfectorale ou d'une décision de refus d'autorisation ; que le caractère onéreux de la mise à disposition n'est pas contesté ; que les dispositions de l'article L. 411-1 du Code rural sont des dispositions d'ordre public.

Par conclusions écrites, reprises oralement, auxquelles il convient de se référer, Mesdames [M] [L] épouse [N], [NO] [N] et [S] [N] demandent :

- de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a :

* rejeté la demande de reconnaissance d'un bail rural ;

* fixé à 1.200 € la somme leur revenant au titre de l'article 700 du Code procédure civile pour les frais engagés en première instance ;

- de réformer le jugement du 15 mai 2009 du tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts qu'elles ont présentée et condamner Mademoiselle [V] [DJ] à leur régler une somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- de condamner Mademoiselle [V] [DJ] à leur payer la somme de 3.000 €, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile, au titre des frais exposés en appel ;

- de condamner Mademoiselle [V] [DJ] aux dépens de première instance et d'appel.

Les intimées font valoir :

- que Mademoiselle [V] [DJ], enseignante auprès de l'Éducation Nationale a le statut d'agent titulaire de la fonction publique qui lui fait interdiction de cumuler son emploi avec une activité privée quelle qu'elle soit ; qu'elle est irrecevable à revendiquer l'existence d'un bail rural dont elle serait le preneur ; qu'elle ne justifie pas davantage de l'autorisation administrative d'exploiter les parcelles en cause ;

- que plusieurs conditions cumulatives prévues par l'article L. 411-1 du Code rural font défaut et notamment : le caractère onéreux de la mise à disposition, et la mise à disposition d'un immeuble à vocation agricole ayant pour objet le développement d'une exploitation agricole ; que la condition relative au prélèvement de récoltes par l'acquéreur n'existe pas en l'espèce ;

- qu'elle profite d'une véritable tromperie commise par sa mère Madame [J] [DJ] ; que le dol ainsi créé par le mensonge et les agissements malhonnêtes de l'appelante constitue un vice du consentement ; que la convention revendiquée a été établie en fraude des droits des intimées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable ;

Attendu que Mademoiselle [V] [DJ] se prévaut d'un bail rural portant sur les parcelles cadastrées commune de LASSE [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 6] d'une superficie totale de 3 ha 16 a 60 ca appartenant aux consorts [N] ;

Sur la recevabilité de la reconnaissance de l'existence du bail rural :

Attendu que les consorts [N] font valoir que Mademoiselle [V] [DJ], enseignante auprès de l'Education Nationale, a le statut d'agent titulaire de la fonction publique qui lui fait interdiction de cumuler son emploi public avec une activité privée, quelle qu'elle soit ;

Qu'ils s'appuient sur l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose que les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ; [ils] ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ; qu'ils peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou de l'organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont conférées et n'affectent pas leur exercice ;

Que les intimées considèrent que Mademoiselle [V] [DJ] est irrecevable à revendiquer l'existence d'un bail rural dont elle serait le preneur, ne pouvant statutairement exercer la profession d'agricultrice ;

Attendu que le statut du fermage s'applique quand bien même le preneur n'exercerait pas une activité agricole à titre exclusif ou à titre principal ;

Attendu que Mademoiselle [V] [DJ] verse aux débats une autorisation qui lui a été délivrée le 27 janvier 2006 par le Recteur de l'Académie de BORDEAUX dans les termes suivants :

il vous est interdit en qualité de fonctionnaire d'assurer la gérance d'une exploitation ayant la forme juridique d'une société qui, comme toute personne morale de droit privé exerçait une activité économique, entre dans le champ d'application des procédures de redressement judiciaire des sociétés...; sous réserve de cette impossibilité, je vous donne l'autorisation d'exercer l'activité accessoire au sein de la propriété agricole familiale, à la condition expresse que les travaux agricoles ne prennent pas un caractère professionnel absorbant une partie de votre activité d'enseignement ;

Attendu qu'il résulte du relevé d'exploitation établi au vu de la situation cadastrale du 1er janvier 2008 par la Mutualité Sociale Agricole, que Mademoiselle [V] [DJ] exploite sur le territoire de la commune de [Localité 10] la superficie totale de 21 ha 55 a, en ce non compris les parcelles objet du litige ;

Que selon la note de valeur relative à exploitation agricole de Mademoiselle [V] [DJ] établie par Madame [B] [G] expert agricole et foncier, produite par les consorts [N], le temps de travail relatif à l'exploitation agricole représente au vu de l'inventaire du cheptel ovin et bovin communiqué par Mademoiselle [V] [DJ], un total de 426 jours dans une année ;

Attendu cependant, qu'il n'incombe pas à la Cour, statuant sur appel d'un jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'apprécier si l'activité agricole exercée par Mademoiselle [V] [DJ] peut ou non être qualifiée d'accessoire au sens de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Qu'il appartient en effet au seul Recteur d'Académie de vérifier si l'activité agricole exercée par l'enseignante cadre ou non avec l'autorisation qui lui a été accordée et si celle-ci respecte ou non la condition expresse que les travaux agricoles ne prennent pas un caractère professionnel absorbant une partie de son activité d'enseignement ;

