La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2011 | FRANCE | N°10/00734

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 28 février 2011, 10/00734


AB/NL



Numéro 11/1005





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 28/02/11







Dossier : 10/00734





Nature affaire :



Demande relative à un droit de passage







Affaire :



[H] [R], [P] [R]



C/



[U] [I] [Y]































Grosse délivrée le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.







* * * * *





AP...

AB/NL

Numéro 11/1005

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 28/02/11

Dossier : 10/00734

Nature affaire :

Demande relative à un droit de passage

Affaire :

[H] [R], [P] [R]

C/

[U] [I] [Y]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Décembre 2010, devant :

Monsieur BILLAUD, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame PEYRON, greffier présent à l'appel des causes,

Monsieur BILLAUD, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur BILLAUD, Conseiller

Monsieur DEFIX, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [H] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [P] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentés par la SCP MARBOT / CREPIN, avoués à la Cour

assistés de Me ROUVIERE, avocat au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur [U] [I] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assisté de Me DISSEZ, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 29 DECEMBRE 2009

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

FAITS ET PROCÉDURE :

M. et Mme [R] ont acquis de M. et Mme [S] une partie de l'ancienne propriété de M. [I] [Y], en l'espèce une maison d'habitation dite « [Adresse 4] » de [Localité 3] (64).

Pour en permettre l'accès, M. [I] [Y] avait consenti à M. et Mme [S] qui l'ont transmise à M. et Mme [R] une servitude de passage inscrite dans les actes de vente successifs du [Adresse 4] de [Localité 3].

M. [I] [Y] a décidé de mettre en place un portail au niveau de l'entrée de la servitude de passage et ce, à frais commun.

Ce projet s'est concrétisé sans l'accord de M. et Mme [R] qui considèrent que le portail mis en place porte atteinte à leur droit de passage et en rend l'exercice plus incommode.

Par acte d'huissier en date du 12 février 2009, M. et Mme [R] ont fait assigner M. [U] [I] [Y] devant le tribunal de grande instance de Pau afin d'ordonner la remise en état de la servitude sous astreinte, subsidiairement de voir condamner M. [I] [Y] à prendre à sa charge les frais relatifs à la mise en place du portail électrique ; ils réclament par ailleurs 5.000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Par jugement en date du 29 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Pau :

- a débouté M. et Mme [R] de leur demande de remise en état de la servitude,

- a autorisé M. [Y] à implanter à ses frais un portail équipé d'un système de fermeture électrique avec parlophone,

- a débouté M. [Y] de sa demande relative au partage des frais d'installation du système de fermeture électrique du portail,

- a débouté M. et Mme [R] de leur demande d'installation d'un visiophone,

- les a déboutés de leurs demandes d'autorisation de passage avec leur véhicule dans la cour propriété de M. [Y],

- a débouté M. [Y] de sa demande de condamnation de la porte de la grange propriété de M. et Mme [R],

- a débouté les deux parties de leurs demandes dommages-intérêts,

- a condamné M. et Mme [R] à payer à M. [Y] la somme de 2.000 € pour ses frais irrépétibles et les a condamnés aux dépens.

Suivant déclaration enregistrée au greffe de la cour le 18 février 2010, M. et Mme [R] ont relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans leurs dernières conclusions du 27 octobre 2010, M. et Mme [R] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire que l'installation du portail par M. [Y] est impossible, cette installation de portail diminuant l'usage de la servitude et la rendant plus incommode, d'ordonner la remise en état de ladite servitude sous astreinte de 250 € par jour de retard, de débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes concernant l'utilisation de la cour et la fermeture du garage, le condamner à leur payer 2.000 € en réparation de leur préjudice pour atteinte à leur droit de propriété, 5.000 € de dommages intérêts pour faute et 3.500 € pour leurs frais irrépétibles ; à titre subsidiaire, ils demandent que M. [Y] soit condamné à la prise en charge exclusive des frais liés à la mise en place du portail.

