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21/02/2011 | FRANCE | N°10/01230

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 21 février 2011, 10/01230


CB/PP



Numéro 11/942





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 21/02/11







Dossier : 10/01230





Nature affaire :



Revendication d'un

bien immobilier















Affaire :



COMMUNE DE [Localité 17]





C/



[E] [N] [U] [I]































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Grosse délivrée le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



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CB/PP

Numéro 11/942

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 21/02/11

Dossier : 10/01230

Nature affaire :

Revendication d'un

bien immobilier

Affaire :

COMMUNE DE [Localité 17]

C/

[E] [N] [U] [I]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Décembre 2010, devant :

Madame BENEIX, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame PEYRON, Greffier présent à l'appel des causes,

Monsieur [Z], en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BENEIX et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller

Madame BENEIX, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 17] représentée par son Maire en exercice domicilié en cette qualité

Mairie

[Localité 17]

représentée par la SCP PIAULT / LACRAMPE-CARRAZE, avoués à la Cour

assistée de Me CHEVALLIER, avocat au barreau de TARBES

INTIME :

Monsieur [E] [N] [U] [I]

né le [Date naissance 15] 1960 à [Localité 17] (65)

[Adresse 16]

[Localité 17]

représenté par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour

assisté de Me BERRANGER, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 18 FEVRIER 2010

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES

FAITS

Suivant acte en date du 8 janvier 2008, M. [I] a fait assigner la commune de [Localité 17] pour faire reconnaître son droit de propriété exclusif par l'effet de la prescription trentenaire, d'un terrain non cadastré à usage de chemin, situé à l'intérieur de sa propriété composée de nombreuses parcelles et dont le conseil municipal, par délibération du 19 novembre 1945, avait donné l'usage exclusif à son grand-père.

Par jugement en date du 18 février 2010, le tribunal de grande instance de Tarbes a fait droit à cette demande considérant que M. [I] était propriétaire par prescription acquisitive du terrain non cadastré situé sur la commune de [Localité 17] bordé par les parcelles suivantes lui appartenant : Section B [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14]. Le tribunal l'autorisait à procéder à la publication du présent jugement au bureau des hypothèques de Tarbes et condamnait la commune de [Localité 17] à lui verser une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [I] a été débouté de sa demande de dommages-intérêts.

La commune de [Localité 17] a relevé appel suivant déclaration au greffe en date du 26 mars 2010.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La commune de [Localité 17], dans ses dernières écritures en date du 22 septembre 2010 conclut à la réformation du jugement et au débouté des demandes de M. [I] considérant que la voie litigieuse fait partie du domaine public de la commune et qu'elle est donc imprescriptible.

Subsidiairement, les conditions de la prescription acquisitive des articles 2261 et 2272 du code civil ne sont pas réunies.

Elle sollicite en conséquence l'expulsion des lieux, leur restitution libre de toute construction sous astreinte de 150 € par jour de retard dans le mois qui suit l'arrêt à intervenir ainsi que l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1382 du code civil et celle de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le chemin revendiqué appartient au domaine public. Avant l'ordonnance du 7 janvier 1959 il n'existait aucune formalité de classement des voies. Le classement d'une voie publique urbaine peut-être implicite sous deux conditions qui sont réunies en l'espèce : la voie doit être située en agglomération et affectée à la circulation publique ; ici le chemin est situé dans le village, il dessert notamment [Adresse 16] et il était utilisé pour des processions.

Le chemin n'a pas fait l'objet d'un déclassement par décisions du conseil municipal, ce qui explique pourquoi il n'a reçu aucun numéro de parcelle sur le cadastre où pourtant il figure.

S'agissant d'une voie communale elle est imprescriptible.

Subsidiairement, les conditions de l'usucapion ne sont pas réunies, quant à la durée de l'usage, le point de départ étant inconnu, et quant à l'absence de possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

L'acte de donation de la grand-mère de l'intimé du 24 novembre 1983 ne vise pas cette parcelle et en en sollicitant le rachat le 19 décembre 2005, M. [I] reconnaît la nature communale du chemin. Ni la délibération du conseil municipal de 1943 qui accorde la vente sous condition de l'accord des riverains ni celle de 1945 qui accorde l'usage exclusif à « l'ingénieur [I] » ne peuvent constituer le point de départ de l'occupation. M. [I] a fait construire, de façon clandestine car non autorisée, une piscine et une terrasse qui empiètent sur le chemin. Et à défaut de transfert de propriété, M. [I] ne peut justifier d'une occupation non équivoque à titre de propriétaire. Il s'agissait d'un commodat au seul bénéfice du grand père de M. [I]. Il ne peut être affirmé un usage à titre de propriétaire au regard du courrier du 19 décembre 2005 par lequel il sollicite l'achat du terrain.

M. [I] dans ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2010, conclut à la confirmation de la décision attaquée et sollicite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile l'allocation de la somme de 5 000 €.

Il soutient que la voie revendiquée n'est pas une voie du domaine public communal en ce qu'elle constitue un ancien chemin rural sans utilité publique ni entretien depuis 1945. Au contraire dans sa délibération de 1945, la commune a reconnu l'absence d'utilité publique et l'affectation privée. Dès lors ce chemin n'entre pas dans la domanialité publique.

En effet il ne s'agit pas d'une voie urbaine en secteur d'agglomération, ni d'une voie ouverte à la circulation publique locale et encore moins générale. Ce chemin n'a jamais fait l'objet d'un entretien ni d'aménagement spécial. Il n'a jamais fait l'objet de classement. Au contraire la commune a proposé de le vendre par échange immobilier avec soulte suivant courrier du 20 octobre 2005. Le chemin n'est pas affecté aux besoins de la circulation publique depuis 1943 : le passage d'une procession annuelle ne constitue pas une circulation publique générale et continue et ce d'autant qu'elles ont cessé depuis 1950.

