CB/PP
Numéro 738/11
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 08/02/11
Dossier : 09/04166
Nature affaire :
Demande relative aux murs,
haies et fossés mitoyens
Affaire :
[L] [T]
épouse [W]
C/
[D] [G],
S.A. MAAF
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 février 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Novembre 2010, devant :
Madame BENEIX, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame PEYRON, greffier, présente à l'appel des causes,
Madame BENEIX, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame PONS, Président
Monsieur AUGEY, Conseiller
Madame BENEIX, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L] [T] épouse [W]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par la SCP DE GINESTET / DUALE / LIGNEY, avoués à la Cour
assistée de Me BORDENAVE, avocat au barreau de PAU
INTIMES :
Monsieur [D] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assisté de Me LIPSOS, avocat au barreau de PAU
S.A. COMPAGNIE D'ASSURANCES MAAF, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par la SCP LONGIN, LONGIN-DUPEYRON, MARIOL, avoués à la Cour
assistée de Me SCHNERB, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 18 NOVEMBRE 2009
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
FAITS ET PROCEDURE
Suivant marché de travaux en date du 19 janvier 2007, Mme [W] a confié à M. [G] l'édification sur trois côtés, d'un mur de clôture de sa propriété située [Adresse 6].
Un voisin, M [M], s'étant plaint d'un empiétement sur sa propriété, une expertise a été confiée au Cabinet [J] suivant ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Pau en date du 2 mai 2007. Cette expertise a été déclarée commune à M. [G] par ordonnance du 12 septembre 2007 qui a également condamné Mme [W] à consigner la somme de 13 491,77 € en compte Carpa, représentant le solde de la facture due à M. [G].
Mme [W] a été condamnée par le juge des référés suivant ordonnance en date du 19 novembre 2008, à démolir le mur qui empiétait sur la propriété voisine et à payer la somme de 1 000 € à M. [M]. Elle a exécuté cette décision.
Par acte en date du 25 juillet 2008 Mme [W] a fait assigner en responsabilité M. [G] devant le tribunal de grande instance de Pau, sur le fondement des articles 1147 et 1792 du code civil pour obtenir la démolition puis la reconstruction du mur sous astreinte. M. [G] a appelé en garantie son assureur la MAAF Assurances par assignation du 26 décembre 2008.
Suivant jugement en date du 18 novembre 2009 le tribunal de grande instance de Pau a débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à M. [G] la facture de travaux de 13 491,77 € qui restait due, avec intérêts au taux légal depuis le 8 mars 2007 ainsi qu'une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [G] a, quant à lui, été condamné à payer à son assureur la MAAF Assurances, une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [W] a interjeté appel suivant déclaration au greffe en date du 26 novembre 2009.
Suivant acte en date du 7 juillet 2010 M. [G] a assigné la MAAF Assurances en garantie des éventuelles condamnations prononcées contre lui.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 21 septembre 2010.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [W] dans ses dernières écritures en date du 16 août 2010 sollicite la réformation de la décision et la condamnation de M. [G] à lui verser les sommes de :
- 12'840,40 € en remboursement du coût de la démolition du mur et des frais réglés à son voisin M. [M] en exécution de la décision du juge des référés,
- 13'491,77 € avec intérêt à compter de la demande, à titre de dommages-intérêts pour la reconstruction du mur,
- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que ses demandes ne sont pas nouvelles au sens des articles 564 et 566 du code de procédure civile, la première s'inscrivant dans le cadre du principe de la réparation intégrale du préjudice et la seconde constituant l'action en responsabilité contre l'artisan en raison de la non-conformité de l'ouvrage aux règles de l'art.
L'artisan est en effet tenu à une obligation de résultat. Il est présumé responsable sans qu'il soit besoin de rapporter la preuve d'une faute, dès lors que l'objectif imparti n'est pas atteint. Ce qui est le cas en l'espèce : M. [G], chargé de l'édification de trois murs de clôture n'a pas respecté les limites de propriété du maître de l'ouvrage : le mur Est a été édifié chez le voisin et les deux autres murs ont été édifiés largement à l'intérieur de la propriété du maître de l'ouvrage ce qui prive Mme [W] d'une partie de son terrain. En outre il ressort du constat d'huissier en date du 5 février 2010 que l'un des trois murs est incliné.
