SG/NG
Numéro 1376/11
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRET DU 17/03/2011
Dossier : 09/03506
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
Affaire :
[O] [G]
C/
ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ATLANTIQUE & PYRENEES - AUAP -
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 MARS 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 27 Janvier 2011, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [O] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître ETCHEVERRY, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ATLANTIQUE & PYRENEES - AUAP -
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 04 SEPTEMBRE 2009
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
LES FAITS, LA PROCÉDURE :
Madame [O] [G], engagée par l'ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ADOUR-PYRÉNÉES, ci-après désignée l'AUAP par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 juin 1999, en qualité de chargée d'étude principale observatoire des dynamiques territoriales, promue directrice d'études à compter du 1er janvier 2005, convoquée le 24 mars 2007 à un entretien préalable à licenciement fixé au 5 avril 2007, a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2007 pour motif économique consistant en de « graves difficultés économiques qui affectent l'activité de l'agence ».
Contestant son licenciement, Madame [O] [G] a saisi le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE, par requête en date du 02 août 2007 pour, au terme de ses dernières demandes de première instance : qu'il soit dit que son licenciement ne repose sur aucune cause économique, qu'il est abusif et que l'AUAP soit condamnée à lui payer la somme de 56 000 € en réparation du préjudice subi sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, 15 000 € en réparation du préjudice distinct, 3 727,80 € au titre du solde de congés payés 2007 et 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
À défaut de conciliation le 07 décembre 2007, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement rendu le 04 septembre 2009, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure, le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE (section encadrement) :
- a dit que le licenciement de Madame [O] [G] repose sur un motif économique,
- a débouté Madame [O] [G] de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a laissé à la charge des parties leurs propres dépens.
Par déclaration au greffe de la Cour d'Appel en date du 08 octobre 2009 Madame [O] [G], représentée par son conseil, a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 16 septembre 2009.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Madame [O] [G], par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :
- réformer le jugement du 4 septembre 2009 du Conseil de Prud'hommes de BAYONNE,
Statuant à nouveau,
- dire que le licenciement qui lui a été notifié le 16 avril 2007 par l'AUAP est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
- condamner l'AUAP à lui payer :
- 56 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse,
- 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice distinct de son licenciement,
- 3 727, 80 € au titre du solde de l'indemnité de congés payés,
- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'AUAP aux dépens de première instance et d'appel.
Madame [O] [G] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que :
- son poste n'a pas été supprimé mais simplement transféré à un salarié nouvellement recruté (Monsieur [V] [W]), dont l'emploi était celui de « chef de projet observatoire », alors qu'elle-même était directrice d'études « chef de l'observatoire »,
- les difficultés économiques évoquées dans la lettre de licenciement n'étaient pas établies, l'association, dont le budget est exclusivement constitué de fonds publics, n'ayant jamais été confrontée à des problèmes de gestion,
- l'ordre des licenciements n'a pas été respecté, ni l'obligation de reclassement de l'employeur.
Elle fait valoir que : le déficit d'exploitation de 137 107 € au 31 décembre 2005 a été réduit à la somme de 13 379 € au 31 décembre 2006 ; l'effectif de l'agence a été porté de 12 à 20 personnes entre les mois de juillet 2003 et juillet 2005 ; immédiatement avant son licenciement deux cadres ont été engagés (1er mars 2007 et 1er avril 2007) ; cet accroissement de charges a été volontairement décidé ; les recrutements de cadres n'ont jamais cessé malgré l'existence prétendue de difficultés économiques ; toutes ses décisions ont eu pour conséquence une augmentation considérable des frais de personnel (de 383 032 € au 31 décembre 2003 à 558 056 € au 31 décembre 2006) ; au 31 décembre 2007 le résultat de l'agence était excédentaire de 214 472 € ; la lettre de licenciement ne mentionne pas à la suppression de son poste, qui n'est aucunement désigné ; son poste n'a pas été supprimé, ses fonctions étant assurées par d'autres salariés dont Monsieur [W], recruté en 2006 ; aucune proposition de reclassement ne lui a été faite et la petite taille de l'entreprise ne peut pas dispenser l'employeur d'une recherche effective d'un reclassement alors que l'agence fait partie d'un groupe, étant membre de la fédération nationale des agences d'urbanisme qui comprend 149 autres agences et que l'agence compte comme membres de nombreuses collectivités territoriales, ainsi que des personnes morales de droit privé ; l'ordre des licenciements n'a pas été respecté, aucune comparaison n'ayant été établie entre les différents salariés du pôle économique, et alors que le chef de projet observatoire recruté en juillet 2006 était célibataire, n'avait pas d'enfant à charge, et avait moins d'ancienneté qu'elle-même.