Dans ses dernières conclusions du 29 novembre 2010, M. [I] [Y] demande à la cour de débouter M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a autorisé à implanter, à ses frais, un portail équipé d'un système de fermeture électrique, et en ce qu'il a débouté M. et Mme [R] de leurs demandes tendant à voir autorisé le passage de leur véhicule dans la cour dont il est propriétaire.

Il demande en outre d'infirmer la décision en ce qu'elle a laissé à sa seule charge les frais d'installation du système de fermeture et d'électrification du portail qui doivent être supportés par moitié par les parties ainsi que les frais futurs d'entretien.

SUR QUOI :

Attendu que le litige qui oppose les parties porte sur la mise en place d'un portail par M. [I] [Y] sur l'assiette de la servitude de passage menant au domicile des époux [R] d'une part et sur l'utilisation par ces derniers d'une cour propriété de M. [I] [Y] ;

Sur le portail :

Attendu qu'il est constant au terme des actes authentiques de vente en date du 9 mai 1985 et 12 juillet 2002, entre M. [I] [Y] et M. et Mme [S], puis entre ces derniers et M. et Mme [R], que la propriété de la maison d'habitation dite « [Adresse 4] » bénéficie d'une servitude de passage sur  la parcelle de terre en nature de chemin, cadastrée numéro 2 B section [Cadastre 1] pour une « contenance de 8 a 78 ca qui la sépare de la voie publique » et que « le vendeur a concédé à l'acquéreur qui accepte, à titre de servitude réelle et perpétuelle, le droit de passer sur son fonds afin de pouvoir rejoindre la seule voie publique existant à proximité ; que ce droit de passage ainsi concédé pourra être exercé en tout temps et à toute heure par les acquéreurs, les membres de leur famille, leurs domestiques et employés, puis ultérieurement dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs du fonds enclavé pour se rendre à celui-ci et en revenir avec tous les véhicules habituellement utilisés à usage privé » ;

Attendu que nul ne conteste le droit de M. [I] [Y], comme tout propriétaire, de clore son héritage, ce droit lui étant reconnu par les dispositions de l'article 647 du code civil ;

Attendu de même que nul ne saurait contester qu'au terme des dispositions de l'article 701 du même code, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude, en l'espèce, M. [I] [Y], ne peut rien faire qui tendent en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode ;

Attendu qu'il est constant en droit que dans l'hypothèse d'un conflit entre droit de se clore et servitude de passage, il y a lieu d'apprécier les circonstances modificatives de l'usage de ladite servitude, et cela, en se référant au projet de M. [I] [Y], débiteur de ladite servitude, tenu au respect des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 701 du code civil mais également au respect de la servitude telle qu'elle a été consentie ;

Attendu que la première remarque qui s'impose sur la nature de la servitude consentie est qu'il s'agit du seul moyen d'accès à la voie publique de la maison d'habitation des époux [R] et de leur famille ; qu'ainsi et pour remplir cette fonction d'accès unique à la maison depuis la voie publique, cette servitude a été rédigée en termes généraux ;

Qu'il s'agit donc de laisser libre accès au [Adresse 4] propriété des époux [R] ;

Attendu que dans le cadre de l'usage effectif du droit de clore sa propriété, M. [I] [Y] qui a commencé des travaux de clôture en faisant établir deux piliers et un portail destiné à fermer la servitude de passage, a fait savoir à M. et Mme [R] dans une lettre du 21 décembre 2007 qu'il ferait placer ce portail fermant la servitude de passage à ses frais et qu'il leur fournirait une clé pour l'ouvrir et le fermer ;

Attendu que la cour peut constater que l'implantation du portail litigieux aurait pour conséquence de reporter à environ 200 m de distance le lieu de dépôt et de ramassage des ordures ménagères ainsi que celui du courrier, comme le confirme d'ailleurs les termes de la lettre de M. [Y] aux époux [R] le 17 janvier 2007 ;

Attendu que la cour peut également constater que le système de portail envisagé et ayant connu un commencement de mise en place par M. [Y], constituerait également une modification très importante de l'usage et de la commodité de la servitude de passage consentie à M. et Mme [R], ces derniers exerçant tous deux la profession de médecin, ayant trois enfants à charge, amenés à effectuer de fréquents déplacements, parfois dans l'urgence ;