Attendu qu'en outre, les consorts [N] soutiennent que Mademoiselle [V] [DJ] ne justifie pas de l'obtention d'une autorisation d'exploiter les parcelles objet du litige, lors de la conclusion du bail revendiqué, soit le 12 mai 2006, même si elle a obtenu une décision délivrée le 14 mai 2009 par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques autorisant Mademoiselle [V] [DJ] à exploiter un fonds agricole situé commune de [Localité 10] d'une superficie de 3 ha 17 ca (parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] appartenant aux consorts [N]) ;

Que cependant, les consorts [N] ne justifient pas avoir adressé une mise en demeure à Mademoiselle [V] [DJ] de se soumettre à la procédure d'autorisation prévue par l'article L 331-2 du Code rural ;

Que l'issue de la procédure pendante devant le tribunal administratif de PAU aux fins d'annulation de l'autorisation délivrée le 14 mai 2009 n'exerce aucune influence sur le présent litige ;

Attendu que le moyen d'irrecevabilité de la demande de Mademoiselle [V] [DJ] sera en conséquence écarté ;

Sur l'existence d'un bail soumis au statut du fermage au profit de Mademoiselle [V] [DJ] :

Attendu qu'il appartient aux tribunaux de restituer aux conventions leur véritable caractère quelle que soit la qualification donnée par les parties ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 411-1 du Code rural, est soumise au statut du fermage toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du Code rural, cette disposition étant d'ordre public ;

Que la preuve de l'existence d'un bail à ferme peut-être apportée par tout moyen ;

Attendu qu'il n'est pas contesté :

- que les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 6] étaient exploitées jusqu'au 15 mai 1993 par Monsieur [AB] [I] ;

- que Madame [J] [DJ] en a pris la suite à cette date ; que le bulletin de mutation de parcelles en date du 5 mai 1993, mentionne que le mode d'exploitation est le fermage ; que le propriétaire a apposé sa signature sur ce document ainsi que les deux fermiers successifs ;

Attendu que Mademoiselle [V] [DJ] verse aux débats à l'appui de sa prétention trois attestations de location verbale des parcelles en cause :

- la première, en date du 22 avril 1993, mentionne Madame [J] [DJ] comme locataire de Monsieur [VF] [L], pour trois ans, à compter du 1er janvier 1993 ;

- la deuxième non datée, mentionne Madame [J] [DJ] comme locataire de Madame [M] [N], pour 14 mois, du 1er janvier 2005 au 1er mars 2006 ;

- la troisième non datée mentionne Mademoiselle [V] [DJ] comme locataire de Madame [M] [N], pour 14 mois, du 12 mai 2006 au 12 juin 2007 ;

Que ces attestations sont dûment signées par les parties ;

Attendu que les consorts [N] produisent à leur tour :

- une lettre en date du 9 novembre 2000, par laquelle Madame [J] [DJ] a écrit à Madame [M] [N] : 'je vous confirme ce que je vous avais déjà promis, à savoir que je libérerai les trois parcelles [Cadastre 6], [Cadastre 8] et [Cadastre 7] à [Localité 10] pour une superficie totale de 3 ha 16 a 60 ca, pour le 15 mai 2002 au plus tard, afin de donner une dépendance à votre maison d'habitation je vous dispense donc de me faire la signification 18 mois à l'avance' ;

- un document intitulé 'bulletin de mutation de parcelles', en date du 15 mars 2000, portant sur les trois parcelles en cause, mentionnant en qualité de cédante Madame [J] [DJ] et en qualité de preneur Madame [M] [N] et précisant la date exacte du changement : le 15 mai 2002 ;

- une attestation régulière en la forme, délivrée le 12 juin 2008 par Madame [X] [GU], secrétaire de mairie à [Localité 10] qui certifie avoir procuré à Madame [J] [DJ] sur sa demande, d'abord pour elle-même, puis pour sa fille Mademoiselle [V] [DJ], domiciliées à LASSE, l'imprimé d'attestation de location verbale pour des parcelles de prairie propriété de Madame [M] [N], exploitation ITHURRALDIA, afin de les ajouter à la surface fourragère de leur propre exploitation PEKO ELUCHANTZENIA, dans le cadre de la déclaration de surface PAC et des demandes d'aides liées à la surface ; elle ajoute que tout à fait consciente de ce que ce document pourrait être utilisé pour prouver l'existence d'un bail rural ce qui ne correspondait pas à la réalité, je certifie en avoir informé Madame [J] [DJ] qui m'avait assurée qu'elle ne ferait pas usage de cette attestation à des fins judiciaires, le jour où Madame [M] [N] déciderait de vendre ces parcelles en même temps que la maison ITHURRALDIA ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1341 du Code civil, les Consorts [N] ne peuvent contredire par des témoignages les clauses d'un contrat écrit ;

Qu'en l'espèce, l'attestation délivrée par Madame [X] [GU] ne peut prouver contre les termes des attestations de location verbale des parcelles dont se prévaut Mademoiselle [V] [DJ] ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 6] constituent un immeuble à usage agricole ;