Elle prétend qu'à compter de la fin de l'année 2003 elle a été progressivement mise à l'écart, son service a été totalement désorganisé, privé de ses moyens humains pour mener à bien ses missions, et que cet isolement est caractéristique d'un harcèlement moral qui a été la cause de troubles anxieux et dépressifs.
Elle soutient que lui est dû un solde de 21 jours de congés payés.
L'AUAP, par conclusions écrites, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, demande à la Cour de :
- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE le 8 septembre 2009,
- dire que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [O] [G] repose sur un motif économique réel et sérieux,
- dire que l'AUAP a parfaitement respecté l'obligation de reclassement qui lui incombe,
- dire que les critères de l'ordre des licenciements ont été respectés,
- débouter Madame [O] [G] de ses demandes,
- dire que Madame [O] [G] n'est pas fondée à réclamer le paiement d'un solde de congés payés, et la débouter par voie de conséquence de sa demande à ce titre,
- condamner Madame [O] [G] à payer à l'AUAP la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
L'AUAP fait valoir que : les ressources de l'agence sont constituées pour l'essentiel de subventions, non pérennes, d'organismes publics ou assimilés ; depuis deux années l'agence connaissait des pertes comptables très significatives (résultat d'exploitation déficitaire de 137 312 € au bilan 2005) qui ont nécessité l'utilisation des fonds propres pour tenter de résorber ce déficit mais que cependant le résultat d'exploitation pour l'année 2006 est resté déficitaire à hauteur de 13 379 € ; malgré une subvention de 50 000 €, l'expert-comptable a alerté le conseil d'administration sur la situation de crise de l'association dès le mois de janvier 2007 ; l'établissement du budget prévisionnel 2007 a conduit à envisager la contraction de la masse salariale, les principales charges de fonctionnement étant constituées par les frais de personnel ; les efforts réalisés ont été insuffisants et l'association a été contrainte de supprimer au mois d'avril 2007 deux emplois, dont celui de Madame [O] [G] ; les recrutements qui ont été réalisés ont été nécessaires pour mener à bien les travaux et chantiers confiés à l'agence.
L'AUAP conteste faire partie d'un groupe et fait valoir que les associations adhérentes de la FNAU sont toutes indépendantes les unes des autres et aucune permutation de tout ou partie du personnel n'est possible entre elles.
Elle fait valoir qu'elle a mentionné dans la lettre de licenciement la suppression du poste de Madame [O] [G], qui n'a pas été remplacée dans ses fonctions par Monsieur [V] [W], engagé un an avant le licenciement, sur d'autres fonctions ; qu'elle a recherché au sein de la structure un reclassement en interne qui s'est avéré impossible et est allée au-delà de ses obligations légales en effectuant des recherches de reclassement auprès de la chambre de commerce et de l'industrie de [Localité 4] et des agences d'urbanisme voisines, à savoir sur [Localité 5] et [Localité 6].
Elle soutient avoir respecté l'ordre des licenciements et fait valoir que bénéficiant du statut de cadre Madame [O] [G] ne pouvait être comparée qu'à la directrice des études qui était davantage polyvalente et avait deux enfants à charge.
L'AUAP conteste la mise à l'écart invoquée par Madame [O] [G], et prétend que le nombre de jours de congés payés mentionnés sur les bulletins de salaire sont le fait d'erreurs comptables qui ne sont pas créatrices de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, sera déclaré recevable en la forme.
Concernant le licenciement :
Il résulte des articles L.1233-16 et L.1233-42 et L. 1233-3 (anciens L. 122-14-2 et L. 321-1 ) du Code du Travail que la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé non seulement des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la réorganisation de l'entreprise, mais aussi de l'incidence de ces éléments sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié licencié et que la suppression du poste du salarié licencié doit être effective, ce qui implique que le salarié ne soit pas remplacé dans le même emploi, ou sur son poste, par un autre salarié recruté exclusivement à cette fin, à défaut de quoi le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et, en revanche, que la répartition des tâches, qui étaient accomplies par le salarié licencié, entre les salariés demeurés dans l'entreprise, caractérise la suppression de l'emploi.
La lettre de licenciement :
Les motifs économiques sont ainsi énoncés dans la lettre de licenciement du 16 avril 2007 :
« Les motifs de notre décision, que nous vous avons précisés lors de notre entretien, sont, nous vous le rappelons, les graves difficultés économiques qui affectent l'activité de notre Agence.