M. [G] ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la faute du maître de l'ouvrage qui ne l'aurait pas renseigné sur les limites de propriété. En effet, il lui appartenait en sa qualité de professionnel, de se renseigner sur l'implantation de l'ouvrage et d'informer et conseiller le maître de l'ouvrage sur les éventuelles difficultés rencontrées. Or, il ne justifie ni de réserve de sa part ni d'instruction de la part du maître de l'ouvrage. La signature du procès-verbal de réception sans réserve est sans intérêt pour la solution du litige dès lors qu'il était impossible à Mme [W] de vérifier l'existence ou non d'un empiètement à ce moment-là.
M. [G] dans ses dernières écritures en date du 11 octobre 2010 soulève l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par Mme [W], conclut à la confirmation du jugement à l'exception de la condamnation à payer à son assureur une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à la condamnation de Mme [W] à lui payer la somme de 13'491,77 € avec intérêt à compter du 15 février 2007, en application du marché. Subsidiairement son assureur la MAAF Assurances doit le garantir. Il sollicite enfin l'allocation de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil.
Il soutient que les demandes concernant les non-conformités aux règles de l'art au vu du procès verbal de constat du 5 février 2010 et la demande de condamnation aux frais de l'instance en référé ayant opposée Mme [W] à son voisin M. [M], sont des demandes nouvelles au sens des articles 563 et 564 du code de procédure civile. Il ne peut être tenu des conséquences d'une décision à laquelle il n'a pas été partie.
Quant au fond, il conteste sa responsabilité : il a agi sur instructions du maître de l'ouvrage quant aux limites de propriété comme en attestent des témoins dont M. [M] lui-même. Mme [W] a accepté l'ouvrage sans réserve le 15 février 2007. Il n'est pas tenu d'une obligation de conseil juridique. La présomption de responsabilité du constructeur ne concerne que la solidité de l'ouvrage. Seul le maître de l'ouvrage doit être tenu pour responsable de l'ignorance des limites de son propre fonds ayant entraîné une implantation de l'édifice sur le terrain d'autrui.
Par ailleurs, il ne peut être tenu de malfaçons au vu de seuls éléments non contradictoires qu'il conteste.
La MAAF Assurances dénie sa garantie au motif qu'il a négligé d'exiger un bornage préalable et également en raison de l'absence de dommages susceptibles de mettre l'ouvrage en péril. Or, d'une part, elle ne produit pas le contrat «'Multi-Pro Responsabilité Civile'», de sorte qu'elle n'est pas en mesure de justifier de la connaissance par l'assuré des clauses d'exclusion de garantie qu'elle oppose. D'autre part, l'attestation d'assurance du 5 décembre 2006 précise que le contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison des dommages corporels et matériels causés aux tiers.
La MAAF Assurances dans ses dernières écritures en date du 2 juillet 2010 conclut à l'irrecevabilité des demandes de son assuré et sa mise hors de cause au regard de la nature du litige ainsi que la condamnation de M. [G] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle reprend les motivations du jugement ayant exclu la responsabilité de M. [G].
Subsidiairement, elle expose que la garantie ne pourrait s'appliquer s'agissant selon l'expert lui-même d'une négligence de l'artisan qui n'a pas exigé un bornage garantissant une bonne implantation.
Elle soutient l'inopposabilité des décisions prises en référé dès lors qu'elle n'a pas été appelée en la cause.
Elle ajoute que le contrat d'assurance responsabilité décennale ne garantit pas le dommage invoqué et le contrat «'Multi-Pro Responsabilité Civile'» n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors qu'il est destiné à garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue vis-à-vis des tiers par l'assuré.
Les dommages matériels garantis s'entendent de toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou substance ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Et l'article 5 du contrat exclut de la garantie les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens fournis ou la reprise des travaux exécutés par l'assuré à l'origine du dommage. Il apparaît donc qu'elle a été abusivement mise en cause.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2010.
En raison du dépôt des conclusions de M. [G] le 11 octobre 2010, veille de la clôture ainsi que de la production d'une pièce complémentaire par Mme [W] le jour même, Me [X] pour la MAAF Assurances a sollicité le report de l'ordonnance de clôture au jour des débats pour lui permettre de procéder lui même à une nouvelle communication de pièces. A défaut d'opposition des parties et en application de l'article 16 du code de procédure civile, il y a lieu de faire droit à cette demande pour permettre un débat complet et ainsi de reporter les effets de l'ordonnance de clôture au jour des débats.
