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21/02/2011 | FRANCE | N°08/03156

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 21 février 2011, 08/03156


FA/NL



Numéro 11/944





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRET DU 21/02/11







Dossier : 08/03156





Nature affaire :



Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité















Affaire :



[F] [U] [W]



C/



SCS CENTRALE D'ESCALA





















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Grosse délivrée le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'articl...

FA/NL

Numéro 11/944

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRET DU 21/02/11

Dossier : 08/03156

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

[F] [U] [W]

C/

SCS CENTRALE D'ESCALA

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 02 Novembre 2010, devant :

Madame PONS, Président

Monsieur AUGEY, Conseiller, Magistrat chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Madame BENEIX, Conseiller

assistés de Madame PEYRON, Greffier, présent à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [F] [U] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me VERGEZ, avoué à la Cour

assisté de Me ARAGNOUET, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SCS CENTRALE D'ESCALA prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour

assistée de Me MONSEGUR, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 07 MAI 2007

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAGNERES DE BIGORRE

Par acte authentique du 31 octobre 2000, M. [W] a acquis de la société ainsi que les biens immobiliers composés de la centrale et des terrains avoisinants, pour un prix de 4.610.000 F.

Il expose que cette centrale avait connu auparavant d'importantes difficultés de fonctionnement qui ont été mises en évidence au mois de mai 2001, lorsque le multiplicateur s'est cassé, ce qui a nécessité une intervention très importante.

Il ajoute que le 1er juin 2002, cette pièce s'est à nouveau brisée, ainsi que l'arbre de turbine et que l'installation n'a pu être remise en route qu'au mois de février 2002, ce qui l'a amené à solliciter la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise judiciaire qui a été confiée à M. [C].

M. [W] a contesté les conclusions de ce rapport d'expertise qui mettait en cause un désalignement entre la turbine et le multiplicateur, et une nouvelle expertise a été ordonnée le 22 juillet 2003, qui conclura à l'impossibilité d'utiliser l'arbre tubulaire ainsi que la tige de commandes.

M. [W] a soutenu qu'aucun de ces deux rapports d'expertise n'évoque l'existence d'un vice caché, et que par la suite il a été amené à installer une turbine neuve, et que c'est lors des opérations de remplacement qu'il va être constaté l'existence d'un jeu anormal du pilier amont permettant le fouettage de l'arbre de turbine.

Il estime donc que cette installation est atteinte d'un vice caché, et, par acte d'huissier du 8 octobre 2005 il a engagé une procédure devant le tribunal de commerce de Bagnères-de-Bigorre pour obtenir l'organisation d'une expertise et la condamnation du vendeur au paiement des sommes correspondant au coût de remplacement de l'arbre de turbine et du multiplicateur, ainsi que des indemnités au titre des pertes d'exploitation.

Par jugement du 7 mai 2007, cette juridiction a prononcé la nullité de l'assignation au motif qu'elle ne précise pas le fondement juridique de la demande.

Par déclaration au greffe du 21 juin 2007, M. [W] a relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt du 16 mars 2009, la cour d'appel de Pau a réformé ce jugement, a déclaré l'assignation valable, jugé que l'action a été engagée à bref délai, et sursis à statuer sur l'ensemble des demandes, en ordonnant une expertise ayant l'objet suivant :

- décrire le multiplicateur, l'arbre à turbine, le bout de l'arbre, ainsi que le diffuseur qui ont fait l'objet du procès-verbal de constat d'huissier du 21 octobre 2005 ;

- dire si ces pièces sont atteintes d'un défaut caché les rendant impropres à l'usage auquel on les destinait ; dans l'affirmative, les décrire et donner tous les éléments techniques permettant d'en apprécier l'incidence sur les pannes ultérieures subies par la centrale ;

- fournir tous éléments techniques permettant de déterminer le montant des travaux de remise en état nécessaires, ainsi que tous éléments permettant d'évaluer l'éventuel préjudice d'exploitation subie par M. [W].

L'expert a déposé son rapport le 28 octobre 2009.

