NR/NG
Numéro 1262/11
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 10/03/2011
Dossier : 09/03277
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
SOCIETE NCLS
C/
[Z] [S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 MARS 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Janvier 2011, devant :
Monsieur PUJO-SAUSSET, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame PAGE, Conseiller
assistés de Mademoiselle DEBON, faisant fonction de Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SOCIETE NCLS
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante, assistée de Maître RODOLPHE, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
Mademoiselle [Z] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/006641 du 27/11/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
représentée par la SCP CAZES THIERRY, avocats au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 08 SEPTEMBRE 2009
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
Madame [Z] [S] a été engagée par Monsieur [B] par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2005 en qualité de responsable magasin.
Son contrat a été transféré de droit à la SARL NCLS à compter du 1er novembre 2006.
Après convocation à l'entretien préalable, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire en date du 25 juillet 2007, la SARL NCLS a notifié à Madame [Z] [S] son licenciement pour faute grave par lettre recommandée en date du 27 août 2007.
Contestant son licenciement, Madame [Z] [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE le 26 mai 2008.
Par jugement en date du 8 septembre 2009, le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE :
- a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- a condamné la SARL NCLS à payer à Madame [Z] [S] les sommes suivantes :
- 437,58 € au titre de rappel de salaire conventionnel sur qualification,
- 1 181,60 € au titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 4 800,00 € au titre de l'indemnité de préavis,
- 43,76 € au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaire conventionnel sur qualification,
- 118,16 € au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 478,65 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
- 9'500,00 € au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- a condamné la SARL NCLS à remettre à Madame [Z] [S] un bulletin de salaire portant mention des rappels de salaire, indemnité de congés payés et préavis, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés, le tout sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard à compter d'un mois suivant la notification de la décision, le bureau de jugement se réservant le droit de liquider l'astreinte,
- a débouté Madame [Z] [S] du surplus de ses demandes,
- a dit que la moyenne des trois derniers mois est égale à 1 600 €,
- a condamné la SARL NCLS aux dépens ainsi qu'aux frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la décision.
La SARL NCLS a interjeté appel par lettre recommandée en date du 16 septembre 2009 du jugement qui lui a été notifié le 11 septembre 2009.
La SARL NCLS demande à la Cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE le 8 septembre 2009,
- constater que Madame [Z] [S] a commis une faute grave justifiant le licenciement,
- dire que le licenciement mis en oeuvre pour faute grave est justifié,
- débouter Madame [Z] [S] de l'ensemble de ses demandes.
Subsidiairement,
- user de son pouvoir de requalification,
- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- donner acte à la SARL NCLS de ce qu'elle offre de verser à Madame [Z] [S] les sommes suivantes :
- rappel de salaire sur la mise à pied : 1 145,61 € bruts,
- congés payés en incidence : 114,56 €
- indemnité de préavis : 3 102,76 €
- congés payés en incidence : 310,27 €
- indemnité de licenciement : 671,57 €
En tout état de cause,
- condamner Madame [Z] [S] à payer à la SARL NCLS 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [Z] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, la SARL NCLS soutient que les griefs détaillés dans la lettre de licenciement précis, datés, imputables à la seule salariée sont les suivants :
- l'incident du 25 juillet 2007,
- les plaintes de ses collègues et le harcèlement sur Mademoiselle [C],
- le non-respect des procédures,
- le mauvais accueil de la clientèle et les retentissements dans le voisinage.
Si la Cour devait requalifier le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la SARL NCLS offre de régler la somme de 1 145,101 € bruts outre les congés payés à titre de rappel de salaire sur la mise à pied, une indemnité de préavis de deux mois ainsi qu'une indemnité de licenciement.
Elle sera cependant déboutée de sa demande de rappel de salaire et de congés payés en résultant dans la mesure où ces demandes ne sont pas conformes à la convention collective nationale à laquelle l'employeur est assujetti.
Madame [Z] [S] demande à la Cour de :
- déclarer la SARL NCLS, si ce n'est irrecevable, en tout cas non fondée en son appel,
- rejeter l'ensemble des demandes de la SARL NCLS,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de BAYONNE du 8 septembre 2009,
Y ajoutant,
- assortir l'ensemble des indemnités allouées à Madame [Z] [S] par le jugement du 8 septembre 2009 des intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2009 (date de notification du jugement),
- condamner la SARL NCLS au paiement à Madame [Z] [S] d'une indemnité de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi que sa condamnation aux nouveaux dépens d'appel.