Que par ailleurs la distribution de clés, autres systèmes d'ouverture du portail, voire télécommandes et mise en place d'un parlophone, destinés à l'ensemble des membres de la famille, des domestiques et employés constituerait en soi une modification de la commodité de la servitude ;

Attendu qu'il est constant en droit, pour l'application des dispositions des articles 647 et 701 du code civil que si le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage conserve le droit de faire tous travaux et notamment celui de se clore, il ne doit cependant rien entreprendre qui puisse diminuer l'usage de la servitude ou la rendre moins commode ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce du projet de M. [I] [Y] et du portail qu'il a mis en place ;

Attendu par conséquent il y a lieu d'infirmer sur ce point le jugement déféré et de faire droit aux demandes de M. et Mme [R] à cet égard ;

Attendu en effet qu'il est constant en droit que l'obligation imposée aux propriétaires d'un bien grevé d'une servitude est une charge réelle pesant sur le fonds lui-même et que seule la démolition ou l'enlèvement est la sanction d'un droit réel transgressé ;

Attendu qu'il résulte de la simple observation des lieux, grâce aux plans et photographies produits, que seul le portail en lui-même constitue une modification de l'usage et de la commodité de la servitude ; que la démolition des deux piliers situés sur la propriété du seul M. [I] [Y] ne se justifie donc pas ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner l'enlèvement du portail sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;

Sur l'utilisation de la cour privative de M. [I] [Y] :

Attendu que M. et Mme [R] considèrent dans leurs écritures que l'utilisation de la cour située dans la partie privative de la propriété de M. [I] [Y] est le résultat d'un usage admis par ce dernier ;

Attendu qu'il y a lieu de constater premièrement que M. et Mme [R] ne bénéficient d'aucune servitude de passage ou d'accès quelconque sur cette cour propriété exclusive de M. [I] [Y] ;

Attendu que M. et Mme [R] n'ont pas contesté circuler dans cette cour appartenant à M. [I] [Y] pour accéder à une aire de stationnement de leur véhicule située dans leur grange ; que toutefois ils reconnaissent disposer d'un autre accès à ce bâtiment en passant par leur propriété ;

Attendu que la servitude de passage dont se prévalent les époux [R] pour passer par cette cour, man'uvre qui n'est pas nécessitée par un état d'enclave de leur stationnement, est une servitude discontinue, que la possession même immémoriale ne suffit pas à établir une telle servitude conformément aux dispositions de l'article 691 alinéa 2 du code civil ;

Que par ailleurs une simple tolérance du propriétaire ne peut fonder ni possession ni prescription conformément aux dispositions de l'article 2262 du code civil ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer la décision déférée sur ce point et de rejeter les demandes des époux [R] de ce chef ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que les appelants et l'intimé succombent partiellement sur leurs prétentions respectives en cause d'appel ;

Qu'il résulte également de ce qui précède que le contentieux qui s'est élevé entre les parties est le résultat de difficultés de voisinage qui se sont exacerbées ;

Attendu que l'examen des faits et de la procédure ne permet pas de constater que l'une ou l'autre des parties rapporteraient la preuve soit d'un fait fautif soit d'un abus de procédure susceptibles de donner lieu à indemnisation ;

Attendu que les demandes en dommages-intérêts présentées par les parties seront donc rejetées ;

Attendu que la conséquence de ce qui précède est également que les dépens doivent être supportés par moitié par chacune des parties, que par ailleurs il n'y a pas lieu de leur allouer de frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 29 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Pau, sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [R] de leur demande tendant à voir autoriser le passage de leurs véhicules dans la cour propriété de M. [I] [Y] ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs de demande,

Ordonne l'enlèvement par M. [I] [Y] du portail mis en place sur la servitude de passage desservant la maison d'habitation de M. et Mme [R] dite « [Adresse 4] » à [Localité 3] et ce sous astreinte provisoire de 50 € (cinquante euros) par jour de retard, passé le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par moitié par chacune des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application des articles 699 et 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Françoise Pons, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/00734
Date de la décision : 28/02/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/00734 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-28;10.00734 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award