MOTIVATION
En vertu des articles 563 et 564 du code de procédure civile les parties peuvent en appel, invoquer des moyens nouveaux et proposer de nouvelles preuves pour justifier leurs prétentions. En revanche elles ne peuvent soumettre à la cour, de nouvelles prétentions.
En l'espèce, Mme [W] formule les mêmes demandes en paiement que devant le premier juge ; elle propose seulement une nouvelle preuve en produisant le procès verbal de constat d'huissier du 5 février 2010 pour justifier sa demande en démolition du mur.
Les demandes qui ne sont pas nouvelles, sont donc recevables.
M. [G], en sa qualité d'artisan maçon, est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation de résultat quant à la qualité des prestations fournies qui doivent être conformes aux règles de l'art. Il est également tenu d'une obligation d'information et de conseil en relation avec la technicité de sa spécialité.
En vertu du marché en date du 19 janvier 2007, M. [G] a été chargé de l'édification d'un mur de clôture sur trois côtés «'en limites séparatives'». Il résulte de l'expertise de M. [J], géomètre-expert, désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau par ordonnance du 2 mai 2007, que l'un des murs empiète de 6 m2 sur la propriété voisine appartenant à M. [M] et que l'autre mur a été édifié en recul, à une dizaine de mètres à l'intérieur du fonds de Mme [W]. Il s'agit donc d'erreurs d'implantation de l'ouvrage, sans rapport avec les règles de l'art auxquelles est tenu un maçon. Ce dernier qui agit sur instructions du maître de l'ouvrage n'est pas tenu d'une obligation d'information juridique ou de mise en garde sur les limites séparatives du fonds sur lequel il doit édifier un mur de clôture. Il ne peut donc lui être reproché d'avoir agi sans s'assurer d'un bornage préalable, ce qui constitue à l'évidence une obligation du maître de l'ouvrage, propriétaire du fonds.
Le procès verbal de constat établi par huissier le 5 février 2010, non seulement confirme les empiétements déjà constatés par l'expert judiciaire mais encore, ajoute que le «'mur contigu à la propriété [B]'» n'est pas parallèle au sol. L'huissier indique en effet : «'je constate que la ligne formée par le chapeau du mur n'est pas parallèle au sol (...) je constate encore la présence d'un tracé rouge sur les parpaings ; Mme [T] ([W]) me précise que cette ligne a été tracée par l'expert chargé de l'expertise'». Selon l'huissier «'ce phénomène est très visible à proximité de l'angle où le mur descend de façon très visible'». Mme [W] en conclut le manquement aux règles de l'art.
Or, d'une part, un huissier n'est ni expert ni professionnel de la construction et ses constatations ne sont pas corroborées par l'avis d'un homme de l'art. D'autre part, elles n'ont pas été établies au contradictoire de M. [G] qui en conteste la réalité. Enfin ce prétendu défaut qui selon l'huissier est très visible, n'a fait l'objet d'aucune réserve lors de la réception des travaux le 15 février 2007.
Dans ces conditions il apparaît que Mme [W] ne rapporte pas la preuve de manquements de M. [G] à ses obligations professionnelles de sorte que le jugement du tribunal de grande instance de Pau sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer le solde de la facture de M. [G] avec intérêts ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, la mise en cause de l'assureur de M. [G] était nécessaire à la solution du litige pour le cas où sa responsabilité aurait été engagée de sorte que non seulement le jugement sera infirmé de ce chef mais encore la demande, en cause d'appel, de la MAAF Assurances à l'encontre de son assuré sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de M. [G] la totalité des frais exposés pour agir en justice et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare Mme [W] recevable en ses demandes ;
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 18 novembre 2009 en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à la MAAF Assurances la somme de huit cents euros (800 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau de ce chef déboute la MAAF Assurances de sa demande fondée sur ce texte :
Confirme pour le surplus le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [W] à payer à M. [G] la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [W] aux dépens ;
Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Vergez, avoué, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Françoise Pons, Président, et par Mme Mireille Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,
Mireille PEYRONFrançoise PONS