Nous connaissons en effet depuis deux années des pertes comptables très importantes en raison de la diminution de nos ressources. En dépit de la réduction des dépenses engagées pour tendre vers l'équilibre, le résultat d'exploitation est resté déficitaire en 2006.
Les efforts réalisés par l'Agence demeurent malheureusement insuffisants pour mettre un frein à cette situation inquiétante et aucune donnée ne laissent apparaître la moindre perspective d'inversion de tendance pour l'année 2007.
Dans ces conditions, il nous appartenait de mettre impérativement en place des mesures de restructuration en agissant notamment sur nos frais de structure afin qu'ils soient en adéquation avec les ressources qui sont les nôtres. Cette démarche nécessaire à la pérennité de notre Agence ne permet pas de maintenir l'ensemble des postes de travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes contraints de procéder à la suppression de l'emploi dont vous êtes titulaire au sein de notre entreprise, et par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail nous liant. À ce jour, aucune possibilité de reclassement n'est pour le moment possible. (...) ».
Sur la motivation de la lettre de licenciement :
Il convient de constater que la lettre de licenciement, qui énonce d'une part des difficultés économiques (pertes comptables très importantes, diminution des ressources) et d'autre part l'incidence de ces difficultés sur l'emploi de la salariée (« nous sommes contraints de procéder à la suppression de l'emploi dont vous êtes titulaire »), est motivée conformément aux dispositions légales.
Sur les motifs économiques :.
L'employeur invoque des difficultés économiques consistant en des pertes comptables très importantes en raison de la diminution des ressources.
Il ressort des pièces comptables produites aux débats, et telles qu'elles ont été examinées lors du conseil d'administration de l'AUAP du 8 mars 2007 que les produits d'exploitation sont essentiellement constitués par des subventions (État, conseil général, région, divers syndicats de communes) et sont passés de 954 759 en 2005 à 928 248 en 2006 et étaient prévus à hauteur de 926 171 pour 2007 ; le total des produits d'exploitation a été de 1 159 122 en 2005, de 1 076 344 en 2006 et prévu à hauteur de 1 086 532 pour 2007 ; les charges exploitation sont passées de 1 296 433 en 2005 à 1 089 723 en 2006 et étaient prévues à hauteur de 1 135 483 pour 2007 ; de sorte que le résultat d'exploitation était déficitaire au 31 décembre 2005 pour un montant de 137 312 €, puis de 13 379 en 2006 et était prévu à hauteur de 48 951 pour 2007.
Dans son rapport aux administrateurs de l'AUAP, lors de la réunion du conseil d'administration du 8 mars 2007, le président de l'Agence, au vu de ces résultats, concluait que le budget prévisionnel 2007 ne pouvait pas être présenté à l'équilibre, que le déséquilibre était d'environ 50 000 € et que « l'hypothèse de suppressions de postes, en sus de la non-reconduction des CDD en cours, ne peut plus être écartée car seule la réduction de la masse salariale peut permettre d'équilibrer le budget 2007 ; sans même envisager de résorber le déficit cumulé de l'association ( les fonds propres sont de 17 687 € au 31 décembre 2006 ) ».
Après ce rapport, ce sont encore des propos de même nature qui ont été tenus lors de ce conseil d'administration, tels qu'ils ressortent du procès-verbal produit aux débats, notamment par le président qui, par exemple, après que le nouveau directeur de l'agence, Monsieur [V] [M], a indiqué que 'cette réorganisation, si elle devait aboutir, reviendrait à ramener l'équipe autour de 13, contre 18 à ce jour », ajoutait « qu'on ne peut plus exclure la suppression de postes de travail. Il faut donc envisager le départ d'au moins deux personnes, en sus des CDD, peut-être en licenciant, en recherchant toutes solutions, sans néanmoins mettre plus en difficulté l'agence d'urbanisme. Il indique que s'il fallait arriver à une telle extrémité, il s'engagerait personnellement à rechercher des possibilités de reclassement ».
La solution aux difficultés rencontrées par l'agence était donc présentée comme la réduction de la masse salariale et donc la suppression d'emplois.