Que Monsieur [C] [GS] atteste le 14 avril 2008 avoir personnellement constaté à partir de 1988 que la famille [DJ] exploitait les parcelles propriété de Madame [N] tout au long de l'année en y faisant pâturer ses troupeaux de vaches et de brebis et qu'elle a épandu du fumier ainsi que passé le girobroyeur sur ces parcelles chaque année ;

Que Madame [J] [DJ] atteste avoir personnellement exploité ces parcelles de 1986 jusqu'au mois d'avril 2006 et que depuis cette date, ces terres sont louées à Mademoiselle [V] [DJ] qui est chef d'exploitation ; qu'elle précise avoir réglé chaque année un loyer s'élevant en 2006 à 800 € par an, payé en deux termes égaux ;

Que Monsieur [A] [Y] atteste le 23 avril 2008 avoir vu depuis de nombreuses années, la famille [DJ] exploiter des terres de la ferme ITHURALDIA, proches de la maison de Madame [N] et avoir constaté qu'actuellement encore, le troupeau de Mademoiselle [V] [DJ] pâture ces parcelles ;

Attendu que Mademoiselle [V] [DJ] verse aux débats :

- une lettre datée du 2 juillet 2007 par laquelle Madame [M] [N] lui a écrit en ces termes : 'à [V], nouvelle locataire, ce lundi matin je viens de recevoir le chèque ci-joint ; dans ma situation actuelle, je ne peux pas accepter de paiement par chèque, ni signer aucune attestation de location verbale, d'autre part, vous pouvez vérifier sur le bulletin de mutation que vous avez toujours eu les 3 parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 6] pour un total de 3 ha 16 a 60 ca...' ;

- copies des chèques de 400 € chacun et des lettres d'accompagnement qu'elle a adressées à Madame [M] [N] le 3 juin 2008, 7 novembre 2008, 27 mai 2009, 15 mai 2010 et le 8 novembre 2010, en paiement de fermages ;

Attendu que Mademoiselle [V] [DJ] qui établit la mise à sa disposition à titre onéreux des parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 6] à usage agricole bénéficie de la présomption de bail rural ;

Que même si les attestations de location verbale étaient requalifiées en ventes d'herbes, il appartiendrait aux propriétaires, pour écarter cette présomption d'établir, d'une part, que la convention a été conclue exceptionnellement ou isolément et d'autre part, de prouver leur bonne foi.

Attendu que la convention précaire portant sur les parcelles en cause a été renouvelée, de manière continue, d'abord au profit de Monsieur [DJ] jusqu'en 1986, puis au profit de son épouse Madame [J] [DJ] jusqu'en 2006, puis par Mademoiselle [V] [DJ] ;

Qu'en outre, les Consorts [N] ne justifient pas qu'elles n'ont pas eu recours à la vente d'herbes pour maintenir leurs parcelles en état et n'établissent pas qu'elles n'ont pas eu l'intention de faire obstacle à l'application du statut du fermage ;

Attendu que les Consorts [N] soutiennent que Madame [J] [DJ] est revenue sur son engagement de ne pas utiliser l'attestation de location verbale qu'elle avait, pour prouver l'existence d'un bail rural et que Mademoiselle [V] [DJ] s'est empressée de renier cette promesse ; que les intimées considèrent que seules les manoeuvres dolosives de Madame [J] [DJ] qui ont profité à sa fille sont la cause de la requalification de l'attestation de location verbale en bail rural ;

Que cependant, les Consorts [N] sont mal fondés à considérer que la convention a été établie en fraude de leurs droits ; qu'il convient de rappeler que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée ;

Qu'ils échouent, en tout état de cause, à renverser la présomption de bail rural qui bénéficie à Mademoiselle [V] [DJ] en vertu des dispositions d'ordre public de l'article L. 411-1 du Code rural ;

Que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et il sera fait droit aux prétentions de Mademoiselle [V] [DJ] ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mademoiselle [V] [DJ] les frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le cadre du présent litige ;

Qu'il y a lieu de condamner in solidum Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N] à lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Qu'elles supporteront en outre la charge des entiers dépens de la procédure tant de première instance que d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT- PALAIS du 15 mai 2009,

Statuant à nouveau,

Dit que Mademoiselle [V] [DJ] est liée à Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N], par un bail soumis au statut du fermage, portant sur les parcelles cadastrées commune de LASSE, sous les références :

- Section [Cadastre 7] d'une superficie de 1 ha 24 a 98 ca, en nature de pré,

- Section [Cadastre 8] d'une superficie de 31 a 08 ca, en nature de pré,

- Section [Cadastre 6] d'une superficie de 1 ha 60 a 54 ca, en nature de pré, soit au total 3 ha 16 a 60 ca,

Condamne in solidum Mesdames [M] [N], [NO] [N] et [S] [N] à payer à Mademoiselle [V] [DJ] la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code procédure civile ;

Les condamne aux entiers dépens de la procédure tant de première instance que d'appel.

Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/02119
Date de la décision : 07/04/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°09/02119 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-07;09.02119 ?
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