Il soutient en conséquence, la prescription acquisitive de ce bien communal du domaine privé. Par délibération en date du 16 novembre 1943, la commune décidait de le vendre à M. [I]. Puis par délibération du 19 novembre 1945 elle lui en confiait l'usage exclusif. Dès lors, le point de départ du délai trentenaire se situe au plus tard au 19 novembre 1945 de sorte que la prescription était acquise le 18 novembre 1975.

Durant cette période la possession de la famille [I] a été continue. Elle est démontrée par des éléments matériels de possession : construction d'une piscine, fermeture par des portails et extensions de la maison sur l'assiette du chemin entre 1968 et 1975.

La possession a toujours été paisible, publique, sans dissimulation des actes matériels de possession allégués, à titre de propriétaire au vu de ces mêmes actes et des attestations produites.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2010.

MOTIVATION

L'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que les biens des personnes publiques (l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements et les établissements publics) qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles.

Dès lors, une voie communale appartenant au domaine public d'une commune, est inaliénable et imprescriptible.

En vertu de l'article L. 141-3 du code de la voirie communale, une voie communale, située en agglomération, appartient au domaine public si elle a été classée comme tel par décision du conseil municipal. A défaut, la domanialité d'une voie communale ressort de son affectation à l'usage public c'est-à-dire à la circulation publique.

En l'espèce le «  chemin du château » en litige n'a pas été classé comme voie communale appartenant au domaine public par décision expresse du conseil municipal, ce que la commune de Montfaucon ne conteste pas.

Mais il n'est pas justifié de son affectation à l'usage public dès lors que, expressément, par délibération du 19 novembre1945, le chemin a été affecté à l'usage exclusif de l'auteur de M. [I] en ces termes :

« Le conseil municipal après en avoir délibéré considérant que ce chemin n'est plus d'aucune utilité publique décide qu'il doit être à l'usage exclusif de M. [I] qui demande toutefois si le cas échéant il faut régulariser cette situation par l'achat dudit chemin à la commune de [Localité 17]. »

En outre, l'usage une fois l'an, pour des processions religieuses, jusqu'en 1960, ne constitue pas l'affectation générale et continue du chemin, à la circulation publique par la commune.

Et ce d'autant que celle-ci ne justifie d'aucun acte répété de surveillance et d'entretien depuis son affectation à l'usage privé de M. [I] en 1945.

Enfin, la situation du chemin dans le bourg de [Localité 17], exclut son affectation à la circulation générale et publique dès lors qu'il constitue une boucle de 150 m sur la route départementale et qu'il traverse les seuls fonds et parcelles appartenant à M. [I] comme il a été relevé dans la délibération du conseil municipal du 19 novembre 1945.

Dans ces conditions l'appartenance du chemin au domaine public de la commune n'est pas démontrée.

L'absence de numérotation au cadastre qui n'est qu'un acte administratif, ainsi que la mention du chemin sur la liste des voies communales établie par l'ingénieur divisionnaire des TPE (DDE) et du maire, n'apparaissent pas de nature à exclure l'appartenance du chemin au domaine privé de la commune. Au surplus dans son courrier du 20 octobre 2005, en proposant à M. [I] un échange immobilier avec soulte, la commune de [Localité 17] a reconnu l'appartenance du chemin à son domaine privé.

Dès lors que ce chemin appartient au domaine privé de la commune, il est aliénable et prescriptible.

En vertu des articles de 2261 et 2272 du code civil, la prescription acquisitive trentenaire exige une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

En l'espèce l'affectation à l'usage exclusif de l'auteur de M. [I] dès la délibération du conseil municipal du 19 novembre 1945, l'édification d'une piscine, l'agrandissement de la maison et la pose de deux portails aux deux extrémités du chemin entre 1968 et 1975, sans aucune contestation de la part de la commune, ni aucune dissimulation de la part de leur auteur, constituent des actes matériels de possession qui révèlent l'intention de M. [I] de se conduire en propriétaire, et remplissent les conditions légales de la prescription acquisitive trentenaire des articles 2261 et 2272 du code civil, dont le point de départ se situe dès les premiers actes matériels de possession en 1968.

Le défaut d'autorisation administrative pour l'édification des constructions à compter de cette date, ne constitue pas la preuve de la clandestinité de la possession, dès lors que les actes matériels de possession accomplis par M. [I] soit les constructions elles-mêmes ainsi que la pose des deux portails aux extrémités du chemin, n'ont pas été dissimulés aux personnes qui avaient intérêt à les connaître c'est-à-dire la commune de [Localité 17].

Enfin, les courriers échangés entre octobre 2005 et avril 2006 ne remettent pas en question la possession à titre de propriétaire. En effet, d'une part, la prescription était déjà acquise dès 1998 ; d'autre part, il ressort de ces courriers que c'est la mairie qui le 20 octobre 2005 a proposé un échange entre le chemin et des parcelles appartenant à M. [I]. Par courrier du 19 décembre 2005 celui-ci n'a fait que répondre à cette proposition de la mairie en proposant un prix. Ces courriers, comme l'a rappelé le premier juge, ne peuvent s'inscrire que dans le cadre de pourparlers destinés à une régularisation amiable permettant à M. [I] d'obtenir un titre de propriété.

Dans ces conditions le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 18 février 2010 sera intégralement confirmé.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de M. [I] la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes en date du 18 février 2010 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la commune de [Localité 17] aux dépens ainsi qu'à payer à M. [I] la somme de deux mille euros (2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la SCP de Ginestet / Dualé / Ligney, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Mme Françoise Pons, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/01230
Date de la décision : 21/02/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°10/01230 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-21;10.01230 ?
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