Dans des conclusions écrites, reprises oralement, Madame [Z] [S] conteste le licenciement qui lui a été notifié dans la mesure où les motifs ne sont pas suffisamment clairs et précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux et bien sûr fautifs.
En l'espèce aucun fait précis n'est dénoncé, l'absence de datation des faits reprochés emporte de facto l'acquisition de la prescription mais de plus elle conteste tout manquement à ses obligations professionnelles.
Elle produit de plus un ensemble d'attestations établissant un dévouement professionnel et un dynamisme qui a toujours satisfait la clientèle.
Enfin le refus de la salariée de recevoir en mains propres la convocation à l'entretien préalable et la notification d'une mise à pied ne saurait constituer un grief à l'appui d'une lettre de licenciement.
Il en est de même de l'altercation alléguée avec l'épouse de l'employeur au motif de refus de respecter les consignes de l'employeur alors que cette dernière n'a pas la qualité d'employeur.
Enfin, relevant de la catégorie A1 elle devait percevoir une rémunération mensuelle minimale conventionnelle de 1 600 €.
SUR QUOI :
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement pour faute grave, en date du 27 août 2007, qui fixe les limites du litige est libellée ainsi que suit :
«....... le 25 juillet 2007, vous avez eu une altercation avec Mme [A] [B]. Ce jour-là, vous avez refusé de respecter les consignes de votre employeur, provoquant un incident dans la boutique même et dans son environnement commercial immédiat.
Ce comportement n'est pas isolé. En effet, vos deux collègues se plaignent de votre comportement à leur égard.
L'une d'elles témoigne qu'elle faisait en sorte de ne jamais vous contrarier car sinon vous vous en preniez à elle verbalement en critiquant tous ses faits et gestes. Elle indique également n'être tranquille que lorsque vous vous en prenez à votre autre collègue de travail. [R] de cette situation, votre collègue nous a demandé de l'affecter à une autre boutique, sinon elle aurait démissionné.
Votre autre collègue indique que vous aviez à son égard un comportement méprisant, son quotidien depuis de nombreuses semaines se passant en critiques systématiques et « histoires montées » à son détriment.
Les deux relatent également un non-respect de procédure à l'égard d'au moins une de nos clientes. Vous avez conservé par devers vous des marchandises du stock, faisant rater au moins une vente à votre collègue, alors que vous savez parfaitement que si vous souhaitiez acquérir une pièce de la collection, il vous suffisait de la recommander chez le fournisseur sans dépareiller le stock en boutique.
Nous déplorons ces écarts de comportement qui nuisent à la boutique de [Localité 3] tant en interne qu'en externe, puisque votre comportement a transpiré auprès des boutiques avoisinantes.
Vous n'acceptez pas les mises en garde de votre employeur, refusant de revoir votre comportement.
De plus, le 25 juillet, vous avez refusé de recevoir en mains propres la convocation à l'entretien préalable et la notification de la mise à pied. Vous avez en outre refusé de quitter les locaux de l'entreprise malgré les injonctions de votre employeur. Votre attitude nous a contraint à avoir recours à un huissier de justice pour vous remettre la convocation à entretien préalable et vous sommer de quitter les lieux.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise...... »
La faute grave dont la preuve appartient à l'employeur se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Le licenciement, conformément à la lettre de licenciement s'articule en conséquence sur les griefs suivants :
- l'insubordination par le refus des consignes de l'employeur, le refus de recevoir la convocation à l'entretien préalable et d'exécuter la mise à pied conservatoire,
- des attitudes méprisantes et harcelantes à l'encontre de ses subordonnées,
- le non respect des procédures en conservant par devers elle des marchandises du stock au lieu de les recommander, faisant rater au moins une vente à sa collègue.
Madame [Z] [S] produit de nombreuses attestations de clientes attestant de son professionnalisme et de la qualité de son accueil ; cependant si la SARL NCLS produit effectivement des attestations de clientes insatisfaites ce grief qui ne figure pas dans la lettre de licenciement ne sera pas examiné.
- Sur l'insubordination par le refus des consignes de l'employeur, le refus de recevoir la convocation à l'entretien préalable et d'exécuter la mise à pied conservatoire :
Le refus par la salariée de recevoir en mains propres la convocation à l'entretien préalable ne saurait caractériser une insubordination mais de plus l'employeur n'établit pas le refus de la salariée d'exécuter la mise à pied à titre conservatoire qui lui a été signifiée le 26 juillet 2007.