Dans ses dernières écritures du 29 juin 2010, M. [W] a conclu à l'homologation du rapport d'expertise, en soutenant que lors du démontage destructif du distributeur à la fin de l'année 2004, il est apparu que le palier amont fonctionnait anormalement, provoquant un positionnement de l'arbre de transmission induisant des défauts d'alignement qui ont abouti à sa fissuration puis à sa destruction.

Il fait valoir que l'expert a relevé une usure irrégulière des pales, un cintrage de l'arbre expliquant l'usure anormale des bagues et des engrenages ainsi que le jeu du pilier situé en amont, allant de pair avec la constatation d'un phénomène de désagrégation des brides.

Il soutient qu'il s'agit d'un vice caché qui ne pouvait qu'être connu du vendeur professionnel, et qu'il est antérieur au 31 octobre 2000, date de la vente.

Il ajoute que ce défaut ne pouvait pas être détecté sans le démontage de la ligne d'arbre.

Il affirme que le vice caché est constitué par la déformation de l'arbre et les contraintes dynamiques qui en ont résulté à partir de l'année 1994.

Il a conclu à la condamnation de l'intimée au paiement des sommes suivantes :

- 139.489,19 € hors taxes correspondant au montant des réparations ;

- 710.701 € représentant le montant du préjudice d'exploitation subi pour l'année 2001 ;

- 50.000 € à titre de dommages intérêts ;

- une indemnité de 10.000 € hors taxes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures déposées le 11 mai 2010, la SCS Centrale d'Escala a indiqué qu'elle a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 16 mars 2009.

Elle a conclu au débouté de M. [W] de l'ensemble de ses demandes, en s'appuyant sur les rapports d'expertise antérieurs, en soutenant que cette installation n'est atteinte d'aucun vice caché préexistant à la vente.

Elle fait observer que l'expert s'est borné à émettre des hypothèses en ce qui concerne le cintrage de l'arbre de la turbine depuis sa réparation en 1994, et que le « fouettage » de l'arbre allégué par M. [W] n'a pas été mis en évidence par l'expert.

Elle fait valoir qu'à supposer même que le cintrage de l'arbre soit réel, ce défaut aurait été révélé dès l'année 2001 lors du changement des bagues par la société Mecamont.

A titre subsidiaire elle a demandé à la cour d'ordonner une nouvelle expertise au motif qu'il existe des contradictions manifestes entre les conclusions des trois experts intervenus dans ce dossier.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2010.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Il convient en premier lieu de décrire les principaux organes de la centrale hydroélectrique afin de pouvoir déterminer au vu des trois rapports d'expertises qui sont intervenues dans ce litige, si cette centrale est atteinte ou non d'un vice caché antérieur au 31 octobre 2000, date de la vente de cet établissement à M. [W].

Cette description se trouve dans le rapport effectué par M. [D] à la suite d'une ordonnance de référé du 22 juillet 2003.

La centrale électrique comprend une turbine dont la roue entraîne une génératrice électrique dont la vitesse de rotation est très supérieure à celle de la turbine, et il est donc nécessaire d'avoir recours à multiplicateur de vitesse qui est lié à la turbine par un arbre tubulaire, dans lequel coulisse une tige de commandes des pales afin de permettre le réglage de l'incidence des pales de la roue de turbine.

Il est également nécessaire de rappeler la chronologie des dysfonctionnements et des réparations effectuées sur cette installation qui a été évoquée dans les trois rapports d'expertise.

Il a été procédé en 1987 à la révision du multiplicateur, et en 1994, l'arbre creux de la turbine s'est fissuré au niveau de l'accouplement rigide situé à l'entrée du multiplicateur.

La réparation a été faite en soudant des pions et des goussets de renfort.

Le multiplicateur s'est brisé dans le courant de l'année 2001, et des réparations ont été effectuées par la société Mecamont Hydro sur la base d'un devis du 27 juin 2001, et il a été procédé à la remise en route de l'installation au mois de février 2002.

Le 1er juin 2002 le multiplicateur s'est à nouveau brisé, accompagné de la rupture de l'arbre creux de la turbine.

Les travaux de remise en état ont été effectués par l'entreprise Bidart, qui a procédé à la réparation et non au remplacement de l'arbre creux, et M. [W] a lui-même commandé le multiplicateur.

L'installation a été remise en service le 9 avril 2003.