L'examen des chiffres réels du bilan au 31 décembre 2007, et non plus seulement du bilan prévisionnel, fait apparaître que : la prévision d'un total des produits d'exploitation était de 1 086 532, et a été en réalité de 1 229 899 ; la prévision d'un total des charges d'exploitation était de 1 135 483, et a été en réalité de 1 015 427, de sorte que la prévision d'un résultat d'exploitation déficitaire de 48 951 a été en réalité un résultat d'exploitation positif de 214 472, soit un résultat net comptable de 213 048.
Le passage d'un résultat déficitaire à un résultat positif serait susceptible d'être interprété comme la justesse et l'efficacité de la solution consistant à réduire la masse salariale et donc à envisager la suppression d'emplois.
Or, il ressort des bilans comptables qu'en réalité la masse salariale a été quasiment identique en 2007 à ce qu'elle était en 2006.
En effet, le total des salaires et traitements au 31/12/2006 était de 558 056 et au 31/12/2007 de 556 391 ; le total des charges sociales a été respectivement de 238 005 et 221 358.
Par conséquent, il convient de constater que la réalité des difficultés économiques invoquées n'est pas établie, et en tout état de cause que ce n'est pas la suppression de l'emploi de Madame [O] [G] qui est susceptible d'être interprétée comme ayant concouru au redressement économique de l'agence.
C'est d'ailleurs ce qui ressort du rapport présenté lors de l'assemblée générale de l'AUAP le 4 janvier 2008 ( rapport n° 1 : approbation du bilan et du compte de résultats 2007) dans lequel on peut lire (page 8) : « le bilan et le compte de résultats ont été dressés par [J] [T], expert-comptable. Le résultat 2007 est nettement positif, en excédant de 213 048 €. Il résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs : des produits accrus, des dépenses maîtrisées, et des « effets d'aubaine » améliorant encore le résultat », sans aucune allusion, ou références, à la suppression de deux emplois.
Sur l'obligation de reclassement :
Aux termes de l'article L. 1233-4 (ancien L. 321-1) du code du travail, « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.»
La recherche d'un reclassement doit être sérieuse, loyale, effective dès que le licenciement du salarié est envisagé et porter sur toutes les sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail permettent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cependant, en dépit de l'obligation légale qui pèse sur l'employeur de mettre en oeuvre tous les efforts utiles pour éviter le licenciement, et en dépit de l'engagement du président de l'Agence qui indiquait lors de la réunion du conseil d'administration du 8 mars 2007 que s'il fallait arriver à une telle extrémité, telle que la suppression d'emplois « il s'engagerait personnellement à rechercher des possibilités de reclassement », il convient de constater que l'AUAP ne produit aucun élément de nature à démontrer que tout a été mis en oeuvre pour éviter le licenciement.
Ainsi, le procès-verbal de la réunion de la délégation du personnel du 23 mars 2007 ne contient aucune mention relative aux recherches de reclassement, ou seulement aux tentatives de recherche de reclassement, des salariés dont le licenciement était envisagé, seule une information et une consultation a eu lieu sur les propositions d'adhésion à la convention de reclassement personnalisé, ce qui n'est pas de nature à satisfaire à l'obligation de recherche d'un reclassement qui pèse sur l'employeur.
L'AUAP conteste faire partie d'un groupe et prétend avoir satisfait à son obligation de reclassement, au-delà de ses obligations légales, en recherchant un reclassement auprès d'organismes ou d'associations indépendantes.
L'AUAP justifie de ce que par courriers du 4 avril 2007 elle a sollicité d'une part la Chambre de Commerce et d'Industrie de BAYONNE Pays-Basque et d'autre part l'Agence d'Urbanisme TOULOUSE Aire Urbaine et l'Agence d'Urbanisme de BORDEAUX Métropole ( par lettre recommandée avec accusé de réception à ces 2 Agences) en vue de la recherche d'une possibilité de reclassement pour les deux salariés dont il était envisagé la suppression des emplois, dont Madame [O] [G].
Il convient de souligner que chacun de ces courriers se termine par la formule suivante : « je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si des possibilités de reclassement sont possibles au sein de votre association, et ce à court ou moyens terme ».
Il ne s'agissait donc pas seulement de s'adresser à des entités indépendantes afin de savoir si elles étaient en mesure d'offrir un emploi aux salariés dont le licenciement était envisagé. En interrogeant les destinataires de ces courriers sur les « possibilités de reclassement » le président de l'agence supposait que la permutation du personnel était possible entre ces agences.
Mais, en tout état de cause, une telle démarche n'est pas de nature à pouvoir être considérée comme une tentative de recherche de reclassement dans la mesure où celle-ci, ayant pour objectif d'éviter de licenciement, doit être effectuée avant l'engagement de la procédure de licenciement.