Enfin la SARL NCLS ne produit aucune autre pièce à l'appui de ce grief étant précisé que Madame [F] n'avait pas la qualité d'employeur.
- sur le non respect des procédures en conservant par devers elle une marchandise du stock au lieu de la recommander, faisant rater au moins une vente à sa collègue :
Ce grief résulte des attestations des deux employées de la boutique.
Il s'agit cependant d'un fait isolé, non daté et qui en tout état de cause ne saurait justifier la procédure de licenciement.
- sur les attitudes méprisantes et harcelantes à l'encontre de ses subordonnées :
Madame [E], salariée de la boutique, expose que Madame [Z] [S] s'en prenait à elle de manière verbale en critiquant ses faits et gestes ; elle atteste d'une ambiance mauvaise et malsaine imputable à sa supérieure.
Madame [H] atteste de son comportement lunatique.
Madame [D] atteste avoir subi le caractère exécrable de Madame [Z] [S], lors de périodes de travail dans la boutique de [Localité 3] et avoir été témoin de son manque de respect, humiliation et autoritarisme à l'égard des salariées dont Mademoiselle [E].
Madame [W], amenée à effectuer des remplacements dans le magasin atteste du caractère tyrannique de Mademoiselle [S] de son autoritarisme humiliant envers [J] [C].
Madame [X] atteste avoir reçu, en décembre 2006, un appel de Mademoiselle [C], en pleurs, lui confiant être harcelée par Madame [S] qui la rabaissait constamment.
Madame [X] précise qu'à la demande de Mademoiselle [C], elle n'a pas révélé ces faits à leur employeur.
Madame [C] atteste enfin avoir subi durant deux ans un harcèlement quotidien de la part de Madame [S] ( réflexions sur son apparence etc..) sans oser en parler à son employeur compte tenu de son statut de salariée.
Madame [M] et Monsieur et Madame [C] témoignent de la souffrance de leurs filles respectives face à cette attitude de leur supérieure.
Les nombreux témoignages produits émanant de salariées ou anciennes salariées de l'entreprise ainsi que les attestations de proches de [J] [C] sur son état psychologique suffisent à caractériser le comportement fautif de Madame [Z] [S] à l'égard de ses subordonnées, lequel constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il y a lieu de réformer le jugement sur ce chef de demande.
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification :
Madame [S] sollicite un rappel de salaire en fondant sa demande sur la rémunération mensuelle minimale conventionnelle de la classification A1(avenant n° 15).
L'employeur conteste la demande au motif qu'en sa qualité de responsable de boutique elle exerçait les fonctions d'agent de maîtrise rémunérée aux termes de l'avenant n° 14, 1 431 € puis aux termes de l'avenant n° 15, 1 520 € brut.
Madame [Z] [S] a été engagée en qualité de responsable magasin sans précision de qualification ou coefficient.
Ce n'est qu'à compter de mai 2007 que les bulletins de salaire mentionneront au titre de la qualification ' catégorie 5 ", étant précisé que le taux horaire ne sera pas modifié.
L'employeur cependant fonde son argumentation sur la convention collective des commerces de détail non alimentaires alors que la convention collective applicable, visée dans la promesse d'embauche est la convention collective de détail confection.
Aux termes de la convention collective applicable, la classification de base de l'agent de maîtrise, qualification admise par l'employeur dans ses écritures, est la catégorie A1.
La rémunération pour la catégorie A1 a été fixée à 1 600 € par l'avenant n° 15 étendu par arrêté du 13 juillet 2006, publié au journal officiel le 28 juillet 2006 et en conséquence applicable à compter du 1er août 2006.
Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce chef de demande.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Reçoit l'appel formé par la SARL NCLS le 16 septembre 2009,
Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de BAYONNE en date du
8 septembre 2009 en ce qu'il a condamné la SARL NCLS à payer à Madame [Z] [S] la somme de 437,58 € au titre de rappel de salaire conventionnel sur qualification outre 43,76 € au titre de l'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit le licenciement fondé sur une faute grave,
Déboute Madame [Z] [S] de ses demandes au titre du licenciement,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [Z] [S] aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur PUJO-SAUSSET, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,