Le 10 juin 2003, une nouvelle rupture s'est produite au niveau de l'arbre de turbine, plus précisément au niveau de la tige de commandes des pales de la turbine.

A la fin de l'année 2004, M. [W] a finalement décidé de procéder au remplacement de la turbine, ce qui a donné lieu au démontage de celle d'origine, et il soutient que c'est seulement à cette occasion qu'ont pu être mis en évidence :

- l'existence d'un jeu anormal du palier amont de la turbine permettant le fouettage de l'arbre de turbine imparfaitement maintenue par le palier, dont les brides de fixation auraient subi un phénomène de désagrégation avec le corps du palier constitué d'un métal différent.

- le cintrage de l'arbre de turbine résultant de la première réparation effectuée en 1994.

Il résulte du rapport d'expertise de M. [E], que du fait du cintrage de l'arbre de turbine, les brides situées à chaque extrémité ne sont pas parallèles, et que ces déformations ont provoqué des efforts importants à chaque point de maintien de l'arbre, c'est-à-dire le palier amont et l'accouplement situé du côté du multiplicateur.

Ces efforts importants sont à l'origine du jeu dans la fixation de ce palier avec sa bride de maintien sur le diffuseur, et permettent d'expliquer la fatigue de l'accouplement côté multiplicateur.

M. [E] estime que « l'usure des bagues du palier amont et d'une pale de la turbine, ainsi que le jeu du palier amont sont significatifs d'un fonctionnement dans ces conditions pendant de très longues périodes ».

Il explique ce phénomène par la vitesse peu importante de la turbine qui justifie que la machine a pu fonctionner dans ces conditions de 1994 à 2001, et qu'à cette vitesse, les effets de ces efforts sur la fatigue de l'accouplement et l'usure des bagues en bronze sont lents et n'ont été perçus que lors de l'incident survenu sur le multiplicateur en 2001.

Il ajoute en s'appuyant sur le premier rapport d'expertise de M. [C] que « la fatigue initiale de cet arbre résulte probablement d'un mauvais calage de son alignement entre la turbine et le multiplicateur, et que chaque rotation s'est faite sous de légères contraintes dynamiques qui ont poursuivi le début de fissuration constaté en 1994 ».

L'expert en déduit que l'arbre de turbine était cintré depuis la réparation effectuée en 1994, et que c'est un défaut qui ne pouvait pas être détecté sans démontage de la ligne d'arbre.

M. [W] soutient que ce vice caché résulte des réparations défectueuses effectuées en 1994, mais il n'en rapporte pas expressément la preuve.

En effet, l'expert n'a pu analyser que les éléments d'équipement de cette centrale, à savoir l'arbre de turbine, le multiplicateur, ainsi que le diffuseur, et non une centrale en état de fonctionnement.

Par ailleurs, il ressort clairement de son analyse qu'il n'a pu qu'émettre des hypothèses sur l'existence d'un vice caché antérieur à la vente, puisqu'il déclare, en s'appuyant sur le rapport de M. [C], que « la fatigue initiale de l'arbre résulte probablement d'un mauvais calage de son alignement entre la turbine et le multiplicateur. »

En outre, il n'est pas contesté que la centrale a fonctionné de 1994 à 2001, et que ce n'est qu'au cours de l'année 2001, c'est-à-dire après la vente, qu'un dysfonctionnement est apparu au niveau du multiplicateur.

En conséquence, M. [W] ne rapporte pas la preuve indiscutable que le vice de l'installation soit antérieur à la vente, et il sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCS Centrale d'Escala les frais irrépétibles qu'elle a dû engager à l'occasion de cette procédure ; M. [W] sera condamné à lui payer une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 16 mars 2009 ;

Déboute M. [W] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne M. [W] à payer à la SCS Centrale d'Escala prise en la personne de son représentant légal, une indemnité de 2.000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] aux dépens, y compris les frais d'expertise, et autorise la SCP Longin - Longin-Dupeyron - Mariol, avoués, à recouvrer directement ceux d'appel, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Françoise Pons, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

Mireille PEYRONFrançoise PONS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08/03156
Date de la décision : 21/02/2011

Références :

Cour d'appel de Pau 01, arrêt n°08/03156 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-21;08.03156 ?
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