Or, en l'espèce, la procédure de licenciement a été engagée le 24 mars 2007 par la convocation de Madame [O] [G] à l'entretien préalable, alors que ces courriers ont été expédiés le 4 avril 2007, soit concomitamment avec la tenue de l'entretien préalable du 5 avril.
Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté de Madame [O] [G] au moment de son licenciement (08 ans), de son âge (49 ans), du montant de son salaire mensuel (3 914 €), et de ce qu'elle ne justifie de recherche active d'emploi jusqu'au mois de mars 2009, il convient de fixer à la somme de 45 000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la question de l'ordre des licenciements dans la mesure où l'indemnité allouée au titre du non-respect de l'ordre des licenciements n'est pas cumulable avec l'indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'AUAP sera également condamnée à rembourser aux organismes concernés (POLE-EMPLOI) les indemnités de chômage versées à Madame [O] [G], du jour de son licenciement, au jour de la présente décision, dans la limite de 03 mois, application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ( ancien122-14-4).
Concernant la demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct :
Madame [O] [G] ne produit pas d'élément de nature à démontrer la réalité d'un préjudice distinct de celui causé par le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse et réparé par l'octroi de dommages-intérêts, de sorte qu'elle sera déboutée de cette demande à ce titre.
Concernant les congés payés :
Le 24 avril 2007 l'employeur a établi une note de service, adressée à l'ensemble du personnel, produite aux débats par Madame [O] [G] indiquant que des erreurs avaient été commises dans les décomptes des congés acquis et des congés pris figurant sur les fiches de salaire, et que, afin de corriger ces erreurs, il avait été demandé que soit recalculé l'ensemble des droits acquis pour chaque salarié depuis son entrée dans l'entreprise, ainsi que l'ensemble des jours posés (à partir des fiches de congés, disponibles et consultables pour toute vérification).
À cette note de service était jointe la liste de l'ensemble des salariés faisant état, pour chacun : du total des congés acquis depuis l'entrée dans l'entreprise ; du total des jours pris ; des jours pris au cours du mois écoulé (avril 2007) ; du reliquat au 1er mai 2007 ; et des acquis depuis le 1er juin 2006.
La situation de Madame [O] [G] apparaît dans cette liste de la manière suivante :
- acquis du 28 juin 1999 au 31 mai 2006 : 173 jours
- pris du 28 juin 1999 au 30 mars 2007 : 190,5 jours
- mois écoulé : 0,5 jour (mercredi 4 avril après-midi)
- reliquat au 1er mai 2007 : - 18 jours
- droits acquis du 1er juin 2006 au 1er mai 2007 : 23 jours.
Le total des jours de congés acquis est donc de 196 du 28 juin 1999 au 1er mai 2007, soit 198,5 au 1er juin 2007 (196 + 2,5 pour le mois de mai 2007 = 198,5) arrondis à 199.
Le total des jours pris est de 191 (190,5 + 0,5).
Total des jours dus : 08 jours (199-191).
Le bulletin de salaire du mois de juin 2007 fait apparaître le paiement d'une indemnité de congés payés de 08 jours, pour un total de 1 491,05 €, soldant ainsi les congés payés de Madame [O] [G] qui, par conséquent, sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les articles 696 et 700 du Code de Procédure Civile :
L'AUAP, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens et à payer à Madame [O] [G] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
REÇOIT l'appel principal formé le 08 octobre 2009 par Madame [O] [G] à l'encontre du jugement rendu le 04 septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE (section encadrement), notifié le 16 septembre 2009,
CONFIRME ledit jugement en ce qu'il a débouté Madame [O] [G] de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,
INFIRME les autres dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT le licenciement de Madame [O] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l'ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ADOUR-PYRÉNÉES (AUAP) à payer à Madame [O] [G] :
- 45 000 € (quarante-cinq mille euros ) le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE l'ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ADOUR-PYRÉNÉES (AUAP) à rembourser aux organismes concernés (POLE-EMPLOI) les indemnités de chômage versées à Mme [O] [G], du jour de son licenciement, au jour de la présente décision, dans la limite de 03 mois, application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ( ancien122-14-4),
CONDAMNE l'ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ADOUR-PYRÉNÉES (AUAP) à payer à Mme [O] [G] la somme de 1500 € (mille cinq cents euros), en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'ASSOCIATION AGENCE D'URBANISME ADOUR-PYRÉNÉES (AUAP) aux entiers dépens, de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE,LE PRÉSIDENT,